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tome 1, Epilogue « Rouge aube » tome 1, Epilogue

Atarillë

Une lame incendiaire lacérait mes tempes. Dans ma tête, tous mes souvenirs s’entrechoquaient. Je me revoyais enfant, courant après mes frères, jouant près de la mer, non loin d’une splendide femme à la longue chevelure rousse, comme la mienne. Ces moments de pur bonheur furent souillés par ces flashs que j’aurais aimé oublier à jamais. Chacunes de ses tentacules incarnait l’horreur absolue. Je ne pouvais les décrire ou même, trouver une explication logique à mon état, et il m’était impossible de prendre du recul. Quant à ce visage, il me hantait toujours, inlassablement.

C’est un miracle que j’arrivais désormais à réfléchir de manière cohérente.

Amaterasu nous avait aidés à fuir ce cauchemar. Nous avons passé deux jours en son palais, à recevoir des soins.

J’avais peu de souvenirs de ces deux journées. J’avais passé mon temps à hurler, paraît-il, et à pleurer. Arthur me manquait terriblement.

Le troisième jour, j’avais pu émerger. Une douce odeur de rose planait dans la pièce. J’étais allongée sur un futon confortable. Mes cheveux collaient à mes tempes. Cette sensation désagréable de fondre littéralement dans les draps, tant ma peau sue à grosses gouttes, ne m’avait pas quitté. Mon réveil fut des plus pénibles, mais je me sentais libérée d’un poids.

Tout le monde était ébranlé. Jamais je n’avais vu Aphrodite dans cet état. Elle avait subi le vide, l’horreur, on l’avait forcé à ressentir tout l’opposé de son essence profonde. Jamais je ne leur pardonnerai. Kyoko fut parmi ceux qui s’en sortaient le mieux. Sans doute, sa fabuleuse capacité a outrepassé la folie.

Je passais une journée à errer dans le fabuleux domaine. Je n’osais pas parler. Seul le parfum des fleurs m’apaisait. Voir mes amis si mal, c’était creuser ce gouffre de culpabilité qui me hantait. Une seule envie me hantait, éradiquer le Cauchemar, le faire sortir de ma tête, de nos têtes, et de nos terres.

Amaterasu me regardait avec tristesse. Cette noble déesse aux allures imperturbables avait laissé une faille dans sa stature divine. Ce regard humide tranchait avec toute sa physionomie. Je marchais dans le jardin japonais, lorsqu’elle s’approcha de moi, aérienne, dans son imposant kimono doré, décoré de disques solaires.

Sa longue chevelure était retenue en une coiffure élaborée, décorée de fleurs dorées et d’éventails multicolores.

— Chère enfant, ton peuple a besoin de toi. Inutile de t’enfermer dans la grotte de ton esprit.

Je ne pouvais réprimer un frisson. Je savais à quel point elle avait raison. Mais j’avais tellement peur. Lorsque je fermais les yeux, ces ombres insidieuses revenaient. Elles me rappelaient à quel point j’avais échoué lamentablement. À quel point je passais mon temps à me plaindre et à rester immobile face au problème. Je secouais la tête, perdue.

— Je ne sais pas... Je ne demande que ça, me battre pour ceux que j’aime. Mais ces visions d’horreur me paralysent. Mes erreurs me figent, j’ai... j’ai condamné mon monde...

— Ne dites pas cela. Nous faisons tous des erreurs. Tu as voulu bien faire, n’est-ce pas?

— Oui, mais...

— Tu sais, par colère, j’ai privé le Japon tout entier de lumière. Ce fut une longue histoire, mais je n’avais pas pris conscience des conséquences de mon acte. Pourtant j’avais raison d’être en colère.

Poussant un soupir, j’osais croiser son regard. Il brillait de mille feux. Ses prunelles semblaient être d’une couleur indéfinissable, inventée, venant d’un autre monde. Délicatement, elle tendit sa main blanche vers une pivoine rose, qui trônait dans les feuillages d’émeraude.

— Mais j’ai commis une erreur. Grâce aux autres dieux, nous avons réglé le problème, trouvé une solution. Tu n’es pas seule, jeune reine, demoiselle des tempêtes. Une longue quête vous attend désormais.

D’un geste gracile, elle cueillit la fleur et la posa dans ma chevelure. Son parfum m’apaisa. À cet instant, un papillon luminescent vint virevolter non loin de nous. Une douce mélodie retentit, délicate et envolée, comme un parfum de nuit. Amaterasu apparut plus irréelle que jamais.

Derrière elle, le ciel se métamorphosa. Des milliers de constellations, de galaxies et de perles scintillantes, mille étoiles vivantes, remplacèrent les doux rayons du soleil et les quelques nuages accrochés à la voûte céleste.

Tel un océan stellaire, cette onde magnifique m’émerveilla. Enfin, je ne sentais plus, ne serait-ce que pendant une fraction de seconde, les cris lancinants des créatures de Cauchemar.

Amaterasu glissa un regard vers l’espace infini. Elle esquissa un doux sourire.

— Notre monde n’est pas encore mort. Les Cauchemars pourront s’immiscer dans notre esprit, chercher à nous rendre fous, mais, tant que nous serons debout, tant que les étoiles brilleront, tant que les rayons du soleil caresseront ces mondes, nous pourrons continuer le combat.

Cette phrase était digne d’une réplique de grand mentor de héros, dans un roman fantasy. Mais cela me faisait du bien. Je ne voulais plus perdre espoir.

***

Le roi Arthur fixait intensément le ciel. La journée s’éteignait à l’horizon. Des nuances chaudes s’entremêlaient aux ballets lunaires. Des milliers d’étoiles clignotaient dans l’or du soleil couchant. L’enfant dragon était maculé de sang. La journée fut des plus périlleuses. Des hordes de créatures sans nom ont déferlé dans la ville. D’autres villes ont manqué de céder à l’envahisseur. Aetheria, à la frontière avec les Terres blanches, Saphilia, cités lagon et le Fort d’Argent à la frontière du Pays de Minuit, ont tenu un siège de plusieurs nuits. Les attaques étaient de plus en plus sanglantes.

Le souverain se frotta le visage, retirant une large trace de sang sur sa joue. L’odeur purulente du charnier qui lui faisait face lui retourna le cœur. Les murailles furent incendiées. Des mages de l’eau s’activaient à éteindre les derniers brasiers.

Il se mordit la lèvre. La fatigue l’assaillait, de même que le désespoir. Seul l’éclat des étoiles le maintenait debout, de même que le souvenir de sa reine.

Arthur se retourna et posa son regard sur Viviane. La fée boitait et serrait contre elle une boîte remplie de matériel médical. Elle s’approcha de lui, remettant en place sa chevelure. Elle portait une armure qui devait être scintillante à l’origine. Mais elle était également maculée de sang et de liquides putrides. Elle approcha sa main vers une plaie qui lézardait le bras d’Arthur. Celui-ci soupira et se laissa faire.

— Tu es épuisée, Viviane, tu devrais rentrer.

— Je ne rentrerais que lorsque tout le monde sera soigné.

— Alors, tu ne rentreras jamais.

Viviane poussa un long soupir, glissant son regard vers le ciel. Elle posa sa main sur le bras d’Arthur et un doux halo argenté vint l’entourer.

— Amaterasu nous a fait parvenir une missive. Ils ont été attaqués, mais ils en sont sortis.

— Je l’ai sentie, et je n’ai rien pu faire.

Viviane secoua vivement la tête. Son regard d’azur perça Arthur qui tressaillit, comme un enfant pris en faute.

— On dirait ma sœur, que pouvais-tu faire? Tu étais au front! Nous sommes tous pris à la gorge...

— Arrête, je sens bien que tu t’en veux aussi...

Viviane se figea et baissa le nez, lasse.

— Que veux-tu ? Il faut lui faire confiance. Elle n’était pas seule.

Arthur allait répondre lorsqu’une voix affolée les fit sursauter. Ellariel accourut vers eux, échevelé et paniqué.

— Votre majesté! Nous avons un problème! Un mal mystérieux ronge les habitants!

Viviane retira sa main, rompant le sort. Arthur frotta son bras, déjà, la plaie se trouvait quasiment refermée. La fée se planta devant l’elfe, d’un air déterminé.

— Explique-nous, que se passe-t-il exactement?

— Tout a commencé avec les nymphes. Elles ont pris en charge une partie des blessés. À leur contact, certaines ont commencé à avoir des spasmes. Elles tiennent des propos incohérents et elles sont devenues de vraies furies. Elles ont mordu les satyres, qui à leur tour, ont mordu d’autres habitants! C’est incontrôlable!

Arthur serra les dents. Malheureusement, c’était ce qu’il craignait. Avec la putrescence, la maladie ne tarderait pas à arriver. Aloysius, son meilleur mage, était désormais en soin chez Amaterasu. Il fallait absolument que la reine revienne avec les objets nécessaires au rituel. Viviane essayait tant bien que mal de calmer Ellariel, quand un cri déchirant vint percer l’horizon, faisant disparaître une à une, toutes les étoiles du ciel.


Texte publié par PersephonaEdelia, 17 novembre 2023 à 20h27
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