Il y aura toujours des fouteurs de merde. C’est propre à la nature humaine. Probablement déjà à la préhistoire un cro-Magnon faisait toujours trop de bruit, ce qui avertissait le mammouth, et foutait toute la chasse en l’air.
Trois interventions comprenant entre autre un coup de feu avorté, un serpent géant, et un meurtre, c’était beaucoup en une seule nuit de service même au sein de la Croisée.
Statistiquement plus rien ne devait tomber sur le dos endolori du trio nocturne. Puis ce trouble-fête croisa leur chemin.
Cette silhouette de petite taille encapuchonnée, munit d’un sac, à la démarche vive, et aux épaules rentrées, paraissait hurler : « Je suis suspect. »
Malgré tout aucun des trois miliciens ne lui chercha des ennuis. Ils en étaient déjà à la moitié d’un service bien rempli, et donc plus tellement à l’affût.
Ce fut ce traînard, qui provoqua tout en s’enfuyant à leur approche. Visiblement déterminé à emmerder le monde jusqu’au bout, il n’imita pas les pilleurs, et le trafiquant d’animaux précédents, qui s’étaient vautrés tous seuls par leurs incompétences. Au contraire il exécuta une bonne foulée
Hazart poussa un énorme soupir. Apparemment il allait devoir pratiquer la course à pied.
Alors qu’il s’élançait également, Scribe remarqua que la membre restante de leur équipe brandissant son épée. Contre un simple fuyard visiblement désarmé ! Qu’est-ce qu’elle…
La question fut interrompit par le lancé de son fourreau par Luth de son autre main.
L’objet tournoya jusqu’à l’impact dans les jambes du suspect. Ce fut alors à lui de tournoyer mais au sens vertical. Un peu paresseux sur les bords il se contenta d’un seul tour.
Indifférente au résultat Luth s’avança l’épée en avant. Le suspect comprit le message, et demeura à terre.
Tout en conservant la distance de sécurité elle releva la capuche du bout de sa lame. Le visage boutonneux, et imberbe en-dessous ne dépassait pas les douze ans à vue de nez. La crasse sur son visage et ses vêtements indiquaient, qu’il vivait dans la rue.
« On va encore avoir les gazettes sur le dos. » Déclara Hazart avec cynisme.
Le développement de l’imprimerie avait été rapidement suivi par l’apparition de ces feuillets d’information sur la vie de la cité. Et certains auteurs n’y étaient effectivement pas tendre à propos de la milice.
Le sergent toujours curieux et consciencieux, s’intéressa au contenu du sac.
Au premier abord il se révéla décevant, juste de la nourriture.
Quant au prévenu déjà qu’il dérangeait pour si peu, il aurait pu au moins se montrer coopératif. Au lieu de cela il se réfugia dans le mutisme. C’était même l’incarnation parfaite du gamin boudeur. La plupart des collègues de Scribe (ainsi qu’un certain nombre de parents) auraient alors « converser ». En langage initié cela se traduisait par des coups (sans trop de marque, la milice avait tout de même une éthique).
Son coté cérébral poussa Scribe sur une autre voie.
« Même si t’as volé cette nourriture, ça n’ira pas loin si tu y mets un peu du tiens. De toute façon on finira bien par t’identifier. »
Pourquoi le merdeux ne réagissait-il pas comme les autres ? Bomber le torse, lancer des insultes histoire de montrer, qu’il était un rebelle-en-guerre-contre-société.
Ce visage inexpressif et silencieux, était vraiment déroutant. Il ne correspondait pas à celui d’un gamin même des rues.
« Ce n’est qu’un gosse.» Répliqua Luth. « On peut bien fermer les yeux pour cette fois.»
La perspective d’être relâché ne provoqua toujours aucun réaction de la part de l’enfant.
La milicienne comprit alors.
« T’es de la Cuve ? »
Le gamin resta muet à la différence que d’une certaine manière il répondait cette fois-ci.
**************
Bête et discipliné. Scribe correspondait à la moitié de cette définition attribuée aux combattants. Du fait de son comportement scientifique (et ennuyeux parfois) il lui fallait analyser et comprendre une directive avant de pleinement l’appliquer. Or le jeune délinquant devait être déposé à l’orphelinat le plus proche.
Toutefois Luth y mit son grand de sable. Un résidant de la Cuve y serait très mal accueillit par les autres gamins. Par mal il ne fallait pas comprendre un lancé de bouilli au visage dans le réfectoire ou un surnom pourri. La tradition réclamait plutôt l’usage d’armes contondantes, voir tranchantes. Alors autant éviter ce genre de soucis juste pour des peccadilles.
Pourquoi les gens de la Cuve étaient-ils de tels parias ? La raison en était géologique.
Au milieu de la Croisée il subsistait un lac marécageux où s’échouait le fleuve Saonne. On le nomma progressivement la Cuve.
Le soleil et par extension la chaleur parvenaient difficilement en ce lieu. Par contre en cas de pluie, l’eau s’y concentraient.
Froid et humide seul les plus pauvres y résidaient dans des maisons sur pilotis. Sales et souvent malades du fait de leurs conditions de vie les cafards comme on les appelait, furent rapidement pointés du doigt par le reste de la population.
Rejet, habitats précaires, et pauvreté, ce mélange ne pouvait être qu’explosif.
La délinquance et surtout les multiples émeutes aboutirent au résultat que les trois miliciens voyaient à présent : un quartier entier isolé du reste de la ville voir du monde par des fortifications. Aucun organisme d’état (milice comprise) n’y avait mit les pieds depuis des années.
Les miliciens n’aimaient s’approcher de cet endroit. Il incarnait l’ultime expression de leur impuissance. D’ailleurs les soldats gardant un des d’accès furent étonnés par leur arrivée.
Suite à la dernière émeute des cafards il y a presque d’une dizaine d’années, les autorités agacés décidèrent de retirer l’affaire à la milice de toute façon dépassée au profit de l’armée.
Les insurgés furent repoussés au prix d’un véritable carnage. Prix que l’état ne trouva pas si élevé tout compte fait. Puisque depuis l’armée contenait l’épidémie que représentait la Cuve.
A l’apparition des trois miliciens causa une sorte de flottement. L’armée et la milice étaient comme des cousines éloignées. Malgré des liens comme veiller sur les citoyens de Ranlorn les armes à la main, chacune préférait demeurer dans son coin à gérer ses petites affaires.
L’un des militaires, un sous-officier, s’approcha d’un pas conquérant. Après tout il était dans son fief.
Le gamin jusque là impassible eut alors un mouvement de recul, et de la crainte se dessina sur son visage.
« Ne t’inquiète pas. » Lui souffla Luth.
Hazart dû retenir un ricanement. Ces apaisements étaient tout sauf crédibles. Le trio de la la milice sensé assurer la sécurité du môme, faisait bien pâle figure face à ces soldats.
De simples casques face à des plastrons et des épaulettes. Des pistolets face à des arquebuses.
Même les couleurs d’uniformes jouaient à l’avantage des militaires. Le bleu foncé donnait une impression moins menaçante que le noir.
D’ailleurs le morveux le comprit. Son regard se baladait en quête d’une possibilité de fuite.
« Laisses tomber.» Murmura à son tour Hazart non sans un certain sadisme tout le saisissant par le col.
De son coté Scribe s’apprêta à réciter le discourt préparé à l’officier, un discourt remplit de mensonges. C’était dingue le chemin détourné, qu’il fallait prendre juste pour une petite indulgence.
Tout le problème venait du fait que les adultes par exemple pour du travail, pouvaient sortir de la Cuve, mais en aucun cas les enfants à moins d’être accompagnés. Alors Scribe raconta... rien.
A peine se présenta-t-il, que le sous-officier lui coupa la parole.
« Vous nous le ramenez ? » Dit-il en désignant le gosse.
Un simple « oui » suffit comme explication au militaire, qui fit ouvrir le portail. L’image du soldat discipliné suivant à la lettre le règlement, en prit un coup. Décidément tout partait en vrille dans cette ville. Le soldat aurait pu au moins demander, comment le môme était parvenu à sortir.
Le gamin rejoignit alors son ghetto, dont tout le monde semblait se moquer. Avant de partir il eut juste un regard à l’attention des miliciens, mais pas en signe de remerciement. Ce genre d’indulgence lui était tellement étranger, qu’il ne savait pas vraiment comment réagir.
Soudain se produisit une sorte de miracle ou plutôt d’anomalie. S’il y avait bien une chose à laquelle Scribe ne croyait pas, c’était le coup du flash. Lorsqu’un objet, une remarque anodine... produisait un déclic chez l’enquêteur lui révélant toute l’affaire.
La vue de ces uniformes de l’armée finit par provoquer bel et bien, ce phénomène dans le crâne du milicien.
Comment n’y avait-il pas pensé plutôt ? Il en eut presque honte.
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