Cette journée avait mal commencé. Arthur affichait une mine contrariée, happée par un flot de sentiments contradictoires. Certes, il était heureux que son épouse soit de retour. Toutes ces années à l’observer, à tenter de communiquer avec elle, souvent sans succès, l’avaient épuisé. Il savait que la majorité des humains prenaient pour des fous ceux qui entendaient des voix, se perdait dans leurs songes trop réels pour être issus de leur pure imagination. Rien ne fut aisé, mais Atarillë s’était à nouveau éveillée. Ses pouvoirs s’étaient révélés de manière définitive et les portes de féerie purent s’ouvrir à elle. Mais il aurait aimé que tout redevienne comme avant: leur relation, leur vie de famille, la gestion du royaume. Cependant, il n’avait pas le temps de s’appesantir sur ses états d’âme. Après avoir amené l’esprit de la fugueuse au palais, très vite on vint le prévenir que la reine avait hurlé de bon matin et manqué d’agresser un serviteur. Inquiet, il avait fait venir au plus vite Aloysius. C’était le meilleur mage-médecin de l'académie et le lien qu’il avait avec la souveraine se révélait être un plus non négligeable. Cependant, lorsque le magicien finit par arriver avec tout son matériel, il se barricada avec elle et tout son dispositif, mettant le roi dehors, sans vergogne.
Dépité et quelque peu agacé, il le laissa faire, retournant à ses occupations. Ellariel le retrouva bien vite, lui indiquant les nouvelles attaques du début de la matinée. Un hameau avait été assailli par des trolls corrompus, des êtres ayant fait allégeance aux Cauchemars.
— Et bien, en plus d’être sans cervelle, ils sont inconscients, marmonna Arthur, peu attentif au reste du rapport.
— Majesté, je suis bien d’accord. Pourtant, à l’origine les trolls étaient les vaillants défenseurs de la nature, quel gâchis. Qui plus est, l’on murmure que ce sont les trolls corrompus qui ont ouvert les passages aux créatures des limbes, ces affreux Cauchemars.
— Je m’en doute bien, je ne vois aucun peuple assez nihiliste pour faire une chose pareille, si ce n’est ces vendus.
Repenser à la guerre des trolls le mettait de mauvaise humeur. Cette guerre fut pour lui le début d’une longue série de catastrophes. Leur royaume fut détruit, tout cela parce que leurs ennemis voulaient anéantir la race humaine qui selon eux annihilait la planète.
Ellariel éplucha le dossier du jour, tombant par hasard sur un ancien document datant de ce conflit.
— En même temps, majesté, ils n’avaient pas totalement tort, mais de là à vouloir commettre un génocide… argumenta-t-il en consultant l’antique dossier entre ses doigts.
Arthur soupira et lui répondit d’un air un peu las.
— Snorr était un roi imbécile, aveuglé par la haine. On ne fait jamais rien de bon avec la haine. Encore moins lorsqu’elle est tintée d’orgueil. D’ailleurs, toujours aucune trace de la pomme d’or, selon les nouvelles?
— Aucune, majesté. Quelle perte incommensurable. Heureusement que notre reine a protégé farouchement la pomme de la création, sans son éclat d’argent, notre pays serait encore dévasté, il nous aurait fallu une éternité pour tout reconstruire.
— Oui. Mais à quel prix?
Le roi s’assombrit un instant, se perdant dans ses pensées. Se remémorer cette histoire le plongeait dans une profonde mélancolie. Il revoyait le visage d’Atarillë, inondée par les larmes le jour de la commémoration des morts, tombés lors de cet affrontement sanglant. La jeune reine n’avait jamais encaissé cette perte tragique d’un nombre incommensurable de ses citoyens. Après tout, aucun souverain ne supporterait cela, sauf peut-être les rois et reines sadiques au cœur de pierre.
— Majesté, concernant le hameau...
Le roi allait lui répondre lorsque l’on tambourina à la porte. Sursautant, il se leva de lui-même pour ouvrir, devançant son conseiller quelque peu désorienté.
— Qui ça peut-être encore? On ne finira jamais nos rapports à ce rythme-là! s’exclama-t-il avec désespérance.
Ce fut Viviane qui apparut à l’embrasure. Ses boucles d’or en bataille semblaient se mouvoir toutes seules, tout comme sa robe aquatique.
— Arthur, on a des visiteurs et cela semble urgent. Ils demandent à passer par le « chemin Diaphane» dit-elle d’un air sérieux.
Le chemin Diaphane, «voie» féerique reliant Les Landes Hivernales aux Pays d’Argent, ainsi que le Pays de Minuit. En temps normal, ces voies «express», magiques, permettant de voyager en un temps record, étaient ouvertes à tous. Mais en temps de guerre, les chemins demeuraient naturellement surveillés et soumis au contrôle des magiciens les plus observateurs.
— De qui s’agit-il? demanda Arthur, intrigué.
— Du Jarl des Landes Hivernales et d’un de ses hommes, répondit-elle.
— Laisse-les passer, ils doivent sans doute avoir besoin d’aide.
Ellariel soupira, rangeant quelques documents. Il comprit rapidement que la discussion du jour sur les trolls allait être écourtée.
— Navré, Ellariel, mais on va devoir accueillir nos visiteurs. Confie donc l’affaire du hameau au lieutenant Aelian. Que l’on prépare la salle du trône et que l’on offre de quoi se restaurer à nos amis des Landes.
— Bien, majesté.
L’air dépité, Ellariel inclina la tête et sortit, croisant le regard mutin de Viviane qui le titilla légèrement. Il s’éloigna en bougonnant.
— Ce pauvre bougre n’arrivera pas à finir son travail. Comme tu le malmènes... persifla la fée d’un air provocateur vers son beau-frère.
— Laisse ce pauvre Ellariel et va donc ouvrir le chemin à nos visiteurs, répondit Arthur en ignorant sa réplique.
Sa belle-soeur lui semblait d’humeur piquante, sans doute cachait-elle son inquiétude par son humour chaotique. Après tout, Atarillë était entre les mains d’un mage-médecin.
***
Le chemin fut des plus chaotiques pour Aasbjorn et Arne. Ils sont partis au plus vite, espérant ne pas perdre de temps sur le chemin. Voilà quatre heures qu’ils marchaient. Leurs longues enjambées leur permettaient de voyager aisément en ces terres glacées. Ces êtres massifs faisant dix pas en un, cependant leur poids faisait que chacun de leur mouvement laissait un trou béant dans la neige.
Comme ils le craignaient, ils tombèrent sur plusieurs groupes de Cauchemars et de trolls. La première escarmouche fut rapidement contrée. Ce n’étaient que quelques créatures ramollies par le soleil, qui tentaient de leur barrer le chemin. Mais la seconde fut des plus musclées. Des trolls corrompus. Il y en avait de plus en plus. À croire que ces mauvais perdants étaient désespérés au point de vendre leurs âmes.
— Quels crétins, marmonna Aasbjorn, contrarié. Ils ont vraiment cru que les Cauchemars acceptaient les alliés! Non, ils ne font que des esclaves!
Encore tâché de sang et de boue, Aasbjorn donna un grand coup à une pierre posée devant son pied, la faisant voler à plusieurs mètres de sa position. Arne priait pour qu’aucun individu ne se prenne ce caillou en pleine tête, sauf s’il s’agissait d’un troll ou d’un cauchemar. Mais il du bien admettre que le spectacle fut des plus sinistres. Ces anciens êtres nobles, protecteurs de la nature, engourdis de miasmes, affublés de tentacules et de dents acérées placées de manière anarchique sur leurs corps autrefois fait de mousse et de roches... Il en frémit encore.
— On ne devrait pas tarder à avoir une réponse, non? demanda Arne, avec une lueur d’espoir dans sa voix.
Après avoir marché, combattu, grogner et marcher à nouveau, les deux semi-géants se trouvaient devant un portail en pierre taillée. La barrière entre leurs landes et les terres joyeuses s’affichait de manière nette. Une ligne séparait clairement la neige de l’herbe verte. Le portail était composé de deux monolithes sculptés d’entrelacs celtiques, surmontés d’une pierre massive. Grâce aux runes inscrites sur son arme, Aasbjorn avait réussi à «activer» celui-ci, du moins à le faire scintiller pour créer une communication. Le semi-géant ne comprenait rien à la magie féerique, si ce n’est à la magie tout court. Le langage des lames lui semblait bien plus simple et s’il possédait une arme enchantée, c’était grâce à la völva de ses landes, la «sorcière» du coin en quelque sorte. Il connaissait la signification de quelques runes, appréciait leurs pouvoirs et leur protection, mais cela n’allait pas plus loin. Il s’en remettait aux dieux et à la Source et à sa combativité pour sa survie.
La communication fut rapide. Une voix féminine leur avait demandé leur identification et suite à cela, elle requit leur patience. Il avait demandé à ce qu’elle se bouge le derrière de façon expresse. Il ne se sentait pas en sécurité, même près d’un portail. Depuis, ils attendaient.
— Cela va faire trente minutes, elle fait quoi la fée, des emplettes?! S’écria le semi-géant, de mauvaises humeurs.
Arne se gardait bien de faire le moindre commentaire. Il n’était pas bon de le contrarier dans ce genre de situation. Lui-même affichait une certaine nervosité. Si les escarmouches qui ont parsemé leur chemin furent contrôlées, c’était bien parce qu’ils avaient fait face à trois, voir quatre individus au maximum. Cela ne serait pas la même chose si une troupe plus imposante leur tombait dessus. D’autant que la faim tiraillait leur ventre. Ils avaient englouti les quelques vivres emportés avec eux, tant les combats les avaient éreintés. Aasbjorn tournait en rond, fixant sans relâche le portail.
— Maudit portail fermé, maudite guerre, maudites créatures!
Au même moment, une forte lumière enveloppa les pierres millénaires d’un halo doré. La même voix féminine retentit.
— Vous pouvez rentrer, faites attention aux virages, certains sont un peu secs.
Un rire claire emplit l’air. Aasbjorn haussa un sourcil. Il trouvait cette demoiselle un peu trop légère pour les temps qui courent. Haussant les épaules il se dirigea vers le portail activé, suivi d’Arne.
— Aller, on y va. Murmura Aasbjorn avant de se faire happer par une force énergétique qui les fit disparaître. Très vitre la lumière s’éteint dans un flash.
Plus loin, derrière une falaise enneigée, des ombres avaient observé la scène. Une longue silhouette à la peau cadavérique se présenta sur un cheval zombie, décharné, dont la chair séchée pendait à son museau. Serrant les rennes de son animal qui n’en était plus vraiment un, l’individu qui se révélait être une femme squelettique, au visage émacié et aux prunelles inexistantes, esquissa un sourire teinté de sadisme. Elle se tourna vers ses sbires, créatures grouillantes postées derrière elle.
— Vous êtes mous...
Soupirant, elle jeta un dernier regard sur le portail.
— Elle a manqué d’attraper le glyphe, il faut que je me renseigne sur qui est la garce qui l’en a empêché...Allez me trouver un moyen d’actionner ce portail vous!
Une bête se détacha de la masse grouillante. Dans un grognement, elle se mit debout. Sa forme initiale était purulente, pleine de verrues, telle une larve infectée. La silhouette morbide incanta dans un sifflement des plus glaçants pour donner une forme humanoïde à son serviteur.
— Débrouille toi, créer des interférences, tout ce que tu veux, mais nous devons récupérer cette reine...
La nouvelle chose à la forme vaguement humaine inclina ce qui lui servait de tête et se faufila à travers le paysage pour se diriger vers le portail.
— Ce n’est qu’une question de temps, j’ai une patience millénaire, tu sais.
La femme fixa la structure antique de pierres, un sourire carnassier aux lèvres.
***
Arthur était nerveux. Il avait un mauvais pressentiment. Il venait d’enfiler une tenue plus appropriée à la visite du jarl. Sur ses épaules musclées tombait un long manteau de moire vert émeraude, une chemise brodée, assortie d’un pantalon noir. Pour l’occasion, il s’affubla également de sa couronne royale, une splendide pièce en or sertie d’émeraudes et de diamants. Soupirant, il se dirigea vers la salle du trône, passant non loin de la pièce où se trouvait Atarillë. Il hésita un moment, désireux d’entrer, pour savoir comme allait son épouse. Puis il secoua la tête, abandonnant l’idée.
« Aloysius serait capable de me remettre dehors à coup de sabot! », pensa-t-il.
Il reprit son chemin et après quelques couloirs, il finit par arriver dans la gigantesque salle du trône. Faisant environ une centaine de mètres carrés, cette pièce pouvait accueillir une foule conséquente. Pour l’instant, seul Ellariel était déjà sur place, lui aussi habillé pour la réception du jarl.
— Votre Majesté, ils ne sont pas encore arrivés, dit Ellariel, d’une voix laconique
— Ils ne devraient pas tarder.
Plusieurs gardes demeuraient postés devant la porte et deux gardes d’élite vinrent se positionner devant le trône. Ces deux êtres massifs arboraient le visage impassible des gardiens intemporels de ces lieux. Il s’agissait de deux êtres hybrides, l’un était à moitié loup, l’autre à moitié renard. Le roi les salua et s’installa à sa place. Un air royal et altier imprégna tout son être. Il avait toujours une drôle de sensation lorsqu’il s’asseyait sur le trône. Comme s’il devenait véritablement roi qu’en prenant place dans cette salle.
Au bout d’une trentaine de minutes qui parurent une éternité, des trompettes sonnèrent à l’entrée. Les gardes firent résonner leurs lances en chœur en les frappant au sol d’un geste sec et mécanique. Les lourdes portes blanches s’ouvrirent, laissant entrer Viviane, accompagnée des deux semi-géants. Ils semblaient proprement éreintés. Leurs chevelures étaient ébouriffées et un fin voile de givre recouvrait leurs vêtements. La fée trottait comme elle le pouvait pour marcher à la même allure que les deux forces de la nature. Lorsqu’ils furent devant le Roi, ils s’inclinèrent légèrement, portant leur poing à leur poitrine.
— Majesté Arthur Wilwarin de l’ordre draconien, Roi Consort du Pays d’Argent, protecteur de ces terres, c’est un honneur de vous revoir.
Arthur esquissa un sourire. Ce n’était pas souvent qu’il entendait son second prénom. Le premier s'inspirait des « légendes de Camelot », mais il avait choisi de le porter au dépit de son vrai prénom, qu’il ne gardait que pour Atarillë.
— C’est un honneur de vous revoir également, Aasbjorn du clan de l’ours de givre, jarl des Landes Enneigées.
Hochant la tête, Aasbjorn continua sur sa lancée.
— Je ne vais pas perdre de temps. Nous avons appris que votre Reine était de retour.
Le roi se frotta la nuque. Il savait que les rumeurs couraient vite. Aasbjorn fixa son regard sur le fauteuil vide à côté de celui du souverain du Pays d’Argent.
— Seulement, je ne vois pas votre souveraine.
— Elle est souffrante. Elle est certes de retour, mais elle est amnésique et a encore besoin de temps.
Le jarl fronça les sourcils. En un instant, son visage changea radicalement d’expression, passant de la cordialité à la colère.
— Comment ça !? Atarillë est plus forte que ça ! Où est-elle?! Mon peuple a besoin d’elle !
— Calmez-vous, Aasbjorn, je comprends votre détresse, nous allons voir ce que nous pouvons faire pour vous aider.
Le jarl souffla bruyamment, tentant de retrouver son calme. Il avait combattu autrefois aux côtés de la reine, durant la guerre des trolls. La savoir « souffrante et amnésique » lui paraissait absurde et insupportable.
— Mon peuple fait face à un assaut de plus en plus incontrôlable, reprit Aasbjorn après quelques minutes de respiration intensives. Nous avons besoin de soutien, avant la nuit, sinon ça sera une vraie boucherie.
Arthur opina, affichant un air grave. Les troupes de Cauchemars gagnaient de plus en plus de terrain. Même au Pays de Minuit l’armée royale peinait à les contenir. Eleysia, pays d’Argent, était attaqué de manière incisive par ces êtres, qui se mêlaient aux assauts des trolls.
— Nous allons vous envoyer du soutien, répondit le roi après quelques minutes de réflexion.
Aasbjorn parut soulagé. Il allait lui répondre quand un bruit vint l’interrompre. C’était un cri féminin, un cri de désespoir et de terreur qui fit sursauter le roi. Celui-ci se leva de son trône.
Un serviteur apparut, essoufflé. Il inclina le buste à la va-vite, jetant des regards inquiets derrière lui.
— Votre majesté, la reine… Elle a besoin d’aide.
Sans attendre, Arthur inclina la tête vers Aasbjorn pour prendre congé.
— Veuillez m’excuser, je reviens.
Il se précipita vers le serviteur qui le mena vers la souveraine dans la pièce de soin. Le jarl fronça les sourcils et prit le parti de le suivre, malgré les supplications d’Ellariel, qui lui demandait d’attendre ici.
Alors qu’il s’enfonçait dans les couloirs, le souverain sentit sa gorge se nouer. Une odeur de soufre planait dans l’air. Sa tête se mit à bourdonner et une mélodie étrange tinta dans son esprit. Les cris se firent de plus en plus fort à mesure qu’il approchait de sa destination. La danse mélodieuse d’un piano mêlé à l’effroi d’un rire malsain, tout cela lui parvenait à ses oreilles et le rendait nauséeux. Il arriva devant la porte où se trouvait Atarillë. Le vacarme ne cessait pas. Il entra brutalement, voyant un spectacle des plus perturbants.
Atarillë se débattait dans tous les sens. Ses épaules étaient parsemées de plumes noires et semblaient se tordre dans un craquement d’os et de cartilage. Aloysius tentait de la maintenir et de la calmer, marmonnant en langue de minuit pour maintenir ses enchantements sur elle. Des liens magiques la plaquaient à moitié contre le lit et ses précédents liens furent brisés, sans doute par une force colossale. La pauvre demoiselle hurlait de douleur, demandant à être libérée de ce qui la possédait. Fonçant sans réfléchir, Arthur vint la prendre dans ses bras.
— Mon roi, faites attention! s’écria Aloysius, voyant Atarillë lancer son poing vers le souverain.
Arthur attrapa le bras de son épouse et le tenait fermement. Il resserra son emprise sur elle, malgré ses gémissements. Il glissa ses lèvres au creux de son cou et à son contact, les gestes survoltés de la jeune femme se firent moins erratiques.
Tout à coup, Atarillë se figea, fixant le plafond comme si celui-ci l’absorbait, passant de l’état de panique à un air catatonique. Le roi murmurait à son oreille des paroles réconfortantes. La jeune femme fit bouger ses bras de manière désordonnée, comme si elle reprenait connaissance du monde qui l’entourait. Elle finit par enlacer Arthur, encore suffocante, essayant de reprendre sa respiration comme après un orage.
Le souffle chaud de son époux caressait sa peau et acheva de la ramener à la raison au bout de longues minutes qui parurent s’éteindre comme des heures. Sa poitrine s’élevait en un souffle plus doux et de fines larmes coulèrent sur ses joues. Arthur releva la tête, croisant son regard. Pendant un bref instant, il fut persuadé d’avoir retrouvé, dans ses yeux verts, l’âme d’Atarillë. Mais il déchanta lorsqu’un voile blanc recouvrit ses prunelles. Elle était à nouveau Eva, humaine perdue en féerie. Il esquissa un pâle sourire et s’écarta d’elle, non sans avoir caressé avec douceur son front.
Aasbjorn arriva à l’embrasure de la porte, observant la jeune femme étendue, échevelée et à moitié recroquevillée sur elle-même. Il fronça les sourcils, une peine incommensurable teintant son regard durant une poignée de secondes.
— Comme vous pouvez le voir, elle n’est pas dans son état normal, dit finalement Arthur, qui tourna son regard vers le jarl.
— Je constate. On ne peut la laisser comme ça éternellement!
— Au moins, lui laisser le temps non ? Elle est arrivée il y a un jour à peine.
— Un jour c’est beaucoup trop, voilà dix ans que l’on tient le siège, que ces bestioles s’amusent à disparaître deux ans pour mieux revenir pendant trois ans et recommencer leur manège! Depuis la disparition d’Atarillë, tout s’est empiré, elle est notre dernier espoir!
— Je sais bien Aasbjorn, mais la nôtre "espoir" ne sait même plus qui elle est.
Atarillë regardait Arthur et le jarl se disputer. Elle détaillait du regard ce mastodonte à l’entrée qui lui faisait penser aux géants des cavernes, habillé à la Viking. Frottant doucement ses yeux et prenant le temps de se souvenir où elle se trouvait, elle sentait ses oreilles bourdonner à chaque intonation appuyée du jarl qui faisait presque trembler les murs. Aloysius reprenait lui aussi son souffle de son côté, épuisé par la scène survoltée qui venait de se produire.
— Excusez-moi, j’ai mal à la tête, dit finalement Atarillë, d’une petite voix enrouée.
Le semi-géant tourna la tête vers la jeune femme et entra dans la pièce. Par instinct, Arthur se positionna devant elle, mais il fut vite écarté par la masse imposante du jarl. Atarillë se tassa un peu plus dans son coin, regardant avec crainte cet être de stature colossale s’approcher d’elle et lui prendre les épaules. Étonnamment, son emprise s’avérait douce, le géant faisant en sorte de ne pas comprimer ses épaules. D’un craquement de doigts, il pourrait briser ce petit corps fragile.
— Atarillë, tu te souviens de moi? Il faut que tu te souviennes, ton peuple a besoin de toi, nous avons besoin de toi!
La voix caverneuse de cet être impressionnant se faisait également moins tonitruante. Il voyait bien qu’elle était effrayée et perdue, il serait inutile de hurler sur elle comme il le ferait sur ses hommes. La jeune femme cligna des yeux, essayant de se souvenir, de comprendre. Alors qu’elle allait ouvrir la bouche, Viviane arriva comme une furie dans la pièce.
— Arthur ! Nous sommes attaqués !
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