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tome 1, Chapitre 22 tome 1, Chapitre 22

Le convoi avançait en silence. Il sentait les chants des arbres tout autour de lui, ainsi que la présence imposante des montagnes : ils s’enfonçaient dans la forêt et se rapprochaient des Monts Dorés.

Il ferma les yeux et inspira profondément pour apaiser son esprit. Il chercha l’aura d’Isobel et s’y accrocha. Elle était toujours aussi belle et harmonieuse. Il crut y discerner une tendresse nouvelle. Il sourit. Elle devait savoir que ce serait la première chose qu’il ferait. Le chariot était couvert et il était à l’abri de l’air froid de la nuit. Le balancement du véhicule le berçait. Puisque je ne peux rien faire d’autre, autant m’entrainer, décida-t-il.

Il étendit son esprit autour de lui et essaya de séparer les différentes auras. Au début, c’était un chaos musical où les mélodies de tous les membres du convoi et de la nature aux alentours se mélangeaient. Il prit une profonde inspiration, puis entreprit de classer toutes ces musiques en les visualisant sous la forme de partitions : la nature d’abord, puisque c’était ce qu’il connaissait le mieux, Isobel et Sélyna ensuite, et enfin, il se concentra sur les autres.

Il savait que Sylf chevauchait juste derrière le chariot : il le repéra d’abord. Son aura était étrange ; la musique paraissait avoir deux mélodies qui se superposaient. Il entendait clairement la première, mais il parvenait à peine à discerner la seconde. Cependant il savait qu’elle était là. C’était étrange. Cela ressemblait beaucoup à celle de Sélyna, dont il distinguait maintenant la polyphonie. Non, se corrigea-t-il. Il l’avait toujours entendue, mais il avait choisi de l’ignorer.

Il se concentra alors sur ses chaines. Comme il s’en doutait, il n’entendit rien. Cependant, un son très diffus en émanait. Était-ce une rémanence du fer brut qui avait été transformé en alliage, ou peut-être le feu qui avait été utilisé pour les forger ? Il se focalisa sur ce son et ferma les yeux : il devint de plus en plus puissant et se développa en une mélodie très simple, mais qui était bien là. Cela lui demandait un effort qu’il ne put maintenir bien longtemps, mais il était fort satisfait du résultat.

Le trajet semblait s’étirer à l’infini. Cynred finit par somnoler. Lorsque ils s’arrêtèrent, il eut l’impression qu’il avait voyagé pendant des heures. Sylf grimpa dans le chariot et lui fit signe de se lever. Cynred envisagea un instant de désobéir, puis il se dit que cela n’avait aucun intérêt : l’homme était juste un sous-fifre, autant préserver son énergie pour ses vrais ennemis.

Il se laissa tomber à bas du véhicule et regarda autour de lui. La nuit était noire et la lune s’était levée. Ils étaient arrivés dans un camp : de nombreuses tentes s’étendaient sur plusieurs centaines de mètres. Ils distinguaient des lumières sous les toiles et des silhouettes. Des caisses étaient empilées un peu partout et il discernait des outils de mineurs, posés sur des établis. Un large trou noir dans le flanc de la montagne, ainsi que des échafaudages qui rampaient sur une vingtaine de mètres de hauteur, indiquaient l’entrée d’une mine.

Le jeune homme chercha Isobel du regard, mais ne la trouva pas. Pourtant il percevait toujours son aura non loin. Sylf agrippa son bras et le tira jusqu’à une tente proche. Elle était déserte. Une simple table, entourée de plusieurs chaises, attendaient en son centre. Au fond, un lit de camp et un bureau recouvert de documents complétaient le décor. Sylf le força à s’asseoir. Il lia ses mains dans son dos, puis ses chevilles aussi furent entravées.

Alors qu’il terminait sa basse besogne, Valronn entra et le contempla depuis l’entrée. Cynred riva son regard sur lui et le fixa d’un air neutre, ravalant la terreur qui suintait à la surface de son esprit.

— Merci, Sylf, fit l’homme. Fais venir Sélyna et nos invitées dans dix minutes

Le sbire hocha la tête et quitta l’abri, sans un regard pour le prisonnier. Valronn sourit et s’avança jusqu’à la table. Il s’y adossa et regarda le jeune homme avec un sourire amical.

— Je suis heureux que tu sois en bonne santé, commença-t-il d’une voix légère. La manière dont nous nous sommes quittés étaient véritablement très triste. J’ai toujours beaucoup apprécié ta collaboration.

Cynred eut un sourire sans joie. Il eut un geste sec du poignet, faisant s’entrechoquer ses chaines.

— Me casser la main, me faire passer pour un meurtrier et m’enlever sont donc des marques d’affection ? asséna-t-il d’un ton sarcastique.

Les yeux de Valronn s’étrécirent et son visage se crispa, fissurant son masque d’amitié pendant quelques secondes. Puis Il soupira.

— Cette histoire avec le baron de Vilepierre était un malencontreux imprévu.

— C’était surtout un meurtre…

— Sélyna peut être passionnée, c’est vrai, renchérit-il sur un ton fier.

Cynred le considéra un long moment.

— Vous êtes aussi fou qu’elle.

Valronn fronça les sourcils et serra les poings, mais il se contint. Le jeune homme commençait à se demander pourquoi. Après tout il était à sa merci ; pourquoi semblait-il vouloir s’assurer sa bonne volonté ?

— Qu’est-ce que vous me voulez, Valronn ?

L’antiquaire claqua soudain des mains et se leva d’un bond. Le brusque changement de comportement donna le tournis au prisonnier.

— J’ai découvert ce que tu es vraiment, fit-il en s’éloignant vers son bureau. Il ne m’a pas dit grand-chose à ton sujet, juste qu’il fallait que je t’amène à lui.

Ces paroles n’avaient aucun sens. De qui parlait-il ? Mais Cynred préféra ne pas lui poser la question. La musique de Valronn était chaotique et changeante, à l’image de sa psyché. Comment ne s’en était-il pas rendu compte plus tôt ? Grégoire Valronn avait l’extraordinaire capacité de cacher sa vraie personnalité, comme sa fille. Mais maintenant, il ne s’en donnait plus la peine et sa cruauté, sa malice et sa froideur s’exprimaient clairement. Cynred l’entendit prendre un objet et revenir vers lui.

— Je t’avoue que j’étais furieux quand je me suis aperçu que celui dont j’avais besoin pour mener mon grand projet à bien m’avait été volé, commença-t-il en feuilletant le livre.

— Je ne suis pas un objet, grogna Cynred en lui jetant un regard furieux.

Valronn l’ignora.

— J’ai acheté cette mine il y a longtemps. On y trouve des cristaux très intéressants. Il y a quelques semaines, mes ouvriers ont trouvé quelque chose d’encore plus intéressant.

Des cristaux ? Comme celui que Sélyna lui avait donné. Il ne comprenait vraiment pas le lien entre tous ces évènements, mais il avait senti que le cristal avait des propriétés étranges.

— Mon associé n’étant pas très disert sur ce sujet, j’ai dû faire des recherches, en utilisant mon réseau. Il existe tant de sources de connaissances et d’histoires, inconnues du Sigile des Arcanes et du reste du Duché, enfouies au plus profond des ruines du temps d’avant l’ère des Bûchers, mais aussi dans les collections privées de certaines personnes.

Une lueur passionnée brillait maintenant dans ses yeux. Il avait presque l’apparence d’un chercheur en quête de savoirs. Sa mélodie devint plus pure, le temps d’un battement de cœur. Si son cœur n’avait pas été aussi noir, peut-être que c’est ce qu’il serait devenu, songea le jeune homme. Valronn tendit le volume qu’il tenait entre ses mains.

— Ce tome appartenait au Baron de Fleurdys.

Cynred se figea et son cœur se serra. Ces paroles éveillaient un écho désagréable en lui. Des souvenirs qu'il avait enfoui au fond de lui menaçaient de refaire surface. Il s’efforça de maintenir un visage impassible, mais à son sourire, il sut que Valronn avait remarqué son trouble.


Texte publié par Feydra, 18 août 2023 à 22h40
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