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tome 1, Chapitre 9 « Retour aux sources » tome 1, Chapitre 9

Je tremble de la tête au pied. Dans le miroir, je perçois l’inquiétude de mes deux proches et m’en veut de provoquer cette émotion. Néanmoins, je ne parviens pas à me calmer et fini par dire les choses telles qu’elles me viennent :

— C’est un Absorbeur. C’était si intense, je ne peux pas. Je ne dois pas. Qu’est-ce qui m’arrive ? Qu’est-ce que je dois faire ? Comment je peux lutter contre ? Pourquoi y’a fallut qu’il soit un putain d’Absorbeur ? Il ne pouvait pas être un Empathe ? Un Mnémo ? J’en sais rien moi !

Une femme d’un certain âge entre avant de ressortir immédiatement afin de nous laisser seules. Mes amies s’approchent et m’enlacent tendrement.

— Respire, commence ma sœur. Reprends le contrôle. Inspire et expire.

Elle place sa main froide au-dessus de mon coeur et me mime le mouvement à suivre. Instinctivement, je serre mon bracelet et laisse les larmes envahir mes yeux.

— Ça va aller, murmure-t-elle. Pour l’instant, laisse l’apaisement venir en toi.

Je ferme les paupières et me concentre sur sa voix, sur ma respiration que je parviens à calmer.

— Tu es prête à parler ?

— Oui, dis-je en ouvrant les yeux.

— Explique-nous, encourage Roxanne.

— J’étais avec Lyvon… Je me suis laissée dépasser par mes émotions et nous nous sommes embrassés… J’ai compris qu’il était comme moi…

— Pourquoi un tel état ? demande Lyne, l’incompréhension marquant son visage.

— Il est comme moi, il sent les choses, si je laisse la relation s’installer…

— Il va découvrir le reste, termine Roxanne.

Je baisse la tête, un long soupir s’échappe de mes lèvres.

— Je suis tellement désolée, déclare ma sœur en caressant mon dos.

— Personne n’y peut rien, lâché-je, las.

Nous restons plusieurs minutes dans l’étroite pièce sans dire un mot. Mon coeur retrouve un rythme normal, ma peau se teinte de nouveau de sa couleur hâlée alors qu’au fond de moi, c’est un creux sans fond qui se créer.

Nous quittons finalement les toilettes au bout d’une demi-heure et rejoignons la grande salle. Notre oncle a déjà débuter la cérémonie et Roxanne file les rejoindre discrètement. Victor s’approche de nous, dépose un baiser sur ma joue avant de saluer ma sœur.

— Comment te sens-tu ? demandé-je avant qu’il ne le fasse.

— Ça va aller, ma mère va retrouver son kumppa, je sais qu’elle sera heureuse.

— J’en suis certaine, souris-je.

Mon sourire n’est pas entièrement sincère, toutefois, il suffit à rassuré mon ami qui se colle à moi et embrasse le haut de mon crâne. Je relève les yeux pour croiser le regard de Lyvon brillant de colère. Les larmes reviennent se loger dans mes yeux et une pique se plante dans mon coeur. Je décide de l’ignorer et observe la cérémonie. Sans le voir, je sais qu’il se rapproche, comme si nos êtres, nos âmes partageaient le même corps. Il s’installe à mes côtés, mais sans le savoir, se fait moucher par ma sœur qui hausse un sourcil à son encontre.

Lyvon glisse derrière nous et chuchote :

— Je refuse tes adieux. Je n’abandonnerai pas.

Je déglutis et baisse la tête en pinçant les lèvres. Je savais que Lyvon ne se laisserait pas facilement convaincre, pas qu’il était si déterminé cependant.

Le silence s’impose dans la pièce et tous les regards se tournent vers l’entrée. Dans sa longue robe de Pääs aux couleurs grises brodée de dentelle bleue, Varya se tient droite et avance pour se placer aux côtés de Victor à quelques pas de nous, en somme. Chacun marque une pause dans sa conversation pour l’observer et surtout pour manifester son respect d’un signe de tête.

La dernière fois que nous nous sommes réunis pour un Toimisto, c’était pour son fiancé. Un homme élégant, avec un humour sarcastique que peu savaient apprécier. Yahren était une personne haute en couleur. Très différent de Varya.

Sa silhouette longiligne captive tous les regards, ses cheveux roux ondulés dégringolent jusqu’au milieu de son dos, ses yeux verts brillent de mille nuances. Sa peau de porcelaine est dénuée de défaut et jamais en la scrutant, nous pourrions deviner qu’une grande souffrance l’habite. À cet instant, seule sa puissance subsiste.

Pourtant, je sens qu’une colère la hante et, lorsque nos yeux se croisent, un frisson parcourt mon être. Pour la première fois, j’ aperçois les flammes de l’Enfer se refléter à travers un regard.

**

Quinze jours se sont écoulés depuis le Toimisto. Marraskuu commence et j’avoue que de voir en ce début de mois des gelées prédit un talvi froid et certainement neigeux. J’imagine qu’à Arvot, mes parents doivent admirer les premiers flocons pour la plus grande joie de ma mère.

Je dépose ma tête contre la vitre de la baie du salon et laisse un sourire nostalgique s’installer sur mes lèvres avant de boire une gorgée de mon teetä à la cannelle.

Quelques oiseaux viennent picorer les graines que je leur ai semées ce matin, je m’inquiète cependant de ne pas avoir aperçu les Oravia. Je vais devoir sortir les nichoirs plus tôt prévus afin de leur fournir un nid douillet avant que les températures tombent sous le zéro.

Bien entendu talvi reste une saison rapide sur le territoire d’Hyvä comparé à celle de Pesö, mais je tiens tout de même à prendre soin de mes protégés tout comme la forêt le fait avec moi. Je termine ma boisson, dépose la tasse sur la table basse et me dirige vers le cagibi où je stocke certaines affaires. Une fois mes nichoirs dénichés, je mets mon manteau et sors afin de les attacher autour des troncs d’arbres et d’y glisser de la nourriture.

Au bout d’une heure, je suis satisfaite de mes installations et décide de rentrer avant que mes doigts ne finissent par se détacher de mes mains et surtout arrêter de renifler sans arrêt. Je retire ma veste, ferme la porte et sursaute en apercevant une silhouette devant moi :

— Paska ! Taner ! Depuis quand tu es là ?

— Je viens d’arriver… Tu étais sortie ?

— J’ai installé les maisons pour les Oravia et les oiseaux.

— J’ai un courrier important pour toi.

— Tu peux me laisser aller faire pipi avant ? C’est pas que, mais le chaud-froid semble déranger ma vessie.

— Je ne suis pas à deux minutes près, ricana-t-il.

— Sers-toi un teetä, tout est sur la gazinière !

Je lance cette dernière phrase avant de m’enfermer dans les toilettes et de me soulager. Je devrais me souvenir que de boire plus de deux tasses de teetä avant de faire une activité et une très mauvaise idée, cependant, c’est ma boisson préférée, surtout avec une météo pareille et donc il serait dommage que je m’en prive.

— Tu as donc une lettre pour moi ? dis-je en revenant.

— Du Pääs en personne. Cette fois, il attend une réponse.

Il me tend le courrier que j’ouvre avant de lire les lignes manuscrites. Je dois partir dès demain vers Lukita et même si cela ne m’enchante pas, je sais que je dois le faire. J’attrape une feuille et inscris ma réponse avant de la cacheter et de la tendre à Taner.

— Bonne ou mauvaise nouvelle ?

— N’essaye pas de me questionner, je ne te dirai rien.

— J’voulais simplement être une oreille. Ton visage s’est brusquement fermé à la lecture du courrier.

— Ne t’en fais pas pour moi. Je gère, tu me connais, souris-je.

— Kiitos pour le petit encas, je vais apporter ta réponse au plus vite.

— Fais attention à toi.

Il s’évapore comme il est arrivé tandis que je me laisse tomber sur mon canapé en soupirant. Presque trois semaines se sont écoulées depuis ma dernière visite à Lukita. Pas suffisamment selon moi, toutefois, je sais que Victor a besoin de moi et je dois également me préparer à lui faire un compte-rendu dès mon retour.

Je glisse une main sur mon visage avant de soupirer. Au moins, cela m’éloignera de Lyvon et j’avoue que cette nouvelle me réjouit un peu.

Dans nos rêves, une certaine distance s’est imposée à nous. Il m’avait affirmé ne pas abandonner, pourtant, il reste le plus souvent caché, ne venant que lorsque je m’allonge et m’assoupis. La clairière est devenue notre repaire, semble-t-il. Elle nous offre sa protection, même si je crains que nous n’en ayons plus longtemps besoin. L’Absorbeur finira par se lasser et peut-être que nous retrouverons un apaisement dans nos songes en y mettant un point final.

Je frotte mes yeux, allume la soittorasia sur des musiques empreintes de féerie, puis pose la tête sur l’oreiller afin de m’accorder une petite pause. L’air m’entraîne dans la clairière où les rayons lunaires s’éparpillent entre les branchages fournis. Je sais qu’il est là. Son parfum épicé embaume les lieux.

Je m’installe sur un carré d’herbe, laisse mes pieds nus flotter sur l’eau de la cascade et tente de l’apercevoir. L’astre de la nuit m’aide en faisant apparaître son ombre à quelques pas de moi et un sourire s’empare de mon visage.

J’ignore pourquoi, mais, même si nous nous adressons à peine la parole, je me sens rassurée de le savoir encore ici. Je suis certaine que Lyvon possède plus de contact que moi et qu’il lui suffirait de demander une potion pour que tout cesse, néanmoins, il ne l’a pas fait et cette pensée plante une pointe de ce qui ressemble à de l’espoir dans mon cœur.

Sa main glisse sur mes épaules et comme à chaque fois, ce simple contact m’électrise. Ma respiration se saccade et l’envie qu’il vienne à mes côtés me dévore. Toutefois, il retourne se mettre à l’abri sous un chêne vieux d’au moins un siècle. J’hésite. Secoue la tête. Même si je connais déjà mon prochain geste, il me faut quelques minutes pour réellement l’assumer.

Je me lève, marche le long de l’étendue d’eau, me rapproche doucement de lui, puis viens m’installer à sa gauche et laisse reposer ma tête sur son torse. Il prend une grande inspiration, son cœur bat rapidement avant de s’apaiser. Il caresse mon bras, hume l’odeur de mes cheveux, avant d’embrasser le haut de mon crâne.

— Pourquoi me tortures-tu ?

Je relève les yeux vers son visage, prends le temps de graver cette image et souris :

— Parce que tu le désires…

— C’est faux.

— Menteur. N’oublie pas que je suis comme toi et que je ressens tes émotions, tu veux que je sois à tes côtés…

— Et tu le souhaites également, affirme-t-il.

C’est plus fort que moi. Que nous en réalité. Les battements de mon cœur et ma respiration s’accélèrent. À cet instant, je prie de tout mon être pour qu’il éteigne le feu qui brûle mes entrailles. Je veux sentir ses lèvres sur les miennes, ses mains sur ma peau, son souffle à mes oreilles.

Tout augmente au moment où il me laisse accéder à ses émotions aussi ardentes que les miennes. Comme si les deux âmes distinctes que nous sommes vibraient sur la même fréquence. Lentement, bien trop à mon goût, il approche son visage du mien. Je franchis les derniers centimètres pour satisfaire cette part de désir qui me ronge et l’embrasse avec intensité.

Entre nous, tout explose. Comme pendant le Toimisto, il accède sans mal à mes ressentis et moi aux siens. Telle une centrale nucléaire en surtension, nos sentiments se heurtent, se confondent pour devenir une puissance que je n’ai jamais éprouvée. Nous sommes dépassés, renversés par cette vague semblable à un tsunami.

Même Lyvon, que j’imagine avoir plus d’expérience que moi, se retrouve ébranlé. Lorsque nos lèvres se séparent, il ne peut se contenir et embrasse la peau de mon cou avec délicatesse. Mon être entier est pris de tremblements. Je vais mourir. D’une très belle mort, je l’admet, mais mon corps ne résistera pas à un nouvel assaut, je le sens.

— Tu as tellement de retenue, murmure-t-il. C’est la première fois que je vois une Absorbeuse comme toi…

— Que veux-tu dire ? haleté-je.

— Normalement, après le passage au Suljettu, tu devrais pouvoir exprimer tes ressentis librement, là, il y a comme une barrière…

L’instant volé s’échappe dans une brume imaginaire. Je me détache de son corps et lui tourne le dos afin de mettre mes idées au clair.

— Oryne ?

Il s’approche, mais je repousse son contact et décline d’un signe de tête. J’ignore si je peux lui confier la vérité, enfin, une partie de celle-ci tout du moins. Instinctivement, mes doigts caressent mon bracelet, entrave de mes émotions. Je sais que Lyvon a raison, mais je suis consciente que, sans cette protection, rien ne pourrait se passer entre nous.

— Je n’ai pas été au Suljettu, avoué-je.

— Mais tu es une Absorbeuse ! C’est notre voie.

— C’est votre voie, dis-je en lui faisant face. Mes parents m’ont élevé avec les Aidants, mon oncle Ludwig m’a appris ce qu’il savait sur le reste.

— Attends le Gardien Ludwig ? Celui de la faction des Protecteurs ?

— Oui.

— Paska ! Je m’attendais pas à ça…

Il se lève et fait les cent pas devant mes yeux. Je regrette de ne pas m’être consumée sur place un instant plus tôt. Cela aurait été préférable à la conversation que nous allons poursuivre, j’en suis certaine.

— Pourquoi ? Ont-ils honte de toi ?

— Non ! C’était préférable pour nous tous.

— Et mon frère le sait ?

— Bien sûr. Victor et ta mère ont compris et l’histoire s’arrête là.

— Oh que non ! Je te signale que je travaille au valvoja.

Je me relève et me plante devant lui avant de plonger dans ses yeux azur confus :

— C’est une menace ? Qu’est-ce que tu crois ? JE travaille pour ton frère, il m’offre sa protection.

— En échange de quoi ?

— Ça ne te regarde pas.

— Si. Surtout si tu joues sur les deux tableaux.

— Pardon ?! Mais de quoi tu parles ?

— Arrête, j’ai bien vu vos échanges, votre proximité, crache-t-il.

Comme une gifle, sa jalousie me percute de plein fouet. C’est une émotion que je connais à peine, ne l’ayant jamais affronté aussi vivement.

— Laisse tomber, Lyvon. Je t’avais dit qu’on aurait dû tout arrêter. Tu t’es obstiné et maintenant regardes !

Il observe le décor autour de nous devenu un désert de sable noir reflétant avec justesse l’état de nos âmes après cette conversation. Notre coin de paradis s’est envolé et j’ignore s’il nous sera possible de le retrouver.

Est-ce cela qui se produit lorsque deux Absorbeurs se rencontrent ? Laissons-nous des mondes anéantis, des âmes détruites, par la seule force de notre présence ? Sommes-nous obligés de devoir toujours nous museler afin de protéger les autres ? Si c’est le cas, alors je préfère retrouver ma vie d’avant et vivre en paix sans craindre un éventuel incident.

Je lutte constamment contre ce que je suis et s’il m’est impossible de continuer à le faire en sa présence, si par nos colères, nous ne nous faisons pas du mal uniquement à nous, alors autant prendre cette décision une fois pour toutes.

— Je te l’avais dit Lyvon. Cette fois est la dernière. Cette fois c’est définitif.

**

Je marche dans le désert de Lukita pour rejoindre Huono et rentrer directement à Herkkä pour voir Victor et lui faire mon rapport. Le soleil frappe mon dos, contraste saisissant avec le temps, depuis plusieurs jours brumeux du territoire de Hyvä. Ici l’été ne s’arrête presque jamais et beaucoup de personnes vivant à la capitale posent des vacances durant cette période afin de venir se prélasser près de l’océan turkoosi au nord de Huono.

J’entre dans le Suljettu et me dirige rapidement vers le välittää en espérant ne croiser personne. Enfin une personne en particulier. Il travaille à quelques mètres de là où je me trouve actuellement, je dois même passer certainement passer devant la porte d’un bureau qu’il occupe.

Des voix me parviennent et m’obligent à accélérer le pas et de me glisser de justesse dans le välittää où Regus attends patiemment.

— Je voyage vers Herkkä, dis-je à son attention.

— Bien mademoiselle. Vous prendrez place dans le second alors.

Je m’installe confortablement, Regus règle la machine, puis passe ses mains sur mon visage et m’endors en un claquement de doigts.

Le réveil par Lys, l’Endormeuse de Herrkä est délicat. Je replace ma robe sombre correctement, enfile un manteau, car ici le temps est plus frais et traverse le grand hall du välittää. Mon cœur se serre en passant devant la Grande Salle où j’ai dit un dernier adieu à Aurora. La rue est calme, la nuit ne va pas tarder à s’installer, les lumières de la ville lui donnent toujours ce même éclat brillant typique grâce à ses bâtiments dorés.

Je marche une dizaine de minutes pour atteindre la maison du Pääs et m’annonce à l’entrée. Victor arrive peu après, la mine fatiguée.

— Oryne, je ne m’attendais pas à ta visite…

Il dépose un baiser sur ma joue et semble réellement surpris de me voir.

— Je reviens de Huono.

— Ah ! Allons dans mon bureau.

Le Pääs ouvre la marche et m’invite à m’installer en fermant la porte derrière nous. Une odeur de pin flotte dans l’air, semblable à son parfum habituel.

— Tu veux boire quelque chose ?

— Un verre d’eau.

Il ouvre le mini frigo et me sert avant de s’asseoir sur son siège blanc.

— Alors ? As-tu des nouvelles ?

— Comme pour le premier prisonnier, il ne ressentait pas de regret pour son acte. Il y avait une étrange sensation de satisfaction, je dirais.

— De la satisfaction ?

— Oui. Pour lui, il a agi avec droiture.

— Je ne comprends pas… Il a participé à un acte ignoble…

— Il y en a eu d’autres ?

— Non, pas pour le moment.

Je bois une gorgée d’eau et repose le verre en regardant mon ami, une ride d’inquiétude se dessine sur son front.

— Que se passe-t-il ? demandé-je.

— Rien ne va dans cette histoire, je suis sûr que ce ne sont pas des actes isolés…

— Si c’est ton instinct qui le dit alors tu dois continuer de chercher. Je te connais Victor et tu te trompes rarement…

— Merci de le remarquer.

Je souris en le voyant se détendre.

— Je te remercie pour ce retour.

— J’aurais aimé faire plus.

— Ce n’est pas ton rôle. Les Inquisiteurs sont dans une impasse aussi, donc c’est normal que tu ne puisses pas en apprendre plus qu’eux.

Je soupire avant de terminer mon verre.

— Que se passe-t-il ? demande-t-il à son tour.

— Rien de préoccupant.

— Oryne ?

— J’ai besoin de prendre un peu le large, je crois.

— À cause de cette histoire ?! De moi ?

— Ton frère, lâché-je avant de regretter.

Je glisse une main sur mon visage et serre les mâchoires d’en avoir trop dit. Victor me connaît et sait surtout comment m’amener à me confier. Il lui suffit de me demander s’il est responsable de mon mal-être pour que je lâche le morceau.

— Qu’a-t-il fait ?

— Je ne suis pas sûre de vouloir en parler avec toi, dis-je en grimaçant.

— Mais nous sommes amis, non ?

— Oui, mais c’est ton frère et je ne veux pas de problèmes. Bref, me laisserais-tu prendre quelques jours pour aller voir mes parents ?

— Oui. Je ne t’enverrai une missive qu’en cas d’urgence, si tu me le permets.

— Bien entendu. Je pars demain matin alors.

— Bien. Salue tes parents pour moi et surtout repose-toi.

— Merci, Victor.

J’espère sincèrement que ce retour dans ma région natale, dans mon foyer, me permettra de mettre au clair mes émotions. Que mes parents trouveront les mots qu’il faut pour me rassurer, m’aider à comprendre ce que je traverse. J’admets que c’est également un peu – beaucoup – pour fuir Lyvon. Je pourrais le croiser à tout instant et je ne suis pas prête à l’affronter dans la réalité. J’espère que cette distance en mettra aussi dans nos rêves. Et puis, je dois aussi aller le voir. Comme tous les ans.


Texte publié par Tynah, 31 janvier 2024 à 18h57
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