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tome 1, Chapitre 38 tome 1, Chapitre 38

La semaine fut à la fois délicieuse et incertaine. Bien que privé de sortie, Cynred ne se sentit à aucun moment emprisonné, sans doute parce que restait caché entre les murs du palais lui convenait parfaitement. Les appartements qu’il partageait avec Isobel étaient assez spacieux et très confortables. Deux pièces, dont une petite salle d’eau, donnaient sur un balcon, duquel Cynred put admirer la ville et les Monts Dorés. Outre le lit, une commode et une coiffeuse, la chambre contenait un clavecin, qui émerveilla Cynred. Ils purent se remettre de leurs privations et de leur épuisement en deux jours. Puis ils profitèrent l’un de l’autre pendant le reste du temps.

Il n’avait pas réalisé qu’il avait besoin de ça : se recentrer, se retrouver, ne plus se préoccuper de sa survie et de celle d’Isobel, découvrir sa bien-aimée, être auprès d’elle tous les jours, l’écouter, lui parler, composer aussi. Tout le reste était sans intérêt.

Plus d’une fois, il proposa à Isobel de le laisser pour profiter de la ville, mais elle refusa à chaque fois, bloquant toute velléité de protestation de sa part par un baiser.

Ils se promenèrent dans le palais, dont les ailes abandonnées étaient remplies de trésor et de découvertes. Cynred portait son masque de brume à chaque fois qu’il risquait de croiser des gens, mais le reste du temps, il ne le mettait pas.

Cependant, pendant tout ce temps, la demande de Cailéan ne quitta pas son esprit. Il ne vit pas les gouverneurs de toute la semaine, ce qu’il apprécia beaucoup. Isobel lui racontait tout ce qu’elle savait sur eux et il comprit à quel point elle leur faisait confiance et les adorait. Pourtant, il n’arrivait pas à lâcher prise.

La veille du jour fatidique, au moment de leur repas du soir, un garde déposa un message : ils étaient conviés à un repas le lendemain soir, dans les appartements des gouverneurs. Isobel posa le message sur la table devant Cynred, s’assit à sa place et posa son menton sur ses deux mains liés, en le regardant intensément.

— Alors ?

Cynred soupira.

— Pourquoi est-ce si compliqué ?

— Tu t’es débrouillé tout seul pendant une bonne partie de ta vie, Cynred. Et les évènements que tu as vécus dernièrement ne poussent pas à faire confiance.

— Alors comment puis-je me mettre ainsi à leur merci ?

Isobel sourit.

— Parfois, on a besoin de prendre des risques.

Cynred grogna.

— On voit ce que cela a donné pour moi.

— Tu m’as fait confiance… , fit-elle remarquer.

— Cela a pris plusieurs années.

— Tu me fais confiance.

— Évidemment.

— Alors si je te dis que tu peux mettre ta vie entre leurs mains et que je ne laisserai jamais personne, même pas eux, te faire du mal, me crois-tu?

L’esprit de Cynred s’éclaira soudain. La solution était là. Il lui faudrait du temps pour réellement faire confiance à la Dame et à son époux, mais ce n’était pas de leur faute. En attendant, il allait profiter un peu de la confiance de sa bien-aimée.

— Évidemment, répéta-t-il, en un souffle.

Son sourire illumina son visage et provoqua une vague de chaleur bienfaisante dans tout son corps. Comme il aimait cette femme !

Au petit matin, alors que les amants se réveillaient doucement, dans les bras l’un de l’autre, on frappa à leur porte. Isobel, les yeux encore ensommeillés, grogna, attrapa une robe de chambre et alla ouvrir.

— Pardonnez-moi, madame, fit la jeune servante, sur un ton obséquieux. Le seigneur et la Dame vous demande immédiatement, dans leur bureau.

Isobel fronça les sourcils. Ilse devaient se voir ce soir ; quelque chose avait dû se passer.

— Très bien. Dites-leur que nous arrivons.

Cynred était déjà en train de s’habiller. Il regardait Isobel avec inquiétude. Elle ne dit rien, se contentant d’un sourire rassurant et se prépara à son tour. N’ayant pas le temps de refaire un masque, le jeune homme revêtit une cape, dont il rabattit la capuche.

Main dans la main, ils traversèrent l’aile des invités et descendirent rapidement au rez-de-chaussée. Ils débouchèrent directement devant le bureau, par une petite porte. Les gardes, prévenus, les laissèrent passer sans difficulté. Ils trouvèrent Cailéan installé à son bureau. Il paraissait soucieux.

—Seigneur, salua Isobel en entrant.

— Vous avez fait vite, c’est bien, fit Cailéan sans autre préambule. Asseyez-vous.

Ils prirent place dans les fauteuils devant le bureau. Cynred sentait l’angoisse l’envahir à nouveau.

— Avant que je ne vous dise pourquoi je vous ai fait convoquer, j’ai besoin de connaitre ta réponse, Cynred.

Le jeune homme regarda le mage droit dans les yeux.

— J’ai décidé de vous faire confiance, seigneur. J’espérais, en venant ici, obtenir des informations sur l’origine de mes écailles et apprendre à contrôler mes capacités.

Cailéan hocha la tête d’un air approbateur.

— Nous commencerons rapidement. Mais avant, j’ai des informations à vous donner, des informations qui ne vont pas vous plaire.

Il leur montra un parchemin qui venait d’être décacheté.

— Un corbeau est arrivé dans la nuit, avec un message de la part d’Acrétius.

Isobel et Cynred échangèrent un regard inquiet. De toute évidence, les nouvelles qu’il apportait n’étaient pas celles qu’ils attendaient.

— J’ai appris beaucoup de choses sur ce qui vous est arrivé dans cette lettre, mais il existe encore beaucoup d’éléments manquants, continua-t-il. C’est toujours compliqué, lorsqu’on lit une histoire en commençant par la fin.

— Valronn a-t-il été condamné ?

— Non. Malheureusement, il y a eu un surprenant retournement de situation. Il n’a même pas été emprisonné. Il s’avère que Grégoire Valronn était un agent assermenté au service d’un membre du Sigile des Arcanes.

— Quoi ? siffla Cynred. C’est impossible. Cet homme est un criminel et un meurtrier.

— Sirian l’aurait su, fit Isobel, comment est-ce possible ?

— D’après Acrétius, cette information aurait été gardée secrète même pour les hauts gradés de l’organisation. La Haute-Inquisitrice en a été avertie par un membre du Conseil Silencieux.

— Le Conseil Silencieux ? murmura Isobel, les sourcils froncés.

— Le Conseil Silencieux est au-dessus des dirigeants du Sigile des Arcanes. Les membres sont à l’origine de la création du Sigile, il y a une trentaine d’années. J’en fais partie, ainsi que le duc et d’autres nobles hauts placés. C’est ce conseil qui a nommé les premiers dirigeants.

— Je ne comprends pas, fit Isobel. Je croyais que le Sigile des Arcanes fonctionnait en indépendance.

— Cette intervention est effectivement très surprenante. Le Conseil n’intervient plus activement. En tout cas, c’est ce que je pensais. Mais une missive envoyée directement par un membre du Conseil Silencieux a fait immédiatement annulé toutes les charges et l’enquête.

— Et Sirian ? réagit soudain la guerrière. Que lui est-il arrivé ?

— Il a été démis de ses fonctions.

— Mais … il est pourtant sous la protection de la Haute Inquisitrice, de par son contrat de servitude.

— Qui n’a eu d’autres choix que de le punir.

La jeune femme fronça les sourcils et se mordit les lèvres. La culpabilité commençait à peser sur son cœur.

— Sirian est un ami très proche ; j’espère qu’il va bien.

— Le contrat de servitude est contraignant, mais d’une certaine manière, cela le protège. La Haute Inqusitrice est loyale et honorable. Mais on a dû lui forcer la main, et la connaissant cela n’a pas dû lui plaire, fit Cailéan.

— Si je puis me permettre, seigneur, fit soudain Cynred, pour quelle raison Acrétius vous a -t-il informé de tout cela ?

Cailéan le regarda un long moment avant de répondre. On aurait dit qu’il cherchait comment annoncer la nouvelle. Le jeune homme sentit soudain un énorme poids dans son estomac.

— Le Sigile des Arcanes veut te récupérer, Cynred.

— Pourquoi ? souffla le jeune homme, le cœur serré.

Isobel, sentant sa panique, entrelaça ses doigts avec les siens.

— Il ne l’a pas précisé. Mais je pense que le membre du Conseil Silencieux qui contrôle Valronn a eu vent de ton existence et veut te récupérer pour ce que tu es.

— Valronn s’est servi de lui pour pénétrer dans les ruines ; il suspectait ce qu’il était, expliqua Isobel.

— Il sous-entendait que je lui étais précieux. Si je ne m’étais pas enfui, il m’aurait emprisonné pour je ne sais quoi …

Il frissonna à cette pensée.

— Si le Sigile des Arcanes te met la main dessus, tu disparaitras.

— Alors nous nous enfuirons à nouveau, assena Isobel. Nous nous cacherons dans les montagnes, ils ne pourront pas nous trouver là-bas…

Cailéan sourit.

— C’est tout à ton honneur, ma fille. Mais cela ne sera pas une vie, ni pour toi, ni pour lui. Ce n’est pas une solution pérenne. Il faut trouver quelque chose qui lui permette de vivre au grand jour, tout en étant protégé.

— Je ne vois pas quoi, seigneur. Je n’ai pas de famille, pas de soutien, aucun rang. Je ne suis même pas humain. Je suis dangereux…

— Alors, souhaites-tu que le Sigile des Arcanes te capture ? l’interrompit le prince Cailéan, le visage grave, son regard étincelant rivé dans les yeux azur du jeune homme.

Celui-ci se révolta à cette idée.

— Bien sûr que non ! fit-il. Je préfère mourir.

Le visage du mage se détendit aussitôt et un sourire erra sur son visage.

— C’est bien. Car j’ai une solution à te proposer.

Cynred, prudent, réprima la brusque poussée d’espoir qui s’éveilla dans son cœur.

— C’est une solution qui aura des conséquences importantes pour toi et qui, dans un sens, te privera d’une partie de ta liberté, fit Cailéan. Cependant, elle t’offrira une protection que le Sigile des Arcanes ne pourra pas officiellement rompre.

— Quelle est cette solution ?

— Un contrat de servitude, fit le prince. Un contrat qui te lierait pas magie avec moi.

— Un contrat de servitude ? murmura Cynred, ébahi.

— Je n’aime pas ce nom, continua le seigneur. A l’origine, c’était un lien magique entre un maitre et son apprenti, qui simplifiait l’échange et l’enseignement. Le maitre pouvait, grâce à ce lien, soutenir son apprenti et lui transmettre ses connaissances. Évidemment, quelqu’un a réussi à la dévoyer d’une certaine manière. Mais c’est un contrat entièrement légiféré dans le Duché, et encore plus au Bastion du Verre. Tu ne pourras aller nulle part sans mon autorisation et le Sigile des Arcanes ne pourra pas t’attaquer ou te mettre en prison. Qu’en penses-tu ?

— Et pour Isobel ? fit alors Cynred.

Cailéan sourit.

— Cela n’aura aucune conséquence sur ta relation avec Isobel. Elle aura d’ailleurs une mission elle aussi.

Isobel porta la main de Cynred à ses lèvres et déposa un léger baiser sur ses doigts. Sa mélodie, aura de confiance et d’amour, l’enveloppait.

— J’accepte, fit-il sur un ton ferme, toute trace de frayeur envolée.


Texte publié par Feydra, 22 août 2023 à 13h52
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