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Malgré le chaos ambiant des règles subsistaient dans la Croisée comme le statut officieux de l’hospice central.

Il constituait une sorte de zone neutre. Certes l’endroit n’était pas exempt de violence. Des drogués y faisaient leur crise. Des vagabonds y volaient ça et là. Par contre aucune organisation criminelle n’y tentait quoique se soit. Même le pire des brigands avait besoin d’un endroit où ses proches puissent être soigné.

C’est pourquoi cette femme arpentait le plus sereinement du monde les couloirs de cet établissement en cette fin de matinée. Malheureusement sa confiance était mal placée. Si les agresseurs et détrousseurs divers n’étaient pas à craindre, les gros lourds eux répondaient toujours présents.

Le représentant de cette dernière catégorie, était vêtu d’une bure verte signifiant son appartenance à l’ordre des médecins.

D’abord il observa la visiteuse. Physiquement elle était en quelque sorte l’antithèse de Luth : toute en formes voluptueuses. Ce corps était surmonté par un visage allongé aux traits fins ainsi qu’une longue chevelure blonde. A vue de nez elle faisait la trentaine.

Bien qu’un peu âgée le médecin la jugea digne de son intérêt, se rapprocha, puis ouvrit la bouche :

« Vous avez besoin d’aide mademoiselle ? »

La question paraissait innocente à première vue, cet hospice étant un véritable labyrinthe. Sauf que Lia lut facilement dans le regard de son interlocuteur :

« Je veux te prendre. »

Bien qu’elle soit du genre à savoir se défendre, la femme se contenta d’un simple « non, merci. » légèrement cassant. Ce qui suffit. Comme quoi il ne faut pas totalement désespérer de la nature humaine.

Une fois parvenue devant la bonne porte Lia frappa par habitude, puis ouvrit sans attendre de réponse. Après tout elle pénétrait chez deux amis.

Luth dormait à cause des remèdes contre la douleur.

L’autre ami ne se leva pas non plus en l’honneur de la visiteuse. A cause de son état il dû se contenter juste d’un salut de la main de son lit pour accompagner ses mots :

« Bonjour lieutenant Cestac. »

« Arrêtes tes conneries Macchab. Je ne suis pas en service. Et toi non plus d’ailleurs. »

« Alors pourquoi vous emmerdez-vous à visiter la piétaille ? »

Il s’agissait d’une sorte de blague entre eux.

Macchab avait connu Lia à ses débuts, et vu monter un à un les échelons. Par conséquent il était en mesure de se permettre ce genre de familiarité.

« Déjà féliciter la petite » Enchaîna la lieutenant. «  Croiser le fer avec un griffon et s’en tirer, ce n’est pas rien. Et toi comment ça va ? »

« Ça se remet en place. » Expliqua brièvement Macchab, que toute cette science médicale dépassait.

Lia se contenta d’un hochement de satisfaction à l’annonce de la nouvelle. De son côté Macchab décela quelque chose derrière. Pourtant il n’était en rien un enquêteur. Sinon il ne serait pas toujours un simple milicien malgré tant d’années de service. Ce vétéran était bon uniquement dans l’action, et l’acceptait avec résignation.

Ce n’est que grâce à leur familiarité que Macchab perçut le ressentiment chez sa supérieure.

« Et...» Se contenta-t-il de dire.

« Et j’ai intercepté ceci au courrier. » Suivit Lia en sortant le papier.

Le mauvais enquêteur comprit, qu’il s’agissait de sa lettre de démission. Jonglant entre camaraderie et autorité Lia était une excellente diplomate, et avait su se tisser son réseau au sein du quartier général. Par conséquent rien n’échappait à ses multiples oreilles.

Le vieux milicien répondit à la question suivante avant même qu’elle ne soit formulée.

« J’ai merdé. Je ne suis plus à la hauteur. »

« Ce sont des choses, qui arrivent surtout ici. La même nuit un membre des troupes de choc a été gravement blessé et un autre mort. Et puis tu t’es brillamment défendu. D’après ce que j’en ai su, t’as laissé plusieurs montagnards à terre. »

« Et un coéquipier aussi. » Répliqua froidement Macchab.

Ce n’était pas si exceptionnel. Malgré tout il le disait comme si c’était le cas. La lieutenant commença alors à comprendre.

« Que s’est-il passé avec lui ? » Demanda-t-elle cette fois-ci comme un ordre.

On ne se débarrasse pas facilement d’une discipline et d’un sens hiérarchique inculqués en vous durant tant d’années. Par conséquent Macchab ne put se retenir de répondre au moins indirectement :

« T’as lu le rapport. Alors dis-moi pourquoi le jeune est mort sur le coup contrairement à moi ? On a chuté de la même hauteur, et je suis plus lourd. »

« Il était déjà blessé. »

La réponse tenait la route, mais ce n’était pas celle que le milicien espérait. Comme il aurait aimé ne pas avoir à révéler lui-même la vérité. Les mots sortirent alors péniblement un à un de sa bouche.

« Je l’ai maintenu devant moi. J’espérais, qu’il amortirait ma chute, et peut-être me permettrait de survivre. J’avais raison. »

Qu’est-ce que la lieutenant pouvait ajouter ? Le si réputé instinct de survie de Macchab avait prit les commandes. N’était-ce pas normal dans ce genre de situation ? Ça n’empêchait pas la culpabilité de faire son office.

Suivi un court silence, jusqu’à ce que Lia reprenne la feuille, et quitte la pièce achevant ainsi l’hécatombe de cette maudite nuit.


Texte publié par Uther, 23 janvier 2024 à 06h29
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