— Ce n’est pas …, balbutia Cynred.
Puis il se tut, car, comme souvent, elle avait lu en lui. Cailéan refusait qu’il porte son masque, même en public. Mais s’apercevoir dans le miroir des yeux des autres était toujours difficile.
— Mais effectivement, cette statue l’est, continua-t-elle, sa voix soudain plus ferme. Je te serais infiniment reconnaissante si un jour tu parviens à l’oblitérer.
Il s’inclina en signe de déférence. Puis Floraidh se retourna. Cailéan, Isobel et deux hommes approchaient. Cynred avait déjà rencontré l’homme en uniforme : c’était le capitaine Eraste Cahill, commandant en chef de la garde du Bastion du Verre. Ses cheveux noirs très courts encadraient un visage aux traits carrés et aux yeux d’un gris. Sa peau d’un vert très clair était marbré de cicatrices. Sa forte carrure était mise en valeur par l’uniforme de la garde du Duché, avec le sigle du district, un arbre stylisé, assez similaire au tatouage de Cynred. Il tenait une épée rangée dans son fourreau dans la main gauche. Près de lui était posté un scribe humain, qui tenait entre ses bras une sorte de pupitre sur lequel était accroché un parchemin.
Ils se regroupèrent tous au centre de la salle, sous la coupole. La lumière augmenta alors que les nuages dégageaient suffisamment le ciel pour laisser passer les pâles rayons du soleil. Des étincelles colorées apparurent sur les carreaux gris. Cynred choisit d’y percevoir un bon présage.
Le capitaine se plaça face à Isobel, elle-même vêtue d’un uniforme de la garde. Cailéan, Floraidh et Cynred attendaient un pas en arrière. Le jeune homme ne pouvait détacher son regard de la jeune femme qui respirait la confiance. Elle était magnifique.
— Isobel Cahilir, vous avez accepté la mission qui vous a été confiée par nos bien-aimés gouverneurs, en toute connaissance de cause, et vous avez signé l’engagement, prononça alors l’officier d’une voix forte et autoritaire.
— C’est exact, répondit Isobel, le visage impassible, la posture rigidet.
— Je me dois de vous rappeler les points suivants : vous avez choisi de devenir le garde-lié de Cynred Ambrosius ici présent. C’est un contrat qui vous engage pour la durée que vous avez choisi, en l’occurrence, jusqu’à votre mort. Si par votre lâcheté, votre incompétence, votre déloyauté ou par trahison, la vie de votre charge est en danger, la peine encourue est la mort. En êtes-vous consciente ?
Cynred sentit son cœur se serrer. Il savait tout cela, mais entendre prononcer ces mots sur son ton si solennel leur donnait une tout autre valeur.
— J’en suis consciente. J’ai accepté cette mission en toute connaissance de cause.
— Dame Cahilir, devant témoin, je vous confie la fonction de garde-liée, avec le grade de capitaine.
Le capitaine avança d’un pas et lui présenta l’épée posée sur ses deux mains. Isobel le salua avec respect, en posant son poing sur sa poitrine, puis elle prit l’arme. Alors l’officier prit l’insigne accrochée à la lanière de cuir et la fixa sur le col du pourpoint de la jeune femme, puis il recula d’un pas et la salua à son tour.
Alors qu’isobel fixait le fourreau de l’épée à sa ceinture, le scribe s’approcha de Cynred.
— Seigneur, vous devez apposer votre signature sur le contrat, fit-il.
Le regard du jeune homme glissa sur les écailles très rapidement, mais Cynred remarqua la légère réaction de crainte. Ce fut éphémère et il ne s’en formalisa pas. Il devait s’y habituer de toute manière. Il prit la plume et apposa sa signature en bas du document. Puis l’employé, calant adroitement la lourde plaque de bois, enroula de son autre main le parchemin et le lui tendit.
— Merci, fit Cynred.
Le scribe s’empressa de quitter la salle. Floraidh et Cailéan raccompagnèrent le capitaine en parlant à voix basse. Isobel se tourna vers son amant en souriant et mit sa main sur sa hanche en prenant une position légèrement provocante.
— Alors ?
— Tu es magnifique, souffla le jeune homme.
Le sourire d’Isobel s’agrandit.
— Je ne savais pas que l’uniforme te faisait autant d’effet.
Cynred eut un petit rire, puis il l’enlaça et déposa un baiser sur sa tempe.
— Tu n’es pas mal non plus, fit Isobel en effleurant sa tunique.
On leur avait fourni une garde robe complète et en temps qu’apprenti du prince Cailéan, Cynred devait porter une tenue particulière en public : une tunique bleu nuit, orné de symboles ésotériques argentés. Le reste de ses vêtements étaient riches et confortables. C’était une nouveauté et même un peu extravagant, pour lui qui préférait porter des tenues simples et discrètes.
— Je n’aime pas trop me faire remarquer. Les gens me regardent, grommela-t-il.
— C’est parce que tu es l’apprenti de Cailéan. Cela n’est pas arrivé depuis des dizaines d’années, tu sais.
— Oh ! Moi qui croyais que c’était mes écailles ! railla Cynred.
— Évidemment que les gens regardent tes écailles, fit Isobel. Elles sont magnifiques !
Le jeune homme leva les yeux au ciel.
— Ce n’est pas pour cette raison qu’ils les regardent. J’aimerais vraiment pouvoir porter le masque !
Isobel eut un sourire compatissant. Elle déposa un léger baiser sur ses lèvres.
— Quand tu t’accepteras totalement, les autres le feront aussi.
— Comment veux-tu que j’accepte ça ?
— En apprenant à connaitre tes capacités et en comprenant l’origine de tes différences, répondit une voix juste à côté d’eux.
Cailéan était revenu près d’eux en silence. Cynred lui jeta un regard noir. Le prince sourit.
— Je n’ai pas pu m’empêcher d’entendre, fit le prince.
— Je vous laisse, fit Isobel, en s’inclinant. Je dois aller m’entrainer.
Cynred la regarda s’éloigner, puis reporta son attention sur son nouveau maitre. Le souvenir du baron de Fleurdys et de leurs séances remonta à la surface de sa mémoire. Il le repoussa avec force. Ce n’était pas la même chose.
— Es-tu prêt à commencer ?
— Oui, fit Cynred. Mais je préférerais porter le masque.
— Je sais. Et je sais aussi combien c’est difficile. Mais il est nécessaire que les gens te voient tel que tu es. Tu es en sécurité dans ce palais. Une fois que tu seras capable de modifier ton apparence sans avoir recours à la magie d’Isobel, tu pourras cacher ton apparence à ta guise. Si tu en as encore envie.
Cynred en eut le souffle coupé : les paroles du mage avait du mal à se faire un chemin dans son esprit.
— Modifier mon …, balbutia-t-il. Je n’avais jamais songé à ça. Est-ce possible ?
— Tu es en mesure de modifier certaines mélodies pour changer la réalité, n’est-ce pas ?
— Oui. Sur des éléments naturels et sur les objets créés par Isobel, mais je n’ai jamais tenté de le faire sur la musique d’un être.
— Pourquoi ?
— C’est dangereux. Je ne maitrise pas assez. Je pourrais faire des dégâts irréparables sur la psyché ou même le corps de ma cible.
Cailéan eut un sourire rempli de fierté.
— C’est tout à ton honneur, Cynred. Avec mon aide, tu devrais arriver à maitriser tes capacités. Et grâce à toi, j’apprendrais beaucoup de choses sur les pouvoirs des Sérantides. Es-tu d’accord ?
— Oui, seigneur.
LeConteur.fr | Qui sommes-nous ? | Nous contacter | Statistiques |
Découvrir Romans & nouvelles Fanfictions & oneshot Poèmes |
Foire aux questions Présentation & Mentions légales Conditions Générales d'Utilisation Partenaires |
Nous contacter Espace professionnels Un bug à signaler ? |
2836 histoires publiées 1285 membres inscrits Notre membre le plus récent est Fred37 |