Postée derrière la baie vitrée du salon, j’observe d’un œil distrait les gouttes d’eau qui tombent du ciel et arrosent les jonquilles sauvages florissantes dans le jardin. Les grands pins qui entourent la demeure limite l’effet de la pluie, tandis qu’un soupir m’échappe quand je réalise que ma journée vient de s’annuler à cause de la météo capricieuse.
Venir me ressourcer ici, après une longue semaine me soulage l’esprit. Je ne travaille qu’à mi-temps, c’est vrai, toutefois, cet emploi et l’agitation de la ville mettent mon corps à rude épreuve constamment. Alors une fois le vendredi midi arrivé, c’est en direction de ce coin de nature que je m’évade. La petite bâtisse appartient à mes parents, dissimulée au milieu des bois m’offre un confort non négligeable.
La résidence habitée la plus proche se situe à sept cents mètres, celles voisines de la mienne sont des demeures de vacances, très peu fréquentées. Je trouve un certain réconfort dans cette solitude, même si elle est quelque peu forcée par ma condition.
Tout en rêvassant, je change la musique qui couvre le silence de la maisonnée et opte pour de l’électro couplé à du classique, dont les premières notes entraînent mon corps sur une piste de danse invisible. Ma tête bouge en rythme, fait apparaître et disparaître mes cheveux devant mes yeux alors que je lève les bras au-dessus de mon crâne et qu’un sourire illumine mon visage. Je me sens bien, je me sens libre et qu’est-ce que ce sentiment procure un bien fou.
Fini le poids qui repose constamment sur mes épaules, éloignés les tracas qui ruinent mon humeur de la journée. Enfin la paix d’être seule et surtout, moi.
Un raclement de gorge me fige sur place tandis que je me tourne, les joues rougies d’avoir été surprise dans ce moment de folie, le cœur battant à mile à l’heure. Je réduit le son de la musique alors que sa voix lance :
— Je pars dix minutes faire des courses et voilà le résultat…
— Pas ma faute, la voix de ce chanteur…
Je lève les yeux et les paumes vers le ciel dans un signe de vénération.
— Je suis d’accord…
— Et… ça fait plus de deux heures que tu es partie, signalé-je.
— Ouais, il y avait du monde à l’épicerie.
Lyne, mon aînée de onze mois, s’éloigne vers la cuisine pour y déposer ses sacs de courses. L’instant fugace du bonheur s’échappe de mon être et je sens que ma sœur ne me dit pas toute la vérité. La réaction est même physique.
— Bordel ! Lyne !
Même si je suis en colère contre elle, c’est une profonde tristesse qui enveloppe mon cœur. À peine, j’entre dans la pièce que je l’entends renifler.
— Que se passe-t-il ?
— Pourquoi penses-tu que ?
— Regarde-moi ! je l’interromps.
Lentement, son être se tourne vers moi et ses yeux humides s’écarquillent tandis que sa bouche s’ouvre en grand.
— Je suis désolée, Ori !
Les larmes qui envahissent ses yeux couleur vert amande me déchire un peu plus.
— Passons ce détail, dis-je d’un geste de la main. Pourquoi tant de tristesse ?
— Je suis passé à l’appartement…
— Josh ne peut pas se passer de toi vingt-quatre heures ? me moqué-je.
— Apparemment, si.
L’amertume et les regrets se glissent en elle. Mes épaules s’affaissent.
— Tu entends quoi par-là ?
— Il était au lit avec Mélissa.
Mes fesses tombent sur la chaise à mes côtés, tandis que les larmes s’échappent de mes yeux.
— Je n’arrive pas à me contrôler, signale-t-elle.
— Laisse, reniflé-je. Quel enfoiré !
J’aimerais que sous cet amas de chagrin et d’accablement qui noient mon cœur, la colère surgisse. Toutefois, les émotions de ma sœur n’en sont pas encore à ce stade. Pour l’instant, seul le poids de la peine résonne dans son cœur et se répercute en écho sur moi. Je me lève et l’enlace en caressant ses cheveux soyeux.
— C’est un connard, murmuré-je. Un imbécile incapable de voir ta bonté et ta douceur.
— Non, je pense que le problème vient de moi…
— Arrête, Lyne. Je sais que tu vas lui chercher tout un tas d’excuses, mais il ne le mérite pas. S’il n’était plus heureux avec toi, il n’avait qu’à te quitter… Mais non, il a préféré te tromper et s’il ne se faisait pas prendre, il aurait abusé de toi et ta confiance. C’est inacceptable comme comportement.
— Je sais que tu as raison, Ori. Mais…
— Laisse, coupé-je. Va t’allonger un peu, Roxie arrive ce soir et nous te voulons en forme, d’accord ?
Elle acquiesce, tandis que j’essuie les larmes sur ses joues et se dirige en traînant les pieds vers la chambre qu’elle occupe depuis que cette maison nous appartient.
Quand elle sort de la pièce, je sens le sang bouillir dans mon être et ma mâchoire se contracter. Je ne vais pas mentir, Josh m’apparaissait comme une personne douteuse, toutefois, je ne pouvais pas intervenir dans sa relation avec ma sœur sous simples soupçons. Lyne a le droit de vivre ses propres déboires, ma seule tâche consiste à être présente pour elle lorsque cela tourne mal.
Je termine de ranger les courses, pestiférant contre le jeune homme et décide d’envoyer un message à ma meilleure amie pour la prévenir. Notre soirée risque de s’annuler, elle aussi, je le crains. Je me dirige vers la salle de bain, retenant de justesse d’entrer dans la chambre de ma sœur d’où me provient le son de ses pleurs.
Un soupir m’échappe tandis que je pose mes mains sur le rebord du lavabo. J’aimerais avoir la capacité de ma sœur afin de lui apporter le réconfort dont elle a besoin à cet instant. Au lieu de ça, je suis moi.
J’observe mes yeux marrons dans le miroir, couleur presque identique à celle de mes cheveux ondulés. Je réfléchis à vive allure afin de trouver un moyen de soulager sa peine. Je sais qu’elle va être en colère, qu’elle risque de m’en vouloir durant quelques jours, mais je ne tolère pas sa souffrance.
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