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tome 1, Chapitre 12 tome 1, Chapitre 12

Les quelques jours d’évènements se déroulèrent comme dans un rêve. Tous ces moyens déployés donnèrent à ces instants un côté enchanteur. Les yeux des enfants brillèrent au spectacle fantasmagorique de la spirite Elena Sirvana, qui faisait tourbillonner l’énergie entre ses doigts, la faisant exploser en feux d’artifice. Si des humains lambda auraient été présents à l’évènement, sans doute que l’hilarité les aurait gagner. En effet, le monde de la magie n’était visible que des spirites, ou tout autre être possédant des capacités extra-sensorielles. Le flux d’énergie, qui reliait les mondes, s’avérait être une force capricieuse, qui ne s’affichait qu’à ceux qui possédaient un peu de son essence en eux.

La simple pensée que ses parents dormaient non loin d’elle emplissait le cœur d’Adara d’une joie inextinguible. Elle se serait écoutée que déjà, on l’aurait retrouvée cachée dans leur chambre, tant elle refusait de les quitter un seul instant. Pourtant, une peur étrange la retenait, comme pour l’empêcher de trop s’attacher. Peut-être que la crainte d’être à nouveau abandonnée lui saisissait la gorge? Elle n’arrivait pas à définir cette sensation gênante, qui planait dans sa poitrine.

De leur côté, Alistair et Azielle durent se plier à l’exercice administratif. Outre les papiers exigés pour l’adoption que tous parents, humains ou spirites, se devaient de remplir, ils firent face à leur propre société, qui exigeait plusieurs examens «médicaux» spécifiques à réaliser sur Adara. Amelin fut atrocement gênée lorsqu’elle se trouva dans l’obligation de leur faire part de cette manœuvre obligatoire.

Alistair, qui se trouvait confortablement installé sur l’un des sièges molletonnés du bureau officiel de la directrice, se frottait le menton d’un air songeur.

— Sommes-nous vraiment obligés de passer par là?

— La Main est intransigeante sur ce point, vous le savez bien, soupira Amelin.

— Qu’est-ce qu’ils ont avec leurs «anomalies»? Il n’y a pas d’anomalie sur cette Terre!, pesta Azielle.

Amelin hocha doucement la tête. Elle sortit d’un de ses tiroirs un manuscrit ancien, relié de cuir et incrusté de pierres noires. Elle glissa sa main sur la couverture, murmurant quelques mots, avant de l’ouvrir d’un geste délicat. Elle parcourut les pages et s’arrêta lorsqu’elle trouva ce qu’elle désirait voir.

— Les lois de notre civilisation sont parfois archaïques, mais malheureusement inchangées depuis fort longtemps. Chaque enfant adopté devra passer le sortilège qui détectera les potentielles «anomalies». Chaque enfant non humain sera inscrit sur le registre. S’il est dangereux, il sera...éliminé.

Alistair fronça les sourcils. Tout son corps se contractura, malgré ses efforts pour camoufler son agacement.

— Il est hors de question qu’ils touchent à ma fille.

— Il n’y a aucune raison, Alistair. Ta fille n’est pas dangereuse. Elle s’est très bien intégrée dès son arrivée et n’a mis en péril personne. Certes, il est arrivé quelques évènements particuliers.

Azielle pencha la tête sur le côté.

— Quels genres d’évènements? Vous nous avez expliqué pour le rituel, vous évoquez ce moment-là?

— Entre autres, mais aussi qu’elle attirait l’attention de notre personnel féerique. Ils sentent qu’elle est différente, son parfum titille leur intérêt. D’autant plus qu’elle arrive à voyager dans l’Autre Monde avec une aisance hors du commun pour une enfant, elle est vraiment particulière. Il y a de fortes chances qu’elle ne soit pas totalement humaine.

— Et bien, elle a sans doute du sang fée, répliqua Azielle, en haussant les épaules. Il n’y a aucune raison pour qu’ils nous l’enlèvent.

— Je ne pense pas, en effet.

— Quand est-ce que l’agent de la Main viendra faire ses «tests»?, interrogea Alistair

— Demain, dans l’après-midi.

— Bien, cela nous laisse un peu de temps.

Alistair se redressa prestement de son siège. Il offrit un sourire contrit à la directrice, avant de tendre sa main vers son épouse qui la saisit avec délicatesse.

- Chère Amelin, si jamais vous avez la moindre information supplémentaire, n’hésitez pas à nous en faire part, souffla Alistair, d”un air fatigué.

- Bien entendu. Prenez du repos, cette histoire semble vous peser au plus haut point.

- C”est normal, elle est déjà notre fille, en tant que parent, on se tracasse toujours pour nos enfants.

Amelin hocha doucement la tête, regardant sortir les Mac’Moore d”un air songeur.

***

L’après-midi s’annonçait radieuse à l’orphelinat. Le soleil fardait ses rayons sur le jardin rempli de roses et d’autres fleurs odorantes qui enchantaient tous les convives. Adara aurait pu passer des heures près des jasmins, qui embaumaient de leur parfum les murs de son établissement. Azielle s’était amusé à cueillir quelques fleurs, pour les glisser dans sa chevelure dorée. L’enfant souriait, son visage prenant des airs féeriques avec ses mèches blondes remplies de pétales blancs.

Dans leur promenade paisible, les Mac’Moore furent rejoints par leurs amis, accompagnés de Kyoko et Nazran. Les amis se retrouvèrent avec joie. Alistair, cependant, peinait à se sentir complètement détendu. Il sentait le regard perçant de Lux sur eux, qui ne cessait de les fixait, en compagnie de son fils. Azielle posa une main douce sur son épaule.

- Tu veux aller ailleurs, mon chéri?

Alistair poussa un long soupir. Il offrit un sourire pincé à sa femme, avant de hocher la tête.

- Un tour vers la mer, tu penses que ça leur plairait?

- J’en suis certaine, répondit-elle en caressant sa joue avec douceur.

Alistair opina et se tourna vers leurs amis. La proposition fut faite d’une excursion loin de l’orphelinat. Après tout, rien ne les interdisait de faire un tour, tant qu’Amelin était prévenue.

Les enfants furent surexcitées à l’idée de découvrir la mer. Sous la protection de la directrice, ils sortaient peu, à cause des dangers potentiels. S’ils étaient encadrés par six adultes entraînés, ils devraient être en sécurité. Le mot fut passé à Merry qui obtint l’aval de sa spirite. Il ne restait qu’à se préparer à partir.

Une armée de serviteurs féeriques leur préparèrent des pique-niques et leurs affaires pour la sortie. La seule consigne était qu’ils devaient être tous rentrés avant la tombée de la nuit. Autant de spirites dehors attireraient forcément des ennuis.

Lorsque Adara vit la voiture de ses parents, une Tesla noire des plus rutilantes, elle jubila intérieurement. Au fond, cela faisait un mois qu’elle était plus accoutumée au luxe, mais le simple fait de se dire qu’il s’agissait de la voiture de sa famille l’impressionna. Alistair la fit s’installer et ils partirent tous en direction des côtes anglaises.

Durant la première partie du trajet, Adara fut assez silencieuse. Elle écoutait ses parents parler, fascinée, ayant la forte sensation d’être encore dans un rêve. De temps en temps, Azielle vérifiait qu’elle allait bien et qu’elle ne manquait de rien. Elle lui donna un petit paquet de bonbons qu'elle grignota doucement, comme pour ne pas perturber le film qui se déroulait sous ses yeux. Elle avait peu de souvenirs heureux de sa précédente vie. Son géniteur refusait que sa mère utilise l’argent pour faire quelques sorties et la seule dont elle se souvenait, c’était une visite au zoo.

Elle se mordit la lèvre à ce souvenir douloureux. Elle se souvenait parfaitement du décor, de l’odeur âcre qui planait dans l”air. Cependant, quelque chose de nouveau se débloqua dans son esprit. Elle se revit, toute petite, tenant la main de son père. Celui-ci la serrait contre lui. Elle sentait son contact et elle ouvrit grand les yeux, sursautant sur son siège.

Dans son supplice interne, elle était persuadée de ne pas avoir crié. Ce n’était pas ce que laissait présager l’expression inquiète de ses parents. La voiture se trouvait à l’arrêt, posée non loin d’un chemin de terre.

Tout son corps tremblait et sa respiration se voulait saccadée. Azielle s’extirpa de son siège avec une agilité déconcertante pour se retrouver à côté de sa fille. Avec douceur, elle lui tendit ses bras. Adara fondit tout contre elle, n’arrivant guère à prononcer le moindre mot. Azielle se mit à la bercer délicatement, caressant ses cheveux. Alistair ne pouvait se départir de la scène, ses yeux devenant rouges et embués de larmes. Il tendit lentement sa main vers sa petite, effleurant sa joue. Elle leva les yeux vers lui, son air changeant brutalement. Elle venait de se réveiller, de reprendre conscience de son corps, de ses joues brûlantes, de sa bouche pâteuse.

— Que...que se passe-t-il? bredouilla-t-elle avec peine.

Azielle recula légèrement sa tête, plantant son regard dans le sien.

— Tu t’es mise à crier, nous nous sommes inquiétés. Tu as vu quelque chose?

Adara haussa les épaules, cherchant dans sa mémoire fracturée ce qui avait bien pu la terrifier. En creusant un peu, elle revit la main de son père, qui tenait la sienne. Instantanément elle secoua la tête, refusant de visionner ce film à nouveau.

— Je, je n’arrive pas à me souvenir.

Alistair haussa un sourcil. Il poussa un sourcil et caressa sa joue.

— Tu veux rentrer?

Adara entrouvrit la bouche, glissant son regard vers son père, puis vers sa mère. Elle se contenta de hausser les épaules. Elle plissa les lèvres avant de répondre.

— Non, je veux voir la mer.

Alistair retint un soupir et acquiesça. Il se pencha pour poser un baiser sur le front de son enfant, qui peina à réprimer un frisson.

— On a encore du chemin, mais on y arrivera.

Azielle embrassa sa fille sur la joue et revint à sa place, laissant Adara à ses pensées. La voiture redémarra et le vrombissement électrique fut bientôt accompagné d’une musique, lancée par Alistair d’un geste presque mécanique.Une musique mélancolique remplissait l’espace, ouvrant les portes à l’écume des eaux et des émotions.

«The sun bleeds in, hear the magpie sing for sorrow

It makes things better

Maybe we'll get to spread our wings tomorrow

If luck will let us»

Adara laissa ses pensées vagabonder à nouveau. Entre le passé et le renouveau, elle ne put retenir ses larmes, qui roulaient sur ses joues comme des vagues.

«Can anyone fly into these grey skies?

Is there somewhere I'm meant to be?»

La voix d’Azielle se mêlait à la mélodie. Elle avait les parents de ses amis au téléphone, qui s’inquiétaient de ne plus les voir derrière eux. Elle les rassura de quelques mots.

«Sea fog comes like a river rolls a stone

It's rolling me»

La route défilait sous ses yeux, une lumière douce filtrait à travers la vitre. Elle savait que bientôt, ils arriveraient à la mer, près de l’eau immense qui s’étendrait à perte de vue.


Texte publié par PersephonaEdelia, 12 septembre 2024 à 17h09
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