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tome 1, Chapitre 24 tome 1, Chapitre 24

La voute de pierre, recouvertes de gravures qui avaient en partie étaient rongées par le temps, s’ouvrait dans la paroi de roche. Le tunnel de la mine continuait dans les profondeurs de la montagne, mais ils n’allaient pas s’y enfoncer. Derrière cette ancienne entrée, aussi loin que la lumière des lanternes pouvaient pénétrer, s’étendait un tunnel large d’une dizaine de mètres, dont les parois de roche avaient été lissées et décorées de bas relief et de fresques. Une construction, datant de plusieurs millénaires, était cachée dans la montagne, découverte au hasard des excavations.

— Allons-y, ordonna Valronn, en soulevant sa torche.

Un coup dans le dos força Cynred à avancer. Les sbires qui les accompagnaient les surveillaient d’un œil perçant, Isobel et lui. Versk et Ruc, se rappela-t-il. Il jeta un coup d’œil à sa compagne, qui gardait un visage impassible, mais il sentait que sa mélodie devenait de plus en plus chaotique, à chaque coup qu’il subissait.

Ils suivirent le tunnel, haut d’au moins trois mètres, dont le sol était recouvert de terre et de poussière. Il montait légèrement. Les décorations murales étaient très abimées, mais on pouvait parfois deviner des scènes ou des paysages. Ils marchèrent ainsi au moins une heure avant d’atteindre une salle, de laquelle partait deux autres tunnels effondrés et un escalier très raide, qui grimpait dans l’obscurité. Une odeur pestilentielle se répandait autour d’eux.

L’un des hommes de Valronn alluma une lanterne qui avait été laissée là, lors de la première exploration de l’endroit sans doute. Cynred ne voulait pas penser à la raison pour laquelle ils avaient dû l’interrompre. Lorsque la lanterne fut soulevée pour illuminer la première partie de l’escalier, la réponse à cette question apparut dans toute son horreur : sur les marches, gisaient trois cadavres, dans un état de forte décomposition, transpercés par des flèches. Cynred réprima un frisson. Ce monstre les avait laissés pourrir là.

Valronn se tourna vers eux. Sélyna ne pouvait détacher ces yeux des corps.

— Cet homme a déclenché le piège, raconta-t-il en pointant le doigt vers l’un d’eux. Les autres ont essayé de le désamorcer. Comme vous pouvez le voir, ils n’étaient pas très doués !

Comment pouvait-il en parler avec autant de détachement ? La haine que Cynred ressentait pour lui ne faisait que s’amplifier. Il serra les poings, faisant cliqueter ses chaines.

— Sylf, appela Valronn avec un mouvement de tête. Occupe-t-en. Prends la fille avec toi.

La brute efflanquée au teint parme sourit et poussa Isobel en avant. Cynred les regarda s’éloigner en essayant de contrôler l’angoisse qui l’empêchait de respirer. Sylf s’approcha de l’escalier et observa les parois, à la recherche des emplacements d’où avaient jailli les projectiles. Isobel se concentra sur la façon dont les corps étaient tombés. Elle n’avait pas vraiment envie de les aider, mais la survie de Cynred et la sienne étaient en jeu ; elle n’avait donc pas vraiment le choix.

Elle remarqua que les marches étaient constituées de dalles carrées. En les regardant attentivement, elle vit qu’elles étaient décorées et que leur placement formait un décor, difficile à visualiser tant elles étaient abimées et sales. Elle reporta son attention sur le pied du plus proche corps et écarquilla les yeux : la dalle sur laquelle il avait marché était en partie disjointe et elle eut l’impression de distinguer un mécanisme caché dessous.

Elle montra la dalle à son coéquipier de fortune. Il s’agenouilla près d’elle et l’examina un moment. Puis il sortit sa dague et appuya de toutes ses forces sur la pierre, qui s’enfonça légèrement. Aussitôt, un grincement métallique retentit dans le mur sur leur gauche et un trait brillant jaillit d’une ouverture très fine et alla se planter dans la paroi opposée.

Cynred relâcha le souffle qu’il retenait. Attentif à la mélodie du lieu, il avait remarqué une dissonance au moment où le mécanisme s’était enclenché. Écoutant attentivement, il sentait des notes légèrement différentes sur certaines dalles et dans les murs à certains endroits. C’était étrange : il pensait que les objets manufacturés étaient presque silencieux.

Il tenta de s’approcher d’Isobel, mais Sélyna le retint en l’attrapant par le bras. Il riva ses yeux étincelants de haine sur elle. Elle fut ébranlée par l’intensité de ses émotions, mais repoussa ce sentiment. Elle serra sa prise sur son bras.

— Je peux repérer les dalles à éviter, fit-il alors, en tournant son regard vers Valronn.

Celui-ci haussa un sourcil dubitatif.

— Je peux passer devant pour le prouver.

— Non. Ta chère et tendre le fera.

Cynred regarda Isobel, qui hocha la tête, confiante. Sélyna lâcha le bras du prisonnier sur un signe de tête de son père. Elle fit une grimace lorsqu’Isobel caressa un instant la main de Cynred. Elle tuerait cette garde.

Cynred observa les escaliers qui se perdaient dans les ténèbres. Sur combien de marches auraient-ils à les guider ? Il inspira profondément et se concentra.

— Il nous faut de la lumière, Isobel.

Aussitôt, une boule luminescente se forma au-dessus de l’épaule de la jeune femme.

— Je suis juste derrière toi, fit Cynred. Suis mes instructions à la lettre.

Isobel hocha la tête.

— La deuxième en partant de la gauche.

La guerrière posa le pied sur la dalle voisine de celle qui avait été activée par Sylf, et grimpa sur la première marche. La hauteur de l’escalier lui donna le vertige. Tout le monde retint son souffle mais rien ne se passa. Cynred avait une vision très claire des dalles devant lui : leur partition se déroulait dans sa tête .

— A gauche en diagonale.

Isobel obéit. Cynred suivit. Il sentit Sylf juste derrière lui, puis les autres. Ils grimpèrent ainsi, lentement et précautionneusement, pendant des heures lui sembla-t-il. La concentration qu’il s’imposait devenait de plus en plus difficile à maintenir. Des éclairs de douleur lui vrillaient le cerveau. Le palier d’où ils venaient avait disparu depuis longtemps quand il s’octroya une pause plus longue que les autres. Juste derrière lui, Sylf devenait nerveux. Sa mélodie polyphonique commença à se mêler avec les autres. Il fronça les sourcils, se forçant à se concentrer sur les dalles.

— A droite en diagonale, chuchota-t-il.

Isobel se décala vers la droite et se tourna vers lui, attendant la suite. Il grimaça. Il avait du mal à percevoir les notes maintenant. Les émotions des autres parasitaient ses sens surnaturels. Il s’accrochait à la mélodie si limpide d’Isobel et essayait de repousser les notes discordantes, mais celles des dalles disparaissaient lentement dans le chaos. Il reporta son regard vers le haut : quand donc cet escalier infernal se terminerait-il ? Un vertige le saisit. Il serra les dents.

— Cynred ? fit-elle, inquiète.

Puis elle réalisa ce qui se passait.

— Tu vas y arriver.

— C’est trop haut, trop long, souffla-t-il.

Isobel fronça les sourcils et regarda vers le haut. Elle donna plus de puissance à sa boule lumineuse et l’envoya vers l’avant. L’espoir l’envahit lorsqu’elle découvrit un palier, pas très loin. Elle laissa la boule flotter là-haut.

— Nous y sommes presque, regarde.

— Je n’arrive plus à percevoir les notes ; ils sont trop bruyants.

— Bloque-les, fit Isobel d’un ton ferme. Concentre-toi sur moi et les dalles. Les autres n’ont aucune importance.

Il prit une profonde inspiration, fermant son esprit à la noirceur de Sélyna, la malignité de Valronn, la froideur de Sylf. La partition redevint plus claire et se maintint. Il restait une trentaine de marches et ils les grimpèrent le plus rapidement possible.

— Tout droit, à droite, tout droit.

Isobel enchaina les trois dernières dalles avec agilité et accueillit Cynred dans ses bras lorsqu’il arriva juste derrière elle. Épuisé, le crâne en feu, il s’adossa au mur et ferma les yeux, la main d’Isobel dans la sienne. Il sentit les autres les rejoindre. Sélyna fit mine de s’approcher pour les séparer, mais son père l’en empêcha. Elle lui jeta un regard noir, mais obéit. Valronn regardait Cynred avec un intérêt décuplé. Isobel ne savait pas si c’était bon signe.

— Comment tu te sens ?

—Juste besoin de reprendre mon souffle. C’était intense.

Isobel sourit. Sylf se planta juste devant elle, son regard étincelant de colère.

— Alors comme ça je n’ai aucune importance, hein ? souffla-t-il.

La guerrière soutint son regard un long moment.

— Pour moi, tu n’en as aucune, comme je n’en ai aucune pour toi non plus. Tu es payé pour faire un travail, n’est-ce pas ?

Le criminel la regarda longuement, les poings serrés.

— Ta mélodie gênait ma perception de la musique des dalles, fit Cynred en ouvrant les yeux. Si je m’étais trompé, nous serions tous mort transpercés par ces flèches, comme ces pauvres gars. Elle a dit ce qu’il fallait pour que je me concentre. Tu préfères ton amour-propre ou ta vie, Sylf ?

L’homme recula d’un pas, visiblement estomaqué par la franchise et le courage du prisonnier. Puis un sourire étrange étira ses lèvres fines et il s’éloigna.


Texte publié par Feydra, 18 août 2023 à 22h42
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