Pourquoi vous inscrire ?
«
»
tome 1, Chapitre 40 tome 1, Chapitre 40

Cynred, ses doigts entrelacés avec ceux d’Isobel, prit une profonde inspiration au moment où ils entrèrent dans le laboratoire de Cerfned. La vieille femme, assise à son établi, les accueillit de son sourire édentée. Ses yeux violet brillaient d’intelligence et illuminaient son visage fripée. Ses cheveux blancs réunis en une lourde tresse qui tombait sur son épaule paraissait doux et étincelant. Ses mains caleuses et parcheminées manipulaient avec dextérité les outils de sa fonction.

Au fond de la pièce, les bras croisés, le regard perdu par la fenêtre, attendait le prince. Lorsqu’il les entendit, il sourit et se rapprocha de la table. Dans un coin se trouvaient les deux parchemins que Cynred avait déjà lus en détails et signés.

Le jeune homme, cependant, n’était pas détendu. Aujourd’hui l’arcaniste allait tracer sur sa peau le tatouage qui le lierait à Cailéan. Les termes du contrat étaient clairement posés et le satisfaisait amplement, mais que ce contrat soit ainsi gravé sur lui le rendait nerveux. Néanmoins il s’installa en silence sur le tabouret.

Cerfned se leva et le rejoignit de sa démarche élégante. Petite et souple, elle n’avait pas la démarche qui correspondait à son âge. Cynred avait déjà passé quelque temps avec elle, pour la rédaction du contrat et les préparatifs et il la trouvait agréable, bien qu’un peu étrange parfois.

Elle posa sa main sur le côté droit de sa gorge et entreprit de dessiner à l’encre noire le contour du tatouage qui s’étendrait sur une partie de sa gorge et de sa nuque. Il représentait un arbre de cristal, dont les racines descendaient vers son omoplate et les branches grimpaient en direction de son crâne et de sa mâchoire.

Au moment où l’arcaniste approcha le récipient qui contenait l’encre magique, Isobel s’approcha de lui et prit sa main gauche. Cerfned commença à entonner un chant guttural. Un frisson s’empara de Cynred alors que les paroles magiques pénétraient son esprit. Cailéan, assis juste à côté, les mains bien à plat sur ses cuisses, avait fermé les yeux. Ses tatouages paraissaient briller plus intensément.

La vieille femme souleva le pinceau et compléta le tatouage en commençant par les contours, puis en remplissant les creux. Une sensation de chaleur rampa sur sa peau et il sentit naitre au creux de son esprit une présence de plus en plus forte. Il inspira brutalement, mais ne bougea pas. L’arbre de cristal, non seulement prenait forme sur sa peau, mais aussi dans son esprit, emplissant tout l’espace et repoussant toute autre pensée. Ses branches scintillantes, émeraude, dorée, parme et céruléenne, grandissaient encore et encore. Ce n’était pas douloureux, tout au plus inconfortable.

Avec l’image naquit alors la musique. La mélodie de Cailéan se mêlait avec une autre musique qui ne pouvait venir que de l’arbre. Elles s’amplifièrent mutuellement et engloutirent son esprit dans une tempête de sensations : images, sons, odeurs qui virevoltaient et disparaissaient aussi vite. Son cœur se mit à battre follement alors qu’il essayait de les capturer, mais elles étaient trop légères et éthérées.

Soudain, l’arbre reflua et s’atténua doucement, jusqu’au point où il ne percevait plus qu’une infime pulsation dans un coin de son esprit. Cynred ferma les yeux et inspira profondément. Lorsqu’il les rouvrit, Cailéan le regardait avec intérêt. Il rougit légèrement sous son regard scrutateur. Les yeux du mage étincelaient légèrement. Il se demanda soudain ce qu’il avait senti. S’il avait senti quelque chose.

— J’ai suivi ce qui se passait, commença Cailéan. De loin, rassure-toi. Ton esprit est fascinant.

Il se tut et observa sa réaction. Cynred avait légèrement écarquillé les yeux. Cailéan était entré dans son esprit. Un éclair de révolte commença à émerger, mais il le réprima. C’était prévu dans le contrat. Et n’était-ce pas ce qu’il faisait aussi quand il écoutait les musiques des gens ?

— Si tu n’exprimes pas tes pensées, je ne peux pas les deviner.

— Mais …, fit Cynred, confus.

— Le tatouage doit être activé, pour que nous soyons connecté. Et sauf en cas d’urgence, tu donneras toujours ton autorisation.

— Oh ! Oui, fit-il.

Puis son regard glissa vers l’arcaniste qui rangeait son matériel tranquillement. Cailéan eut un petit rire.

— Rejoignez-moi dans la salle du trône dans une heure et demi, fit-il en se levant.

Cynred, surpris, acquiesça. Une fois le prince parti, Cerfned apparut juste devant le jeune homme, un miroir dans les mains.

— Vous voulez voir ?

— Euh … Oui.

Elle souleva le petit miroir et il aperçut le dessin qui pulsait légèrement sur sa gorge. La silhouette de l’arbre stylisé avait été parfaitement reproduite et épousait la forme de sa gorge.

— Magnifique, fit-il, avec sincérité.

Il se tourna vers Isobel. Celle-ci l’embrassa longuement.

— Oui. Magnifique, murmura-t-elle contre sa joue.

Le petit gloussement de l’arcaniste le fit rougir. Isobel eut un petit rire.

— Merci, Cerfned. C’est un travail magnifique.

— J’ai fait honneur à la beauté de ce jeune homme.

De rouge pâle ses joues devinrent cramoisies. Enfin sa joue droite, la gauche était totalement insensible à ses changements d’humeur.

— On y va, grogna-t-il, en descendant de son tabouret.

Isobel salua respectueusement l’arcaniste et Cynred en fit autant, puis ils s’enfuirent dans le couloir.

— Tout à l’heure, c’est à ton tour, fit le jeune homme, avec un petit sourire.

Puis il fronça les sourcils et ralentit, soudain inquiet.

— Cela n’implique pas un autre rituel… avec du sang ou … ?

Isobel eut un petit rire.

— C’est juste administratif. Le tatouage l’est aussi, d’ailleurs.

— Administratif ne rime pas bien avec magie.

— C’était comment ?

— Fantastique.

Isobel sourit. Puis son sourire s’effaça aussi vite qu’il était apparu. Elle arrêta de marcher et retint son amant par le bras. Il la regarda, surpris.

— Tu es certain que c’était la bonne décision ?

— C’est un peu tard, Isobel.

— Je sais. C’est juste que … je ne veux pas que tu regrettes.

— J’ai confiance, Isobel, fit le jeune homme en posant les mains sur ses épaules. Pendant le rituel, ce que j’ai ressenti, c’était grandiose. Je suis totalement certain que c’était ce qu’il fallait faire. Toi aussi, tu vas prendre un sacré engagement, tout à l’heure.

— Un engagement que j’ai déjà pris depuis longtemps. Ce n’est pas la même chose. Et ce sera facile, puisque je t’aime.

Cette fois ce fut au tour de Cynred de douter.

— Et si…, commença-t-il.

Il se mordit les lèvres, cherchant des mots qui refusaient de sortir. Isobel attendit patiemment.

— Et si notre amour disparaissait…, reprit-il. Et si tu me détestais, ou l’inverse. Et si avec le temps nos sentiments devenaient de l’indifférence …

Soudain l’énormité de ce qu’il était en train de dire le frappa de plein fouet. Elle allait le détester, c’était certain. Il mettait en doute ses sentiments. Il la regarda, soudain craintif. Mais elle le contemplait avec un doux sourire. Aucune colère, aucune déception ne se lisaient dans ses yeux magnifiques. Elle se serra contre lui et entrelaça ses bras autour de son cou.

— Je t’aime de tout mon cœur. C’est un sentiment si puissant que rien ne pourra l’éteindre. Et je vais tout faire pour l’entretenir, comme une fleur qui éclot, s’épanouit, s’endort et renait, identique et différente, à chaque cycle. Et je sais que tu m’aimes de la même manière, parce que mon amour se nourrit du tien pour grandir chaque jour.

Cynred sentit son cœur s’épanouir à ces mots. Il sourit, soudain apaisé. Il la serra contre lui et enfouit son visage au creux de son cou.

— Si tu savais comme je t’aime …, souffla-t-il.

Ils restèrent ainsi un long moment, en plein milieu du couloir, qui heureusement était désert. Puis ils repartirent vers leur appartement.

Ils avaient un peu plus d’une heure devant eux et ils en profitèrent. Les braises encore chaudes maintenaient leur appartement dans un cocon de chaleur bienfaisante. Leur étreinte fut douce et passionnée. Puis ils rêvassèrent l’un contre l’autre. Lorsqu’il fut l’heure de se préparer, ils savourèrent une bain chaud ensemble.


Texte publié par Feydra, 22 août 2023 à 13h53
© tous droits réservés.
«
»
tome 1, Chapitre 40 tome 1, Chapitre 40
LeConteur.fr Qui sommes-nous ? Nous contacter Statistiques
Découvrir
Romans & nouvelles
Fanfictions & oneshot
Poèmes
Foire aux questions
Présentation & Mentions légales
Conditions Générales d'Utilisation
Partenaires
Nous contacter
Espace professionnels
Un bug à signaler ?
2731 histoires publiées
1241 membres inscrits
Notre membre le plus récent est pierjan
LeConteur.fr 2013-2024 © Tous droits réservés