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tome 1, Chapitre 14 « Conciliabule et îles de minuit » tome 1, Chapitre 14

Perséphone crispa sa mâchoire. Dans la sphère en lévitation, des images se dessinèrent. Plusieurs hologrammes formant des silhouettes humanoïdes se matérialisèrent en cercle. Aloysius et Belladona s'inclinèrent devant eux, incitant la souveraine à en faire de même. Les Dieux qui venaient d’apparaître possédaient des physiques très différents les uns des autres. L'un d'entre eux avait l'allure d'un homme imposant. Un parfum mortuaire englobait tout son être. Assorti à sa toge noire, glissait un manteau pourpre dans son dos, voletant à une brise imperceptible. Il émanait un certain charisme. Tout dans son visage était symétrique: ses yeux aux prunelles d'acier brillaient d’un feu intense, ses pommettes semblaient dessinées par une fine lame, son nez aquilin et ses lèvres s’harmonisaient parfaitement avec le reste. Cette perfection géométrique était dérangeante à admirer. Sa coiffure élaborée ajoutait une touche de sévérité à cet individu implacable. À ses côtés se tenait une figure encore plus énigmatique. À première vue, il s’agissait d'une belle jeune femme à la peau de lait et aux longs cheveux noirs. Son regard était perçant, brillant d'une lueur sanguine. Mais ses jambes dévoilaient des serres d'oiseau de proie et dans son dos trônait une imposante paire d'ailes noire. Elle esquissa un sourire narquois de ses lèvres pleines comme un fruit mûr. De multiples bijoux noirs encerclaient ses bras, son cou et ses cuisses, couvertes par un fin voile. Dans toute son allure royale, sa nudité s’exposait à la vue de tous, sans gêne.

Il y avait un homme fier et altier , portant un sceptre et le fouet, affichant une coiffe égyptienne et la peau sombre et légèrement verte. Il discutait à voix basse avec une frêle jeune femme nimbée de brume. Une partie de son visage était squelettique, affichant quelques pans de chairs grises, dont l'oeil blanc donnait un air terrifiant. De nombreuses figures étranges et fascinantes faisaient partie de ce cercle et toutes fixèrent rapidement Hine. La femme oiseau brisa le silence.

— Eh bien, Hine, commença la femme aux ailes d'oiseau, quid du protocole? Nous ne sommes pas préparés à une situation d'u...

— Cette fois, on ne peut se permettre d'attendre la mise en place du protocole, Ereshkigal...

La déesse fronça les sourcils. Ses yeux rougeoyants brûlaient de colère face à l'outrage de sa comparse.

— Tu te permets de me couper! Tu sais que je ne supporte pas cela!

— Pas le temps également de prendre en compte tes états d'âme, les Cauchemars deviennent trop dangereux et envahissants.

Ereshkigal allait ouvrir la bouche, mais elle se ravisa. Les autres se mirent à chuchoter entre eux. L’inquiétude avait gagné le groupe.

— Que veux-tu que nous fassions? Que nous lançons les armées d’outre-tombe sur eux? demanda alors le grand dieu à la peau grise.

— Pas encore, Hadès, mais déjà il faudrait héberger la reine, quitte a lui faire le Palais d’Eleysia dans un de nos plans, afin de l’aider à trouver une solution au plus vite.

Les échos se firent entendre de plus belle, Ereshkigal semblait dans tous ses états et apostrophait Hine, clamant que ce n’était pas du ressort des enfers de gérer cette situation. D’autres se plaignirent encore, comme quoi, réaliser la copie d’un tel édifice, cela ne se faisait pas tous les jours. Aloysius eut l’air plus abattu.

— Si les dieux des enfers ne veulent pas nous aider, qu’allons-nous devenir?

Perséphone leva les yeux au ciel et intervint.

— Chers confrères, commença-t-elle de sa douce voix, je sais que vous êtes pris de court. Seulement, nous étions au courant de la menace depuis longtemps et qu’avons-nous fait? Nous nous sommes contentés d’observer les dégâts, sans agir. Vous ne comprenez pas, il ne s’agit pas d’une petite guerre entre deux nations, mais bien d’un fléau qui n’a aucune limite. Ils viennent du néant, que font nos gardiens? Que faisons-nous? Ils veulent tout dévorer, tout détruire et bientôt ils seront à nos portes après avoir laissé l’Arche-Monde en cendres.

— Mais Perséphone, intervint la jeune femme au double visage, les règles sont strictes, nous ne devons pas...

— Donc tu laisserais les fondations de tout notre univers rongé, pour une question de règles, Hel?

— Tu n’as pas fait grand chose de plus que nous, Perse, persifla Ereshkigal

Perséphone fronça des sourcils, affichant un air sombre, qui trancha violemment avec son attitude sereine habituelle.

— J’ai essayé, avec Hine. J’ai observé la situation, mais votre protocole m’a empêché de faire plus, oui.

La déesse sumérienne maugréa, ce qui déclencha une nouvelle vague de protestations.

— Croyez-vous que nous nous en fichons? Reprit la Dame aux ailes noires, certainement pas! Là-Haut aussi, ils ne bougent pas le petit doigt, on nous dit qu’il faut laisser les plans se gérer, que tout ça, ça vient d’une erreur colossale et qu’ils en sont responsables!

Hine se crispa a ses paroles. Aphrodite baissa la tête, jetant un regard furtif vers Atarillë. Elle était perdue, désœuvrée face à ce conciliabule des plus tendus.

— Et donc, on les laisse nous submerger et lancer l’assaut sur tous les mondes de notre Arche? reprit Perséphone, d’une voix plus ferme.

— Non! Bien sûr que non!

— Alors, on le fait ce Palais? Conclus finalement Hine, qui dévisagea chaque membre de l’assemblée.

Le silence prit possession des lieux. Chacun se regardait en chiens de faïence. Hadès finit par prendre la parole, tranchant l’air de sa voix puissante.

— C’est d’accord, Hine, nous allons faire appel à nos Architectes. Elle sera sous ta responsabilité. Libre à toi de définir les limites des lieux où elle aura accès.

Hine s’inclina. Les autres dieux semblaient dépassés, voire énervés, suivant l’exemple d’Ereshkighal, mais la Polynésienne avait réussi à les faire flancher.

— Je vous remercie.

— Emmène-la dans ton domaine, désigne un endroit ou le Palais sera créer, nous arriverons au plus vite.

— Bien, nous y allons de ce pas.

Sur ces mots, la sphère brilla à nouveau et les silhouettes holographiques disparurent. La déesse polynésienne soupira longuement, avant de se tourner vers les autres.

— Il faut y aller, on soufflera après.

Persophone hocha la tête et se tourna vers sa comparse.

— Je vais rejoindre Hadès, histoire de voir que tout se passe au plus vite.

Hine opina et salua la belle déesse qui s’éloigna rapidement, créant un portail avant de s’y engouffrer pour y disparaître.

Aloysius soupira, mais avança à la suite de la divinité, résignée. Aphrodite n’en revenait pas. Si dans le monde des dieux des Hautes Sphères, le protocole avait son importance, ce n’était pas aussi strict que dans les enfers. Elle pestait en avançant, suivie de Belladona et d’Atarillë. La demoiselle aux cheveux violets restait auprès de la reine, qui ne savait plus quoi penser.

De dédale en dédale, de portail en portail, le chemin fut comme les autres. Même les couleurs chatoyantes ne suffisaient pas à attirer l’attention de la souveraine et de ses compagnons. Aphrodite marmonnait encore dans son coin, ce que Hine supporta avec une grande patience qui ne lui était pas habituelle. Aloysius marchait d’un pas mécanique et Belladona essayait de faire la conversation avec Atarillë, lui parlant un peu de l’Arche Monde.

Elle lui parlait de certains peuples, notamment les elfes.

— Les elfes sont des êtres protecteurs de la nature? demanda la jeune reine

— Oui, mais pas que. En réalité, beaucoup de civilisations sont ici des protecteurs de la nature, elle nous a donné la vie, nous lui devons le respect. Les elfes sont, avant tout, des gardiens des connaissances. À vrai dire, ils seraient prêts à tuer pour déceler un secret.

— Vraiment?! s’écria Atarillë, choquée, qui s’imaginait déjà l’affable Ellariel essayer de tuer quelqu’un pour obtenir des informations.

— Enfin, tous ne sont pas prêts à cela, mais leur credo tourne autour de l’apprentissage et des savoirs.

— Oh. Combien y a-t-il de peuples en ces mondes?

— Beaucoup! Il y a les elfes donc, les fées dont vous faites partie, les nymphes, satyres et esprits de la nature, dont je fais partie, car je suis l’esprit d’une belladone. Il y à également ceux qu’on appelle les Pookies ou Spookies, hommes et femmes bêtes, à ne pas confondre avec les Kamis, esprits divins japonais. Les Semis Géants des Landes, et j’en passe...

— Tant de monde...

— En même temps, l’Arche Monde est immense, c’est un ensemble de plans liés les uns aux autres. Il existe mille paysages, mille royaumes, républiques et gouvernements divers et variés.

— Et les trolls?

— Ah, eux... Ce sont d’anciens gardiens de la nature, proches des Titans et esprits primordiaux. Les humains les ont courroucés, car ils ont commencé à détruire la Terre en saccageant les forêts et en reniant les Dieux. Mais ils sont allés trop loin. Dans leur folie, ils ont voulu détruire l’humanité et recréer entièrement la Terre. Pour cela, ils partirent en quête des trois pommes sacrées.

— Les trois pommes sacrées...

Atarillë devint pensive, serrant instinctivement sa poitrine. Hine glissa un regard vers elle, les guidant toujours à travers un chemin de pierre de lave.

— Nous sommes presque arrivés, trancha-t-elle subitement. Sa voix claqua comme une lame dans l’air.

La jeune rousse sursauta légèrement, observant devant elle une grande porte. Deux gigantesques statues, des moaï de l’île de Pâque, tenaient la garde devant une grande pierre circulaire. Elle ressemblait à un œuf, ou une noix de coco selon le point de vue et la luminosité, bleutée et diffuse.

Hine souffla et une vibration fit trembler le portail qui s’ouvrit en deux avec lenteur. Une douce lueur dorée apparut et un paysage à couper le souffle s’offrit à la vue du petit groupe.

Des grappes d’îles luxuriantes flottaient sur une mer paisible, aux mille camaïeux de turquoise et de lapis-lazuli. Une douce brise parfumée de monoï et d’huile de coco vint caresser les narines de la souveraine. De nombreux moaï étaient présents, émergeant des eaux leurs grandes faces de pierre. Le ciel était comme une voûte, constellée d’étoiles. À l’horizon, le soleil se couchait doucement. La déesse claqua des doigts est une embarcation apparut, une pirogue a deux coques inondées de fleurs de tiaré offrant une touche sucrée supplémentaire aux parfums flottant dans l’air.

Invité à monter à bords, chacun put apercevoir un Maori à la proue. Il s’agissait d’un homme aux épaules larges et à la forte musculature, dont la peau de cuivre était recouverte de tatouages tout en courbes, couvrant la totalité de son torse et une partie de son cou. Il s’inclina respectueusement vers Hine et attendit ses instructions. Elle murmura en polynésien et très vite il se mit à pagayer, faisant glisser la pirogue sur l’eau turquoise.

Les îles étaient plus ou moins grandes, certaines n’affichant qu’une vaste végétation luxuriante, faite de cocotiers, de sable fin et d’une multitude d’oiseaux colorés. D’autres présentaient des constructions, dont une, la plus grande, dominaient les environs. Sur ses monts rocheux se trouvait un gigantesque édifice de pierre, sculpté de figures diverses et variées: des tortues, des soleils et autres animaux marins ornaient les murs.

La pirogue se dirigeait en direction d’une grande île, présentant quelques cocotiers et un large banc de sable. De grandes roches anthracites jonchaient le sable, gravées de divers symboles similaires à ceux de la bâtisse vue plutôt. Mais cette île demeurait vierge d’édifices.

Avec dextérité, le navigateur amarra la pirogue. Hine descendit, suivi d’Atarillë qui observa les lieux, encore perturbée par tous ces voyages. Le parfum de monoï emplissait l’air et apportait un peu de baume au cœur à la souveraine et ses compagnons.

— Ces lieux seront parfaits, attendons les autres, ils finiront par arriver.

— Dans cent ans? demanda Aloysius, un brin sarcastique

— Ils n’ont pas intérêt...

Hine s’installa sur une des pierres, croisant les bras. Belladona se posa non loin d’elle, jouant un peu avec sa chevelure. Aphrodite fit apparaître un peigne en ivoire et vint s’occuper d’elle avec douceur. La souveraine et Aloysius se posèrent également, chacun trouvant un moyen de passer le temps.

Trois heures s’écoulèrent ainsi. Aphrodite en profita pour narrer des histoires, celle de son mythe, des héros légendaires, tout en affichant certaines parts d’ombre que les grands conteurs grecs ne racontaient jamais. Belladona raconta également son récit, son passé en tant qu’esprit de Belladone, au service d’un sorcier. Hine écoutait attentivement, affichant quelques sourires amusés aux anecdotes. Aloysius parlait quant à lui de concoction de plantes, de glyphes magiques et de runes.

Finalement, un portail fut ouvert au beau milieu de l’eau.


Texte publié par PersephonaEdelia, 8 novembre 2023 à 22h17
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