La circulation fut étrangement fluide. En moins de temps qu’il ne fallait pour le dire, Amelin, Merry et Adara se retrouvèrent à l’aéroport de Kansas City. Pourtant, elles partaient de Lawrence. Mais Adara fut persuadée que le temps s’était distendu, pour paraître bien plus court. Merry avait pris l’enfant dans ses bras, suivant au pas de course Amelin, qui évitait au maximum les bains de foule. Amelin passait son temps à bifurquer, changeant de direction régulièrement, prenant des chemins que peu de gens connaissaient. Elles atterrirent sur le tarmac, où les attendait un jet privé.
Le véhicule était impressionnant. Il était grand, gris chromé, affichant un blason étrange sur l’avant de l’appareil. Le pilote, un grand homme d’environs trente ans et aux cheveux bruns, leur souhaita la bienvenue.
— Lady Maldone, Merry, mademoiselle, soyez les bienvenues.
— Merci, Henry.
Amelin grimpa à bord, suivie de Merry et Adara. L’intérieur était vaste et luxueux. Des banquettes en cuir étaient disposées autour de tables en bois laqués, jouxtant un bar en palissandre verni. De multiples hublots rendaient l’ensemble lumineux et agréable. Une grande télévision était accrochée sur un pan de mur en bois, près de la porte menant à la cabine de pilotage, et à une salle de bain sur la droite. Merry posa la petite sur un siège, tendant son sac à un stewart qui les accueillit avec des verres de jus de fruits.
— Un jus de goyave, mesdames?
— Volontiers, servez également Adara, je veux qu’elle soit traitée comme une princesse, lui répondit Amelin, qui attrapa un verre à la volée.
Le jeune homme esquissa un sourire vers sa patronne, hochant la tête. Il baissa son plateau vers l’enfant, qui hésita quelque peu, avant de se servir. Le groom fixa Adara quelques secondes.
— Je m’appelle Jimmy, n’hésitez pas à me demander au besoin, mademoiselle.
Il s’éloigna ensuite, portant le sac d’Adara plus loin. Amelin prit la direction du cockpit. Elle donna quelques instructions à son pilote, qui prépara le décollage. Merry s’installa aux côtés d’Adara, la fixant de ses prunelles violettes. Adara goûta au jus de fruits. Dès la première gorgée, elle fut impressionnée. Jamais elle n’avait dégusté une boisson si riche et si savoureuse de sa vie.
— C’est très bon! s’exclama la petite.
— C’est du jus de fruits frais, Amelin les préfère ainsi, lui répondit Merry.
Adara observa attentivement la jeune femme. Elle fut captivée par l’éclat de son regard. Tout lui semblait singulier chez elle. Elle en oublia presque les questions qui lui taraudaient l’esprit. Merry posa sa main sur son front avec douceur.
— Ta vie va considérablement changer, tu sais?
— Je ne comprends pas ce qui m’arrive. On m’emmène où?
— On t’emmène à l’orphelinat « Garnet’s place», en Angleterre.
— Parce que je suis surdouée?
Merry émit un rire léger et cristallin. Adara le perçut comme une douce mélodie, tintant agréablement à ses oreilles.
— Tu es sans doute intelligente, je ne sais pas si tu es «surdouée», mais tu as quelque chose, oui...
— Mais, madame Williams a dit...
Merry posa le bout de son doigt contre son petit nez. Pendant une fraction de seconde, Adara fut persuadée d’avoir vu des papillons voler dans sa chevelure. Elle cligna des yeux, éberluée.
— Amelin a dit tout ça pour que tu puisses venir au plus vite parmi nous. Tu n’es pas une humaine comme les autres, mon enfant.
— Oh! tu as commencé à lui expliquer?
Amelin apparut derrière Merry, faisant sursauter Adara qui ne l’avait pas vu arriver. Amelin esquissa une moue, se rapprochant doucement.
— Pardon, je ne voulais pas t’effrayer.
Elle s’installa à côté d’elle, caressant avec délicatesse sa chevelure.
— Dis-moi Adara, est-ce que cela t’est arrivé de voir des choses étranges? Comme des êtres bizarres?
Adara baissa le nez, un peu perdue. Pendant toutes ces années, elle avait vu des créatures hideuses déambuler la nuit. Elles se collaient à sa fenêtre, claquant des dents, espérant la croquer. Durant les rares fois où elle pouvait se promener dans la nature, elle percevait des êtres moins menaçants, parfois fabuleux. Elle se souvint du jour où une belle dame à la chevelure iridescente lui avait offert un sourire. C’était lors d’une promenade en forêt, avec l’une de ses tantes, qu’au détour d’une clairière, elle vit cette apparition céleste. Lorsqu’elle voulut s’en approcher, elle avait disparu.
Hésitant, elle se frotta la nuque, avant de répondre.
— Oui... Je... J’aime inventer des histoires.
— Ce ne sont pas des histoires, renchérit Amelin, ces choses que tu perçois, sont bien réelles.
Adara ouvrit de grands yeux, sous le choc. Toute petite, elle croyait aux fées. Mais son père l’humiliait et lui répétait que tout cela, c’était du vent. Maintenant, cette femme, responsable d’un établissement, à l’allure noble et volant dans un jet de luxe, lui disait clairement que toutes ces visions n’étaient que pure vérité. Elle secoua la tête. Amelin poussa un soupir, buvant une gorgée.
— J’imagine que les adultes ont dû te rabâcher que ce genre de chose, ça n’existe pas. Mais j’ai appris ce qui s’est passé, le jour où ton père à voulu te faire du mal. Tu t’es défendu n’est-ce pas?
Adara enfonça sa tête dans ses épaules.
— Oui, je ne sais pas ce qui s’est passé.
— Tu as des pouvoirs. Tu es une spirite. Je vais tout t’expliquer le plus simplement possible. Notre monde, mon enfant, n’est pas ce qu’il paraît.
Adara engloutit son jus de goyave, écoutant attentivement Amelin. D’un geste nerveux, elle balança ses pieds de gauche à droite.
Amelin se lança dans son explication, pesant chaque mot et trouvant des tournures simples pour que la petite puisse les comprendre.
— Tu vois ce qu’on raconte dans les contes? Une partie est vraie. Il y a bien des fées, des monstres, des dragons, des vampires et des loups-garous. Ils vivent dans d’autres mondes, d’autres royaumes lointains. Il y a le royaume des nains, celui des elfes, celui des fées, etc. Cependant il existe aussi un monde, très noir, rempli de monstres, de créatures méchantes.
Adara entrouvrit sa bouche, captivée par le récit. Amelin avait un talent inné pour attirer l’attention de quiconque.
— Sur Terre, il y a des humains, comme toi et moi, qui ont des pouvoirs. Nous sommes un peu comme des chevaliers, devant lutter contre ces méchantes créatures. Mais nous devons vivre tous ensemble, car seuls face à eux, nous sommes en danger. Ils veulent nous manger et ils adorent particulièrement les oisillons comme toi.
— Les oisillons?
— Oui, les petits sont vulnérables, car ils n’ont pas encore d’armure, d’épée, de sorts pour les protéger. Nous sommes venus te chercher pour éviter qu’ils ne te mangent.
— Je vais avoir une armure? questionna l’enfant, des étoiles dans les yeux.
— En quelque sorte. Tu vas apprendre à te protéger. Et on va te confier à une famille. Je ne t’ai pas menti sur ce point.
Un grand sourire se dessina sur les lèvres de l’enfant. Pendant un instant, elle craignait qu’Amelin ne lui ait menti sur toute la ligne. Elle flottait dans un rêve étrange, où elle allait devenir une sorte de chevalier tuant des monstres. Mais cette simple allégation lui promettant une famille remplissait son cœur de joie. Malgré tout, le doute l’animait. Et si tout ceci n’était qu’une mascarade? Et si l’enfer l’attendait?
— Vraiment? Vous savez déjà qui seront mes parents ?
— Il y a dix familles spirites en attente d’un enfant comme toi. Vous serez dix en tout. Tu es la dernière arrivée. Tu auras forcément une famille. Laquelle, je ne sais pas encore, mais je te donnerais toutes les informations que tu voudras.
Adara se frotta la joue. Elle était partagée par l’excitation et par la crainte d’être tombé dans un piège. Amelin plongea ses yeux dans les siens, se voulant rassurante.
— Je comprends tes craintes, ce que tu as vécu avec ta famille biologique, c’est inhumain. Mais ton calvaire est fini. Je suis prête à répondre à toutes tes questions, si ça peut te rassurer.
Adara hésita. Des questions, elle en avait plein, mais laquelle poser? Soudain, son regard s’illumina et elle releva la tête vers Amelin.
— Les fées, ça existe vraiment?
Amelin affina son sourire, glissant un regard vers Merry, qui hocha la tête. Celle-ci se transfigura. Des ailes de papillons apparurent dans sa chevelure dorée. Sa peau devint légèrement parme, brillante d’une lueur holographique toute particulière. Ses yeux s’agrandirent, affichant une couleur violette, intense et fascinante, rassemblant le crépuscule dans ses iris. Elle fixa Adara avec un air doux et bienveillant. La petite fut scotchée sur place, se frottant plusieurs fois les yeux pour vérifier qu’elle ne rêvait pas.
— Vous êtes une fée?!
— Oui, je suis une fée et gardienne de lady Amelin.
— Tu en auras une aussi, quand tu auras seize ans. Tout spirite se doit d’être protégé et lié à une créature féerique, angélique ou autre, intervint Amelin.
Enchantée, Adara balaya ses doutes d’un revers de la main. Elle posa son verre sur la table, ainsi que Tidou, se rapprochant de Merry. Elle se tint les joues, sautillant sur place comme si elle découvrait le sapin de Noël rempli de cadeaux. Elle avait en face d’elle un être qui l’avait toujours fait rêver, elle était désormais prête à les suivre sans broncher, au bout du monde s’il le fallait.
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