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— La boucle est bouclée, murmura Cynred, en posant son sac à dos sur le sol poussiéreux de la cabane.

Isobel fit la moue en jetant un regard critique sur la pièce unique. Il leur avait fallu le reste de la nuit pour atteindre le refuge qu’ils avaient déjà utilisé … il y a combien de temps ? Les jours et les nuits se mélangeaient dans son esprit. Pour ce qu’elle en savait, ils auraient pu passer dix ans dans ces maudites ruines.

— Ils nous ont fait perdre du temps, maugréa-t-elle.

Cynred eut un petit rire et déposa un baiser sur ses cheveux.

— On peut se reposer une heure ou deux et repartir …

— Non. Nous sommes épuisés. Nous avons besoin d’un long repos. Il nous reste de la route avant d’atteindre le Bastion du Verre.

Après s’être installés le plus confortablement possible, en utilisant ce qu’ils avaient à disposition dans la cabane abandonnée, ils se pelotonnèrent l’un contre l’autre. Le soleil commençait à réchauffer leur refuge, mais ils étaient bien, dans la pénombre, malgré l’état de délabrement et la poussière.

La tension accumulée se dissipait doucement. Les doigts entrelacés, ils attendaient simplement que le sommeil les emporte. Le jeune homme ne pouvait se lasser de la mélodie d’Isobel, ni de ses yeux aussi noirs que la nuit ou des nuances bleutées de sa peau. Il ne pouvait se lasser de sa force, de son courage, de son caractère. Il déposa un léger baiser sur ses lèvres.

Elle sourit, plongea ses orbes de ténèbres dans ses yeux azur. Son regard était si intense qu’il en eut le souffle coupé. Lorsqu’elle posa ses lèvres sur les siennes, leur baiser dura longtemps. Son cœur se mit à battre follement, une chaleur bienfaisante grimpa le long de ses muscles et de ses nerfs. Il sentait le cœur d’Isobel répondre au sien avec autant de force.

Soudain elle écarquilla les yeux et s’écarta légèrement. Il fronça les sourcils.

— Qu’est-ce qu’il y a ? Tu …

Elle le regardait pensivement, en souriant.

— J’ai l’impression que tu es dans mon esprit.

Il eut un sursaut d’horreur et commença à reculer.

— Désolé. Je …

Son doigt léger sur ses lèvres le fit taire. Elle enserra son cou et le rapprocha d’elle à nouveau.

— Non. Non. Ne t’inquiète pas, fit-elle avec douceur. C’est une sensation extraordinaire.

Il se détendit et se pencha vers elle. Ils s’embrassèrent tendrement et doucement. Il l’enlaça, se laissant envelopper par sa mélodie, qui traversa son esprit telle une vague chatoyante,. Elle se mêla à la sienne, l’emporta et il s’oublia en elle.

Lorsqu’il rouvrit les yeux, l’obscurité de la cabane était moins profonde et la chaleur plus forte. Il prit une profonde inspiration et se laissa envahir par le calme des lieux, appréciant ce sentiment de paix qu’il n’avait jamais vraiment connu. Isobel, blottie contre lui, dormait toujours, un bras en travers de sa poitrine. Il sourit et déposa un baiser sur son front. Elle cligna des yeux, soupira et bascula sur le dos.

— Quelle heure est-il à ton avis ? murmura-t-elle d’une voix ensommeillée.

— Aucune idée.

— Sans importance, souffla-t-elle.

Cynred sourit et lui laissa le temps de se réveiller complètement. Découvrir Isobel dans ce moment si particulier et si familier était extraordinaire. Quelques minutes plus tard, elle se redressa sur un coude et planta un baiser sur ses lèvres. Perdu dans ses pensées, il fut surpris.

— Merci, fit-elle.

— Merci à toi, répondit-il.

Elle sourit et caressa doucement les écailles de son visage.

— Tu as faim ? fit-il.

— Un peu.

Il se redressa dans le lit de fortune qu’ils avaient aménagé à même le sol, rajusta ses vêtements, tout en fronçant le nez face à leur saleté, et alla chercher l’une des sacoches. Il revint et disposa sur la couverture du pain et du bœuf séché qu’Acrétius leur avait gentiment fourni.

— Ce n’est pas grand-chose.

— Ce soir en repartant nous repasserons au marché nocturne d’Ombrepierre, fit Isobel en arrachant un morceau de pain. Acrétius nous a aussi laissé de l’argent.

— Ta première paye d’agent du Sigile des Arcanes, plaisanta Cynred.

Mais Isobel ne rit pas. Elle parut soudain gênée.

— A propos de ça…, commença-t-elle. A propos de ce que Sirian a dit, tu sais …

— Sur le fait que je risquais de m’en prendre aux gens.

— Oui.

— Il a raison de vouloir prendre des précautions. Si j’avais été lui, je me serais arrêté, tu sais.

Elle fronça les sourcils.

— Cynred …

— Isobel, l’interrompit-il. Mon pouvoir est bien plus que ce que je pensais … J’aurais pu faire tomber la montagne sur nous. J’ai détruit un morceau de colline. Je suis dangereux.

C’était vrai, c’était réel, elle ne pouvait le nier.

— J’ai toujours pensé que je ne pouvais qu’entendre et traduire la musique des choses qui m’entouraient, continua-t-il. Mais, en fait, je peux la modifier et altérer la réalité, est-ce que tu imagines ? C’est extraordinaire et … terrifiant.

Elle posa sa main sur la sienne.

— Tu ne feras de mal à personne, Cynred.

— Comment peux-tu en être certaine ?

— Je le suis, c’est tout.

— Je n’ai pas ta certitude. Il y a quelque chose d’autres en moi, quelque chose qui n’est pas naturel. Et si un jour, cela prenait le contrôle et …

Il ne put terminer sa phrase. Les mots se bloquèrent dans sa gorge.

— Je n’en sais rien, répondit Isobel avec sincérité. Mais au Bastion du Verre je connais quelqu’un qui est suffisamment puissant pour t’aider.

Cynred hocha la tête et prit une profonde inspiration pour se calmer. Isobel se mordit les lèvres, mais elle devait lui poser la question qui la taraudait.

— Est-ce que ma nouvelle mission t’effraie ?

Cynred écarquilla les yeux, surpris. Puis son expression s’adoucit. Il plaça sa main droite contre sa joue et s’approcha d’elle.

— Mes sentiments pour toi ne changeront jamais, souffla-t-il. Je pense que ce qui s’est passé entre nous tout à l’heure est une preuve suffisante.

Isobel rougit et eut un petit rire, étouffé par les lèvres chaudes de son amant.