Kyoko était roulée en boule, les yeux embués de larmes. À ses pieds gisait le corps sans vie de la souveraine, ensanglanté. Elles avaient affronté des monstres du cauchemar en surnombre, Aloysius, Belladonna et Aphrodite avaient disparu, les laissant seules face à la marée noire, ce torrent de chair.
La kami venait d’achever le dernier assaillant. Mais à quel prix? Pourtant, sa reine était puissante, mais que faire face à un ouragan de rage, une petite armée semant la mort, la folie et le chaos?
Blessée, elle se traîna vers son corps, l’attirant contre elle. Dans un élan de désespoir, elle essaya de sentir sa chaleur, une étincelle de vie. Mais sa peau demeurait glaciale et son regard vert ne brillait plus de son étincelle habituelle.
— Je t’en prie... Réveille-toi...
Kyoko ferma les yeux. Ses sanglots s’intensifièrent, l’empêchant de voir clair. Elle murmura des incantations, serrant son emprise sur son amie sans vie.
De longues minutes s’écoulèrent. Toujours le même silence, entrecoupé de gouttes d’eau s’écrasant contre la paroi rocheuse. Inlassablement, elle continua d’incanter, sentant son énergie s’amenuiser à mesure qu’elle se concentrait.
« Cela ne sert à rien, tu n’as jamais réussi à l’aider. C’est de ta faute si elle est morte.»
Une voix insidieuse et sifflante vint caresser ses oreilles. Kyoko serra les dents, agitant sa main comme pour chasser cette mauvaise pensée de son esprit.
— Tais-toi, esprit malsain des abysses, laisse-moi tranquille!
Un froid saisissant se glissa dans la pièce. La kami serra les dents, refusant de lâcher prise sur son amie. Elle se releva doucement, observant chaque recoin de la grotte de ses prunelles acérées. D’une main, elle attrapa la garde de son katana, prête à dégainer. Une silhouette vaporeuse apparut, affichant une forme vaguement humanoïde. Ses yeux disproportionnés luisaient d’une lueur verdâtre, fixant sans ciller la renarde qui se mit à grogner.
— Allons, je comprends ta peine....
L’être esquissa un sourire ambivalent, se rapprochant en un souffle de la jeune femme. Son visage se précisa, affichant des traits plus doux qu’elle ne l’aurait imaginé. Kyoko entrouvrit les lèvres, subjuguée.
— Elle a toujours été là pour toi. Alors que tu étais une jeune kami incomprise, elle t’a tendu la main...
La lèvre tremblante, Kyoko fixa à nouveau le visage blême d’Atarillë. Mille souvenirs l’assaillirent à cet instant, intensifiant sa peine.
— La seule qui a cru en toi, qui t’a poussé à affirmer ta féminité, tout en refusant de te soumettre aux esprits récalcitrants de ton monde. Vraiment, quelle tristesse...
La créature se pencha sur elle, laissant exhaler son parfum putride. Une odeur de souffre mêlée à une trace de rose séchée, qui perturba Kyoko.
— Vraiment que peux-tu faire désormais? Tu t’es battu, tu les as tous tués, mais elle est morte. Ta force, ta puissance, tous tes principes n’ont rien pu faire à cette fin inéluctable.
Kyoko prit une grande respiration. Elle ravala sa salive, essayant d’éviter le regard incisif de cette femme cauchemardesque qui jouait avec ses nerfs. Elle connaissait leur fâcheuse tendance à titiller la corde sensible, et retourner le cerveau de leur victime avec une facilité désarmante. Elle avait passé des lunes à les étudier. Pendant des années, elle avait hésité à rejoindre la brigade de lutte contre les Cauchemars. Elle ne pouvait se laisser faire aussi facilement. Alors pourquoi la douleur lui dévorait l’âme? Pourquoi chacune de ses paroles résonnait en elle comme un périlleux écho du passé?
— Il n’y a qu’une solution et je vais t’aider. Ferme les yeux, laisse-toi aller...
Kyoko hésita. À nouveau, elle plongea ses yeux dans ceux de la reine. Ils étaient si vides, égarés dans un autre monde. Sa plus grande crainte était matérialisée dans ses bras. Le vide, le néant ayant pris possession de son corps. Elle avait échoué.
— Ferme les yeux...
Doucement, elle s’exécuta. L’ombre gagna son champ de vision. Un frimas intense et mordant prit possession de sa chair.
— Oui, c’est ça...
— Non!
Une voix familière s’insurgea. Kyoko rouvrit les yeux, mais la créature sortit les crocs et se jeta sur elle, plaquant sa main contre ses paupières.
— Ne l’écoute pas, ce n’est qu’une illusion...
— Kyoko! Réveille-toi! Tu es prisonnière d’un cauchemar!
Kyoko se crispa. Elle ne rêvait pas, c’était bien la voix d’Atarillë qu’elle entendait. À nouveau, elle serra sa prise sur le corps, dégageant la main griffue qui l’empêchait de voir. Dans ses bras gisait un corps pourrissant, rongé par les vers et les cafards. La créature hideuse esquissa un rictus, perdant de son charme.
— Tu vois, elle est morte, il n’y a plus rien à en tirer...
— Ne l’écoute pas! Ce n’est pas moi que tu tiens entre tes bras! Je suis en vie!
Un éclair fusa dans la direction du monstre des abîmes, qui poussa un cri strident. Kyoko se leva dans un bond, lâchant subitement le corps putréfié qui tomba lourdement au sol, s’émiettant misérablement.
Elle chercha dans la pénombre sa présence, qui se manifesta derrière une stalagmite. Elle était là, en vie, les cheveux dansants sur ses épaules, une lueur hypnotique dans ses prunelles. À ses côtés Aphrodite brandissait une dague étincelante, foudroyant du regard la servante du Cauchemar.
— Maudite créature! Hors de notre chemin!
La bête siffla, laissant apparaître son vrai visage. Sa face s’ouvrit en deux, comme une corolle de fleurs remplie d’épines et de dents brisées. Un trou béant laissa échapper une nuée d’insectes qui se mirent à grossir, devenant aussi gros que des molosses.
Atarillë se mordit la lèvre, couvrant son visage. Elle qui ne supportait pas les cafards, allait être servie. Kyoko s’élança à ses côtés, attrapant sa main.
— Cette fois je t’interdis de tomber ou d’être à nouveau maudite.
La reine esquissa un sourire amusé, malgré la situation désastreuse. Elle hocha la tête, faisant apparaître en un murmure une épée d’argent.
— Je te le promets.
À ces mots, elle s’élança. Aérienne et impitoyable, elle asséna deux coups de lames dans la chair décomposée de l’être qui leur faisait face. Aphrodite se mit à incanter, faisant apparaître des rafales marines qui éjectèrent leur ennemie contre la paroi rocheuse. La hurleuse se releva, crachant un liquide rougeâtre et visqueux. Elle serpenta vers les jeunes femmes, tel un serpent épileptique. Aphrodite repoussa les assauts des parasites, en une danse frénétique.
La servante des ténèbres murmura et les murs se mirent à se tordre de nouveau. La réalité s’étiolait doucement autour d’elles. Kyoko se jeta sur Atarillë, sentant le sol se dérober sous leurs pieds.
— Hors de question que je te laisse tomber!
— Accroche-toi!
Aphrodite incanta, formant une bulle protectrice autour d’elle. Une ombre insidieuse les happa et elles perdirent connaissance.
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