Lorsque Isobel rentra dans ses appartements, elle découvrit Cynred, assis dans le fauteuil, face à un cristal d’assez grande taille posé sur la commode. Elle ne voyait que son reflet dans l’une des facettes, et elle l’observa. Ses yeux avaient pris cette apparence très similaire aux siens : ses pupilles et le blanc de ses yeux avaient disparu comme s’ils avaient été effacés par l’azur brillant de ses iris.
Elle se glissa en silence près du lit et se défit de son pourpoint, de ses armes et de ses bottes. Elle était percluse de douleur : son corps avait perdu l’habitude de l’entrainement intensif auquel le maitre d’armes la soumettait. Il ne s’agissait plus de bagarres où la force brute et l’agilité lui permettaient de gagner. Elle réapprenait des mouvements qu’elle avait oublié et réveillait des muscles dont elle ne se servait plus depuis longtemps.
Elle s’installa sur le lit et regarda à nouveau son bien-aimé. Dans la position où elle se trouvait, elle le voyait de profil et elle constate qu’il fermait les yeux. Ébahie, elle vérifia et constata que ses yeux étaient grand ouverts dans le miroir. Elle se redressa, intéressée.
Depuis leur arrivée au Bastion du Verre, ils s’étaient installés dans une agréable vie de couple, ponctuée par leurs entrainements respectifs. Elle avait vu Cynred s’épanouir physiquement et mentalement, sous la houlette du prince Cailéan. Il se sentait en sécurité et accepté, et il commençait tout doucement à s’accepter lui-même. Le soir venu, ils étaient bien souvent épuisés tous les deux et seulement contents de s’endormir dans les bras l’un de l’autre.
Le personnel du palais, les gardes et les employés de l’hôtel de ville s’étaient habitués à la présence de Cynred. Ce dernier était plus à l’aise avec eux et pouvait discuter plaisamment avec certains d’entre eux. Il s’entretenait régulièrement avec Dame Floraidh. Mais il n’avait encore jamais quitté l’enceinte du palais. S’aventurer dans la ville lui était encore impossible.
Isobel écarquilla les yeux lorsqu’elle vit le reflet de son visage se brouiller. Puis il s’éclaircit à nouveau. Le côté gauche de son visage était identique au côté droit, la peau pâle était lisses, ses lèvres paraissaient souples et intactes, son oreille était humaine. Elle quitta le lit et s’approcha de lui : son visage réel était lui aussi parfaitement humain. Elle retint son souffle.
Il ouvrit les yeux et sourit.
— Qu’en penses-tu ?
— C’est… extraordinaire. Tu as supprimé tes écailles ?
— Non. Je ne parviendrais pas à le faire, elles font partie de moi. C’est une apparence, un masque.
Isobel tendit la main et effleura le côté gauche : elle sentit les écailles. Étrangement le soulagement l’étreignit. Puis l’enchantement disparut et Cynred retrouva son apparence. Il s’affala contre le dossier.
— Tu vas bien, s’inquiéta sa compagne.
— Ça va. C’est juste fatiguant.
— Je n’arrive pas à la maintenir plus de quelques minutes.
Isobel s’installa sur les genoux de son amant et se serra contre lui. Il lova sa tête sur son épaule.
— C’est déjà extraordinaire. Sous patient ; ça viendra.
Il sourit.
— J’imagine que oui. J’aimerais vraiment pouvoir me promener avec toi en ville.
— Rien ne t’en empêche, tu sais.
Il leva les yeux vers elle et déposa un baiser sur ses lèvres.
— Si. Moi. Je suis un lâche.
La jeune femme éclata de rire.
— S’il y a une chose que tu n’es pas, c’est bien ça, Cynred.
Soudain, elle claqua des doigts, faisant sursauter Cynred, plongé dans ses pensées. Elle le fixait avec un sourire immense qui faisait pétiller ses yeux.
— Dans une semaine, c’est le festival des Frimas. Un grand marché artisanal aura lieu dans le Parc. Cela fait des années que je n’y aie pas pu m’y rendre. Tu m’y accompagneras.
— Un marché artisanal ?
—Oui. C’est un moment magique, tu verras. On y trouve des artisans qui fabriquent des bijoux et des objets en cristal. Certains viennent des villages troglodytes.
— Des villages troglodytes ?
Cynred se donna soudain l’impression de ne plus savoir s’exprimer. Il n’avait que peu de connaissances du Bastion du Verre et s’apercevait que cet endroit était bien plus vaste et complexe que ce qu’il pensait. Il s’y sentait bien, comme si l’endroit résonnait avec une part de lui. Et c’est sans doute le cas, pensa-t-il, avec ta part Sérantide.
— Nous irons les visiter. Au cœur de la montagne, certains de mes concitoyens se sont installés dans maisons construites dans la roche. Ils y cultivent des champignons et minent des cristaux. Dans les petites vallées et les ravines, on trouve aussi beaucoup de plantes et d’animaux. Cet endroit peut paraitre austère, mais il est en fait très riche.
— C’est ce que je ressens en effet, fit Cynred d’un ton pensif.
— Alors tu m’accompagneras ?
Cynred ne put s’empêcher de sourire face à l’enthousiasme de sa compagne. Mais il ne pouvait pas vraiment se réjouir. Son visage se ferma.
— Si je ne suis pas enfermé dans quelque prison du Sigile des Arcanes …
Isobel fronça les sourcils, sa joie entièrement envolée.
— Un corbeau est arrivé ce matin : la délégation du Sigile arrive demain en milieu de journée.
— Ils ne t’emmèneront pas, tu sais.
— Je ne veux pas que le pince et la Dame se mettent en porte à faux vis-à-vis du Duché à cause de moi. Si ce plan ne fonctionne pas …
— Ce n’est pas un plan, l’interrompit Isobel. Il s’agit de la loi.
Cynred plongea son regard dans le sien et y lut sa certitude et sa confiance. Il s’en imprégna et son angoisse diminua. Elle le prit dans ses bras et il inspira son parfum de chèvrefeuille à pleins poumons.
— Nous pourrons toujours nous enfuir dans le plus lointain village troglodyte, murmura-t-elle contre son oreille.
Cynred eut un petit rire. Avec Isobel de son côté, il ne craignait rien.
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