« Ô emmène-moi
J'ai fait ce rêve encore
Emmène-moi
A mille lieues de nous
Chasse les oiseaux noirs, les loups
Du vieux monde qui s'endort »
Cécile Corbel
« Atarillë...Ce nom me rappelle un songe, une danseuse de la nuit, porteuse de lumière. Elle faisait partie d’un tout, d’une famille de constellations, d’un ballet cosmique et lunaire, d’un souffle de printemps et d’hiver. »
Tout cela semblait sibyllin ou lointain, mais ces murmures constituaient la pensée de la dame du Lac, qui demeurait au palais de Boréalis, temple des étoiles.
La dame était assise sur un confortable fauteuil, aux couleurs d’argent et d’aurore boréale. Fine demoiselle aux traits fins, ses grandes prunelles observaient le tableau qui lui faisait face. Elle entortillait l’une de ses mèches blondes, aussi dorée que le miel, autour de son doigt.
—Tu as toujours été belle, ma chère sœur. Je ne me lasserais jamais de le dire, jusqu’à ce que tu l’imprime dans ton esprit et que tu chasse ces ombres…
Le tableau, immense, prenait tout le mur du grand salon. Il représentait une dame, les cheveux roux relevés en une coiffure élégante surmontée d’un diadème argenté orné de pierreries bleues. Son port altier lui donnait une allure royale. La figure se tenait assise sur un trône sculpté, elle portait les atours d’une souveraine d’un pays fantastique, tant sa toilette relevait de l’irréel.
Comment cette étoile avait-elle fini sur Terre? Nul ne le savait, sauf peut-être, certaines instances supérieures. Dame Viviane soupira, se levant doucement de son écrin de velours.
— Tu reviendras vite, tu es déjà revenue plusieurs fois par la voie des rêves...
S’approchant du tableau, gigantesque, accroché au mur blanc du Palais, elle approcha sa main blanche, l’amenant aux pieds de la reine à son trône.
Elle ferma les yeux un moment, esquissant un sourire énigmatique, telle une Joconde celtique à l’aura indescriptible.
— Il est avec toi, il te ramènera.
L’image du palais somptueux, de la belle femme aux traits de Renoir, au sourire mystérieux, disparu de son esprit, aussi vite que les brumes du réveil vinrent la cueillir à l’aurore.
— Eva...
Sursautant, comme arrachée à sa matrice originelle, Eva ouvrit les yeux. Devant elle, se trouvait sa colocataire, inquiète. Elle était à moitié habillée dans son lit, à moitié trempé et glacé comme le nid d’un oiseau gelé, laissé à l’abandon au retour de l’hiver. Soulevant avec peine sa tête qui lui semblait peser une tonne, la jeune femme regarda tout autour d’elle.
— Je...je suis où?!
— Chut, calme-toi, tu es à la maison.
Non ce n’est pas vrai, je ne suis pas chez moi. Telle fut la pensée qui traversa Eva à cet instant.
Fanny tourna la tête, fixant le mur, hésitante.
—Tu...Tu étais bizarre hier soir, tu avais des yeux étranges, tu es rentrée comme une furie, à moitié bourrée...Enfin, presque. Tu ne semblais pas avoir bu quoi que ce soit, crois-moi je m’y connais en alcool...Tu n’avais rien avalé, et tu semblais dans un trip étrange...Tu es sûre que tu n’as pas consommé de drogue?
— Hein!
La question de sa colocataire acheva de la faire se lever. Comme une statue de bronze qui s’extirpait de son coussin de fer qu’elle n’avait point quitté depuis un millénaire, la belle échevelée fit face à une humaine complètement perplexe quant à son état.
— Mais non voyons! Je ne touche jamais à ces trucs! Je...Aie ma tête.
Un flot de souvenirs entremêlés s’acharnèrent sur sa boîte crânienne, martelant ses tympans de façon insupportable. Crispant ses doigts blancs sur sa tête, du givre apparut et se déposa comme des perles sur ses cheveux qui petit à petit, devinrent blancs. Fanny se leva, terrifiée à la vue du phénomène.
— Mais, quoi?! s’écria Eva, voyant Fanny la dévisager comme si elle était un monstre.
— Tu...Tu te rends compte de ce que tu es en train de faire?
La jeune femme regarda ses mains, desquelles une fine fumée s’échappait, provoquée par la différence de température entre elle et le reste du monde. Regardant un moment Fanny, puis à nouveau ses mains, elle comprit qu’elle n’avait plus rien à faire ici.
— Je vais m’en aller...
— Et où comptes-tu partir? Tu n’es pas comme nous, ça, c’est sur, mais tu comptes partir ou?
Était-ce réellement Fanny qui avait dit ça? Elle semblait pourtant ne pas avoir dit un seul mot, tant elle était tétanisée. Était-ce sa part humaine, plus consciente de certaines choses? Ou quelqu’un d’autre?
Eva réagit. Elle prit donc ses affaires, du moins une bonne partie, qu’elle plaça de manière anarchique dans un sac de sport. Puis elle partit, laissant statufier une humaine en état de choc. Sans doute parce qu’elle venait de découvrir quelque chose qu’elle n’aurait jamais dû découvrir.
Elle se mit à nouveau à courir, plus vite que le vent et le temps lui-même. S’empressant à travers l’appartement mal rangé et les affaires traînant au sol, tels de faibles obstacles à sa volonté, elle se jeta sur la porte, l’ouvrant comme si sa vie en dépendait.
Lorsqu’elle ouvrit la porte, elle le vit. Un homme de haute stature, la chevelure sombre et en bataille et un regard de glace à vous percer l’âme.
— Bonjour Atarillë.
L’homme esquissa un sourire énigmatique, tout en approchant son visage du sien. Son cou sentait les épices, lui inspirant un hiver russe, aux images subliminales d’un ballet d’ours sur un décor de porcelaine. La cannelle emplissait ses narines tandis qu’une suave odeur de chocolat la faisait chavirer. Très vite elle se retrouva dans ses bras, emportée dans un voyage olfactif et visuel.
—Tu...tu es Arthur?
— Oui, viens. Je t’emmène, prends tes affaires.
Éberluée, sauvage, perdue dans l’alcôve d’un boudoir parfumé et rempli de confiseries, tant une odeur de sucre s’élevait dans l’air, Eva s’éloigna à contrecœur, se dirigeant vers sa chambre. Fanny semblait absente, sans doute était-elle traumatisée par ce qui venait de se produire.
Obnubilée, elle reprit son sac mal rempli et observa de façon méthodique son armoire. Elle avait emporté, dans la précipitation quelques tee-shirts et bas mal assortis. Cette fois-ci, d’une manière complètement organisée, elle édifia un ordre établi entre ses robes steampunk, ses jupes écossaises, ses chandails en cachemire qu’elle avait chiné à une brocante et ses autres types de vêtements, qu’ils soient gothiques, classiques ou casuels.
Alors qu’elle procédait avec minutie, elle sentit un flot d’énergie s’échapper de la pièce. L’onde semblait se tordre comme une corde de violon que l’on malmène, la musique troublait l’air d’un parfum boisé, et très vite son lit fut clairsemé de pétales de roses blanches.
Et voilà, pourtant je ne me drogue pas, me revoilà partie pour un voyage psychédélique
Tendrement, elle fut enlacée par Arthur, qui vint, de ses doigts graciles lui rappeler qu’elle ne rêvait pas. Le monde semblait s’effondrer autour d’eux, laissant place à une clairière odorante, dont le doux parfum de fougère venait exaltait les sens de la jeune femme. Clignant des yeux, elle se rendit compte que dans la foulée, elle venait de terminer sa valise, qui s’était refermée elle-même, fort sagement...
— Où...où sommes-nous?
— Au pays des fées, non loin de ton royaume, le pays d’Argent.
— Le Pays d’Argent? s’exclama Eva, sous le choc.
C’était comme si elle retrouvait une saveur oubliée, une madeleine de Proust, qui, à peine dégustée, vous ramenait un flot de souvenirs que vous vous étiez juré d’étouffer. Elle revoyait l’immense forêt, bordant une colline, surmontée d’une ville opalescente. Un lac siégeait non loin, lac près duquel, selon quelques bribes de souvenirs épars, ils pique-niquaient souvent avec des amies, dont leurs silhouettes lui apparaissaient comme de douces réminiscences d’une vie bienheureuse. Se tenant la tête entre ses mains, elle ne sut dire quelle émotion prenait le dessus sur ce flot de sensations. Le regret, la nostalgie, ou le bonheur de revenir à un lieu trop vite oublié, laissé aux méandres de ses rêves brisés?
Son regard se glissa sur Arthur, qui lui, semblait paisible. Il paraissait presque faire partie du paysage, tant sa physionomie douce demeurait insaisissable. Son regard d’azur vint se poser sur elle, comme une évidence.
Tu es chez toi Atarillë
Et s’il n’y avait que l’onde, que la forêt à perte de vue...Il y avait également la ville. La ville faite de cristal, d’éclats d’opales incrustés dans une roche d’albâtre. Les tours du château perçaient le ciel, telles les flèches d’argent d’Artémis, visant l’astre lunaire qui pointait son visage malicieux dans la brume estivale de la journée.
Tout ici semblait étranger et familier, les maisons aux colombages gris, les toitures d’ombre et d’argent, les fontaines cristallines dispersées un peu partout dans la ville, visibles de loin de par l’éclat du soleil, faisant refléter en leur centre des centaines de halos circulaires, signe de la présence de pièces, sans doute laissées là pour porter chance.
— Étrangement, je connais cet endroit, c’était il y a fort longtemps, en un temps où je crus que cela n’était pas réel...
— Et pourtant ça l’est...Qu’est-ce que le réel, après tout?
Étonnée par sa question, Eva fixa un moment Arthur, qui lui prit la main.
— Dis-moi, le réel, n’est-ce pas une notion humaine? Inventée par eux pour se rassurer sur le bien fondé de leur existence? Qu’est-ce qui différencie un rêve du réel après tout? Le fait que les rêves sont souvent sans queue ni tête?
— Mmm, je ne saurais dire, ma vie fut clairsemée de rêves plus réels les uns que les autres.
— Et là, es-tu en train de rêver ?
— Et bien...
Eva ne savait quoi répondre. Venait-elle de se réveiller au monde des rêves, ou était-ce l’inverse ? Le monde réel n’était-il pas le rêve? Gênée par la tournure de cette conversation étrange, elle se crispa.
— Peut-être est-ce plus un éveil qu’un rêve? demanda la jeune femme, perdue
Arthur esquissa son sourire ravageur, qui lui allait si bien.
— Tu as tout compris.
— Je vois…
Le silence régna quelques secondes, le temps pour Arthur d’attirer contre lui celle qu’il aimait appeler Atarillë. La jeune femme cligna des yeux.
— Pourquoi m’appelles-tu Atarillë?
— Parce que c’est ton nom, ma belle demoiselle.
— Mon nom? Mais je m’en souviens à peine, je me souviens du nom d’Eva, dérivé de celui de la première femme.
— La deuxième...
Alors qu’ils avaient repris la conversation, ils avancèrent dans la clairière, en direction de la citée fabuleuse.
Peut-être que dans leurs yeux brillaient des nébuleuses et sous ce vent poétique en rime en -euse, une belle chartreuse aux couleurs du champagne de la Meuse vint rappeler à la demoiselle ou elle se trouvait.*
— La deu...tiens, une pensée galeuse...excuse-moi, tu disais la deuxième?
— Et bien, Lilith était la première.
— Ah oui, Lilith.
Marchant sur un sentier forestier, à l’ombre des charmes et des oliviers, ils circulèrent entre l’orme et le frêne, là où la tempête zébrait l’ombre de l’ébène telle une marque étincelante. Nos deux personnages s’enfonçaient, errant en sachant où aller. La ville, majestueuse, en quête de sa souveraine, apparaissant comme plus proche, mais à la fois comme un individu curieux en quête de sensation. Elle ouvrait ses ruelles aux ruisseaux, chantait en cœur les mélodies des oiseaux qui s’engouffraient entre tourelles citadines et cimes des chênes.
Arrivant enfin à destination, la frontière entre la cour des Ormes et des pavés de roche semblait ténue. Partout se mêlait la végétation, dans une hiérarchie qui se voulait désordonnée. Lorsqu’elle avançait en direction d’une petite ruelle sillonnée, le chemin s’illumina et partout autour d’elle dansaient des orbes étranges et scintillants, brûlant de mille couleurs irisées.
— Lilith était la première épouse?
— La première femme, corrigea Arthur, d’un sourire étrange. Elle était femme avant d’être une épouse.
— Elle était donc libre...
— Le mariage n’est une contrainte que lorsqu’un des deux partis profite de l’autre impunément.
— Je ne l’aurais pas dit ainsi.
— Comment alors?
— Le mariage est une union, lorsque l’un voit l’autre comme un intérêt plutôt que comme une moitié...Bon sang, ce que je dis...
— Quoi donc?
— Ce que je dis, c’est tellement convenu.
Le jeune homme se mit à rire. D’un rire clair comme du cristal. Jamais il n’avait autant paru assorti au paysage qu’à cet instant. Le bel homme, détaché de tout, de toute convention, riant dans une ville détachée du réel...
— En quoi ça l’est, dis-moi? Quand je vois ce que tu appelles réel, ce qui semble convenu, c’est en permanence chercher à tromper l’autre, encore plus soi-même.
— Et ici, c’est différent?
Il la fixa un instant, étrangement serein.
— Tu verras bien.
***
Les chemins nous menaient à un ensemble d’habitations, toutes plus hautes que les gratte-ciels et pourtant si proche de notre hauteur. Les notions du réel se perdaient dans mon esprit à mesure que je me rapprochais de cet endroit, à mesure qu’Arthur entrelaçait ses doigts entre les miens. Je me sentais guillerette, enchantée dans le pays des fées, où tout m’attendait, où plus rien ne me retenait. Je devenais moi-même irréelle, légère. Rapidement, j’eus envie de courir à travers les ruelles, les songes venaient à moi comme le parfum d’un coquelicot, fraîchement sorti de la terre après le retour du printemps. Mais quelque chose au fond de moi me rappelait que tout demeurait étrange. Sans doute, mon côté terre à terre.
À mesure que nous traversions les jardins, où de merveilleuses fontaines composées de pierres blanches étincelantes dévoilaient des statues girondes, nous éclaboussant de leurs cruches d’où jaillissait une eau fraîche et délicieuse, nous arrivâmes devant le château, émerveillé par tant de beauté. Les bosquets nous offraient un parfum de roses royales, où les maisons étincelaient comme si elles étaient composées de marbre. La ville était calme, mais pas inhabitée. Nous avions croisé un être ressemblant fortement à Gimli du « Seigneur des Anneaux », qui nous avait salués fort respectueusement, pour finalement me faire une courbette lorsqu’il crut me reconnaître comme étant quelqu'un d'important. Pourquoi un tel comportement ? Voilà qui semblait bien étrange.
Puis nous avons vu quelques habitants, des fées, des elfes et même des êtres félins ou renardesques. Au loin, j’aperçus une femme à la longue chevelure noire, lisse et brillante, me fixant de ses yeux en amande. Elle avait de grandes oreilles de renarde. Elle ouvrit grand la bouche, semblant fort surprise de me voir, avant de courir à toute allure en direction du château.
— Mais, qu’est-ce qui lui prend?
— Elle va annoncer la nouvelle.
— La nouvelle?
Très vite, un mouvement de foule éclata, dans une exclamation de joie que rarement dans ma vie je n’ai vue d’aussi exaltée. Un groupe hétérogène s’empressa autour de nous, s’exclamant dans une langue que m’interpella. Cette langue me rappelait des chants anciens qu’une voix féminine me chantait parfois le soir. J’essayais de me concentrer pour en comprendre quelques brides. Je finis par entendre que l’on acclamait le retour de la reine. J’étais plutôt impressionnée par mes capacités à déchiffrer quelques mots d’une langue fantastique.
— La reine est de retour! Louons les Dieux et la Source !
Sans que je n’aie le temps de réagir, je fus portée par plusieurs d’entre eux, emmenée jusqu’à l’intérieur du château. J’eus à peine le temps de me ressaisir qu’à nouveau la splendeur des lieux m’interpella. Des tentures aux couleurs chaudes ornaient les murs de glace, ce qui laissa entrevoir la nature environnante et la citée mêlée aux chênes centenaires. La salle paraîssait gigantesque et un trône de feuillages, inondé de papillons multicolores, semblait m’attendre. J’étais à la fois sous le charme et éberluée, que faisais-je ici? On était bien en train de m’emmener vers un trône ?!
— Notre reine à tous, Atarillë du pays d’Argent, est de retour!
Un homme aux longs cheveux bleutés se présenta à la foule en liesse. Il était grand, sa silhouette élancée et musclée surplombait la salle, celui-ci se trouvant non loin du siège royal qui se trouvait légèrement en hauteur.
—Mais…
Ma voix timide résonnait plus que je ne l’espérais. À croire qu’elle prenait une importance toute particulière en ces lieux, vu que tous les visages s’étaient brusquement tournés vers moi.
Je leur lançais un regard suppliant, tout en fixant le sol. On consentit à me faire descendre. Je me sentais déjà un peu moins mal à l’aise même si une petite voix au fond de moi me criait de fuir à toute vitesse.
Très vite, une silhouette se faufila comme elle le pouvait, jusqu’à moi. Je reconnus très vite la jeune femme aux longs cheveux noirs. J’aurais dit qu’elle était d’origine asiatique, avec de beaux yeux, légèrement bridés, brillants d’un éclat vert lumineux. Sa bouche était fine et son nez si petit qu’il s’accommodait fort bien à l’harmonieux visage rond qui m’examinait avec attention.
— Majesté, vous ne me reconnaissez pas?
Elle avait dit ces paroles avec une certaine tristesse dans sa voix, qui m’émut sans que je ne sache dire pourquoi.
Pendant un instant, j’essayais de réfléchir. Arthur m’esquissa un bref sourire, assez énigmatique. Comme s’il voulait me dire “tu sais très bien qui elle est.” Du moins, je pense que ça voulait dire cela. Facile à dire, même dans un regard et un sourire. J’essayais de me concentrer...Je me rappelais alors d’une jeune demoiselle, portant un ruban dans ses cheveux, courant vers moi avec un coquelicot à la main...à moins que e ne fût un katana? Oula oui, je me souviens que c’était plutôt…une demoiselle au fort tempérament aimant courir dans les champs de blé (ou après des hommes ayant osé lui dire de retourner à la cuisine, pourquoi j’avais cette sensation bizarre?)
Je tentais alors de mettre un nom sur ce visage.
— Ry...Ryuko… ?
— Oh, tu te souviens!
Sans attendre, elle se jeta dans mes bras. Décidément, j’avais des amis. Je ne comprenais pas grand-chose. Tout semblait brumeux dans mon esprit, c’était encore pire qu’une journée en campagne un jour de brouillard. J’aurais du être plus perdue que ça, ne rien entendre à cette réalité, tout ce que je savais, c’était que j’étais chez moi.
— Maintenant que tu es là, tout ira bien.
— Je…
— Où étais-tu ? Demanda la renarde, la lèvre tremblante.
— Et bien je… Sur Terre, les humains, le monde réel...
Tout ira bien, je ne sais pas pourquoi, mais ces mots ne me rassuraient pas. Je craignais le pire. Tous ces regards étaient rivés vers moi. Ryuko pencha la tête sur le côté, perplexe. Ma réponse l’avait étonné.
Peut-être devrais m’en aller. Mais…
J’avais beau essayer, je n’arrivais pas à écouter mon instinct et partir loin d’ici. Il aurait fallu, pourtant, je devrais. Mais je n’en avais pas envie, au fond. J’étais rentrée chez moi, comme on rentre après un long voyage.
— Allons, allons, laissez donc la Reine respirer, Ryuko-Hime.
Cette voix venait de l’elfe à l’allure fine et athlétique. Sa chevelure flottait d’elle-même, sous l’inertie de ses mouvements. Il m’offrit un beau sourire puis se mit à saluer Arthur.
— Et personne n’a songé à sa saluée, Sa Majesté le roi consort...
Instantanément, la foule autour de nous recula, pour s’incliner, respectueusement. Un silence s’installa, instaurant une ambiance solennelle et royale. Je me retrouvais au milieu, au centre des révérences, auprès d’Arthur, qui esquissa un sourire et ferma les yeux.
— Allons, allons, vous m’avez vu il y a peu de temps, je vous en prie, relevez vous. Assez babillé, que l’on mène Sa Majesté à sa chambre. Ellariel, j’ai besoin de vous parler, venez avec moi dans la salle d’audience.
D’un seul coup, son apparence avait changé. Il était plus grand, plus altier. Sa chevelure encadrait un visage plus sérieux, un regard plus grave qui s’était posé un instant sur Ellariel, l’elfe à la chevelure océan. Il avait l’air d’être un chambellan, un conseiller royal. S’inclinant avec déférence, Ellariel se préparait à suivre le Roi, Arthur, quand il se tourna vers moi.
— Prenez le temps, chère amie, de vous remémorer les lieux. On va vous mener à votre chambre.
Il prit ma main avec tendresse et y déposa un baiser. J’étais persuadé de faire face à une autre personne. Pourtant il restait Arthur, celui qui était venu me chercher, dans l’autre monde.
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