Une douce journée prometteuse attendait lord Midnight. Dans son domaine de vingt hectares et son manoir victorien, le soleil s’immisçait de ses rayons ardents, illuminant sa chambre. Il ouvrit les yeux, étirant son corps musclé. Sensuellement, il glissa une main dans sa chevelure de minuit et bondit hors du lit, en pleine forme.
Il se sentait tellement à l’aise dans sa chemise en satin bleu nuit, glissé dans des draps en soie. Cependant, quelque chose le fit tiquer. Attentivement, il observa les alentours, détaillant chaque élément du décor de la pièce. Elle était richement ornée, de meubles anciens d’une grande finesse, de tentures représentant une dame aux longs cheveux noirs et aux yeux tintants des mille reflets de la nuit, caressant l’encolure d’une licorne d’ombre, d’une grande horloge en bois sombre et d’une armoire débordante de vêtements. Aux pieds de son lit s’éparpillaient pêle-mêle des manuscrits magiques ainsi que des livres de cuisine. Il n’arrivait pas à saisir ce qui le gênait, mais il ne se sentait pas dans son élément.
Soudain, la porte s’ouvrit. Une grande femme à la chevelure iridescente, présentant les camaïeux flamboyants de l’aube, s’élança vers lui. Sa plastique était voluptueuse, et son visage symétrique frôlait la perfection. Midnight se figea en voyant ses yeux, deux boules de suie noires, qui le dévoraient allégrement.
— Mon cher époux, tu es réveillé! Il faut que tu m’aides, notre souillon de bonne n’en fait qu’à sa tête!
Sans vergogne, elle l’avait étouffé entre ses seins, l’enlaçant comme une femme désœuvrée. Elle émanait d’une fragrance sucrée, beaucoup trop chargée. Midnight l’écarta doucement, esquissant un sourire cynique.
— Allons, il faut toujours que tu en fasses trop.
À ces mots, une autre silhouette apparut. C’était un bout de femme, au visage lunaire et aux yeux violines. Sa chevelure violette luisait d’un reflet délicat qui attira immédiatement son regard. Lorsqu’elle le vit, elle s’approcha, inquiète. Elle portait une robe de soubrette noire, agrémentée de dentelle blanche et d’un tablier.
— Aloysius, réveille-toi, nous sommes dans un mauvais rêve...
Son épouse se redressa, montrant presque les crocs, hérissant ses épaules dans un mouvement presque surhumain. Durant une fraction de seconde, il eut l’impression que toute sa physionomie se déformait à la mesure de ses humeurs.
— Comment oses-tu, misérable! Il ne s’appelle pas Aloysius, cesse tes balivernes et fait ton travail! Amène-nous le petit-déjeuner!
La soubrette se crispa, serrant les dents. Autour d’elle, du givre apparut, grignotant le joli parquet. Elle murmura et des lianes apparurent, s’entrelaçant autour de ses avant-bras. Des épines émergèrent et menacèrent la maîtresse de maison. L’épouse allait riposter, toutes griffes dehors, lorsque Midnight l’attrapa par le bras.
— Laisse-là!
Sa femme se tendit, le foudroyant du regard. Midnight fronça les sourcils, l’écartant pour s’approcher de la femme de chambre. Plus ses yeux se perdaient dans les siens, plus une douce chaleur consumait sa poitrine. L’ourlet de ses lèvres, l’éclat diaphane de sa peau, son allure sensuelle cachée derrière une figure se voulant pure... Elle était le sang sur la neige, le poison sur la bouche, déposé avec délectation en un baiser.
Cette épousée aurait dû dévorer toute son attention, avec son parfum omniprésent, mais il préféra la subtile essence de la...
— Belladone.
Elle peinait à croire ce qui venait de se produire. Il venait totalement de snober la succube du seuil. Son charme vénéneux n’avait aucune prise sur lui. Au lieu de cela, il était totalement subjugué par sa présence. Désormais, il était tout contre elle, ayant attrapé ses hanches dans un geste tendre. Elle sursauta, se rendant compte qu’elle aussi, fut absorbée par cet instant suspendu.
— Aloysius? Il faut se dépêcher, elle... Elle va...
— Ton regard, il est si glacé et si lumineux à la fois...
Belladona se figea, captivée par ce qui se produisait. Aloysius approcha tendrement son visage du sien. Sa haute stature, sa présence déroutante, ce monde hypnotique, c’était si facile de succomber...
***
Dans une salle dévorée par les ténèbres, un silence pesant régnait. Seul le souffle saccadé de la reine, cloué au sol par la présence écrasante d’un cercle de ferraille résonnait en ces lieux. À dix mètres d’elle se trouvait ligotée Kyoko, retenue par des sortilèges, des chaînes et des symboles runiques l’empêchant de se mouvoir convenablement. Pour maintenir en place Aphrodite, les créatures des abîmes rivalisèrent d’imagination, l’enfermant dans une bulle vide de toute émotion, mélangée à de la pierre originelle, une sorte de minéral opalescent, aux reflets noirs et cuivrés. La déesse de l’amour grinçait des dents, supportant difficilement sa prison ascétique. Atarillë quant à elle, se roula en boule, serrant brutalement ses doigts dans sa chevelure.
— Tout est de ma faute...
Kyoko posa ses yeux sur son amie, retenant un soupir. Aphrodite ouvrit la bouche, mais se ravisa, préférant fixer le plafond d’un œil morne. La kami tapota la pierre de ses griffes, penchant sa tête en arrière.
— Je peux savoir en quoi?
Atarillë ne put retenir un rire jaune. Elle glissa sa main sur son visage, camouflant ses larmes naissantes.
— Je n’aurais pas été aussi bête à user de Nandeyir pour reconstruire le pays...
— C’est vrai, il suffisait de lire la notice, c’était tellement simple...
Atarillë haussa un sourcil, tournant vivement son visage vers Kyoko. Celle-ci affichait un sourire sarcastique, teinté de colère et de tristesse. Kyoko se redressa comme elle le pouvait, malgré les liens qui la retenaient, afin de se mettre face à la souveraine.
— Quand vas-tu cesser de te flageller? C’est toi qui les as invoqués peut-être?
— On ne sait jamais, avec cette fichue malédiction...
— Combien même cela viendrait de ça, tu l’as voulu?
— Bien sûr que non...
— Alors, arrête tes conneries. Tu subis autant que nous là, actuellement...
Atarillë se crispa, entourant ses épaules de ses bras. Sur sa peau, des plaques noirâtres apparurent progressivement. Soudain, elle se plia en deux, se mordant la lèvre pour étouffer un cri retentissant. Ses ongles lacérèrent sa chair, à mesure que des taches rougeâtres pullulèrent. Des plumes noires vinrent choir à ses genoux.
Aphrodite ouvrit de grands yeux, essayant de se relever. Mais dès que la panique naquit dans son esprit, elle s’évanouit aussitôt, la laissant comme vide et amorphe face à la scène. Horrifiée, Kyoko se débattit comme une folle. De ses chaînes se matérialisèrent des épines qui pénétrèrent sa peau vivement, lui arrachant un couinement de douleur.
Malgré sa propre douleur qui devint insupportable, Atarillë essaya de se rapprocher de son amie.
— Kyoko!
— Concentre-toi Atarillë, je ne sais même pas comment tu fais!
— Je dois y arriver!
— Pas comme ça!
Atarillë se mouva comme une folle, tentant d’ignorer sa propre douleur pour s’avancer vers Kyoko. Plus elle se traînait, plus elle hurlait. La douleur grandissait dans son ventre, manquant à plusieurs reprises de faire vriller son esprit. Kyoko cessa de bouger, bouillonnante de colère. Ses prunelles vertes percèrent Atarillë du regard qui se figea, éberluée.
— Arrête bon sang! Concentre-toi sur toi!
— Je ne peux pas... Tout est...
— Oui, tu as fait une erreur! Et tu sais quoi, je t’en veux, mais pas pour ça!
Sans qu’elle comprenne pourquoi, le processus de transformation se stoppa net. À ce stade, elle était à moitié recouverte de plume et de squames pullulantes et inondées de croûte. Elle ne prit guère la peine de s’en indigner tant elle était surprise.
— Je ne comprends pas...
— Tu es parti, tu nous as laissés parce que tu ne nous faisais pas confiance! Nous étions déterminés à trouver une solution, comme nous l’avions toujours fait! Ensemble, rien ne nous était impossible. Tu as préféré fuir, te cacher dans un corps humain et vivre une vie pitoyable où je n’ai même pas pu t’aider, t’épauler et te soutenir! Je me suis sentie si misérable, coupable et abandonnée! Je savais que tu avais mal... Je...Tu cherches toujours à tout porter toute seule, mais réveille-toi! Ce n’est pas comme ça que se résout une histoire, un problème. Nous sommes tes amis, bon sang!
Les larmes inondèrent ses joues, à mesure qu’elle vidait tout ce qu’elle avait sur le cœur. Atarillë s’effondra également. Elles pleurèrent ensemble, tendant la main l’une vers l’autre malgré leurs entraves. Aphrodite les regardait fixement, une flamme s’embrasant dans ses prunelles. Les pierres originelles vacillèrent, faisant trembler sa prison. Kyoko se concentra comme elle le pouvait, poussant son corps à ses retranchements.
— Et tu sais quoi? Je t’aime quand même! Et j’ai toujours envie de me battre, parce que ce monde, je l’aime aussi! Alors s’il te plaît, concentre-toi sur toi!
Atarillë hocha nerveusement la tête, émue par ses paroles. Elle ferma les yeux, se concentrant au maximum.
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