Les premières semaines d’Adara à Garnet’s Place demeuraient le théâtre de fabuleuses découvertes. Tout ressortissait de l’étrange en ces lieux. Désireuse d’apprendre, l’enfant se plongeait avidement dans la lecture et écoutait attentivement en classe. Elle accumulait les connaissances de la magie blanche, basée sur les éléments et l’énergie environnante. Amelin se plaisait à faire la lecture le soir, avant l’heure du coucher, des contes et histoires féeriques des différents folklores du globe. Adara adorait ce moment de là journée, où elle pouvait se dire que tout ce que la directrice leur racontait, était probablement vrai.
Très vite, Kyoko devint son amie. C’était une enfant pleine de joie et au sourire facile, qui adorait parler avec Adara pendant des heures. Elles se rapprochèrent également de Nazran, petit garçon de leur âge, à la peau de bronze tachetée, telle une voie lactée. Il possédait une chevelure très claire, presque grise, qui bouclait allégrement sur ses tempes. Ses grands yeux verts brillaient d’une lueur hypnotique. Nazran lui avait raconté que dans son pays, en Arabie Saoudite, on avait cru qu’il était maudit, à cause de sa chevelure et de ses tâches. Son père mourut d’un cancer et sa mère l’abandonna, étant persuadée que tout était de sa faute. Il fut repéré par les espions d’Amelin.
Amelin leur avait expliqué qu’il était courant que les spirites aient des particularités physiques. Sa tâche dans son oeil pouvait ainsi aisément correspondre à sa nature. Mais elle intriguait de nombreux membres du personnel. Mélinda, l’intendante, passait chaque matin de longues minutes à l’observer sous toutes les coutures. De même que la cantinière, Cassiopée, qui écarquillait grand ses yeux à chaque fois qu’elle rentrait dans le réfectoire.
Un soir, alors qu’elle s’apprêtait à rejoindre sa chambre, elle croisa Clarence. Le garçon semblait ne pas l’apprécier. Il s’amusait à lui lancer régulièrement des piques, lui rappelant qu’elle était à la traîne. Pourtant, Amelin ne cessait de dire qu’elle était éveillée. Sans doute que cela devait l’énerver. Alors qu’elle prit le parti de l’ignorer et de se précipiter vers ses appartements, Clarence l’interpella.
— Hey, Adara, tu ne t’es jamais penché sur les anomalies?
Adara haussa un sourcil, peinant à comprendre ce qu’il disait.
— C’est quoi?
— Tu n’es vraiment qu’une ignare. Une anomalie est un être spirite qui est différent, en gros, ce ne sont pas des humains.
Penchant la tête sur le côté, elle esquissa une moue, peinée d’être à nouveau traitée d’ignare. L’enfant ne le supportait plus, mais elle se consolait en se disant qu’elle ne le verrait sans doute plus après que sa famille l’emmènerait chez elle.
— Pourquoi tu me parles de ça?
— Parce que je suis persuadé que tu en es une.
Adara se crispa. Elle ressentit une désagréable sensation, celle d’être à nouveau le vilain petit canard que l’on devait mettre à l’écart. Jamais elle ne s’était sentie aussi intégrée que dans cet établissement et il fallait que Clarence gâche tout.
— Tu dis n’importe quoi! Ce n’est pas vrai!
— Ah bon? Pourquoi Mélinda te fixe tous les matins? Ainsi que bon nombre des adultes qui travaillent ici? Et ta tâche dans ton œil?
— Amelin a dit que de nombreux spirites avaient des trucs comme ça! Arrête!
— Tu ne sais vraiment pas t’exprimer. Les familles spirites sont des familles nobles, jamais tu ne t’intégreras comme ça. Et c’est la vérité, je ne me trompe jamais!
— Et bien tu te trompes!
— Que se passe-t-il ici?
Merry apparut au bout du couloir. D’un pas vif, elle se rapprocha, jaugeant les deux enfants de ses prunelles brillantes. Adara enfonça la tête dans ses épaules.
— Clarence dit que je suis une anomalie, et que je parle mal et que je n’arriverais pas à m’inté..grerer.
— Intégrer! Tu apprends lentement!
— Il suffit, Clarence! Cesse de martyriser Adara! Aurais-tu oublié ce que t’a dit la directrice à ce sujet?
Clarence afficha une moue boudeuse. Il leva le nez, vexé.
— Mais madame Merry, je fais ça pour l’aider!
— On n’aide pas les gens en rabaissant Clarence, va dans ta chambre!
Adara renifla, retenant ses larmes. Clarence baissa la tête, entortillant le bout de son pied sur le sol.
— D’accord, pardon, madame Merry.
Clarence s’exécuta, à contrecœur, s’éloignant pour rejoindre sa chambre. Merry poussa un soupir et se pencha doucement vers Adara, esquissant un doux sourire.
— Ne l’écoute pas Adara. Tu as ta place ici. Et combien même tu serais différente, tu auras toujours ta place dans cette communauté.
L’enfant se frotta les yeux, relevant ses grands yeux gris vers la gardienne. Elle ne semblait guère rassurée par ses paroles.
— C’est vrai que je suis une anomalie? Et que je parle mal?
— Tu ne parles pas mal. Tu parles même bien pour une enfant de ton âge. Après, quand tu seras avec ta famille, en fonction de sa place dans la société, il est possible que tu reçoives des cours d’étiquette. Mais tu apprendras. Tu ne peux pas connaître sans apprendre. Et pour l’anomalie... Je n’aime pas ce mot. Il n’y a pas d’anomalies pour moi, juste des gens différents. C’est une possibilité. Tu as un parfum spécial.
Adara hocha un peu la tête, attendant la suite, ne saisissant pas tout. Merry glissa sa main sur son front, dans un geste tendre.
— Les spirites ont un parfum différent des humains. C’est ce qui fait qu’ils attirent les monstres. Mais toi, tu as un parfum encore différent de celui des spirites communs. Tu sens la menthe, le souci et le géranium.
— Oh, pourquoi je n’arrive pas à sentir tout ça? Cela sens quoi le géranium? Et le souci?
— Une odeur de compassion et de tristesse.
Adara fut totalement perdue. Merry esquissa un sourire mystérieux, se redressant. Elle posa son regard sur la porte de la chambre d’Adara et celle-ci s’ouvrit doucement.
— Tu ferais mieux d’aller te coucher, tu as cours demain matin.
— D’accord, merci madame Merry!
— Fais de beaux rêves, embrasse Tidou pour moi.
Un large sourire illumina le visage de l’enfant, qui inclina la tête et s’engouffra dans sa chambre. Mille questions assaillaient son esprit, mais elle était plus apaisée. Clarence était juste méchant à son sens, elle prit la décision de l’ignorer. Rien ne pourrait gâcher son bonheur et ses espérances de vie heureuse avec ses parents.
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