Le ciel gris possédait son propre parfum. L’on pouvait sentir l’odeur de la liberté et de la douceur embaumer les chevelures ainsi que les cœurs. Adara observait le reflux constant de l’eau, la mer s’offrant et se dérobant au rythme du vent. Azielle tenait la main de sa fille, serrant finement ses petits doigts. Les traits d’Alistair parurent plus détendus, bien qu’affichant toujours son regard d’ombre, perdu dans le lointain. Ils avaient rejoint les Mac’Manadan ainsi que les Mac’Lir, les nouvelles familles de Nazran et Kyoko. Adara prit le temps de les observer. Du côté des parents de Kyoko, il émanait d’une grande douceur et d’une délicatesse hors du commun. Chacune de ses deux mères se mouvait dans une harmonie et dans une grâce synchronisée, presque irréelle. Lady Mac’Lir, une femme de taille moyenne aux prunelles d’ombre, incarnait l’élégance et le rêve. Chacun de ses pas semblait ne pas toucher le sol. Elle avait retiré ses baskets blanches pour profiter du contact du sable. D’un geste délicat, elle retira sa pince ouvragée, ornée de fleurs en porcelaine, sa longue crinière de jais glissant sur ses épaules. Kyoko l’observait attentivement, une lueur étincelante brillant dans ses yeux. Sa deuxième mère se voulait encore plus impressionnante. Grande, aux épaules larges et aux cheveux tressés, une pluie de mèches argentées s’entremêlaient à sa chevelure noire. Un sourire énigmatique ornait son visage en permanence, lui donnant un air de Mona Lisa.
À leurs côtés, les nobles Mac’Manadan paraissaient bien plus solaires. Ils étaient comme le jour et la nuit, les dames portant la lueur de la lune, tandis que le couple celtique émanait d’une force plus éclatante. Lloyd Mac’Manadan rayonnait d’une mine joviale, si contagieuse qu’elle en arracha un rire à Alistair. Il s’agitait sans cesse, parlant de tout et de rien et commentant le moindre élément du paysage, la moindre tenue revêtue par ses congénères, le tout avec joie et bienveillance. Il avait un air de prince écossais, avec ses cheveux mi-longs châtain et son œil d’un bleu azuré. Sa compagne n’était pas en reste, avec ses mèches incandescentes et sa peau de lait, constellée de taches de rousseur et de quelques marques de psoriasis. Ses traits se voulaient coupés au couteau, lui donnant un air sévère, qui s’estompait par l’éclat de son regard, d’un violine des plus inhabituels. Adara finit par comprendre que les gardiens d’origine féeriques avaient en commun cet éclat vivace dans leurs prunelles.
Pendant un instant, Adara aurait aimé que ce moment dure éternellement. Elle vivait un rêve éveillé, entouré de parents dont elle avait toujours espéré la présence. Elle éprouvait quelque chose considéré comme normal pour la plupart des enfants, mais qui était un don du ciel à ses yeux.
Kyoko brisa son silence contemplatif en lui prenant la main.
— Viens, on va mettre les pieds dans l’eau!
Adara cligna des yeux, mais n’eut pas le temps de répondre qu’elle se fit embarquer par une tornade brune au bord de la mer. Ses petits pieds s’immergèrent dans la fraîcheur de l’écume. Doucement, elle s’enfonça dans le sable mouillé, appréciant la vague qui vint caresser ses jambes, dans une valse océanique des plus douces. Un sourire se dessina sur ses lèvres et Kyoko se mit à danser au gré de l’onde.
— Regarde Ada! Nous sommes enfin avec nos familles et on va pouvoir grandir ensemble, c’est merveilleux, non?
Adara hocha la tête, peinant à trouver les mots. Kyoko se mit à chanter une comptine qu’elles avaient apprise à Garnet’Places. D’un air entêtant, les paroles s’échappèrent de leurs voix fluettes, tintant comme des carillons au gré du vent et de la mer.
— Petite sorcière, éveillée au sous-bois, il y avait près de toi un roi qui t’aimait de tant d’émoi...
Adara chantait avec elle. À croire que la mélodie venait plus facilement que les mots. Progressivement, sa voix enfantine se transmuta en une musique fantasmagorique, aux échos d’un autre monde. Quelques symboles se marquèrent dans sa chair, dessinant sur sa nuque des runes aux contours obscures. Kyoko paraissait absorbée par la beauté du moment. Les sigils dansèrent sur la peau d’Adara, en même temps que les deux enfants tourbillonnaient en cercle, dans une ronde innocente et magique.
Azielle, qui s’était absenté quelques instants, revint avec un panier rempli de victuailles. Elle fixa les petites qui exécutaient un ballet des plus étranges, ainsi que Nazran qui les fixait de ses yeux écarquillés. Elle secoua la tête et s’avança.
— Les filles?
Adara se figea. Une sensation de froid glacial la saisit, comme un liquide d’azote glissant dans ses veines. Azielle s’approcha d’elle, tendant sa main vers sa joue. Les symboles s’effacèrent en quelques secondes, tandis que l’enfant reprenait conscience du monde qui l’entourait.
Les autres accoururent dans leur direction. Ils ne se trouvaient pas loin de la scène, comment ont-ils pu ne rien voir? Azielle observa les environs et perçus comme une sphère, une bulle se déliter, loin de leurs présences.
Alistair les dévisagea longuement, interloqué.
— Que s’est-il passé?
Adara haussa les épaules, sa tête dodelinant de manière erratique. Un parfum de menthe se glissa dans l’atmosphère. Au loin, l’horizon se constella de paillette d’or, en un mirage aux mille camaïeux de feu, perçant la grisaille comme une annonce divine.
Lloyd cligna des yeux, perplexe.
— Jamais je n’avais vu un ciel aussi éclatant en cette contrée...
Alistair tourna la tête vers sa fille, intrigué. Azielle hoqueta, encore sous le choc.
— Des symboles, elle avait des symboles sur la peau, et sa voix... Vous n’avez rien vu?
Phan, Dame Mac’Lir, papillonna des yeux. Elle et sa compagne se dirigèrent instinctivement vers Kyoko, les Mac’Manadan suivant son exemple avec Nazran. Si la petite fille paraissait aller bien, l’esprit de Nazran apparaissait comme hors du temps.
— À vrai dire, souffla-t-elle de sa voix mélodieuse, nous les voyons s’amuser et tout semblait aller pour le mieux.
Caitrine entortilla une de ses mèches rousses. La gardienne aux yeux violets fixa un instant Lloyd, avant de répliquer.
— J’ai perçu un mouvement d’énergie, quelque chose de doux, mais mon attention fut happée, comme si...
— Comme si tout était normal, et que nous ne devions pas interférer, répondit Lloyd
Alistair fronça les sourcils. Il posa doucement sa main sur le front d’Adara, qui eut un léger mouvement de recul.
— Tout va bien ma chérie, je vérifie si tu as de la fièvre.
Adara hocha fébrilement la tête. La chaleur qui émanait de son corps devint infernale, comme si elle venait des tréfonds planaires. Alistair fronça des sourcils.
— Elle est brûlante, Azielle, tu as quelque chose?
La fée acquiesça et sortit une bouteille d’eau. Nazran secoua doucement la tête, revenant lui aussi à lui-même. Lloyd et Caitrin l’entouraient, quelque peu inquiets. Azielle le vit du coin de l’œil et opina vers sa consœur. Pour commencer, elle sortit une bouteille d’eau de son panier en osier. Elle fit couler l’onde entre ses mains qu’elle apposa sur le front de sa fille. Entre ses lèvres s’échappèrent des murmures, un souffle insaisissable et mélodieux, qui eurent l’effet d’une caresse sur Adara. Doucement, elle reprit des couleurs et la chaleur s’estompa.
Azielle poussa un soupir de soulagement, rapidement imité par tous les adultes présents. Alistair jeta un regard aux alentours, veillant à ce que personne ne les observe. Par chance, il y avait peu de monde, et la scène pouvait passer pour une insolation d’une enfant britannique peu habituée à cette chaleur soudaine.
Adara cligna des yeux. Elle atterrit réellement dans la réalité de chair et remarqua chaque présent de ses yeux gris. Azielle, qui se trouvait au plus près d’elle, jurait que la tache blanche de son œil gauche avait pris plus d’ampleur. Elle tourna la tête vers son époux, lui murmurant quelque chose à son oreille. Kyoko n’attendit plus longtemps pour se jeter aux bras de son amie.
— Tu nous as fait peur! Que s’est-il passé?
Adara enfonça sa tête dans les épaules. Malgré ce bonheur sans nuage, elle arrivait encore à attirer l’attention sur elle. Jamais, elle ne sera libérée du masque de l’étrangère. Elle se retint de pleurer, sentant le regard de tous ces parents comme un jugement placardé sur son âme.
Pourtant, leurs visages ne trahissaient que de l’inquiétude, et beaucoup de tendresse.
Elle entrouvrit les lèvres, balbutiante.
— Je suis désolé... Je...je suis toujours bizarre...je cause des problèmes.
— Mais non voyons! Qui a bien pu mettre ces idées dans ta tête?!
La voix qui venait de percer l’air provenait de Caitrin. Elle croisa les bras et Adara était persuadée qu’elle se trouvait fâchée. Pourtant, elle vint vers elle et lui tapota la tête.
— Hé, ma petite, nous sommes tous bizarres ici. Tu n’es pas plus bizarre qu’une autre, tu as juste ton fonctionnement. Oublie tout ce que ces...cintrés d’humains t’ont appris, d’accord?
Adara se figea, éberluée. Lloyd éclata de rire, ce qui détendit clairement l’atmosphère. Encore une fois, il contamina Alistair. Le Manadan, comme son ami aimait à l’appeler, mit une tape amicale sur l’épaule de son épouse.
— Bien parlé ma jolie! C’est bien ma femme! N’écoute pas les «moldus», comme on les appelle dans cette série de romans, la... Harry Po...
— Oui, oui, pas besoin d’épiloguer sur le sujet, le coupa Alistair, en roulant des yeux. Mais, ils ont raison. Je sais que tu as affronté bien des choses et que tu fais face à de nombreux changements, mais... Tu es déjà notre fille et nous t’aimons déjà. Tu n’es pas une gêne, nous devons juste apprendre et comprendre ce qui se passe, d’accord?
Alistair s’agenouilla près d’elle et la serra contre lui. Une vague de douceur l’immergea, laissant couler ces larmes trop longtemps retenues. Tendrement, il caressa sa chevelure, qui paraissait plus blanche que blonde désormais. Azielle rejoint l’embrassade, qui se transforma rapidement en boule d’amour géante, chaque présent offrant ses bras et son parfum.
Adara fut prise d’un rire nerveux. La pression de ce câlin d’ours, la situation, le bruit de la mer, écume s’effaçant sur le rivage... Cela la faisait rire, et ce fut communicatif. Chacun s’écarta pour la laisser respirer et s’esclaffait, reprenant un peu de joie après une bonne frayeur.
Azielle vint caresser le visage de son enfant.
— Ne t’en fais pas, nous sommes là, maintenant.
Sans doute que ces paroles resteront gravées à jamais dans la mémoire de son enfant.
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