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tome 1, Chapitre 18 tome 1, Chapitre 18

Des voix retentirent derrière eux, à bonne distance, et Isobel espérait qu’ils pourraient retourner dans la forêt avant qu’ils ne les rejoignent. Elle n’avait aucune idée de leur nombre, mais elle aurait dû penser que pendant leur semaine de randonnée, Valronn avait eu le temps d’envoyer des messagers pour activer son réseau.

Alors qu’ils arrivaient à la limite du bourg, ils se plaquèrent contre le mur de la dernière maison pour reprendre leur souffle. Devant eux, ils apercevaient la silhouette obscure de la forêt et émergeant au milieu des arbres, une haute colline rocheuse, éclaireuse des Monts Dorés qui les dominaient de toute leur magnificence. Devant eux s’étendait une plaine recouverte d’herbes rases et de buissons bas, sur laquelle ils seraient visibles comme le nez au milieu de la figure.

A côté d’elle, Cynred gardait les yeux fermés. Il s’efforçait d’entendre les mélodies du village, pour repérer leurs poursuivants. Sa main n’avait pas lâché celle d’Isobel, et elle s’accrochait à lui comme si elle avait peur qu’il disparaisse.

La concentration nécessaire pour démêler l’écheveau des notes qui s’entremêlaient dans ce bourg commençait à provoquer une migraine, mais il tint bon. Dans l’auberge, il avait observé les musiques des gens présents et cela l’aida à faire le tri pour repérer les mélodies dissonantes de leurs possibles poursuivants.

— Je pense qu’ils sont cinq, finit-il par dire. Je les sens se rapprocher, mais ils avancent lentement, méthodiquement. Comment ont-ils su ?

— Valronn a dû envoyer des messagers partout dans le Duché. Contre la promesse d’une belle récompense, les raclures de tout bord sont à son service.

— Cela veut dire que ton ami n’a pas réussi.

— Non, on ne peut pas savoir, fit Isobel, en fixant la prairie devant eux. Bon sang, j’aurais préféré avoir le temps d’obtenir des montures !

Cynred sentait sa frustration et son épuisement teinter sa musique. La sienne ne devait pas être bien mieux. Lorsqu’un nuage lourd obscurcit à nouveau la lumière de la lune, Isobel bondit en avant, entrainant Cynred derrière elle. Ils coururent à travers l’étendue rocheuse, la ligne d’arbres et la colline comme objectif. Des cris retentirent derrière eux.

Isobel risqua un coup d’œil en arrière et aperçut cinq ombres qui couraient depuis la route principale, sur leur gauche. Ils ne tiraient pas sur eux, ce qui signifiaient qu’ils les voulaient vivants. Enfin, qu’ils voulaient Cynred vivant. Elle n’avait aucun doute sur son destin si elle tombait entre leurs mains. Leur plan de se perdre dans la forêt était sans espoir maintenant. Elle bifurqua légèrement, en direction du plateau rocheux.

Les arbres remplissaient maintenant l’horizon. Encore dix mètres et ils entreraient dans la forêt. Isobel serra les dents et accéléra. Lorsqu’ils passèrent les premiers arbres, ils ne s’arrêtèrent pas, s’efforçant de garder le rythme, malgré les buissons et les rochers qui entravaient leurs mouvements. Isobel les guida vers la paroi noire qu’elle apercevait entre les troncs d’arbre.

Derrière eux les bruits de branches brisées et des pas lourds de leurs poursuivants ne les lâchaient pas. Ils finirent par déboucher sur une étendue au sol de sable gris, dépourvue d’arbres et ornées de gros rochers arrachés à la colline. Isobel examina les lieux de son regard acéré et découvrit sur leur droite l’endroit parfait pour une embuscade : un creux assez large entouré d’un amas d’énormes rochers impossibles à escalader.

— Par là, souffla-t-elle, en reprenant sa course.

Cynred fronça les sourcils mais la suivit sans discuter. L’obscurité de la nuit était leur alliée et, au moment où leurs poursuivants sortaient du couvert des arbres, ils étaient cachés contre la falaise, entre deux énormes parois. Ils s’accroupirent l’un contre l’autre. Un silence pesant les entourait, comme si la forêt elle-même retenait son souffle. Les hommes faisaient peu de bruit. Cynred et Isobel percevaient de temps en temps un cliquètement de métal ou un souffle qui leur indiquaient qu’ils étaient toujours là.

— Tu les sens ? souffla Isobel

Cynred hocha la tête.

— Ils approchent, murmura-t-il. Tu es sûre que c’est une bonne idée ?

— Ils vont nous suivre, si on continue, répondit- elle. Il y a de fortes chances qu’ils connaissent mieux la forêt que nous. Et même s’ils abandonnent, ils informeront Valronn de l’endroit où ils nous ont vus. Nous devons les neutraliser avant de pouvoir continuer.

— Tu veux dire les tuer.

Elle ne le regarda pas mais il sentait sa résolution.

— Isobel, ils sont cinq, souffla Cynred, effrayé. Tu seras seule contre eux. Je ne pourrai pas …

Le sourire qui étira ses lèvres alors qu’elle le regardait firent s’évanouir les mots qu’ils voulaient prononcer. Il était confiant, sauvage, carnassier. Un frisson le parcourut alors que ses yeux scintillants se teintèrent d’éclats violets. Soudain, ils entendirent le son de petits cailloux que l’on déplace.

— Ils sont là, fit-il.

L’obscurité s’intensifia autour d’eux, bouillonna même, alors qu’elle activait son illusion préférée. Devant sa résolution, Cynred calma les battements de son cœur et recula vers le fond de leur cachette, en face de l’entrée. Autour de lui, la musique des arbres, douce et apaisante, le calmait. Celle d’Isobel était sereine et augmentait en puissance, alors qu’elle se préparait. Les notes de son pouvoir s’ajoutaient en surimpression. Sa mélodie devenait une symphonie.

Il ferma les yeux et repéra immédiatement les musiques de leurs cinq poursuivants. Ils avançaient avec prudence, concentrés et efficaces. Ce n’était pas des petites frappes, mais des combattants aguerris, d’après ce qu’il pouvait lire de leurs notes. Ils avaient dû suivre leurs traces sur le sol. Isobel s’était redressée et s’était davantage plaquée dans l’ombre de la paroi, à gauche de l’ouverture, sa dague à la main.

Les ténèbres les enveloppaient dans un cocon protecteur, limitant la visibilité. Deux hommes avancèrent lentement, hésitant. Leurs yeux exorbités se posèrent sur Cynred, qui attendait, seul. Son regard glacial était fixé sur eux et il ne cilla pas. L’épée à la main, ils avancèrent d’un pas prudent, regardant autour d’eux pour repérer Isobel. Les ténèbres épaisses s’accrochaient aux parois, dissimulant la jeune fille. Elle se demanda s’ils avaient conscience que c’était une illusion.

— Ta copine t’a laissé tomber ? Où est-elle ? fit soudain l’un d’eux, en faisant un pas supplémentaire.

Cynred, serrant les poings, ne répondit pas. Où étaient les trois autres ? Un mauvais pressentiment commençait à l’envahir. Il avait du mal à se concentrer suffisamment pour sentir leur aura.

— Je ne sais pas où elle se cache, mais j’espère qu’elle est rapide, continua-t-il.

Son compagnon, à sa gauche, ricana. Les deux hommes dépassèrent l’emplacement où était cachée la guerrière. L’obscurité entoura soudain Cynred, le dérobant aux yeux ennemis.


Texte publié par Feydra, 7 août 2023 à 14h45
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