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tome 1, Chapitre 30 tome 1, Chapitre 30

Cynred et Isobel suivirent le regard du mercenaire et virent Sélyna, Valronn et leurs deux sbires qui sortaient de la mine. Ils étaient en piteux état. Versc se tenait une épaule sanglante. Virc semblait avoir eu plus de chance ; il portait les deux sacoches. On peut faire confiance à Valronn pour ne pas oublier son trésor, se dit Cynred.

Valronn était couvert de poussière et une estafilade ornait sa joue. Il boitait légèrement. Sélyna, décoiffée, pâle, saignant de multiples égratignures sur son visage, rivait son regard étincelant de haine et de folie sur Isobel. Celle-ci ne put retenir son sourire.

— A quoi tu joues, Sylf ? siffla Valronn, en s’avançant vers le trio.

Celui-ci haussa les épaules.

— J’ai simplement changé de camp. Deux fois.

A ces mots, Cynred grimaça, mais resta silencieux. Épuisé, drainé de toute énergie, il était sourd à la musique et n’arrivait pas à identifier les intentions du mercenaire. Cependant, le jeune homme sentait quelque chose de différent dans le camp. Quand ils étaient partis, il était rempli d’ouvriers et d’hommes armés. Où étaient-ils tous passés ? Ses sens affaiblis ne parvenaient pas à comprendre précisément pourquoi, mais l’atmosphère était tendue.

Grégoire Valronn regarda autour de lui, méfiant. Cynred vit le moment où il comprit ce qui n’allait pas. Il avança un peu, se rapprochant des premières tentes et s’éloignant d’eux. Sélyna le suivit, soudain inquiète. Le regard des deux sbires alternaient entre leur chef et leur commanditaire en se demandant ce qui se passait.

— Sylf, où sont tous mes hommes ?

L’homme chauve haussa les épaules.

— Ils doivent dormir, non ?

— Et les gardes, ils dorment aussi ? cracha Valronn, sans le regarder.

Tout à coup, un homme apparut entre deux tentes et avança vers eux. Les sbires dégainèrent leurs tromblons. Sélyna s’avança, dégaina son pistolet et le braqua sur l’intrus. Sylf jeta un regard d’avertissement à Isobel et Cynred et se décala légèrement, le canon de l’arme pointé vers le bas. Cynred ne s’en rendit pas compte : son regard était rivé sur le nouvel arrivant.

Celui-ci continua son approche, sans se soucier des armes pointées sur lui, ses yeux sombres fermement posés sur Valronn. Il était vêtu d’un long manteau noir, par-dessus un pourpoint de cuir brillant. Une épée et un mousquet étaient accrochés à sa ceinture. Quand il fut à portée, les yeux de Valronn s’étrécirent. Sur le col de son manteau brillait un insigne : une roue crantée, symbole du Sigile des Arcanes.

Alors Grégoire Valronn déplia son masque de dandy et sourit de toutes ses dents. D’un geste, il intima à sa fille et à ses hommes de baisser leurs armes et il avança.

— Veuillez pardonner à mes hommes, sigilite. Que puis-je pour vous ?

Isobel serra la main de Cynred. Celui-ci s’en rendit compte distraitement. Ses sens surnaturels affaiblis étaient focalisés sur le sigilite. Il lui semblait reconnaitre sa mélodie. Il sentit alors une présence mentale dans son esprit, une présence qu’il connaissait bien. Il se figea. Comment était-ce possible ?

— Éloignons-nous pendant qu’ils regardent ailleurs, chuchota-t-elle.

Ils reculèrent dans l’ombre de la montagne.

— Il faut qu’on file, chuchota Isobel.

Il posa ses yeux limpides sur elle. Un éclat de lune fit briller les étincelles dorées sur sa peau écailleuse.

— C’est trop tard, il m’a repéré.

Isobel poussa un juron.

— Tu n’es pas surprise ?

— Je connais Sirian depuis longtemps. Je sais ce dont il est capable.

Elle paraissait étrangement agacée par cet homme. Cynred sourit et se pencha vers elle. Il déposa un baiser sur sa joue.

— Tu as la fâcheuse habitude de t’acoquiner avec des gens étranges, murmura-t-il dans son oreille.

Elle lui jeta un coup d’œil effaré. Comment pouvait-il être aussi détendu et plaisanter en ce moment critique ? Il regardait la scène d’un air confiant et sûr de lui. Pourtant, sa pâleur et les légers tremblements de ses paupières étaient la preuve de son épuisement. Elle soupira.

— D’accord.

Même s’il était conscient de la présence d’Isobel et de cet étranger si familier, le sigilite était entièrement concentré sur Valronn.

— Grégoire Valronn, vous êtes en état d’arrestation pour trafic d’artefacts, déclara-t-il.

L’homme ne fut pas du tout effrayé par ces mots. Au contraire, son sourire s’élargit.

— Je ne comprends pas de quoi vous parlez ? Je suis un antiquaire respectable. Mon entreprise respecte la loi.

— Nous sommes au courant pour vôtre trafic de grimoire, fit le sigilite, imperturbable. Des officiers sont en train de perquisitionner vos entrepôts. Et nous avons arrêté votre client, Anthéus Wolfham, au moment où il tenait de partir avec un grimoire. Vous avez aussi caché aux autorités la découverte de ruines dans vos mines. Et nous pouvons aussi ajouter à cela le chef d’accusation d’enlèvement et de meurtre, qui seront jugés par la cour civile d’Argentlune.

Le sourire de Valronn s’atténua. Un tic nerveux secoua son œil droit.

—Vous êtes seul. M’est avis que vous n’avez pas le soutien de vos supérieurs ? Sinon, une armée des soldats du Sigile vous accompagnerait.

Sirian sourit à son tour et ses yeux prirent un éclat surnaturel. Il sortit un feuillet plié en quatre de la poche intérieure de son manteau.

— J’ai un mandat d’arrêt signée par la Haute Inquisitrice et par le Haut Juge Aeran, monsieur Valronn. Et je n’ai pas besoin d’une armée pour vous arrêter.

Valronn le regardait intensément. Ses yeux s’écarquillèrent soudain.

— Je vous reconnais, s’écria-t-il. Vous êtes Sirian de Fleurdys, n’est-ce pas ?

Le sigilite fronça légèrement les sourcils.

— Le tatouage du contrat de servitude est très rare. Vous êtes une célébrité dans le milieu. J’ai un peu connu votre père …

— La dynastie des Fleurdys s’est éteinte, monsieur Valronn, répondit Sirian, d’un ton glacial. Et connaitre mon père n’est pas un gage de moralité.

Le nom de Fleurdys éveilla soudain des souvenirs dans l’esprit de Cynred. « Qui es-tu ? » « Mon fils, va-t-en. Ils ne doivent pas te trouver ici. Fuis et cache-toi loin d’ici. » A nouveau la voix faible et terrifiée retentissait dans sa tête, suivie de celle de sa mère, qui avait tout risqué pour sauver cet adolescent, lui, Sirian. Des images de cette nuit-là remontaient à la surface. C’était donc lui : le fils du Baron de Fleurdys, emprisonné dans sa propre maison !

— Je suis certain que nous pouvons parvenir à un arrangement, fit Valronn d’une voix suave.

Les yeux du sigilite se plissèrent et ses lèvres s’étrécirent en une fine ligne. Il se rapprocha de Valronn.

— Vous pensez pouvoir me corrompre, Valronn ? Combien de fonctionnaires avez-vous dans votre poche ? Au Sigile des Arcanes, peut-être même ?

Le sourire de l’antiquaire s’élargit. Les iris du sigilite semblèrent soudain crépiter, mais le criminel ne s’en rendit pas compte.

— J’ajouterai cela à la liste des chefs d’accusation. Nous arriverons bien à vous arracher les noms de ceux que vous avez achetés.

— Essayez toujours, grogna Valronn.

Aussitôt les canons des armes se relevèrent et le mousquet reprit sa position. Sirian resta impassible. Soudain on entendit un coup puissant, suivi par un craquement et un cri sourd. Sous les yeux ébahis de Valronn et de sa fille, Sylf porta un coup de la crosse de son arme sur Versk, qui rejoignit son camarade, déjà à terre, qui se tortillait en se tenant le nez. Sélyna poussa un petit cri quand Sylf lui arracha brutalement son arme.

— Vous avez fait assez de dégâts, mademoiselle.

Alors que Valronn se tournait vers lui, les yeux exorbités, il pointa son pistolet sur lui.

— Tu … tu es …, balbutia Valronn.

Sylf sourit.

— Sigilite Acrétius, pour vous servir, monsieur Valronn.

Sirian s’approcha et jeta une paire de menottes à son collègue qui l’attrapa habilement.

— Tournez-vous, monsieur Valronn.

L’homme obéit, le visage tordu en une grimace de fureur. Lorsqu’il vit Sylf agripper les bras de sa fille et lui mettre les menottes, il siffla :

— Laissez ma fille tranquille.

Acrétius se tourna vers lui, le visage sévère.

— Elle a tué le Baron de Vilepierre. Elle sera punie pour ses actes, comme vous.

Blafarde, Sélyna resta muette, mais son visage respirait la haine. Un groupe de soldats quitta soudain les ombres entre les tentes et les rejoignit.

— Capitaine, fit Sirian, occupez-vous des prisonniers.

— Bien, monsieur, fit une femme aux cheveux blonds coiffés en un chignon strict

Elle fit un geste à ses hommes qui s’emparèrent de Valronn, sa fille et ses deux sous-fifres. Dès qu’ils eurent disparu, Sirian tourna son regard acéré vers le couple caché dans l’ombre. Cynred attrapa la main d’Isobel et avança dans la lumière de la lune. Le sigilite riva son regard sur le visage du jeune homme. Son collègue lui jeta un coup d’œil, attentif à sa réaction. Mais il ne dégaina pas ses armes, ce qui était déjà un bon signe. Le regard de Sirian glissa ensuite sur Isobel.

— Isobel, salua le jeune homme d’une voix douce.

Elle paraissait inquiète, mais elle sourit légèrement.

— Sirian.

— Je suis heureux que tu sois indemne.

— je suis heureuse de ton intervention à point nommé.

— Vraiment ? fit-il, en glissant un coup d’œil à son compagnon.

Isobel serra les lèvres et se tendit. Cynred sentait la nervosité de sa compagne. Le sigilite plongea à nouveau ses yeux noirs dans les siens. Sa mélodie était puissante, douce et harmonieuse. Quelques accords un peu étranges s’y mêlaient, mais il ne se sentait pas en danger. Quand il sentit sa présence, légère comme une plume, dans sa tête, il ne réagit pas, le laissant chercher ses réponses. Il ouvrit grand son esprit, invoqua ses souvenirs de cette nuit-là, cette nuit d’il y a neuf ans. Sirian écarquilla légèrement les yeux. Il prit une forte inspiration et pendant quelques secondes, son visage exprima une profonde souffrance. Puis il se reprit et se retira de l’esprit de Cynred.

— Isobel, puis-je te parler un instant ? Surveille-le, Acrétius.

La jeune femme hocha la tête et suivit Sirian quelques mètres plus loin.

— Un sigilite, hein ? fit Cynred.

L’homme eut un petit sourire.

— Je suis désolé pour les coups et les menaces , fit Acrétius.

Cynred le regarda intensément.

— Je comprends. Vous avez une remarquable faculté à changer votre aura.

Le sigilite eut un petit rire amer.

— Ouais. Quand on est infiltré, il vaut mieux penser comme l’ennemi. La difficulté, c’est de ne pas perdre de vue qui on est vraiment et pourquoi on le fait.

— Qui on est vraiment … c’est une question pour beaucoup d’entre nous, murmura Cynred, pensif. Merci pour votre aide.

— Attendez avant de me remercier, souffla le sigilite, en observant Sirian et Isobel.


Texte publié par Feydra, 18 août 2023 à 22h46
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