La veille du grand jour, tout le personnel était sur le pied de guerre. L’immense salle de réception fut entièrement ornée de fleurs rouges et carmin, à la couleur du blason de l’établissement. Des œuvres d’art furent sorties pour décorer les salles réservées à l’accueil des parents. Des soubrettes mystérieuses, aux visages pleinement voilés, s’affairèrent à mettre des linges propres dans les chambres réservées aux futures familles. Adara trépignait d’impatience. Elle se sentait privilégiée d’avoir pu admirer le visage de son père et sa mère.
Kyoko l’avait pressé de questions, elle voulait savoir à quoi ils ressemblaient précisément. À force d’avoir fait des recherches, elle avait pu apprendre que les trois clans écossais gravitaient dans le même cercle, sans réussir à trouver des photos. Nazran, quant à lui, dénicha dans un ancien livre un rituel pour percevoir à quoi s'apparenterait de « futurs êtres proches ». Les trois enfants s’étaient réunis à la bibliothèque en début de matinée, afin de préparer leur cérémonie. Kyoko encadrait la manœuvre.
— Cela va se faire en deux étapes, commença-t-elle, sur un ton très sérieux, en premier lieu nous allons faire un rituel pour discerner nos futurs papas et mamans. Ensuite nous allons essayer d’influencer le destin pour que moi et Nazran on soit sûrs d’être rattachés aux Mac’Lir et Mac’Manadan.
— D’accord ! Il faut quoi pour faire tout ça ? demanda Nazran, sur un ton enjoué.
— Une mèche de nos cheveux, une feuille, un stylo rouge, un ruban rouge pour chacun d’entre-nous pour la première phase. Pour la suite, de l’eau de pluie, par chance il a plu hier soir ! Notre souffle et…
— Qu’est-ce que vous manigancez, encore ?
Clarence venait de faire irruption dans la vaste bibliothèque. Il soutenait sous son bras un grand tome, qui s’avérait être une copie du manuscrit de Voynich. Portant un uniforme impeccablement repassé, il darda un regard méprisant sur les trois compères. Adara leva le nez et plissa les yeux.
— Rien qui ne t’intéresse.
— Vous êtes en train de chercher à ritualiser pour savoir qui vous adoptera? C’est inutile, vous aurez la réponse demain. Et le mieux est d’apprendre pour attirer la meilleure famille.
— On fait ce qu’on veut, répliqua sèchement Kyoko, qui cacha de son bras ses quelques notes gribouillées sur son cahier.
— La médiocrité fait ce qu’elle veut, asséna Clarence d’une voix méprisante. De toute façon, Mac’Moore, tu n’as pas besoin de ce rituel.
Adara plongea ses yeux gris dans ceux de Clarence, d’un air provocateur. Clarence recula vivement la tête, perturbé par l’intensité de cet échange.
— Seule moi sais ce dont j’ai besoin.
— Tss, tu es bien une moderne.
Clarence détourna le visage et se dirigea au fond de la pièce. Les trois amis l’observèrent durant quelques secondes. Nazran approcha son visage de celui d’Adara. Celle-ci se mit à rosirent en le voyant si près. Il murmura ces quelques mots.
— Quel snob, celui-là. Ne l’écoute pas.
— Ne t’en fais pas.
Adara esquissa un sourire timide. Kyoko posa son doigt sur sa joue, lui arracha un léger rire. Ils se concentrèrent à nouveau sur leur projet, qui se déroulerait au crépuscule, avant le couvre-feu.
***
Amelin était surbookée. Avec Merry, elle organisait le grand évènement avec beaucoup d’investissement. Elle avait prévu de grands divertissements pour égayer les quatre jours à venir où les clans spirites demeureront en ces murs. Une magicienne fut engagée pour assurer le spectacle du lendemain midi, un cinéma fut installé dans l’une des grandes salles inoccupées de la bâtisse pour le soir et le traiteur s’activait à proposer les plats les plus fins de l’Angleterre pour les palais gourmets des individus les plus riches du globe.
Les maisons spirites existaient depuis des générations. Leurs richesses variaient des milliardaires aux bourgeois très aisés. Tous disposaient d’un capital généreux, qui leur permettait de garantir une place importante et des moyens non négligeables leur octroyant d’effacer des traces au besoin et d’agir sur la population lorsque la menace l’exigeait. Bien que tapie dans l’ombre, leur société régentait la civilisation humaine pour leur plus grand bien : les protéger des créatures des limbes.
Amelin roula des yeux en consultant son agenda. Organiser un évènement pour des nantis se révélait compliqué, tant tout devait être parfait. Son public demeurait exigeant et se permettrait bien des commentaires à la moindre erreur.
Merry posa sa main sur son épaule, coulant un regard doux sur elle.
— Détends-toi, tout se passera bien.
— L’Annulaire sera là, je n’ai pas le choix, tout doit bien se passer.
La gardienne caressa sa joue du bout des doigts, apaisant Amelin qui poussa un long soupir.
— Merci. Je dois encore appeler Alistair ! Bon sang, j’ai failli oublier.
Amelin se crispa à nouveau et attrapa son sac à la volée. Elle vérifia rapidement l’heure sur son téléphone qu’elle brandit précipitamment hors de sa pochette Chanel.
— Il est onze heures, bon sang et s’il était en rendez-vous ? Je vais lui laisser un message.
Elle pianota sur son écran un message à la hâte, qu’elle envoya en un temps record. Merry leva les yeux au ciel.
— On a toute la journée, ne t’en fais pas.
— Je sais, mais c’est important ! Lui qui trépignait à l’idée d’avoir un enfant, et Adara qui attend impatiemment ses parents, ils se sont bien tr… Ah !
Son téléphone vibra. La douce voix d’Enya résonna dans la pièce. Amelin décrocha rapidement.
— Allô, Alistair ? Comment ça va ? Désolé de t’avoir dérangé, j’espère que tu n’es pas en réunion !
— Non, ne t’en fais pas. Je vais bien merci, et toi ? J’ai lu ton message, l’enchantement a fonctionné ?
— Je vais bien, un peu débordée…
La voix d’Alistair était hésitante. Elle sentait clairement l’émotion dans son timbre grave et chantant.
— Oui, ça a fonctionné. La petite Adara a eu une vision en frôlant votre blason. Elle a réussi à lire votre véritable devise latine.
— Oh… D’accord… Elle va bien ? À quoi ressemble-t-elle ?
— La vision l’a un peu secouée. Elle… a de grandes capacités. J’ai senti que son âme s’envolait vers d’autres sphères, quand je lui ai demandé ce qu’elle avait vu, précisément. J’ai réussi à l’aider à rester sur Terre. Elle a vu le corbeau, les plaines verdoyantes.
Alistair garda le silence durant quelques secondes. Amelin entrouvrit la bouche, suspendue à son téléphone. La voix de son correspondant se fit à nouveau entendre.
— Je vois… Puis-je… avoir une photo ?
— Je t’envoie ça. Tu veux lui parler ?
— Oh, je… Très bien, je vais appeler Azielle.
Amelin esquissa un doux sourire. Elle n’eut pas besoin de dire quoi que ce soit que Merry hocha la tête et sortit du bureau. La directrice profita de ces quelques minutes pour envoyer une photo à Alistair et discuter un peu avec lui.
Merry revint au bout d’un moment, accompagnée d’Adara. Les mains de la petite tremblaient et ses yeux pétillaient de joie et d’appréhension. Amelin tendit la main vers elle.
— Viens, ma petite, il y a ton père au téléphone.
Les yeux d’Adara s’agrandirent. Ses doigts s’entortillèrent et sa tête s’enfonça dans ses épaules. Merry la poussa doucement vers Amelin qui se pencha et mit le téléphone en haut-parleur. La voix d’Alistair résonna dans la pièce. L’enfant retint un frisson.
— Bonjour, Adara.
Alistair était hésitant et quelques trémolos trahirent son émotion. Un timbre féminin se rajouta au sien.
— Bonjour, ma chérie, tu vas bien ?
Une larme coula sur la joue d’Adara. Elle se mordit la lèvre, peinant à répondre.
— Bon… Bonjour… Je vais bien… J’étais avec mes amis.
— C’est bien, on arrive demain matin, d’accord ? répondit Alistair.
— D’accord ! Je vous attends !
Amelin sourit et reprit le portable. Adara s’essuya la joue, reniflant un peu, ne pouvant départir de son visage un radieux sourire.
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