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tome 1, Chapitre 14 « La tour » tome 1, Chapitre 14

Bien que provocant, Benny n'était pas un idiot et joua l'enfant modèle au grand soulagement de Sishu. La Tour était désormais en vue ils l'atteignirent en début de soirée, une heure après le coucher du soleil.

Bien que plongée dans l'obscurité, Abiès put discerner dans sa globalité la cité qui entourait l'édifice. Un large espace dénué de toute habitation encerclait la tour dans la nuit il était impossible de voir ce qui occupait zone. L'agglomération se composait de cinq cercles de basses habitations, percées par quatre artères principales.

Benny débusqua une auberge située dans le cercle extérieur. Le bâtiment, s'élevait sur seulement deux étages, sa façade en pierre rendait l'endroit accueillant et promettait un intérieur soigné. Ils ne furent pas déçu. La pièce principale était éclairée par une vaste cheminée, une dizaine de tables rondes était agencées avec goût, créant un ensemble harmonieux. Une odeur de bonne cuisine flottait dans l'air lorsqu'ils s'approchèrent du comptoir d'accueil.

Un vieil homme tassé et le dos vouté se tenait derrière le comptoir, peu engageant de prime abord, il leur fit pourtant bon accueil et pratiquait des prix tout à fait convenables. Ils réservèrent deux chambres et des repas pour le soir et le lendemain. Sishu avec sa broche de chasseuse, obtint une chambre au rez de chaussée offrant un accès à l'extérieur pour la renarde. Les deux amis furent installés au premier étage dans une chambre douillette avec deux grands lits. Les murs étaient en torchis et les fenêtres en mosaïque de cul de bouteille en verre de toutes les couleurs. Cette idée plut énormément à Benny, qui s'appliqua pendant une bonne quinzaine de minutes à observer l'encadrement. Les lits propres dégageait une odeur de spélule, une plante aromatique que l'on trouvait dans des pentes rocailleuse et qui servait pour les lessives.

Benny parti le premier dans le couloir pour prendre une douche, pendant qu'Abiès déballait quelques affaires, des vêtements à peu près propre, pour ne pas dire moins sale que les autres, et le reste à laver. Il entendait au loin le grondement d'un orage, il s'y attendait car l'après-midi avait été anormalement douce pour cette saison. Les premières gouttes de pluie vinrent frapper le verre des fenêtres lorsque Benny revint les cheveux encore humide tirés vers l'arrière et rasé. Il demanda :

- Je peux les attacher maintenant… Depuis combien de jours sommes-nous partis ?

Abiès lui répondit tout en calculant à voix haute :

- Si je me souviens bien des estimatifs de mon père, le trajet aurait dû durer onze jours, voir quinze en prenant beaucoup de retard. Nous avons mit trois jours pour rejoindre Tournerond, nous sommes restés deux jours sur place. Et puis après Sishu nous a trouvé, et là on a tellement déviés que je ne sais plus trop… Un mois peut-être ?

- Un mois déjà… En même temps ça me paraît peu par rapport à tout ce qu'il s'est produit depuis notre départ. La maison me manque… Son regard se voila quelques instants, puis secouant la tête et accompagné d'un sourire sarcastique il reprit, regardes-moi, j'ai du perdre presque dix kilos, on voit mes paulettes et les os de mes hanches pointes.

- Un vrai sac d'os mon Benny, se moqua Abiès. Mais en vérité ce que disait son ami l'inquiétait, il commençait à douter de réussir à escalader une montagne aussi importe avec l'état physique dans lequel ils se trouvaient tous les deux. Benny partagea lui aussi ses inquiétudes :

- Quand je vois ce qui nous attend, une montagne à gravir, le froid, le vent, et les pierres : une vraie balade bucolique. Ce qui m'inquiètes vraiment en plus des conditions météo, c'est comment gérer les vivres. Vu le dénivelé on ne pourra pas trop se charger sinon on n'arrivera pas à grimper.

- Moi c'est plutôt qu'on se perde qui me stresse, et le fait qu'on soit déjà fatigué avant de commencer à monter. Je vais essayer de tous bien nous soigner avant de partir. Ce qui me rassure c'est qu'une fois la haut et que tout ce passe bien avec la Hilda, nous pourrons nous reposer un long moment.

- J'espère aussi ! File maintenant Abiès, tu sens la laine mouillée moisie !

Abiès pour faire bonne figure, lui donna un coup de serviette sur la tête puis parti se décrasser. A son retour il trouva Benny avec les cheveux noués dans la nuque retenu par un fin cordon tressé. Ainsi peigné et vêtu il était très séduisant, mettant en valeur son regard rieur et son sourire chaleureux, Abiès le complimenta.

Abiès avait profité de son bain pour laver leur vêtements, il les étendit devant le poele de masse, l'eau gouttait des vêtements sur le sol dans un léger clapotis, pendant que Benny s'attaquait au raccommodage. Abiès s'assit par terre en face de son ami et l'observa travailler, il profita du silence réconfortant de celui qui regarde un autre s'appliquer à une tâche. Tout en observant l'aiguille monter et descendre, ses pensées vagabondèrent librement. Il repensait à ses rêves étranges qu'il faisait depuis Andolie, à cette fille qui en était toujours au centre. Il fût surpris de découvrir qu'il avait envie d'en parler avec Benny, il balaya sa réserve habituelle pour suivre son instinct :

- Tu crois qu'il y a une signification aux rêves ?

- Probable. Encore que, je n'en sais rien, je ne rêve jamais.

- Jamais ? Répéta Abiès, dubitatif.

- En tout cas si je rêve, je ne me souviens pas. Parfois le matin, j'ai la sensation que mon esprit à vagabondé mais tout part en fumée dès que je bouge ou que j'essaie de me souvenir. Benny continuait de coudre, menant l'aiguille d'un geste assuré.

Abiès resta méditatif, il voulait parler de ses rêves mais n'osait pas aborder le sujet franchement, il préféra attendre que son ami le relance. Ce que Benny fit :

- Pourquoi, tu fais des rêves répétitifs ?

- Oui, depuis Andolie je… Il marqua une pause cherchant ses mots. Je rêve du même lieu mais certains détails changent à chaque rêve, des fois il y a de la brume, une rivière, des gens.

- Qu'est ce que tu vois exactement ? C'est un lieu que tu connais ?

- C'est un paysage montagnard, avec un lac, et comme des sources fumantes. Abiès rougit, entrait au coeur du sujet qui l'intéressait vraiment et savait que son ami l'asticorait. Et à chaque fois, il y a cette fille, la première fois elle était flou et vêtue de bleu, ensuite elle soignait un vieillard, et ses yeux bleus me fixent comme si elle pouvait me voir.

Comme il s'y attendait, Benny détacha ses yeux de son ouvrage pour les poser sur lui :

- Une fille ?

- Oui…

- Et un lac ?

Abiès hocha la tête. Benny remit le nez dans son travail et dit :

- A mon avis c'est tout simplement que tu imagines la Hilda et là ou elle vit. Cela fait des semaines et des semaines que ton cerveau y penses, et que tu espères pouvoir y aller, ça paraît logique que tu en rêves.

- Je ne penses pas que ce soit la Hilda, je l'imagine plus... vieille ! Je n'arrive pas à me l'expliquer mais je suis certain que cette fille existe et le lac aussi.

- Je crois pas à tout ça tu sais. Mais si tu as raison et que tout ce que tu as vu existe bel et bien quand nous arriverons en haut et bien je te donnerai… euhm…

- Ta reconnaissance éternelle ? Plaisanta Abiès.

- Voilà ! S'exclama Benny.

Abiès qui voulait taquiner son ami enchérit :

- Et si c'est toi qui a raison et que c'est mon cerveau qui a tout inventé, je te laisserai draguer Sauline.

Benny s'étrangla avec son rire, et rétorqua d'un air géné :

- Mais ne veux pas draguer ta sœur !

- Bien sur que si, je ne sais pas comment j'ai fais pendant tout ce temps pour ne pas me rendre compe que tu étais amoureux d'elle.

- Ce n'est absolument pas vrai ! Tu te fais des idées ! Nous sommes juste amis, tu es mon meilleur amis, et je suis ami avec ta sœur, rien de plus, amis, juste amis, vraiment, juste amis, c'est vraiment vraiment vraiment n'importe quoi ce que tu dis… Benny continua ainsi pendant quelques secondes cette phrase sans fin. Abiès s'amusait de l'embara de son ami.

- Oui, elle ne plait pas du tout je vois.

- Exactement ! On a rien en commun de toute façon !

- Hmm hmm.

- Et puis, comme tu l'as dis, c'est TA sœur.

- Hmm hmm.

- Pourquoi tu fais « Hmm hmm » ? Et pourquoi tu ris comme un fou ?

- Oh, pour rien ! Même lorsqu'elle n'est pas là Sauline te fais de l'effet c'est tout. Abiès reparti d'un grand rire.

- Mais Abiès arrêtes ! Elle ne me fait pas d'effet, comme tu dis.

- Dès qu'elle est dans les parages tu deviens maladroit, mais même quand on ne fait que simplement parler d'elle tu l'es aussi. Regardes ce que tu fais, tu es en train de coudre la manche de ma veste à la poche de ton pantalon.

- N'imp… Benny tira sur la vêtement, et pris conscience avec horreur que son ami avait raison, la manche ne quittait plus son pantalon. Mais non ! Quelle galère ! Je vais devoir tout recommencer !

Abiès se moqua ouvertement de lui, puis tourna les vêtements en train de sécher et cessa de torturer son ami.

Plus tard il rejoignirent Sishu pour diner dans la grande salle principale au milieu d'une joyeuse assemblée. La chasseuse vêtue d'une rode ajustée à sa silhouette et aux manches amples, était adossée au comptoir. Elle était tournée vers l'escalier, d'ou descendait les deux compagnons, et pouvait observer à sa guise tout la salle ainsi que l'entrée. Elle bavardait avec une femme aux longs cheveux aubergine noués en une longue tresse parsemée de petite clochettes. Quand les jeunes gens se rapprochèrent, l'inconnue se retourna révélant un visage rond et des yeux anthracites. Elle les détailla l'un après l'autre de son regard tranchant, puis s'en alla sans un mot ni un regard à Sishu. Benny attendit qu'elle se soit éloignée avant de lancer une remarque :

- Dis donc, elle est aussi accueillante qu'un rocher ton amie, tu la connais d'ou ?

Sishu n'en n'était pas à son premier verre, ses yeux pétillait d'alcool et un sourire bancale s'accrochait à ses lèvres :

- J'essayai justement de faire connaissance avec cette beauté. Quel mots-as-tu utilisé ? Un rocher ? Oui c'est ça, une beauté minérale… Le regard de Sishu flottait dans la direction ou était partie la femme.

- Une beauté minérale ? Tu es aussi poète ? La nargua Benny. Il s'appretait à s'asseoir sur un tabouret à côté d'elle, lorsque Sishu lui en barra l'accès en étendant sa jambe.

- Oublie ! Je compte bien reprendre la conversation là ou je l'ai laissé avec cette fille, ou une autre… Je vous invite à vous asseoir la bas, elle indiqua du menton une table dans un coin proche de la cheminée. Je pourrais garder un œil sur vous d'ici. Vous avez besoin de rester un peu ensemble et moi de voir d'autres têtes que les vôtres avant l'ascension.

Abiès et Benny restèrent interdits, essayant de saisir les sous-entendus. Benny semblait décider à asticoter la chasseuse, mais Abiès lui coupa l'herbe sous le pied en l’entraînant vers la table désignée par Sishu.

Benny s'installa de façon à pouvoir observer Sishu, dès qu'ils furent assis il reprit :

- C'est une de ses clientes tu crois ?

- Je l'ignore, est-ce-qu'un chasseur de prime peut signer plusieurs contrats en même temps ?

Un serveur les interrompit,ils choisirent au hasard parmi tous les noms de plats étranges. Le seul mot familier fut le matchou, leur boisson préférée à Andolie. Le serveur repartit au comptoir, en jetant sur son épaule un torchon propre, ils attendirent en silence qu'ils reviennent les servir. Ils trinquèrent et burent de longues gorgées. Abiès fût le premier à commenter :

- Et bien ce matchou est bien meilleur que chez nous ! Ou alors c'est parce qu'on a perdu l'habitude d'en boire ?

Benny ne répondit que par un grogement approbateur, trop occupé à sentir les effluves délicieuses de son plat brûlant. Ils ne parlèrent plus le temps qu'ils dévorèrent leur ration. Les plats étaient très épicés, ce qui les fit beaucoup boire, et monter très vite l'alcool à la tête. Une fois rassasié ils reportèrent leur attention sur Sishu, de nouveau en grande conversation avec la femme à la longue tresse. Après un moment elles s'éclipsèrent toutes les deux mains dans la mains en direction de l'étage. En partant Sishu leur adressa un regarde qui voulait dire : tenez-vous bien je ne veux pas d'embrouilles.

Benny était de plus en plus en suspicieux vis à vis du comportement de Sishu, il était prêt à les suivre pour écouter aux portes, lorsqu'Abiès lui soumit une nouvelle hypothèse :

- Et si Sishu préférait plutôt les femmes ?

Benny prit un air un sidéré :

- Impossible ! Elle m'a fait du charme la première fois que je l'ai rencontré !

- C'est peut-être sa technique pour approcher ses victimes masculines ?

- Non ! Puis il sembla se raviser. Oh tu crois ? Allons vérifier !

Benny était plus soul qu'il ne le pensait, aussi lorsqu'il se leva Abiès le laissa faire puis n'eut aucunes difficulté à le faire dériver subtilement vers leur chambres. Il l'aida à se coucher et en fit de même. Le contact des draps propres et d'un matelas moelleux était un vrai bonheur pour le dos. Abiès pensait au lendemain, il espérait trouver les informations manquantes pour débuter l'ascension.

******

Derrière des guirlandes de plantes séchées, la jeune-femme prépare une décoction à la leur d'un feu. Elle détache minutieusement, feuille après feuille, qu'elle laisse tomber dans une jatte en terre. Un sourire apparaît lentement sur son visage puis ses yeux s'accrochent à ceux d'Abiès. Et pour la première fois il entend très clairement ce qu'elle dit : qui-es-tu ?

******

Une puissante décharge électrique traverse le corps d'Abiès qui se réveille en sursaut. En regardant par la fenêtre il comprend qu'il est encore très tôt, quelques lueurs apparaissent dans le ciel opérant la transition du bleu-noir à un gris-bleu. Les dernières étoiles s'attardent encore. Abiès se masse les yeux, le réveil était trop brutale il sent encore des picotements le parcourir lorsqu'il repense au rêve. Jamais les images n'avaient été aussi claires, s'il avait put tendre la main il aurait put la toucher. La toucher, il en mourrait d'envie maintenant que l'idée s'était infiltrée dans son esprit. Tracer du bois des doigts la courbe de sa machoir et lui relever le menton pour plonger son regard dans le siens. Une nouvelle décharge le fit frissonner. Tout cela devenait déraisonable, il était attiré par une femme de son imagination, cette idée le boulversa, faisant monter en lui un mélange de frustration et de vive déception. Ses ruminations furent interrompus par le bruits des cuisines qui s'activent, il décida de descendre aider l'aubergiste pour chasser ses pensées.

Bien plus tard dans la matinée la compagnie quitta l'auberge pour rejoindre la Tour. Contrairement à aux dédales de ruelles de Tournerond, ici il était tout simplement impossible de se perdre. Les quartiers étaient très bien conçut et agrémentés de nombreux petits jardins harmonieux. Ils atteignirent une très grande place circulaire au centre de laquelle se trouvait la Tour. Quatre bassins en forme de bandes arrondis divisaient la place et s'ouvraient sur les quatre artères principales.

Benny trouvait que la Tour ressemblait plutôt à un donut géant bati de béton et de métal, elle n'avait rien de gracieux et d'élancé comme il se l'était imaginé. Quelque peu décut il ne put s'empecher de faire remarquer :

- Alors c'est la Tour ? Je m'attendais à quelque chose de plus… comment dire… de plus…

- Tape à l'oeil ? Compléta Sishu.

- Oui ! Plus antique ! Cela ressemble plus à un vieux stadium dans lequel les anciens organisait du sport.

- C'est parce que s'en est un ! Gloussa Sishu.

- Ce truc date des temps anciens ? Interrogea Abiès, tout à coup attentif à la conversation.

- Moment culture pour vous les jeunes ! Ne fais pas cette tête Benny, vous êtes plus jeunes que moi, bref ! Ce stade a été construit pour accueillir un festival sportif mondial qui n'avait lieu que tous les quatre ans. Tout ceci, n'a servi qu'une fois ! A chaque édition, l'évenement était organisé dans un autre pays ou il construisait de nouveaux complexes. Un tel gachis de matière première, on se demande ce qu'ils avaient dans la tête… Après la chute il fallait trouver un endroit suffisement grand pour stocker toutes les archives et artefacts, et c'était le seul bâtiment encore debout qui puissent faire l'affaire. La structure est tellement haute par rapport à aux édifices qui ont été bâtis ensuite que le nom de Tour s'est imposée.

Benny cacha sa secrete admiration pour ses connaissances en ricanant :

- Je ne savais pas qu'on vous apprenez l'histoire de l'architecture dans ton école de chasseuse de tête, si on peut appeler ça une école ?

Sishu répliqua un sourire carnassier aux lèvres :

- Quelques heures de ci de là entre les ateliers pratiques d'étouffement rapides et la préparation de poisons mortels.

Cette réponse plongea Benny dans un profond mal à l'aise, ne sachant pas si elle plaisantait ou non. Il changea de sujet :

- Et d'ailleurs, je tiens quand même à te faire remarquer que malgré ce que tu as dis tout à l'heure, tu n'es pas beaucoup plus vieille que nous.

- C'est vrai, mais je suis au moins deux fois plus mature que toi ! Rétorqua-t-elle.

- Alors dis-moi ! Quel âge as-tu, oh vénérable ancêtre ?

Sishu se contenta de rire et les devança à grandes enjambées. Benny la poursuivie et la harcela pour avoir sa réponse. Abiès resta en arrière en compagnie d'Azaelle qui lui lança un coup d’œil amusé.

Devant eux se dressait une imposante porte en fer à deux battants en son centre se trouvait un motif sculpté de cinq anneaux entrecroisés. A droite derrière un petit comptoir vitré un homme était assis. Ses traits transpiraient la lassitude et à l'approche de Sishu il se renfrogna d'avantage.Elle prit la parole dans une attitude pleine d'assurance :

- Bonjour ! Je suis chasseuse, voici mon insigne, dans le cadre de ma mission j'aurais besoin d'avoir accès aux…

Une voix blasée à peine audible l'interrompit :

- Pour toute demande de visite vous devez remplir ce formulaire. Un par personne. Il débita machinalement une suite de consignes à respecter pour les remplir, leur fit glisser quatre feuilles puis dans le même mouvement fit glisser la vitre et pivoter son siège dos à eux. Les compagnons se regardèrent à tour de rôle d'un air outragé puis s'éloignèrent formulaires en main.

- Et bien je ne connaissais pas cette nouvelle version pour entrer, on ne peut pas nier qu'ils savent se renouveler, grommela Sishu.

Ils s'installèrent sur les parapets délimitant les bassins pour remplir les feuillets. Benny tenta sa chance et rapporta les documents dument remplis à l'homme grincheux. Il revint quelques minutes plus tard, les machoires serrées et leur annonca d'un ton agacé :

- Nous sommes quatre et nous n'avons rempli que trois exemplaires, il en faut un pour Azaelle.

- Mais quelle est cette nouvelle fantaisie? S'impatienta Sishu.

- Et ce n'est pas tout ! Il faut que ce soit elle qui remplisse le formulaire et qui le signe ! Oui, elle doit le signer ! Expliqua Benny exaspéré.

- Mais enfin c'est ridicule ! C'est un animal ! S'indigna Abiès. Il se tourna vers Azaelle et se reprit, excuses-moi Azaelle tu comprends bien ce que je veux dire quand je dis que tu es un animal, ce n'est pas une insulte.

- Ne t'inquiètes pas Abiès, elle connaît ton respect pour les êtres vivants, tu ne l'as pas offensée. Le rassura Sishu.

- Qu'est-qu'on-fait ? Interrogea Benny.

Sishu réfléchit en silence, laissant les deux amis s'insurger et proposer des solutions plus ou moins radicales, puis proposa :

- Attendons cet après-midi, le prochain remplaçant sera peut-être plus conciliant.

C'est ce qu'ils firent. Mais le nouveaux leur radota les même absurdités que le premier en prétextant que les conditions d'accès s'était durcies suite à des incidents. Lorsqu'ils voulurent en connaître d'avantage, le gardien se mura dans un silence obstiné et leur claqua la vitre au nez pour faire bonne mesure. Après ce nouvel échec Sishu les exhorta à la patience et de refaire une tentative le lendemain. En attendant ils avaient de quoi s'occuper en préparant le matériel indispensable à l'ascension du Mont Araal.

Sishu connaissait bien la ville aussi conduisit-elle les opérations, elle leur fit échanger leur sandales contre des chaussures épaisses et étanches, mais très inconfortables. Devant leur plaintes répétées, elle finit par leur dire :

- Vous me remercierez lorsque la neige est si froide qu'elle vous craquelle le moindre centimètre de peau exposé à vous en faire pleurer !

Les deux amis étaient septique mais ne cherchèrent pas à négocier d'avantage, ils arrivaient à savoir quand ils valaient mieux se ranger à son avis.

Le lendemain ils tentèrent de nouveau leur chance, sans succès. Même comédie. Même exemplaire à remplir. Mêmes conditions extravagantes.

Le troisième jour Sishu perdit patience et bloqua la fenêtre pour empêcher le chauve enrobé, nouveau missionné du jour, de leur claquer la porte au nez. Elle s'exprima alors d'une voix glaciale et menaçante :

- Cette fois j'en ai assez ! Nous venons de très loin pour consulter les archives et nous ne pouvons pas rester des jours à jouer au cache cache administratif. C'est un lieu de savoir accessible à tous. Je suis une chasseuse et j'ai besoin de façon urgente de consulter des documents. Donc vous allez me faire le plaisir de lire ses papiers, prendre votre tampons à gauche de votre main et accélérer les démarches. Tout de suite.

Le chauve la fixait avec des yeux surpris, preuve que ces hommes blasés pouvaient ressentir autre chose que de la lassitude.

- Vous venez pour quoi, visiter ou consulter ? Interrogea le chauve sans regarder les documents ni Sishu.

- Consulter, c'est écrit juste là, en majuscule, répliqua Sishu d'un ton sarcastique.

Il plongea le nez dans le document, ses yeux suivants les lignes frénétiquements.

- Ah je vois…mais vous n'avez pas rempli la bonne demande, souffa-t-il d'un air exaspéré.

- Mais c'est vous qui m'avez donné ces documents, je ne l'ai pas inventé !

- Vous m'avez mal expliqué votre situation, sinon vous auriez reçu les bons documents, se justifia-t-il.

- Je pense avoir était très claire dans mes propos, si vous vous étiez donné la peine d'écouter nous n'en serions pas là !

Le chauve pinça les lèvres et la détailla de la tête au pied d'un air méprisant :

- Madame, ne rejettez pas la faute sur moi, je suis expert en compréhension étrangère, j'ai même reçu trois années consécutives la première place au concours annuel, donc si vous vous étiez exprimé aussi bien que vous le prétendez je vous aurais comprise. Pour les consultations des archives, vous devez remplir ce dossier, il y a déjà un mois d'attente. En vous souhaitant une bonne journée. Et il lui jeta la liasse de document au visage, qu'elle rattrapa avec agilité, et ferma d'un coup sec la vitre. Il lui lança un regard satisfait lorsqu'elle le fusilla du regard.

Sishu eut alors une impulsion puérile, elle gagna au pas de charge le premier bassin, immergea les documents quelques secondes puis revint à l'accueil. Tremblante d'excitation à l'idée de se venger, elle colla toutes les feuilles sur la vitre, elle prit grand soin de terminer par la feuille au niveau du visage du chauve qui la fixait d'un air outragé, il était devenue aussi rouge qu'une pivoine et ses yeux semblaientt plus globuleux que cinq minutes auparavant. Sishu termina son œuvre et s'autorisa un grand rire machiavélique avant de partir.

Abiès et Benny qui avaient assisté à la scène se roulaient par terre, riants à perdre haleine. Benny réussi après plusieurs tentatives à étouffer son fou rire pour demander à une Sishu rayonnante :

- J'imagine que nous allons devoir trouver un autre moyen d'obtenir la carte ?

La réponse était évidente et ils repartirent tous trois d'un grand rire, même Azaelle semblait partager leur enthousiasme, sa queue battant en rythme.

Plus tard lorsque l'euphorie fut retombé, Abiès sentit s'abattre sur lui la déception. Il était dépité, se trouver si près du but pour rester coincer au pied de la montagne. Après tous ses efforts, quitter sa famille, supporter les difficultés du voyage, la peur, la douleur… Une fatigue terrible l'envahit, le vidant de toute énergie. Refoulé à la porte, pour une question de protocole comme à Andolie, quelle ironie ! Il avait quitté sa communauté qu'il jugeait trop rigide pour s’empêtrer dans une autre, une belle perte de temps. Il pensa à son père. A sa présence réconfortante, son cœur se serra et les larmes lui piquèrent les yeux. Ses amis aussi lui manquaient, Cerise et Will, et contre toute attente sa sœur aussi. Il avait besoin d'être seul. Il se roula en boule et resta prostré dans son lit jusqu'au lendemain matin, refusant toute conversation.

Pendant ce temps Benny échafaudait des plans pour soulager son ami. C'est tout à fait par hasard qu'il apprit en quoi consistait les troubles dont l'un des gardiens de la Tour avait parlé. Il entendit un jeune garçon parler :

- Je les ai vu moi les voleurs ! Je vous dis que c'est vrai ! C'était tout juste le soir, et je les ai vus sortir en courant de la Tour, ils avaient un sac chacun sur l'épaule. Ils étaient tout habillés de noir et sont partis vers la rue ouest.

Les gens autour ricanèrent en cœur. L'un d'entre eux lui demanda d'une voix moqueuse :

- Et si tu les as vu, pourquoi t'as rien dis aux gardes alors ?

- Je leur ai dis ! Mais ils n'ont pas voulus m'écouter ! Rétorqua l'enfant d'un ton plaintif.

- On se demande pas pourquoi Hué, toutes les semaines tu nous racontes des histoires plus dingues les unes que les autres. Une fois ce sont des gros vilains méchants qui vont bientôt prendre le pouvoir sur tous les clans, ou encore que les membres du cinquième clan ne sont pas tous morts, et j'en passe les meilleur. Allez gamins, tire-toi de là ! Va vendre tes histoires aux touristes. Et l'homme ponctua sa phrase en bousculant brutalement le gamin qui tomba à la renverse. Les autres s'esclaffèrent et se resserrent autour de lui.

Benny qui n'aimait pas la tournure que prenaient les évenements choisi ce moment pour s'interposer :

- Stop, ça suffit maintenant, laissez le partir. Il avait prononcé cet ordre d'une voix impérieuse.

- Qu'est ce qui l'a dit le freluquet ? L'homme avait bombé le torse dans une attitude qu'il voulait menaçante, mais que Benny jugea ridicule.

- Vous m'avez très bien compris.

L'homme le détailla puis ricana :

- Ah les gars, regardez, on est tombé sur un prétentieux d'intuitif ; un monsieur-je-sais-mieux-que-tout-le-monde. Ça fait longtemps qu'on s'en ai pas fait un, pas vrai les gars ?

Des rires gras accueillir cette remarque. Ils se rapprochèrent d'un seul mouvement.

Benny sentit l'adrénaline inonder ses veines, avant que l'autre ne puisse amorcer un mouvement il lui faucha les jambes d'un puissant coup de pied dans les chevilles. L'autre s'écroula et leva des yeux furieux. Les autres par contre s'étaient figés dans différentes attitudes de surprise. Benny réfléchissait frénétiquement à une façon de se sortir de pétrin rapidement avant que l'homme ne se relève et que ses acolytes ne se jettent sur lui, lorsqu'il capta dans en périphérie de son champs de vision, la toison soyeuse d'Azaelle. Elle le rejoignit et se campa fièrement à coté de son genoux avant de montrer les dents en grondant.

Le groupe d'hommes se délita d'un coup, comme une fourmilière que l'on secoue. Ils disparurent dans la foule de passants. Azaelle claqua des dents pour faire bonne mesure puis se rapprocha en trottinant de l'enfant. Celui-ci toujours par terre eut un mouvement de recul craintif. Azaelle continua d'avancer néanmoins, puis posa délicatement sa patte sur la cheville du garçon.

- Elle ne te veut aucun mal, le rassura Benny.

Timidement le garçon tendit la main et lui carressa l'épaule, Azaelle émit un petit son de contentement puis fila à toute allure dans la rue, sa queue blanche disparut en quelques instants.

- Tu es tout seul ici, ou sont tes parents ? Interrogea Benny.

- Je suis pas tout seul. Maman est malade, j'attends qu'elle aille mieux avant de continuer la route. Le visage du garçon s'était assombri.

- Quelqu'un la soigne ta maman ? S'inquiéta Benny.

- Non pas encore, c'est la Dame-d'en-Haut qui la soignera. Elle n'est pas vraiment malade, elle attend un bébé, une petite sœur maman m'a promis. C'est pour ça qu'on va voir la Dame-d'en-Haut.

- La Dame-d'en-Haut ? Répéta Benny. Il pensait avoir compris de qui parlait l'enfant mais voulait être sur.

- Oui, celle qui vit au bord du lac en haut de cette grande montagne. Et l'enfant tendit son doigt potelé vers le sommet du Mont Araal.

- Je vois... Et si on allait voir ta mère ? J'ai un ami peut peut-être l'aider. Je vis dans le petit hôtel blanc de la troisième rue, on peut aller le chercher et ensuite rendre visite à ta mère ?

Le garçon se crispa soudainement, recula d'un air méfiant :

- Non merci, je ne fais pas ce genre de chose. Vous les adultes vous êtes tous méchants avec les enfants ! Les yeux remplis de larmes, l'enfant parti à toute vitesse, plantant Benny au milieu de la rue, incrédule.

Benny retrouva Sishu dans la salle commune de l'auberge, elle semblait l'attendre :

- Alors, on sent des instincts paternels bouillonner ? Ses yeux étaient remplis d'amusement.

Benny arqua un sourcil intrigué, puis fit la navette entre la renarde et la chasseuse :

- Ah, évidement !

Sishu laissa échapper un petit rire. Benny demanda soudainement :

- Je me demande comment ça marche entre vous. Tu peux lire ses pensées ?

Sishu pinça les lèvres, elle répondit sur la réserve :

- C'est très intime ce que tu demandes, je n'ai pas le droit de t'expliquer. C'est comme si tu me demandais les détails sur la nuit que j'ai passé avec la femme d'hier soir.

- Alors tu es bien… enfin je veux dire… hum.. Tu préfères les femmes c'est ça ? Benny ne savait plus sur quel pied se tortiller.

Sishu reprit son attitude assurée et s'approcha de lui, très proche, seulement quelques centimètres séparait sa poitrine du torse de Benny. Ce dernier pouvait sentir sa chaleur s'écraser sur lui, il avait perdu le fil de ses pensées lorsque Sishu reprit d'une voix suave :

- C'est plus compliqué. J'aime les deux en vérité, chacun ses avantages, cela rend les choses plus amusantes… Elle éclata de rire lorsqu'elle vit Benny déglutir. Il se recula pour s'éclaircir les idées. Il la fixa pendant de longues secondes. Elle reprit l'air de rien :

- Qu'est devenue l'enfant ?

- Il est parti, je n'ai pas comprit sa réaction. Et lui raconta la scène.

Elle se racla la gorge :

- Ah je vois… Vue la formulation que tu as utilisé, il a du croire que tu voulais l'attirer dans un coin reculé pour coucher avec lui.

- Quoi ? S'écria Benny, scandalisé par ses propos. Avec un enfant ? Mais ce n'est pas du tout ce que je voulais dire ! Jamais je ne… jamais ! C'est immonde !

- Je sais Benny, mais c'est une pratique encore assez courante malheureusement, surtout dans les grandes villes. Il y a encore des gens aux perversions douteuses.

- Je n'arrive pas à y croire… je voulais seulement l'aider… Benny était écoeuré.

La fin d'après-midi fut consacré aux soins de leur corps. Car les deux compagnons étaient encore sérieusement amoché après leur péripéties sur le plateau rocheux. Il fallut plusieurs heures de sommeil à Abiès pour se récupérer ses forces. Durant la journée Sishu avait élaboré trois scénarios afin de s'introduire dans la Tour par une entrée non officielle. Elle les partagea avec eux, énumérant pour chacune des possibilités, leur avantages et inconvénients, ainsi que les difficultés à envisager, les aléas, le matériel et les risques. Ils décortiquaient chaque détails du deuxième scénario, lorsqu'un brouhaha enfla dans la salle. Les trois compagnons cessèrent leur discussion pour comprendre ce qu'il se passait. Deux hommes maintenaient un enfant pour le mettre dehors, mais ce dernier criait comme un beau diable. Sa voix stridente perça le bruit de fond de l'auberge :

- Lâchez-moi ! Je dois voir quelqu'un je vous dis ! Maman est malade. Il m'a dit qu'il habitait ici. Mais écoutez-moi !

Benny se dressa d'un bond et traversa la salle jusqu'à l'enfant. Après quelques minutes, il revint à table accompagné du gamin. Il le fit asseoir, lui glissa sa propre assiette devant le nez et lui intima de manger. Mais le gamin ne voulut rien entendre :

- S'il vous plaît, vous avez dit que vous aviez un ami qui pouvait soigner ma mère. Elle ne va pas bien du tout, elle saigne beaucoup. Elle crie, elle a mal !

- Calme-toi, on va t'aider, le calma Benny. Il reprit pour ses compagnons, c'est l'enfant que j'ai rencontré ce matin, sa mère est enceinte. Abiès tu peux faire quelque chose ?

Abiès sentit sur lui le poids du regard gonflé d'espoir de l'enfant mais aussi celui de ses compagnons attendant sa réponse. Son cerveau ne répondait pas, paralysé. Il choisit alors de faire confiance à instinct qui lui commandait d'agir. Enfin il répondit :

- Je ne peux savoir si je peux l'aider tant que je ne l'aurais pas vue. Je monte chercher ma saccoche et je reviens.

Il grimpa les marches quatre à quatre, se précipita dans la chambre et regroupa tout ce qui lui passait par la tête : des linges, des plantes séchées, une petite bouilloire, le nécessaire à coudre de Benny… Il commençait à paniquer, il fourra tout dans sa sacoche et dévala l'escalier se raccrochant à la rampe pour éviter de s'écraser au sol dans la précipitation. Si la situation n'avait pas été aussi préoccupante, Benny et Sishu se serait moqué de son atterrissage peu élégant. Le gamin sortit de l'auberge en hâte, et se mit à courir devant eux, les guidant à travers les ruelles


Texte publié par Margauttinaa, 21 juillet 2023 à 20h07
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