Penchée sur le dos du cheval, Sishu riait. Les mains enfouies dans la crinière blanche de l'animal, ils filaient à toute allure sur la route du massif de Draavil. Le cheval sentait son excitation et y répondait pas un trot soutenu. Cela faisait plusieurs années qu'elle n'avait pas monté à cheval, à vrai dire, depuis qu'elle s'était liée avec Azaelle. Cela équivalait à une tromperie dans un couple, donc elle s'en était abstenue. Mais aujourd'hui elle avait l'accord de sa compagne. La situation l'exigeait. Elle devait aller vite.
Six jours plus tôt ils s'étaient tous mis d'accord, même Benny, pour qu'elle rentre à Andolie faire un faux rapport à la grand-mère d'Abiès. Elle devrait certifier à Murine qu'elle avait accomplie la mission qu'elle lui avait confié, dans l'espoir qu'aucun autre chasseur de prime ne soit lancer à leur poursuite. Pour cela ils lui avaient donné des objets personnels pour étoffer son histoire. Azaelle était resté auprès d'eux. Sishu était pressée de terminer sa tache pour retourner auprès d'elle.
Elle arrivait en vue d'Andolie. La Summena lui était encore caché, mais de là elle pouvait voir le tire-vite reliant les deux monts ainsi que les vergers. Elle ralentit l'allure en atteignant le bas de la grande piste menant à la cité. La montée était raide et rocailleuse, idéale pour fouler la jambe d'un cheval en voulant aller trop vite.
Plus tard, elle s'engouffra sur la place principale au centre de laquelle se trouvait une fontaine. Elle confia le cheval à une écurie, et pris soin avant de filer que ce dernier reçoive tout le confort qu'il méritait. Les jambes engourdies et raide par les jours de chevauchée, elle emprunta néanmoins la grande rue remontant en haut de la colline. Grâce à la description précise d'Abiès elle reconnut sa maison lorsqu'elle passa devant, elle y déposa le courrier que ce dernier lui avait demandé de lui remettre. Elle irait plus tard faire de même pour Benny. Quoique. Elle hésitait sérieusement à lui faire une mauvaise blague. Elle sourit malgré elle. Non, elle n'oserait pas sur des sujets aussi important pour lui.
Sishu s'arrêta pour réserver une chambre pour la nuit, elle devrait repartir le lendemain à la première heure si elle voulait arriver à temps pour l'ascension du mont d'Araal. Puis continua l'ascension jusqu'à la salle du grand conseil. Lorsqu'elle arriva, elle fut surprise de découvrir une équipe d'une vingtaine de Bâtisseur couverts de sciure. Elle ne put s'empêcher de s'approcher, et se pencha par dessus le parapet menant aux jardins privés des guérisseuses. Un énorme arbre était en train d'être débité. Des tranches de dix mètres de circonférence étaient entassées prêtes à être emmenée. Une quantité incroyable de branches avaient déjà été évacué, signe que le chantier durait depuis un certain temps déjà. Sishu, en fut étonné, l'arbre devait être gigantesque pour que des bâtisseurs passent autant de temps sur un arbre.
Sishu eut de la chance, car elle fût reçu rapidement par Mûrine. Elle remarqua que cette dernière semblait avoir veilli d'un coup. Ses cheveux avait nettement blanchi et ses yeux semblait vitreux. Sishu s'adressa à elle d'un ton respecteux :
- Dame Mûrine, je viens vous faire mon rapport concernant la mission que vous m'avez confié.
- Merci d'être venue. Installez-vous. Sa voix était étrangement vide, elle hocha la tête et l'invita d'un mouvement vague à s'installer sur l'un des fauteuils.
Sishu soupira d'aise en s'asseyant, elle avait vraiment mal aux jambes. Devant le silence de la matriache, Sishu reprit la parole :
- Je dois vous informer que j'ai réussi à retrouver Abiès et Benny. Cela a été plus long que je ne le pensais mais j'ai réussi à les rattraper. Malheureusement, au vue des circonstances, je n'ai pas pu les ramener entier. Cependant je vous ai rapporter ceci, en gage de réussite.
Lorsque Sishu déballa devant elle les objets Mûrine eut une expression troublée. Durant quelques instants, Sishu l'aurait juré, ses yeux s'étaient éclaircis retrouvant leur tranchants et leur clarté. Cette lueur s'estompa aussitôt pour laisser la place à une expression hagarde.
- Je vois que vous avez rempli votre part du contrat. Je vais chercher votre paiement. Attendez moi ici.
- Vous ne voulez pas de rapport détaillé ?
- Non. Mûrine répondit d'une voix plate et quitta la pièce d'une démarche raide, légèrement saccadée.
Sishu était complètement désemparée. Elle s'était attendu à devoir justifier tous les détails de son expédition et expliquer au moins pourquoi elle n'avait pas ramené les jeunes-hommes vivants. La femme qui l'avait engagé presque deux mois plutôt était une force de la nature, un tempérament de feu, dotée d'une vivacité d'esprit et de mot hors du commun. Jamais elle ne serait contenté d'une explication aussi succincte que celle que Sishu lui avait fourni. Aujourd'hui, celle qui s'était tenue devant elle n'en n'était qu'un pale reflet. Que s'était-il passé pour qu'elle se retrouve dans cet état en si peu de temps ?
Ses réflexions furent interrompus par le retour de Mûrine. Elle lui déposa entre les mains une petite bourse de pierre ainsi qu'un trousseau de clé. Sishu sentit un une satisfaction l'envahir. Elle avait du négocier longuement avec Mûrine pour obtenir ces clés. Dans tous les clans elle avait une maison à elle. Un refuge, au cas ou. Et maintenant ici à Andolie, le plus dur des clans à intégrer.
Elle salua la matriache qui semblait totalement amorphe, et quitta les lieux, sa récompense préssée contre elle.
Lorsqu'elle fut installée à l'auberge, elle s'installa à une petite table dans la salle de réception et écouta avec avidité les gens attablés. Elle capta un échange entre la serveuse et une autre femme d'âge mur :
- Si tu veux mon avis, Sauline est bien trop jeune pour de telles responsabilités, je ne sais pas ce que le conseil pensait faire en lui confiant ce titre.
- Tout le monde dit que c'est pour garder un Belpine dans le cercle du conseil, murmura la plus jeune sur le ton de la confidence.
- Pff, je n'y crois pas. C'est Mûrine qui a organisé tout ça à coup sur ! Rétorqua la plus vieille.
- Mais enfin, qu'est ce que tu veux qu'elle organise ? Tu as vu dans quel état elle est ? On dirait qu'elle a prit dix ans d'un coup, elle qui était si belle femme...
- Elle est juste malade. Ou alors c'est une autre de ses manigances, comme la fois ou elle a prit Sauline en tant qu'apprentie et ensuite quand elle a fait rentrer ses deux hommes au conseil.
- C'est vrai… Quel scandale ! Des hommes au conseil, quelle folie ! On ne sait même pas d’où ils viennent. Ils sont de notre clan au moins tu crois ?
- Va savoir ! De toute façon, personne n'a le temps d'y réfléchir avec tout ce qui nous tombe sur la tête en ce moment. Le verger de mon voisin s'est desséché sur pied, il a perdu toute sa récolte, elle s'annonçait superbe pourtant. Et nous nous avons perdu tout le potager.
Sa compagne opinait et commenta :
- Nous aussi il en train de mourir, et l'eau du puits a baissé de plus de moitié. Alors qu'en cette période il devrait être rempli, et il devrait pleuvoir aussi.
La conversation dévia ensuite sur une bagarre de la semaine passée, les corvées, les enfants, et Sishu décrocha son attention.
Elle reparti le lendemain à vive allures, ramenant avec elle une sourde inquiétude pour l'avenir du clan des guérisseuses. Elle se promis à elle même de revenir dès quelle le pourrait pour mieux comprendre ce qu'il se passait.
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