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tome 1, Chapitre 34 tome 1, Chapitre 34

Cynred plongea son regard dans le panorama à sa gauche : à cette hauteur, il pouvait voir la masse verdoyante de la forêt, les larges plaines herbeuses de Souviance, ainsi que la silhouette massive de la ville. Tels des rubans bleus scintillants, les rivières sinuaient jusque dans le lac d’Argentlune, qu’il ne voyait pas à cette distance.

Puis le paysage disparut alors que sa monture négociait un virage et s’engageait dans la dernière partie de leur montée. La route montait en ligne droite, selon une inclinaison assez élevée. Le Marcheur du Roc souffla, mais n’eut aucune peine à continuer sa route. Devant eux se trouvait Isobel, sur sa propre monture. Ils avançaient à un bon rythme, aussi rapide qu’un cheval. Les griffes de l’animal s’ancraient dans la pierre et il avait une endurance extraordinaire.

Cynred caressa l’épaisse fourrure bleutée qui ornait l’encolure et le dos de la bête et fut récompensé par un ronronnement. Il avait été impressionné par la carrure de sa monture quand le maitre du relais l’avait appelé : c’était un quadrupède aux larges pattes griffues, au corps massif, recouvert d’une peau épaisse et grisâtre, qui avait la dureté et l’apparence de la roche. Ses yeux dorés scintillaient d’intelligence et sa large gueule étaient remplie de crocs acérés.

Cependant, c’était une créature paisible, solide et docile, tant qu’on la respectait, lui avait expliqué Isobel. Elle se montait comme un cheval, mais elle n’avait pas de mors. Le harnais posé sur son dos contenait la selle et une lanière pour se tenir. Il suffisait de lui donner ses instructions verbalement pour qu’elle les suive à la lettre. Sa monture suivait obligeamment celle d’Isobel et il n’avait qu’à profiter du spectacle.

Par curiosité, il avait écouté la mélodie de l’animal : elle était complexe et riche. Et plus il la déroulait devant les yeux de son esprit, plus elle créait des images extraordinaires : il vit des cristaux colorés gigantesques qui pulsaient, il sentit l’air frais effleurer sa peau alors qu’il grimpait sur des falaises à pic … Les souvenirs de la créature se mêlaient à sa mélodie. Il n’avait jamais vu cela chez aucune bête. A la fois fasciné et effaré, il avait rompu le contact et s’était accroché à la crinière, le temps que le vertige passe.

Lorsqu’ils arrivèrent au sommet de la dernière pente, plus de quatre heures après avoir quitté le petit village, un immense plateau de roc et de cristal se dévoila devant les yeux émerveillés du jeune homme. Il rejoignit Isobel qui avait stoppé sa monture juste à l’entrée.

Tout autour, de hauts pics rocheux, dont la pointe se couvrait de cristaux s’élançaient vers le ciel. Tout semblait figé dans un froid glacial et millénaire. Une végétation éparse, aux feuillages persistants, apportaient quelques touches verdoyantes, mais les cristaux multicolores dominaient le paysage. Il aperçut même un arbre gigantesque, entièrement fait de cristal, dans le tronc duquel pulsaient des veines d’énergie bleutée. Il le regarda attentivement en passant : il était certain qu’il était vivant. Puis Cynred aperçut d’autres chemins moins larges qui se glissaient entre les pics rocheux, s’enfonçant encore plus dans le cœur de la montagne. Y avait-il des villages là-bas ?

Mais ce qui dominait le paysage, à environ un kilomètres de leur position, c’était la massive citadelle, qui occupait toute la largeur du plateau, fermant tout accès à ce qui se trouvait de l’autre côté. Le mur d’enceinte, fait dans une roche gris foncé, parcourus de veines de cristal multicolores qui scintillaient sous la lumière du soleil, était percé d’un seul accès, assez large.

Derrière on pouvait distinguer un immense palais dont la tour carrée centrale, couronnée par une verrière rutilante de couleurs, s’élançait vers le ciel. Tout autour des toits noirs à différentes hauteurs indiquaient divers bâtiments.

— C’est magnifique, fit Cynred.

Isobel sourit. La beauté de son pays natal était à couper le souffle. Dommage que ses souvenirs teintaient son retour d’amertume.

— On va rentrer dans la ville, fit-elle. C’est là que tout risque de se compliquer.

Les montures repartirent et suivirent tranquillement la piste déserte. Quand ils se rapprochèrent de la cité, Cynred vit des gens sortir des sentiers de chaque côté de la voie principale, seul ou en groupe, portant des paniers ou des sacoches pleines. La plupart étaient des elvens mais il y avait aussi des humaines. Tous, femmes et hommes, étaient armés et vêtus de tenues en cuir molletonné ou de plastrons protecteurs.

— Les chemins de la montagne peuvent être dangereux, expliqua Isobel. Des créatures y rôdent.

— C’est un endroit qui m’a l’air aussi hostile que magnifique, fit Cynred.

— C’est vrai. C’est aussi pour cette raison que la reine de l’époque a voulu cette alliance avec le Duché.

— Est-ce que cela a amélioré votre quotidien ?

— Oui, fit Isobel.

Elle n’en dit pas plus et ils continuèrent en silence jusqu’aux portes. Elle semblait de plus en plus préoccupée depuis qu’il s’approchait de sa région natale. Cynred se demanda ce qui l’avait poussé à la quitter.

Alors qu’ils approchaient de leur destination, Isobel fit bifurquer sa bête sur un petit chemin qui descendait légèrement. Ils pénétrèrent dans une combe, au fond de laquelle sinuait une rivière qui jaillissait du flanc de la montagne. De l’herbe poussait en abondance, au milieu de gros rochers et d’arbres cristallins aux ramures magnifiques. Plusieurs Marcheurs du Roc s’y prélassaient ou pêchaient dans la rivière.

Un bâtiment de pierre en fermait l’accès, à côté d’une barrière de bois épais. Un homme en sortit au moment où ils arrivaient. C’était un elven à la peau vert tendre, avec des longs cheveux noir, à la large carrure. Il était vêtu d’une tenue en cuir, protégé d’un tablier. Isobel descendit de sa monture, Cynred à sa suite. Elle se dirigea vers lui, pendant que son compagnon restait près des montures. Il lui tapota la tête et le caressa.

— Merci pour la ballade.

Le Marcheur tourna sa grosse tête vers lui et l’observa de ses yeux dorés. Puis il grogna et frotta sa joue rugueuse contre lui. Cynred eut un petit rire. Isobel le rejoignit quelques minutes plus tard, salua les bêtes et l’entraina en direction de la porte.

— Ton masque tient toujours ? chuchota-t-elle alors qu’ils passaient sous l’arcade de la porte.

— Oui. Mais il vacille.

Par prudence, Cynred rabattit sa capuche sur son crâne. Il s’aperçut que le mur extérieur menait à un espace de plusieurs dizaines de mètres, rempli d’étals divers et de quelques barraques en bois. De nombreuses marchandises y étaient proposées à l’achat, comme dans n’importe quel marché du Duché.

Un autre mur épais, fait dans la même matière que le premier, fermait l’accès à la ville à proprement parler. Une porte un peu moins large, dont la herse était relevée, permettait l’accès à l’intérieur. Plusieurs gardes surveillaient l’accès et vérifiaient les permis. Le soleil commençait à disparaitre derrière les sommets à l’ouest. Bientôt la nuit tomberait. De nombreuses personnes rentraient dans la ville.

Isobel conduisit Cynred vers une petit barraque qui offrait de la nourriture et de la boisson. Elle lui montra une table et se rendit au comptoir pour commander. Il attendit patiemment, mais l’angoisse commençait à emplir son esprit. Comment serait-il accueilli ici , lui qui n’était pas vraiment humain et qui n’avait pas de permis ?

Quelques minutes plus tard, Isobel posa devant lui un bol en bois rempli de viande et une tasse fumante.

— Restaure-toi, je reviens, fit-elle, en l’embrassant rapidement.

Il n’eut pas le temps de lui demander ce qu’elle allait faire et son comportement l’agaça légèrement. Il la vit s’approcher d’un garde qui observait le marché. Ils parlèrent un moment, elle lui montra son permis et le garde la salua, avant de se tourner vers ses hommes. Isobel revint alors vers Cynred, s’assit en face de lui et prit un morceau de viande dans son bol.

— J’ai demandé à ce qu’on aille prévenir le prince et la dame.

Cynred faillit s’étrangler.

— Quoi ?

Isobel parut soudain gênée.

— Mon grand-père était général ; il faisait partie du conseil, du temps où le Bastion du Verre était indépendant. Mon père était le commandant en chef de la garde et un ami du prince. Ma mère était une amie personnelle de la Dame. Je les connais tous les deux depuis que je suis née ; j’ai pratiquement grandi au palais.

— Oh ! Tu fais partie de la noblesse en quelque sorte.

— Ce n’est pas …, commença-t-elle. Ma mère faisait partie d’une famille noble.

— Tu n’es pas fière de tes origines ?

— Disons que j’ai décidé de prendre un peu de distance.

— Cela doit être difficile pour toi de revenir alors ?

Isobel soupira.

— Pour être tout à fait franche, je n’avais pas prévu de rentrer du tout.

Cynred baissa la tête.

— Je suis désolé …

— Non, non, fit Isobel, effarée. Je suis heureuse d’être avec toi, ici. C’est le meilleur endroit pour ta sécurité.

Elle posa sa main sur celle de son amant et chercha son regard. Il finit par lever les yeux vers elle avec un pâle sourire.

— D’accord.

Un homme se présenta alors et salua Isobel. Il était vêtu d’un uniforme de la garde et portait une épée à la ceinture.

— Dame Cahilir, vous et votre ami êtes attendus au palais.


Texte publié par Feydra, 22 août 2023 à 13h49
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