Lorsque la souveraine ouvrit péniblement les yeux, elle se retrouva dans sa petite chambre d’étudiante. Rien n’avait bougé. Sa garde-robe remplie de tenue gothiques, sa fenêtre menant au ciel nimbé de nuages inspirant, ainsi que la voix criarde de Fanny.
Tremblante, elle porta sa main à sa tempe. Une lame douloureuse s’insinua dans ses veines, remontant jusqu’à sa nuque.
— Ce n’est pas possible, ce n’était pas un rêve...
La voix de Fanny se fit plus oppressante. Pendant une fraction de seconde, elle fut tintée d’un cri venu d’outre-tombe, qui lui arracha un frisson. Le décor semblait friser, comme un vieux film rempli de neige et de grésillements.
— Alors, qu’est-ce que tu fais? Tu vas être en retard pour ton rendez-vous avec ton directeur!
Eva sursauta. Pendant un court instant, tout redevint normal. Elle s’éveilla pleinement. Levant la tête, elle vit Fanny. Elle était là, plantée devant elle, avec ses mèches folles blondes et son air agaçant. Ses petits seins pointaient vers elle de manière insolente, avec son tee-shirt blanc, orné d’une moustache. La jeune femme se mordit la lèvre, affrontant du regard sa colocataire.
— Je n’ai rien à faire ici, je n’ai plus de directeur de mémoire. Tu n’es qu’une illusion...
— Mais qu’est-ce que tu racontes? Tu as fumé un truc?
Elle se rapprocha d’elle, posa une main froide sur son front. Eva écarquilla les yeux, le doute s’insinuant dans son esprit. Tout ceci n’était qu’un songe? Cette créature était-elle responsable de cette illusion? La migraine s’intensifia.
— Tu n’es pas chaude pourtant, franchement fait passer, ça a l’air bon!
Eva secoua brutalement la tête, reculant d’un pas. Ses mains enserrèrent ses bras avec force, sa respiration devenant saccadée à mesure que Fanny essayait d’approcher.
— Aller vient, je t’emmène voir des potes ! Tu vas voir ils sont sympas, ils ne vont pas te manger.
— Tu n’es qu’une illusion, fiche-moi la paix!
Elle cacha son visage derrière ses bras, sans doute pour ne pas entrevoir l’horrible face de la réalité. Folie ou horrible monstre des tréfonds? Elle jura avoir perçu l’odeur infâme des abysses, et pourtant...
Tout doucement, sa colocataire la serra dans ses bras. Les larmes jaillirent doucement sous ses yeux. Elle sentait sa main se glisser dans ses cheveux. Le contact était apaisant, même si ses ongles griffus agrippaient parfois quelques-unes de ses mèches rousses avec rugosité.
— Tout va bien Eva. Tu es à la maison, tout va bien.
— Non... Ce n’est pas chez moi... Je ne crois pas... Je...
— Je sais que tu te sens seule et que je ne suis pas parfaite. Mais je t’aime bien, tu sais.
Fanny se recula légèrement, croisant le regard d’Eva avec tendresse. Eva baissa la tête, se sentant mal à l’aise.
— J’avais juste espoir... Que j’avais retrouvé ma famille ! Mais...
Sa colocataire fronça des sourcils. Elle esquissa une moue dont elle seule avait le secret, tout en secouant son index, dressé vers le plafond.
— Ta une famille pourrie, Eva, faut l’accepter. Il n’y a que ta grand-mère qui est potable, et encore, c’est une vieille chouette.
Soudain, Eva entendit une voix familière. Comme un murmure, un appel lointain. Elle secoua la tête, se frottant les yeux énergiquement.
— Ma grand-mère est merveilleuse... Elle...
— Elle est un peu folle, quand même, à te dire que tu as des pouvoirs, tout le tralala. Encore une illuminée sortit d’une secte.
La jeune reine se crispa. À nouveau, une voix douce et mélodieuse tinta à son esprit. Les traits de Fanny se durcirent et elle se mit à regarder nerveusement autour d’elle, comme si elle craignait quelque chose.
— Cesse de mal parler de ma grand-mère. Je crois... Je crois qu’elle a raison, Fanny...
Cette fois, Fanny montra les dents. Elle gesticula de manière chaotique, pointant du dois Atarillë de manière menaçante.
— Faut arrêter de croire à tes histoires fumeuses, Eva. Tu passes trop de temps sur ton ordinateur, à te recréer une vie de princesse féerique! Arrête d’imaginer ça! Tu sais ce que tu es? Juste une étudiante paumée, une pauvre fille qui ne sait pas sortir la tête de l’eau! Tu n’as qu’as ouvrir les cuisses à ton professeur, tu verras, tu l’auras ton mémoire !
La claque retentit, comme un écho rugissant. Les traits déformés par la colère, Atarillë fit face à la réalité. Elle venait d’exploser deux bubons remplis de pus accroché à tas informe faisant office de têtes.
— Pauvre reine, grimaça la créature, dans une voix rauque.
Atarillë fixa ses mains, gluantes. Elle frissonna et secoua la tête, prenant une position défensive. Autour d’elle, le paysage se déforma horriblement. Les murs se mirent à fondre et le sol devint grouillant de vers et de doigts décharnés. La reine serra ses doigts, affrontant du regard l’être difforme qui lui faisait face. Dans un souffle, elle essaya d’incanter, se concentrant comme elle le pouvait malgré les cris torturés qui résonnèrent dans la pièce.
— Tu n’es rien ici, juste une énième victime qui viendra grossir nos rangs et nous rendra plus forts, aboya l’être cauchemardesque.
Elle ne prêta guère attention à sa diatribe. La voix douce et apaisante devint plus claire dans son esprit.
— Atarillë, mon enfant, je suis là.
C’était Aphrodite, elle reconnaissait sa voix désormais. Elle lui donna du courage et elle intensifia sa voix, incanta à gorge déployée, résistant à l’odeur pestilentielle grandissante. La nausée l’envahissait et ses pensées couraient dans tous les sens, mais elle tint bon.
— Toi, terreur des tréfonds, qui jaillit des abîmes sans nom, je te refoule jusqu’à ton linceul, la mort sans limites jusqu’au seuil, retourne d’où tu viens, ne reviens pas demain, n’existes plus jamais, ad vitam aeternam, tu es éliminé.
L’être se tordit dans tous les sens. Un flux électrique émergea des doigts d’Atarillë, encerclant ce qui servait de gorge à son assaillante. La reine serra les dents, encaissant ses couinements de douleurs qui éveillèrent en elle mille images abominables et une irrépressible envie de vomir.
— Tu ne t’en sortiras pas! C’est moi le Cauchemar grandissant, le songe qui hante ton esprit!
— Le songe, c’est moi, péri en silence, je te prie.
Refusant de lui obéir, la bête mourut dans un cri strident. Atarillë se frotta les oreilles, s’autorisant à cracher au sol le contenu de son estomac.
Autour d’elle, le paysage changea à nouveau. Elle se trouvait dans une grotte, illuminée de cristaux laiteux émanant d’une faible lueur. Se relevant avec difficulté, elle égara son regard sur son environnement, poussant un long soupir.
— Ces foutues créatures...
— Ils nous ont téléportés dans les limbes, oui.
Atarillë tourna la tête. Aphrodite se trouvait à ses côtés, le visage couvert de suie et se tâches de sang et sa jolie robe abîmée. La reine accourut vers elle, la serrant dans ses bras.
— Marraine... Vous êtes blessée?
— Je vais bien ma belle, j’ai du éliminer quelques monstres, par ci, par là...
Aphrodite replaça une mèche derrière l’oreille de la jeune reine, d’un geste maternel. Puis elle s’écarta légèrement, jetant un regard dégoûté sur la masse informe et inerte qui tapissait le sol.
— Il va falloir trouver les autres, ne perdons pas de temps...
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