Garnet’s Place était une bâtisse ancienne, datant du XVIe siècle. Selon les dires de Merry, elle fut rebâtie au XIXe siècle et disposait d’une architecture mixte, mélangeant tours et cours propres à la renaissance ainsi que le mobilier et la façade de l’ère victorienne. Le lierre et le jasmin s’entremêlaient sur les murs de pierre et un vaste jardin à l’anglaise abritait les rires des enfants. Lorsqu’elle arriva en ces lieux, Adara fut émerveillée. Elle demeurait sur son petit nuage depuis la révélation du vrai visage de Merry. Celle-ci avait pris plaisir à répondre à toutes les questions de l’enfant, attendrie par sa fascination et son innocence. Cependant, quelque chose titillait son esprit. La fée n’arrivait guère à mettre le doigt sur cette aura de mystère qui enrobait la petite. Peut-être était-ce son regard, taché d’albâtre, qui la troublait tant.
À l’intérieur, une armada de serviteurs, dirigée par un majordome à l’allure imperturbable, accueillit Amelin, Merry et Adara. La décoration était royale, semblable au château de Versailles. Les murs étaient remplis de moulures et de dorures, le plafond était peint de fresques étranges, représentant des fées, des nymphes et des satyres dansant avec des anges, des vases en marbres étaient remplis de fleurs exotiques et des meubles précieux trônaient à l’entrée. On leur apporta des rafraîchissements qui furent bienvenus après des heures de vol.
Adara observait chaque détail avec attention, en quête du moindre indice sur la nature de tous les présents. Elle fut persuadée d’avoir aperçu un reflet luminescent dans le regard d’une femme de chambre, une plume dans les cheveux du majordome, une écaille sur la nuque de l’intendante...
Elle ne put continuer son petit jeu qu’elle fut rapidement interpellée par Amelin.
— Adara, je vais te présenter aux autres enfants. On te mènera à ta chambre et l’on te donnera un uniforme. Je t’expliquerais tout ce qu’il y a à savoir dans cet établissement.
Adara hocha la tête. Elle tenait toujours dans ses bras Tidou. Amelin glissa un regard sur l’ours en peluche.
— Tu devras laisser Tidou dans ta chambre. Les boogies ne sont autorisés que dans les appartements privés.
— Les boogies?
Adara ouvrit de grands yeux, fixant sa peluche d’un air éberlué. Amelin esquissa un fin sourire.
— Oui, c’est un esprit féerique, protecteur des enfants. Il a toujours veillé sur toi. Mais ici, il y a de nombreuses protections et je préfère que tu le préserves. Les autres pensionnaires sont gentils et il y a des règles. Mais certains doivent encore apprendre à respecter les entités de chacun.
Amelin leva les yeux en l’air en évoquant ce dernier fait. Elle se releva et tendit la main à Adara qui la prit tout en serrant davantage Tidou de son autre bras. Elle l’entraîna dans une autre salle.
Dans un grand salon éclairé par de vastes baies vitrées se trouvaient quelques enfants sagement installés dans les canapés en cuir blanc. Plusieurs bibliothèques en acajou ornaient les murs, remplies de livres anciens aux couvertures mystiques. En entendant le bruit caractéristique des talons de lady Maldone, ils levèrent tous le nez de leurs ouvrages. Ils étaient cinq et avaient entre 6 et 10 ans. Amelin esquissa un fin sourire en les observant tour à tour.
— Bonjour les enfants. Adara, voici Kyoko, Nazran, Clarence, Maria et Nadia. Mes chéris, savez-vous où se trouvent les autres? Nous avons une nouvelle pensionnaire.
— Bonjour madame Amelin! Ils sont dehors en train de jouer, répondit la petite Kyoko, une petite fille de six ans au visage poupin.
— Très bien, quelqu’un pourrait aller les chercher?
La petite Nadia, une enfant à la peau sombre et aux prunelles vertes opina et sortit précipitamment. Adara profita de cet instant pour observer les présents. Ils semblaient tous sortis d’un autre monde. Chacun portait le même uniforme: pour les deux jeunes garçons , leurs épaules étaient recouvertes d’une chemise blanche ainsi que d’une cravate rouge écarlate. Ils portaient un bermuda noir, des chaussettes blanches ainsi que des mocassins sombres. Les petites disposaient d’une tenue similaire, si ce n’est qu’elles portaient une jupe en tartan rouge strié de bleu roi et de noir. Leurs chevelures, impeccablement coiffées, émanaient d’un doux parfum de fleurs.
Clarence, l’un des deux garçons, posa ses prunelles intenses sur elle, ce qui la fit tressaillir. Il roula des yeux et détourna le regard, feignant l’indifférence.
Nadia revint en compagnie de quatre autres pensionnaires, trois petits garçons et une autre petite fille. Lorsqu’ils furent tous réunis, Amelin prit la parole.
— Bonjour les enfants. Je vous présente Adara, la nouvelle venue dans cet établissement. Désormais, vous êtes dix et vous serez au complet pour l’arrivée des familles spirites le mois prochain. Je vous demanderais de lui réserver un bon accueil. Elle rejoindra les cours dès demain matin.
La plupart des présents sourirent à cette annonce, saluant chaleureusement Adara. Celle-ci fut agréablement surprise de ce premier contact, rougissant jusqu’aux oreilles. Clarence leva la main, attirant l’attention d’Amelin.
— Excusez-moi, lady Maldone, comment Adara pourra-t-elle rattraper tous les cours en seulement un mois?
Amelin haussa un sourcil. Clarence jeta un regard provocateur sur la nouvelle, ce qui l’intimida quelque peu. La directrice roula des yeux, agitant la main.
— Allons, Clarence, cela sera amplement suffisant pour elle afin d’acquérir les bases. Comme je vous l’ai expliqué, vos connaissances et votre expérience viendront essentiellement avec vos familles, qui vous enseigneront leur façon de chasser les monstres du Seuil.
Clarence esquissa une moue dédaigneuse. Amelin poussa un léger soupir. Clarence était son élève le plus ambitieux, mais également le plus difficile à cadrer. Jusqu’à présent, il menait la danse, affichait les meilleurs résultats aux tests d’aptitudes et dévorait les livres sans retenue. Elle espérait sincèrement qu’il ne serait pas désagréable avec Adara, qui avait besoin d’affection plus que de compétition.
— Allons, vous prendrez le temps de faire connaissance avec elle. En attendant, nous allons lui montrer sa chambre et lui attribuer un uniforme. Mélinda vous appellera pour le dîner.
Les enfants opinèrent. Clarence posa ses yeux ambrés sur Adara qui se risqua à lui rendre un regard. Pendant un instant, il la toisa. Elle ne saurait dire si c’était de la curiosité ou de l’animosité qui l’animait à cet instant, mais il disposait d’une beauté insolente. Son visage ovale était d’une blancheur d’albâtre, pâmée de taches de rousseur. Ses cheveux coiffés en arrière étaient blond vénitien, lui donnant un air de prince héritier. Il retroussa ses lèvres en un rictus moqueur, avant de se désintéresser d’elle à nouveau. Adara entrouvrit la bouche, mais elle fut interrompue par Kyoko, qui s’approcha d’elle.
— Bonjour, moi je suis Kyoko!
Adara sourit. Kyoko était un rayon de soleil à côté de Clarence, qui émanait plus de la lune qu’autre chose. Son visage rond était pétillant, ses yeux bridés brûlaient d’une flamme dansante, rendant la joie contagieuse. Ses longs cheveux noirs étaient soigneusement tressés.
— Moi c’est Adara!
— Madame Amelin, je peux venir avec vous pour accompagner Adara?
Amelin fut attendrie par la scène. Elle opina du chef, entraînant les deux petites hors du salon, laissant les enfants à leurs occupations, sous le regard veilleur de Merry.
Elles traversèrent plusieurs pièces, ornées de plusieurs portraits anciens, représentant des dames en tournures ou des messieurs au regard sévère et en redingotes. Kyoko lança la conversation, posant plein de questions à Adara.
— Tu viens d’où? Moi je viens de Tokyo! Mes parents sont morts dans un accident, et madame Amelin m’a trouvé et je suis là maintenant.
— Je viens de Wichita, aux États-Unis, répondit Adara, c’est où Tokyo?
— C’est au Japon! Tu ne connais pas?
Adara haussa les épaules. La géographie n’avait jamais été son point fort et à l’école et l’on se concentrait beaucoup plus sur les différents états que les autres pays du globe. Kyoko prit le temps de lui décrire son pays, ce qui la fascina. Elle lui expliqua qu’elle avait appris l’anglais dans son ancien orphelinat et qu’elle se perfectionnait à Garnet’place.
— Madame Amelin a dit que je n’ai presque plus d’accent!
— C’est vrai, tu apprends vite Kyoko, intervint Amelin, dans un sourire.
Elles arrivèrent dans les appartements privatifs. Après avoir traversé un ensemble de couloirs, elles se trouvèrent devant une porte en bois massif. Amelin sortit un lourd trousseau de son sac et l’ouvrit dans un cliquetis mélodieux.
— Voici ta chambre, Adara. Sur la gauche, c’est une chambre réservée à tes futurs parents. Lorsqu’ils viendront, il resteront ici avec toi, durant quelques jours.
Adara ouvrit de grands yeux pétillants. Elle fixa longuement la porte sur la gauche, rêvant du jour où ses parents logeront non loin d’elle. Amelin la sortit de sa rêverie et l’entraîna à l’intérieur de ses appartements.
La salle était vaste, faisant environ trente mètres carrés. Elle disposait d’un grand lit double, recouvert de draps en satin rouge et garni de nombreux coussins. Sur la droite, une porte menait à une salle de bain privative. Sur la gauche, un dressing était à sa disposition. Non loin du couchage se trouvait un bureau ainsi qu’une bibliothèque qui était déjà remplie de quelques ouvrages.
C’était la première fois qu’Adara possédait une chambre aussi cossue. Elle retrouvait les moulures ciselées qui ornaient toutes les pièces, ainsi que la finesse du bois des meubles. L’ensemble était moins chargé que le salon ou les autres salles, mais dégagées d’une atmosphère délicate et raffinée.
Adara posa délicatement Tidou sur le lit. Elle fut persuadée qui lui aussi, appréciait son environnement.
Amelin l’observa durant quelques instants. Kyoko s’installa aux côtés de sa nouvelle amie, rieuse.
— Tu vas voir, ici, on dort bien! Les monstres ne peuvent pas nous atteindre, il y à plein de protections!
— En parlant de cela, intervint Amelin.
La directrice sortit de son sac un bracelet de pierres noires. Les perles captaient merveilleusement bien la lumière, dévoilant l’intensité de velours de ses nuances. Certains cabochons semblaient enfermer en son centre un œil légèrement bleu gris.
Adara approcha doucement ses doigts du bijou. Amelin attrapa sa main et enfila le bracelet autour de son poignet gauche.
— Garde-le précieusement, c’est de l’obsidienne œil céleste ainsi que de la tourmaline, enchantée lors d’un long rituel. Ce bracelet te protégera tant que tu le porteras. Cela sera suffisant tant que tu resteras ici.
Adara glissa la pulpe de son index sur la surface lisse de la pierre. Elle esquissa un sourire.
— Merci beaucoup!
— Il y a des règles à respecter en ces lieux. Tout d’abord, le respect du couvre-feu. Il est strictement interdit de sortir dès la nuit tombée. Le domaine est protégé, mais nous ne sommes pas à l’abri d’une attaque coordonnée et plus puissante, ou de rapts de faucheuses.
— Des faucheuses?
— Des esprits du Seuil, fourbes et extrêmement furtifs. Elles attirent les enfants spirites par des illusions.
Adara ne comprenait pas tout, mais elle hocha la tête. Amelin poursuivit son explication.
— Le lever se fait à sept heures, tous les matins. Le petit déjeuner se fera au réfectoire et les cours suivront juste après. Tu as accès à tous les livres de la bibliothèque. Il y aura des cours comme tu en as eu à ton école, pour que tu continues à acquérir les bases, complétées par des leçons sur notre «monde», la magie et son utilisation basique. Le reste, tu l’apprendras avec tes parents. Après le repas, tu auras quartier libre pendant une heure, pour ensuite reprendre le travail. Après dix-sept heures, la journée sera terminée. Dîner à dix-neuf heure et coucher à vingt heures.
La directrice parlait d’une voix posée et calme, ce qui rendit son exposé agréable et facile à assimiler pour l’enfant.
— Dans les livres et durant les leçons, tu pourras apprendre bien des tours. Il est juste interdit d’ouvrir des portails menant vers un autre monde et d’invoquer une créature. Tu dois également apprendre que toutes tes actions auront des conséquences. Il est interdit d’user de la magie contre tes camarades et le personnel de l’établissement. Nous sommes là pour vous aider, pas pour subir vos farces.
Adara hocha vivement la tête. Cela ne lui viendrait pas à l’esprit de martyriser ceux qui lui offraient une chance d’avoir une famille. Amelin esquissa un léger sourit et continua son discours.
— Je vais te donner ton uniforme, tu en auras trois, tu pourras tourner. Si tu as besoin d’aide pour quoi que ce soit, fais sonner la clochette que je vais te donner. Elle appellera magiquement Mélinda, qui viendra t’aider. Surtout, n’hésite pas. Pour le ménage, tout sera pris en charge, de même pour la lessive.
Elle se dirigea vers l’armoire et sortit un uniforme, similaire à celui que portait Kyoko. Elle le déposa sur le lit.
— Je t’ai exposé l’essentiel. As-tu des questions?
— Est-ce vrai que je n’aurais pas assez de temps pour apprendre? Cela va-t-il faire fuir mes parents?
La bouche d’Amelin s’ourla d’une moue peinée. Elle secoua la tête, se rapprochant doucement d’Adara, posant une main tendre sur sa joue.
— Bien sûr que non, mon enfant. N’écoute pas Clarence. Ce n’est pas un méchant garçon, il est juste persuadé que cela le rendra plus intéressant pour les adultes s’il est plus intelligent. Mais cela ne changera rien. Tes parents t’aimeront pour ce que tu es. Je ne vais pas te mentir. Il y a des familles spirites qui cherchent l’excellence. Des parents qui sélectionnent les meilleurs. Mais je connais des familles qui elles, ne désirent qu’une chose: rendre leurs enfants heureux.
Adara avait du mal à saisir l’entièreté de son message. Elle se crispa légèrement, baissant la tête pour fixer le sol.
— Il y en a qui cherchent les meilleurs?
— Oui, je vais essayer de te l’expliquer autrement. Il y a ceux qui veulent que leurs enfants aient les meilleures notes à l’école. D’autres qui veulent qu’ils soient heureux, qu’importe leurs résultats.
— D’accord.
L’enfant semblait rassurée. Kyoko avait observé la scène silencieusement. Elle se pressa contre Adara, posant sa main sur son épaule.
— Ne t’en fais pas! Il y a plein de clans spirites différents! Celui qui te choisira sera forcément parfait pour toi!
Un large sourire illumina le visage rond de la petite Adara. Elle jeta un regard à Tidou, qui semblait approuver. Elle n’avait qu’un mois pour apprendre, mais celui-ci promettait d’être enrichissant.
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