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tome 1, Chapitre 29 « Le cadeau d’Aphrodite » tome 1, Chapitre 29

Il n’avait jamais imaginé à quel point, un baiser pouvait être aussi délicieux. Ses lèvres étaient si brûlantes, exaltant un parfum inédit, légèrement âpre et parfaitement doucereux. Durant quelques secondes, plus rien n’avait d’importance, si ce n’est son étreinte ardente et cet échange si absolu.

C’est Belladona qui rompit le baiser. La chute fut si douloureuse qu’il approcha ses lèvres des siennes, dans l’espoir de nouer à nouveau le contact. Elle était tout ce dont il avait besoin. Toute sa vie fut vouée à la solitude. À sa création, le lien si doux qui l’avait uni à Saphyria fut brutalement rompu par un mage sauvage, des terres médianes du Seuil. Son unique but était de le transformer en composante magique. Saphyria l’avait sauvé, aidé d’Atarillë, sa soeur. Il devait tout à ces souveraines. Tout doucement, une dépendance s’était installée. Chaque contact était salvateur, chaque regard emplissait son cœur de joie. Il savait qu’Atarillë était promise, noué étroitement à Arthur. Quant à Saphyria, il ne pouvait espérer plus.

Belladona venait d’allumer ce brasier qu’il pensait avoir étouffé depuis si longtemps. Pour ne pas s’imposer, il s’était construit une carapace. Celle du mage un peu distant, sarcastique et aventureux. Il eut suffi d’une mauvaise blague faite à la divinité de l’amour pour que tout ce qu’il avait érigé jusqu’à présent s’effondre, son précieux masque, son mur de granit.

Belladona secoua la tête, se mordant la lèvre. Elle plaça une main sur sa bouche, à contrecœur.

— Aloysius! Il faut réagir! Le succube est derrière nous!

Par un étrange processus, le temps s’était figé. Cependant, il commençait à se déliter, pour progressivement reprendre son cours. Derrière eux se trouvait la créature. Elle avait perdu son aspect délicieux pour reprendre sa forme originelle. C’était un être humanoïde, à la peau quasiment translucide. L’on voyait l’intérieur de son corps, le contour de ses organes palpitant ainsi que le tracé de ses veines. Son visage était perclus de deux paires de prunelles d’onyx et elle affichait une grimace remplie de canines acérées. La bouche d’Aloysius se fendit en une grimace et il revint définitivement sur Terre. En un murmure, il incanta, faisant apparaître un bâton noir incrusté de cristaux bleus constellés d’étoiles. Il frappa le sol et une vague sonique emplit la caverne dans laquelle ils se trouvaient, balayant le monstre contre la paroi. Sa colonne se fracassa et elle poussa un cri strident.

— Misérables!

Dans un vacarme osseux et viscéral, elle se remit en place, se mouvant comme une araignée sur le sol. Belladona recula d’un pas, serrant les poings. Elle siffla et un rayon de givre saisit le corps de leur assaillante, retardant son avancée.

Aloysius brandit son bâton dans sa direction, psalmodiant dans une langue ancienne. Une cage se matérialisa autour du succube, le bloquant pendant que Belladona se concentra et envoya une vague de lianes épineuses et de pics de glace dans sa direction. La servante des abîmes se mit à hurler, prenant de plein fouet l’attaque qui l’acheva.

Belladona reprit son souffle. Elle posa son regard sur le cadavre de la créature, qui commença instantanément à se putréfier. Elle sursauta légèrement lorsqu’Aloysius lui prit la main.

— Ne traînons pas, nous devons trouver les autres!

***

À mesure que la reine se concentrait, ses squames et croûtes purulentes qui recouvraient sa peau s’estompaient. Elles furent progressivement remplacées par des plumes argentées, qui brillaient d’un léger halo bleuté. Elle entrouvrit ses lèvres pour psalmodiait dans un faible murmure. Aphrodite cligna des yeux et essaya de se relever, sans succès. Kyoko tourna la tête dans sa direction et attrapa une de ses chaînes, tirant comme une forcenée.

La déesse essaya à nouveau d’affronter sa bulle magique, se concentrant comme elle le pouvait sur ce qu’elle voyait devant elle: sa protégée se débattant contre la putrescence, la kami luttant contre ses propres liens à s’en lacérer la chair... Tout cela l’aurait normalement révolté, énervé , fait jaillir sa rage. Mais ces pierres mêlées au sortilège la torturaient de la pire des façons.

Atarillë réussit à se lever, péniblement. Elle frappa du pied et le fer qui l’encerclait commença à se fissurer. Elle fit un pas vers ses comparses, incantant douloureusement. Son épée, une longue lame d’argent, au pommeau ciselé et gravé de runes et de symboles féeriques, apparut. Serrant sa main sur son arme, elle mit de grands coups vers les sceaux qui les emprisonnaient elle et Kyoko. Elle dut s’y reprendre à plusieurs fois pour totalement se libérer.

Lorsqu’elle fut en pleine possession de ses moyens, la kami se jeta vers la prison de la déesse, éloignant vivement les pierres et effaçant comme elle le pouvait les symboles tracés au sol. Aphrodite prit une grande respiration et bondit sur ses pieds, accourant vers la reine. Elle posa ses mains sur ses plaies encore présentes et murmura d’une voix entrecoupée de sanglots.

Atarillë souffla doucement, récupérant progressivement. Un halo doré l’enveloppa et un parfum de rose vint titiller ses narines. Elle secoua lentement ses ailes, les déployant pleinement. Kyoko tituba vers elles.

— Cela fait longtemps que l’on n’a pas vu tes grandes ailes d’enfant des tempêtes.

— Effectivement, elles sont toujours un ravissement.

Une voix sifflante perça l’air. Atarillë retint un frisson, reconnaissant ce timbre de voix entre mille. Se déhanchant de manière exagérée et vulgaire, la souveraine des putrescences fit son apparition. Sa peau luminescente, couverte de veines bleues et de tentacules mouvants, arracha une mimique de dégoût à Aphrodite. Un sourire mutin s’afficha sur son visage tortueux, tandis qu’elle s’approchait vivement de sa proie, la reine féerique.

Kyoko s’élança vivement vers elle, tentant de lui asséner un coup de poing, à défaut de son katana qui fut confisqué. L’être cornu entrouvrit les lèvres et souffla en sa direction et une nuée d’insectes volants fondirent droit vers la kami. Elle se débattit, psalmodiant comme elle le pouvait pour faire apparaître des petites boules de feu bleues, qui balayèrent progressivement la nuée. Atarillë se crispa et se concentra à nouveau. Un halo argenté l’entoura. Une fragrance de musc s’infiltra dans la pestilence de la grotte. Aphrodite en profita pour aider Kyoko, matérialisant une vague d’eau qu’elle fracassa contre leur assaillante.

Usant de son épée, Atarillë lança un coup vif sur le torse de son ennemie. La lame s’illumina et en un souffle, Atarillë incanta, balança une salve électrique sur sa cible.

La souveraine cauchemardesque serra la mâchoire. Elle se redressa péniblement, faisant face à ses trois ennemies. Son corps avait bien encaissé les coups, mais ses os se recollaient à une vitesse vertigineuse.

— Assassine est de sortie? La fête va enfin, pouvoir commencer.

À ces mots, elle s’élança vers Atarillë, mais la jeune reine lui asséna un coup retentissant, qui aurait pu découper en deux n’importe quelle créature. Le corps déchiré de son assaillante se traîna au sol, dans un rire cinglant. Ses articulations furent déchirées, de même que le reste son anatomie, mais elle se releva dans un bruit osseux, se mouvant comme un serpent sur la paroi rocheuse de la grotte.

Aphrodite se prépara à balancer une bourrasque marine, lorsqu’une vive lumière éblouit les lieux. La reine des Cauchemars se mit à crier, cachant ses yeux de ses bras. Apparut à l’entrée de la grotte une femme de haute stature, au visage rond et aux yeux aussi lumineux que le miroir qu’elle brandissait fièrement. Elle portait un long kimono immaculé, qui flottait à chacun de ses pas. À ses côtés se trouvaient Belladona et Aloysius, essoufflés. La déesse s’avança, aérienne, toisant la reine cauchemardesque. Plus elle approchait, plus la créature se recroquevillait sur elle-même. Elle finit par aboyer des paroles dans une langue antédiluvienne, qui firent vriller les nerfs de tous les présents. Des monstres aux troncs remplis de pustules apparurent et la portèrent, ramassant chacun de ses morceaux à vitesse grand V.

Cette vision capta l’attention de tous, même des deux divinités, pourtant habituées aux pires images. Aphrodite cligna des yeux, chancelante. La fuite dura quelques secondes, mais la déesse eut l’impression de vivre une éternité viscérale. Tous furent saisis dans leur chair, leur âme, leur psyché.

Au fond de la grotte des limbes, durant un court instant, tous les présents aperçurent un visage indéfinissable, aux tentacules putréfiés, qui les fixaient de ses yeux lumineux et inoubliables.


Texte publié par PersephonaEdelia, 17 novembre 2023 à 20h26
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