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Je me réveillais avec un énorme mal de crâne. En me frottant la tête, je sentis un liquide poisseux, ainsi qu’une vive douleur. Un gémissement s’échappa de mes lèvres. Je me relevai et m'aperçut que j’avais mal un peu partout. J’avais beau réfléchir, je ne me souvenais pas de ce qu'il m’était arrivé. J’étais dans une forêt, comme en témoignaient les arbres immenses autour de moi. Leurs cimes montaient si haut que je ne pouvais pas les voir. Quant à leurs troncs, ils étaient tellement larges qu’il aurait fallu être plusieurs personnes pour pouvoir en faire le tour. Mais j’étais seule, ici.
Je fis quelques pas pour observer les environs. J’avais atterri dans une sorte de clairière. Atterri, oui. Car l’on pouvait clairement distinguer la trace de ma chute, le long d’une colline. Je ne pourrais jamais la remonter, elle était bien trop pentue. Il fallait que je trouve un autre moyen pour repartir. Pour repartir vers où ? Je n’en savais rien, mais si j’étais tombée je me doutais bien que je venais de la haut, et qu’il fallait que j’y retourne. J’avais beau y réfléchir, mon esprit cotonneux ne me fournissait pas la moindre réponse. C’était à peine si je me souvenais de qui j’étais.
Je décidai d’explorer les environs, à la recherche d’indices pouvant m’indiquer la raison de ma présence ici. Ou à défaut, au moins trouver le moyen de rentrer. Les arbres n’étaient pas les seuls à être magnifiques. Tout le sol recouvert de mousse offrait un tapis très agréable. Je fus prise de l’envie d’ôter mes souliers, alors je le fis. Les laissant là, j’appréciai avec délice la moelleuse verdure sous pieds. L’odeur d’humus qui s’en dégageait à mon passage enivrait mes sens.
Le sourire aux lèvres, j'observais les nombreuses plantes différentes en ce lieu. J’en reconnu certaines, alors que d’autres m’étaient étrangères. Me sentant épiée, je levais soudainement les yeux des plantes, mais ne vit rien. Je reportais alors mon attention sur les fleurs. L’une d’entre elles, une astéracée aux pétales azur, me fascinait tout particulièrement. J’étais certaine de ne jamais l’avoir vue de ma vie, et pourtant je savais qu’elle soignerait ma blessure. Ou peut-être que je l’avais déjà utilisée ? J’en cueilli plusieurs avec précautions, et les déposai sur une pierre assez plate. J’entrepris de les écraser afin qu’elles deviennent une sorte de pâte. Je pris alors une poignée du sol glaiseux, à proximité d’une flaque, et en mélangeait le tout. Avant de l’appliquer à l'arrière de mon crâne. Je ne savais pas comment je m’étais faite cette blessure, mais elle me faisait mal. Me saisissant d’une nouvelle fleur, j’en ramassai plusieurs afin d’en boire directement le suc qui s’en écoulait. Je déposais le reste au sol, en remerciant la flore d’avoir bien voulu me venir en aide.
En repartant, je fus attirée par les pieds au bout de mes jambes. Comme ils me paraissaient étranges ! C’était comme si je les découvrais. J’eus l’impression qu’il devrait y avoir quelque chose dessus, mais à bien y réfléchir, je n’en étais pas sûre. En revanche, l’idée de porter des vêtements me parut saugrenue. Je me déshabillai alors, pour me retrouver entièrement nue dans la forêt sauvage. J’éprouvais un sentiment de bien-être m’envahir. Levant les bras, je m’étirai pour ressentir pleinement toute la puissance de cet endroit mystique épouser mon corps. Au sol, ma mue fut emportée par les êtres de la Forêt. Je leur en fut reconnaissante.
Emplie de bonheur, je songeai à ma présence ici. Je cherchais quelque chose. Oui, c’était cela. J’étais venue ici chercher un être. Cette présence qui me protégeait, et que je ressentais partout autour de moi. Je me concentrais sur cette sensation et remontais le fil. Sautillant parmi les buissons, faisant fi des branches griffant mon corps, je me dirigeai tout droit vers Lui. Je devais absolument le voir. C’était un besoin irrépressible, prenant naissance au creux de mon ventre. Il était mon avenir. Le chemin fut court, et je lui fis bientôt face. Je m’agenouillai devant sa Puissance et baissa la tête en signe de respect.
S’avançant devant moi, il m’observa de ses grands yeux sombres, semblant contenir la Vie même. Son corps minuscule, composé d'innombrables racines enchevêtrées, irradiait pourtant de puissance. Une multitude d’autres êtres semblables à lui formèrent un cercle autour de moi. Ils communiquèrent tous ensemble, et je sentis émaner de leurs bouches des couleurs, des odeurs, des images, sons et bribes de souvenirs. Leurs grandes oreilles veinées captaient les conversations en se teintant de couleur différentes, selon ce qui parvenaient à elles. Chaque rainure ressentait sa propre fréquence. Enfin, lorsqu’ils eurent suffisamment débattu, l’être suprême porta de nouveau son attention sur moi. Je n’avais pas bougé et me tenais toujours accroupie devant lui, fébrile en attendant sa décision. L’idée qu’il puisse me refuser m’était insupportable.
La multitude de racines sur son corps bougea, grouilla. Jusqu’à ce qu’il éjecte de lui-même une petite branche. En la voyant, je sus ce que je devais faire. Je sus également que si je le faisais, je ne pourrais plus repartir en arrière. Je ne me souvenais pas de ce qu’il pouvait y avoir derrière moi, mais le passé me semblait être moins important que l’avenir. Beaucoup moins. C’était comme si j’avais attendu cela toute ma vie. Je savais que je n’avais jamais été aussi heureuse qu’ici. Je pris respectueusement le rameau. Ouvrant la bouche, j’y fis descendre le morceau de Vie qui s’y glissa avec facilité. Il prit place à l’intérieur de moi, et épousa la forme de mes veines. Remerciant chaleureusement les êtres de la forêt, je me couchai en forme foetale au pied d’un arbre. On me recouvrit de mousse, d’herbes, de feuilles, de plantes. De tout ce dont j’avais besoin pour mon cocon.
Bientôt, de la sève coulerait à la place de mon sang. Ma peau deviendrait écorce. Mes cheveux , des branches au feuillage verdoyant. Pour le moment, je devais attendre. Là, confortablement tapie au creux de racines protectrices. Enveloppée par la bienveillance de la flore. Protégée par les êtres de la forêt. Bercée par les murmures de mes frères et sœurs, que j’entendrais bientôt clairement.
Bientôt, je serais une dryade protégeant la Nature bienfaitrice. J’étais une, je n’étais rien. Je devenais tous, devenais tout. Bientôt.
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