Abiès s'approcha de la première hutte de pierre. La porte était ouverte, malgré la fraîcheur montagnarde, il toqua donc sur l'encadrement. Il n'y avait aucun mouvement. Alors il passa la tête pour observer la pièce. Trois lits étaient installés le long des murs, des draps de lins habillaient les couches, quelques vêtements accrochés au mur. C'était tout. Abiès fit une nouvelle tentative dans la hutte voisine : même situation, une pièce meublée sobrement et sans vie. Il prospecta ainsi chacune des habitations. A l'intérieur de la cinquième cependant son attention fut attirée par un point lumineux. Lorsqu'il toqua, une voix de femme lui répondit :
- Entre jeune-homme, c'est ouvert.
Abiès baissa la tête pour entrer, il était trop grand pour l'encadrement de pierre, et laissa ses yeux s'habituer progressivement à l'obscurité. Une pièce fantastique s'offrit alors à son regard : des centaines de bouquets séchés étaient suspendus au plafonds, ainsi que des théières plus biscornues les unes que les autres, des louches et autres ustensiles surprenants. Une énorme plante poussait dans un bout de la maisonnette, elle arborait de superbes feuilles rougeoyantes tachetée de vert sombre. Abiès était irristiblement attirée par elle. Elle palpitait de vie, l'irradiant de sa joie de vivre. Elle s'était largement développée, frolant le plafond et obstruant presque totalement l'une des minuscules fenêtres. Le reste des murs étaient recouvert d'étagères croulantes sous les livres. Des boites, des sachets ou encore des pomme de pins servaient de cales pour les maintenir en place. Abiès aima instantanément cet endroit. Il fut tiré de sa contemplation par la même voix :
- Je vois que l'arbre a piqué ta curiosité. C'est un Araalis, c'est moi qui l'ai créé. C'est intéressant que tu l'es remarqué, car très peu de gens y font attention. Maintenant, dis-moi qui es-tu ?
La voix de la femme était puissante, elle lui rappelait celle de sa grand-mère lorsqu'elle officiait les cérémonies. La femme était assisse dans un fauteil en osier, occupée à trier des feuilles séchées. Elle portait des cheveux longs, gris et blanc, coiffés partiellement en un chignon lâche, simplement retenu par une brindille. Abiès était perplexe devant son apparence, il était en bien en peine pour lui donner un âge. Ses yeux noisettes posés sur lui, attendaient une réponse de sa part. Il s'exécuta, prononçant sans réfléchir les premiers mots qui lui vinrent à l'esprit :
- C'est une très belle plante, sa couleur est très particulière et elle dégage une joie de vivre impressionnante.
La veille femme opina :
- C'est une fine observation. Mais tu n'as pas répondu à ma question.
Abiès se reconnecta au moment présent et la salua à la mode de son clan avant de se présenter :
- Oui, excusez-moi, je suis un peu désorienté. Je m'appelle Abiès, fils d'Aubépine, elle même fille de Mûrine cheffe du conseil du clan des guérisseuses. Si je me présente devant vous aujourd'hui c'est pour vous demander une faveur particulière, qui je l'espère…
La femme le coupa, ses yeux remplit de bienveillance posés sur lui :
- Oublies le protocole cérémonial veux-tu, il m'a toujours profondément ennuyé. Viens plutôt t'asseoir à côté de moi. Tiens bois ça, elle doit être encore chaude. Il n'y que les vieilles biques dans mon genre qui peuvent prendre un ton aussi pompeux, tu es trop jeune pour t'encombrer avec tout cela. Et crois moi, je suis encore plus vieille que tu ne puisses l'imaginer. Bois donc, ça te fera du bien après cette montée, c'est mon mélange réconfortant comme j'aime l'appeler.
- Merci, c'est vraiment délicieux. Le breuvage en réalité brûlant, réchauffait les veines d'Abiès. Lorsqu'il eut finit sa tasse il se rendit compte que ses muscles s'étaient détendus et que son esprit s'était aiguisé.
- C'est mieux n'est-ce-pas ? Questionna la femme, occupée à se servir une tasse et à re-remplir celle d'Abiès.
- Oui, ma nuque s'est enfin décrispée. Il soupira de satisfaction.
- Réchauffe-toi encore un peu, pendant ce temps c'est moi qui vais parler. Je vais nous faire gagner du temps et des explications, car je sais pourquoi tu es ici. Rorianne m'a prévenue de ton arrivée imminente, elle est partoe ce matin par le sentier principale pour aller à ta rencontre, mais visiblement elle n'est pas partie du bon côté puisque tu es devant moi. Après tout c'est peut-être une bonne chose. Nous avons un tas de chose dont nous devons papoter tous les deux. Mais reprenons depuis le début, j'ai vite tendance à me disperser vois-tu. Elle fit une moue de petite fille qui avoue une bêtise. Tout le monde me nomme la Hilda ou la dame-d'en-haut, mais Hilda convient très bien. Je sais pourquoi tu es ici, car ta mère a débarqué ici il y a longtemps maintenant avec une histoire extravagante : son jeune garçon aux pouvoirs de guérisseurs. Je ne l'ai pas prise au sérieux. Mais elle était si obstinée que j'ai fini par accepter de te former aux pratiques de guérisons, si un jour tu passais la pas de ma porte. Je dois avouer que je ne pensais pas que ce jour arriverait. Je suis assez curieuse je dois l'admettre, aussi peut-tu m'expliquer ce qu'il te fait penser ainsi que ta mère que tu es un guérisseur ?
Abiès était très surpris par le cheminement tortueux des réflexions de la Hilda et encore plus étonné de sa franchise. Il expliqua :
- Je peux en chantant faire germer des graines temporairement, créer des barrières d'écorces ou des structures éphémères. Je peux aussi soigner des blessures superficielles mais ce n'est pas très au point. Abiès termina sa phrase en grimaçant au souvenir de la mère d'Hué.
- Par le chant dis-tu ? Elle s'était penchée vers lui, le regard brillant de curiosité.
Abiès hocha la tête avant de préciser :
- Selon les intonations les résultats varient. Je n'ai pas encore compris toutes les subtilités. Je sais aussi que mes émotions influencent le résultat.
- Tout à fait singulier, continues. Marmonna la Hilda.
- Je peux sentir et localiser la douleur des gens lorsque je me focalise dessus. Réparer sommairement une fracture, je n'ai pas eu souvent l'occasion de m’entraîner. Mon ami Benny s'est cassé la cheville dans des conditions difficiles, j'ai fais de mon mieux au vue de la situation.
- Hmm, je serai curieuse d'entendre cette histoire, mais ce sera pour une prochaine fois. Et tu peux faire tout cela en chantant ? Questionna la Hilda, son ton était simplement intéressé sans aucun jugement.
- Oui, enfin il y a aussi des choses qui se manifestent sans que je chante. Une fois un cercle de fleur s'est développé autour de moi alors que je ne disais rien. Abiès laissait libre cours à sa parole, en totale confiance avec cette femme, il se livrait pour la première fois de sa vie pleinement sur son don sans aucune trace d'inquiétude ou de retenu.
- Peux-tu me montrer ?
- Qu'est ce que vous voulez que je fasse ? L'interrogea Abiès, surprit par sa requête.
- Tu n'as qu'à faire germer ses graines. Attends. Elle fouilla à l'intérieur de ses poches, puis lui glissa dans le creux de sa paume quelques graines marrons chinée de blanc.
Au contact de sa peau sur la sienne, Abiès ressentit une puissante décharge de… de quoi exactement il ne sauvait pas le définir… une sorte de puissance sauvage et ancienne. La traumac, lui suggéra son esprit. Il décida d'y réfléchir plus tard et se concentra sur les graines.
Abiès ferma les yeux et se focalisa sur sa respiration. Il imagina le printemps et chanta la pluie fine qui s'imprègne dans la terre pour chantouiller les graines endormies. Puis d'une voix chaude il évoqua une belle journée ensoleillée, stimulant et gonflant les graines, les gorgeant de vie. Il continua de chanter, sa voix rebondissant contre les murs arrondis de la cabane, augmentant la puissance de son chant. Il laissa s'écouler quelques notes feuillus puis s'arrêta.
Quand il ouvrit les yeux ce n'était pas seulement les graines dans sa mains qui avaient germées, mais aussi toutes celles dans les étagères. Les murs étaient désormais recouverts de plantes luxuriantes. La Hilda parcourait la pièce du regard totalement fascinée. Elle s'écria :
- Alors là Abiès, je ne pensais pas que l'on puise encore me surprendre dans ma vie, mais voilà qui est fait ! Quel sepctacle ! Regarde derrière toi, l'Araalis a grimpé de dix centimètres supplémentaires. Quel don fantastique !
- Vous êtes bien l'une des rares personnes à le décrire ainsi… Si vous saviez ce que le conseil à dit lorsque je leur ai montré…
- Baliverne ! Rétorqua-t-elle. Ces veilles toupies du conseil ne savent plus s'émouvoir, elles ont le cœur aussi desséchée qu'une vieille souche. Maintenant assez discuté, allons nous balader le temps que Rorianne nous rejoigne, elle ne va pas tarder. Je voudrais te monter quelque chose. Allons Abiès, viens m'aider à sortir de là.
Abiès lui tendit la main et l'accompagna à l'extérieur. La curiosité le dévorait aussi il ne put s’empêcher de lui demander :
- Qui est Rorianne ?
- Ah ! Tu le sauras bien assez vite ! Elle lui jeta un coup d’œil amusé.
La veille femme marchait très bien toute seule, Abiès la soupconnait d'avoir utilisé ce prétexte pour prendre son pouls ou autre test mystique. Ils marchèrent en silence le long du lac pendant une vingtaine de minutes. Abiès put observer à son aise le torrent alimentant le lac. Des bassines de tailles et de formes variées se succédaient les unes aux autres, semblable à de petites piscines naturelles. Abiès mourrait d'envie d'allez s'y baigner. La Hilda qui semblait lire dans ses pensée lui expliqua :
- En réalité ce sont des sources chaudes qui alimentent ces vasques et non pas les eaux de pluie comme on pourrait l'imaginer. L'eau y est chaude toute l'année, elle est chargée des minéraux du volcan. Elles fait grand bien aux personnes qui s'y baignent.
- Alors ce n'est pas réelement le lac qui a des vertus ?
- Pas celles qu'on lui prête du moins, car il a bien d'autres effets…
- Lesquels ? Interrogea Abiès très intéressé par le sujet. En vérité tout ce que disait la Hilda l'intéressait, il avait envie de lui poser des milliers de questions rien que sur tout ce qu'ils s'étaient dit depuis leur rencontre.
- Nous verrons cela un autre jour. Pour l'instant continuons d'avancer, je veux te montrer ou tu vas t'installer pendant ton séjour ici.
Abiès avait peine à la suivre, elle évoluée au milieu des rochers coupants avec une agilité déconcertante. Au bout de quelques minutes cependant Abiès ne put retenir les autres questions qui lui brûlaient les lèvres :
- Est-ce-que ma mère est ici ? Et est-ce-que cela veut dire que vous acceptez de me former ?
La Hilda s'arrêta pour le regarder droit dans les yeux avant de lui répondre :
- Non, Abiès, ta mère est partie après avoir passée un an avec nous ici. Elle a fait beaucoup pour cet endroit. Je n'ai plus de nouvelles depuis longtemps. Et en ce qui concerne ta deuxième question, j'ai fais une promesse à Aubépine, que je formerai son fils s'il était tel quel me l'avait décrit et qu'il se présente ici. Ces deux conditions sont réunies, je respecterai mon engagement.
- Je vous remercie, si vous saviez comme je suis soulagé de vous entendre dire cela. Je m'attendais à devoir vous convaincre des heure durant avant que vous n'acceptiez.
- Je t'ai dis que je nous ferai gagner du temps, lui dit-elle en souriant. Cependant, ce sera un enseignement difficile pour toi, car tu vas devoir désapprendre tout ce que tu crois savoir. Et aussi à … mais remettons cette discussion à plus tard veux-tu, nous débuterons ta formation dans quelques jours. Avant je veux apprendre à connaître mon futur apprenti. Tu m'aideras une semaine, ensuite nous commencerons. Nous voilà arriver, voici ton chez toi.
La Hilda s'arrêta devant un trio de cabane nichées contre un énorme bloc de roche noire. Une petite fontaine se dressait au centre d'une petite terrasse pavées devant les huttes. Elle reprit d'un air entendu :
- Tu seras bien ici je pense, tu auras un refuge au calme pour toi.
Abiès fût stupéfait qu'elle puisse savoir cela de lui après avoir passé si peu de temps en sa compagnie, il lui adressa un regard intrigué.
La hilda s'esclaffa :
- Oh ce n'est pas un super pouvoir de guérisseuse loin de là ! Simplement tu ressembles énormément à ta mère. Je le retrouve dans certains de tes gestes.
Abiès se crispa à la mention de sa mère. La lecture était encore trop fraîche dans sa mémoire et la douleur toujours aussi ardente. La Hilda sembla le remarquer car elle proposa :
- Tu m'invites à boire tasse de tisane ? La montée m'a donné soif.
Elle lui désigna la plus petite des constructions sur la droite. Abiès ouvrit la porte et délesta de son lourd chargement dans un coin. Le fond de la pièce était à même la roche contre laquelle avait était construite une cheminée massive. Des niches et étagères étaient sculptées dans la parois, douce invitation à les remplir. Le mobilier étaient identiques à toutes les autres, il y faisait frais et une légère odeur d'humidité flottait dans l'air, signe qu'elle n'avait pas servi depuis un moment.
Il aimait cet pièce, il s'y sentait déjà à l'aise. Il s'occupa aussitôt d'allumer un feu pendant que la femme sortait un nécessaire à infusion. Une douce chaleur emplit la pièce à mesure que le feu grossissait. Une fois bien installés, une tasse de gré en main Abiès relança la conversation :
- Tout à l'heure vous sembliez surprise lorsque je vous ai expliqué que je chantais pour guérir. Est-ce-que vous pouvez m'expliquer pourquoi ?
- Eh bien parce que c'est la première fois que je voyais quelqu'un faire cela, répondit simplement la veille-femme.
- Cela ne fait pas parti des techniques habituelles des guérisseuses ?
- Non pas du tout. Nous utilisons des mots ou bien nos mains pour soigner, ainsi que des préparations de plantes, des huiles, des pierres. Chacune à sa propre sensibilité et développe ainsi une spécialité.
Abiès resta pensif, analysant ce qu'elle venait de lui révéler. C'est elle qui reprit cette fois :
- Ne t'inquiètes pas. Nous allons adapter ensemble ce que je sais à tes capacités. Elle finit d'un train son infusion et tapa ses mains sur ses cuisses avant de conclure. Bien, maintenant que tu es installé je vais te laisser tranquille. Lorsque tu entendras la cloche sonner rejoins-moi dans mon officine. Repose-toi. Et par pitié laves-toi, tu sens la marmotte rancie.
Cette dernière fit beaucoup rire Abiès. Au moins elle a de l'humour songea-t-il. Elle partit à toute allure, dévalant la pente comme un chamois.
Abiès apprécia ce moment de solitude. Il n'arrivait pas encore à croire qu'il avait réussit, il avait atteint le lac. Il repensa brusquement à Benny, avec tous les événements de ces dernières heures il avait complètement oublié le sort de son ami. Il culpabilisa de ne pas y avoir pensé plus tôt. Il espérait qu'il ne s'était pas perdu lui aussi et qu'il arriverait en seul morceau avec le reste du groupe.
La Hilda lui avait apprit que la fameuse Rorianne était parti à leur rencontre, il espérait secrètement que c'était bien elle la jeune-femme rousse qui peuplait ses rêves depuis des mois. Le lac était identique à celui qu'il visitait en rêve, elle aussi devrait l'être ? Ses rêves se révélaient être finalement des visions, il se promit d'en parler avec la Hilda. Il sourit en pensant à elle. Quel drôle de personnage. Il se sentait en parfaite confiance avec elle. Elle incarnait la bienveillance. Trop de pensée se bousculaient dans son esprit fatigué, la Hilda, le lac, la fille rousse, Benny, la plante rouge, le carnet… Il se remit en mouvement pour alléger son mental surchargé. Il se lava dehors. L'air s'était encore rafraîchi à l'approche du soir, l'automne était installé ici plus tôt que dans la vallée. La végétation s'habillait de couleur de feu et de terre. La brume se levait sur lac refletant le ciel obscurcit par le départ du soleil.
Abiès rangea sa pièce, il n'y avait qu'un lit aussi il le prépara pour plus tard. Il était soulagé après ces mois d'errance de s'installer quelque temps. En attendant l'heure du repas, il l'assit sur le pas de la porte pour contempler la vue, totalement apaisé, il était presque dans un état second lorsque la cloche sonna.
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