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tome 1, Chapitre 13 « Le massif de Draavil » tome 1, Chapitre 13

Aucune discussion ne fut nécessaire pour abandonner l'idée de traverser le plateau, il était apparu évident que cet itinéraire serait trop coriace pour eux. Le nouveau groupe rejoignit le route qui longeait le massif de Draavil.

Benny appréhendait le premier poste de contrôle des intuitifs, il avait peur que Sishu en profite pour les dénoncer ou les bloquer. Il surveillait le moindre mouvement suspects, une insinuation, ou un changement dans sa voix.

Au lieu de cela, elle présenta sa broche de chasseuse aux gardes et expliqua en partie seulement, ou ils se rendaient et les raisons qui les y poussaient. Elle se présenta sous son vrai nom, mais préféra modidier de ses compagnons, pour des noms plus « transani », Benny hérita d'un banal « Sride » et Abiès d'un « Alja ». Les deux amis n'arrivaient pas à retenir ces prénoms aux sonorités étranges, ils cafouillaient, mélangeaient les lettres et ne répondaient pas quand Sishu les appelaient. Une autre fois, ils répondirent ou prénom de l'autre, ils étaient tout deux de piètre comédiens. Elle les obligea à s'appeler entre eux par leur faux noms même lorsqu'ils n'étaient que tous les trois.

Les journées de marche étaient longues ; la chaussée encombrée de chariots qui grinçaient et se coinçaient dans les ornières, ou encore des pèlerins dont les bâtons claquaient. Les marchands progressaient prudemment, concentré sur leur chargements, tandis que les familles râlaient et forçaient le passage. Les animaux non attelés, comme le bétail, circulait sur une petite sente parallèle pour désencombrer la piste principale, le mugissement des animaux s'ajoutait au brouhaha ambiant. La renarde préféra les suivre à distance par les bois, de temps à autre Sishu tournait la tête dans sa direction et Benny entrapercevait alors une tache de fourrure blanche, sans le regard perçant de Sishu, il n'aurait jamais pu la déceler dans la forêt épaisse.

Ils s'installaient tous les soirs sur des aires de repos, ou des points d'eau étaient aménagés. La quatrième soir Sihu sorti de son manteau une petite bourse violette aux cordons jaunes, elle en tira sept dés aux couleurs vives. Elle déroula un morceaux de tissus rectangulaire de la même couleur, sur lequel était brodé des sigles en fils doré, des cases, des croix, et des cercles. Les règles ressemblaient à un jeu que les jeunes-hommes connaissaient déjà, mais en bien plus complexe, l'objectif était de parier sur les sigles qui apparaîtraient au tirage ainsi que sur leur position sur le tapis. Tout cela agrémenté de coup de bluff et de triche. Le jeu se déroulait en plusieurs manches et par cumul de point le gagnant était désigné. Benny ne s'intégra pas au groupe de joueur, il n'était pas à l'aise depuis l'intégration de Sishu et d'Azaelle dans leur voyage, aussi préféra-t-il rester dans son coin, commentant d'une voix chargée d'acide les stratégies de Sishu :

- Aller Sishu, montre-nous un peu comment tu manies les dés… En tout cas tu es plus redoutable avec une lame qu'avec ces petits dés… Oh on t'a connu plus hargneuses, montre-nous un peu tes dents… Benny ne pouvait s'empêcher de la provoquer malgré les regards appuyés que lui adressaient Abiès et les coups d'oeil intrigués de l'autre joueuse. Benny espérait secrètement qu'elle réagisse pour pouvoir libérer sur elle toute sa colère contenue depuis des jours, car il la tenait pour responsable de son mal être.

Sishu restait impassible, laissant passer les remarques mesquines, elle savait qu'il lui faudrait un certain temps avant qu'il ne la tolère et encore plus longtemps pour lui accorder sa confiance, si tenté qu'elle y arrive, elle s'autorisa à soupirer avant de reprendre le fil de son jeu.

Voyant que son ami ne lâcherait pas l'affaire, Abiès proposa :

- Benny vient, allons marcher un peu.

Ce dernier accepta d'un hochement de tête. Sishu ne put s'empecher de pouffer lorsqu'il se leva pour rejoindre son ami. Benny l'entendit parfaitement et faisant mine de tribucher, la bouscula alors qu'elle lançait les dés. Sishu éclata d'un grand rire victorieux lorsque les dés s’immobilisèrent sur la combinaisons qu'elle avait annoncé en début de tour, Benny grommela de plus bel et s'éloigna en tapant du pied une pomme de pin innocente, les deux femmes ne s’arrêtaient plus de rire.

Abiès guida son ami en lisière du campement. Ses yeux d'abord perdus dans l'obscurité purent bientôt détailler le visage de Benny, éclairé d'une faible lueur orangée révélant pour la première fois une profonde amertume dans ses traits. Abiès attendit quelques instants avant de tenter une première approche :

- Ecoutes, je comprends que tu sois sur tes gardes avec elles, mais tu…

Benny le coupa, le visage brulant d'une colère qu'Abiès n'avait pas vu monter :

- Tu comprends ? Oh non je ne crois pas Abiès ! Tu as décidé de sauver cette créature, et tu as décidé de faire route avec elles, sans me consulter, sans même en discuter avec moi. Je te rappelle que nous sommes deux dans cette galère, deux ! Il insista sur ce mot, appuyé d'un geste de la main.

Les repproches de son ami, qui était justifiés Abiès, le savait très bien mais ne voulait pas l'admettre, ne firent que déclencher sa propre colère :

- Oh je vois ! Monsieur est vexé parce que je n'écoute pas ce que tu me dis de faire. Tu as l'habitude que je suive toujours tes conseils au mépris des mes idées !

- C'est faux ! Et tu le sais, je ne considère pas mon avis meilleur que le tiens. Tu fais ta tête de mule au lieu d'admettre que toi aussi tu as merdé Abiès !

Cette phrase coupa net les répliques cinglantes qu'il avait prévu de lui lancer. En dehors de Sauline, il ne se disputait jamais avec les gens, son sens de la répartie acerbe qu'il avait élevé au rang de sport avec elle, se révélait stérile avec d'autre personnes, et d'autant plus envers Benny.

Benny profita de son silence pour reprendre, la voix chargée de reproches :

- J'ai choisi de t'accompagner, pas de te suivre aveuglement ! J'estime avoir le droit de donner mon avis sur les décisions à prendre, comme nous l'avons toujours fait. Mais depuis Tournerond, c'est comme si je n'existais plus, que seul ton jugement suffisait. Oui, j'ai merdé à Tournerond, c'est moi qui ai mis Sishu sur notre route, je le reconnais, même si je pense qu'elle nous serait tombé dessus même sans mon aide… mais passons… Mais est-ce-que je t'ai reproché quelque chose quand tu as fais pousser cet énorme arbre à Andolie et foutue en l'air notre plan de départ ? Et qu'à cause de toi, je n'ai pas pu dire aurevoir à mes parents, ni à Sauline… Sa voix s'étrangla par l'émotion, il avait énormément souffert de ce départ précipité mais n'avait pas voulu en accabler son ami. Mais là tout était différent, il laissait couler toutes les choses qu'ils s'étaient retenues de dire, libérant enfin sa parole. Dès que les derniers mots eurent franchis ses lèvres il sentit la tension le quitter, soulageant sa mâchoire et ses épaules.

Abiès en eut le souffle coupé, comme s'il avait reçu une gifle magistrale. Il n'avait pensé à aucun moment aux répercussions de ses actes sur son ami, et encore moins qu'il puisse en souffrir. Un sentiment de honte le submergea. Trois vérités s'imposèrent alors à lui : il devait s'excuser au près de lui ; qu'il était le meilleur ami que l'on pouvait souhaiter avoir à ses côtés ; et que ce dernier était amoureux de sa soeur et que cela ne changerait jamais. Il murmura les yeux baissés, la gorge nouée par la culpabilité :

- Je… je n'ai pas les mots… Je suis tellement désolé Benny. Tu es un sage coincé dans un corps jeune, je préfère l'oublier parfois, car c'est terriblement agaçant de savoir que tu es plus juste que moi. Je suis désolé de t'avoir privé des tes adieux à ta famille, pour ça et pour le reste… Merci de me supporter..

Benny poussa un soupir de soulagement, Abiès avait su trouver les mots pour finir de le calmer. Il était touché par l'estime qu'il lui portait, et émue par la vague de gratitude qui déferlait en lui :

- Tu comptes énormément pour moi, tu es ce qu'il se rapproche le plus d'un frère. Je ne ferais jamais rien qui puisse te nuire. Jamais.

Sa voix vibrait d'une vérité si pure, qu'elle fit frissonner Abiès jusqu'au coeur de ses propres cellules. Ils s'enlacèrent comme deux frères, scellant implicitement leur dévouement mutuel. L'instant était si fort, qu'ils leur fallu plusieurs minutes de silence pour s'en remettre complètement. Les marques d'affection avaient toujours étaient rares entre eux, mais Benny se fit la promesse de changer cela, leur lien était trop important pour le négliger.

Bien plus tard, Abiès brisa enfin le silence réconfortant :

- Qu'est qu'on fait d'elles alors ?

- Tu la crois sincère quand elle parle d'une dette éternelle envers toi ?

- Oui… quand j'ai soigné Azaelle, j'ai eu un aperçut de la puissance du lien qui les unit, le perte de l'une des deux, entraînerait la survivante dans la folie…

- Si c'est bien le cas, alors nous sommes préservés d'elle, mais aussi des autres chasseurs de prime qui voudraient notre peau et donc indirectement de Mûrine, et ce serait l'option la plus confortable pour nous. Mais si, et cela reste une possibilité, elle se joue de nous par je ne sais quel moyen, alors nous sommes en danger, très grand danger. Dans tous les cas, mieux vaut la garder prêt de nous pour la surveiller.

Abiès opina, il croyait sincère sincère Sishu et Azaelle, mais comprenait la réserve de son ami. Benny ajouta :

- Cependant, je t'avertis, je ne lui fais pas confiance, surtout l'humaine, je la soupçonnerait toujours d'un coup retord, et prévoirais toujours des issues pour nous, au cas ou. Même si je fais confiance à ton ressenti, je n'arriverai pas à faire mieux que cela pour le moment, je le tolère mais je la surveille. Et dernière chose, nous décidons ensemble de ce qu'il convient de faire, elle n'a pas son mot à dire.

- C'est d'accord, ça me convient !

Sans besoin de se concerter, ils rebroussèrent chemin en direction de la lueur chaleureuse du feu, et s'installèrent un peu à l'écart des joueurs pour bavarder un peu.

Profitant de ce moment de paix sans le regard de Sishu, Benny sortit de sa poche intérieure sa guimbarde et improvisa quelques notes. Il ferma les paupières et se remémora la dernière fois qu'il avait joué de son instrument : c'était en compagnie de Sauline, un peu avant l'anniversaire d'Abiès, elle lui avait demandé de jouer pour elle, ce qu'il avait fait de bon coeur. Elle l'avait couvé de son regard vert étincelant pendant durant tout le temps ou il joua, alors il avait joué longtemps. Comme ce soir là, il joua pour elle, cette mélodie entraînante aux sonorité vieille comme l'humanité.

Un claquement de main en cadence vint le sortir de sa reverie, c'était la fille inconnue qui était venue jouer avec Sishu, s'en suivie d'un deuxième clapement, puis quatre, dix, vingt, puis trop pour les compter. Une voix légère accompagna le morceaux de Benny, ce n'étaient pas des mots, plutôt de courtes vocalise évoluant au fil du rythme. Un frisson parcourue l'assitance lorsque la voix d'Abiès, plus grave qu'à l'ordinaire vint équilibrer l'ensemble. Alors ceux qui ne tapaient pas des mains, se mirent à danser en rythme sur la voix profonde d'Abiès. Abandonant les danses traditionnelles de chaque clans, les gens se mélangèrent, et mélèrent leur pas, leur bras et leur mains, créant une harmonie propre à l'instant : un moment éphémère d'unité et de communion spontanée. Bientôt, la fille arreta de chanter, les autres de donner la cadence et Benny fit taire sa guimbarde, laissant la place à Abiès.

Ce dernier était transporté par ce qu'il chantait, il sentait les palpitations de ces corps mouvants, de tout ces esprits qui s'élevaient vers quelques chose de pur et beau. Il bloqua sa voix une noté ancrée dans la terre, vibrante de vie, la note sembla s'éterniser, englobant toutes les vies à des kilomètres à la ronde. Tous s'étaient arrêté de danser, pour s'imprégner de cette note, qu'ils n'entendraient plus jamais. Lorsqu'elle cessa enfin, la plupart étaient étourdis par le sentiment de quiétude qu'ils ressentaient, les autres pleuraient en silence ou s'endormaient. Beaucoup d'enfants furent procréé cette nuit, et pour la première fois depuis bien longtemps, sans problèmes pour les mères.

Le lendemain lorsqu'ils eurent reprit la route, ils remarquèrent l'absence de la tension qui caractérisait cette route depuis qu'ils l'avaient empruntés. Les gens riaient plus, la méfiance reléguée au second plan. Le brouhaha lui, ne s’atténua pas, et le moment de musique se réitéra pas, mais les participants s'en souvinrent toute leur vie, ainsi que ce jeune-homme à voix si singulière.

Enfin ils quittèrent la route pour bifurquer en direction de la Tour, encore à une demi-journée de marche de leur poisition. Après un tournant, surgit alors la montage, immense, les surplombant avec majesté, elle leur était resté caché jusqu'à présent par la forêt. Les deux amis contemplaient les reliefs, époustouflés par tant de grâce. Ils se sentaient minuscules devant cette immensité sauvage, depuis Andolie ils pouvaient l'apercevoir les jours clairs, elle ne représentait qu'une colline un peu plus grosse que les autres, rien ne les avaient préparé à cela. D'ici, ils prennaient la pleine mesure de l'ascension qui les attendait. Abiès s'attendait à devoir chercher une carte pour trouver la montagne, comprit soudainement que c'était une carte pour l'ascension qu'il leur faudrait dénicher. Cette prise de conscience le fit rire, et il répondit aux regards intrigués de Sishu et Benny :

- Et moi qui pensait qu'il nous faudrait une carte pour trouver le Mont d'Araal, je me rends compte que c'est une carte de randonnée qu'il nous faut plutôt !

Benny et Sishu rirent, elle ricana :

- Après-tout il y en a peut-être en vente dans une boutique souvenir !

- J'ai comme un doute… Reprenant son sérieux Benny reprit ; ce ne sont que les fous comme nous ou les désespérés qui tentent une acensions pareil, je doute qu'elle soit encouragée par la ville.

- Tu ne fait pas si bien dire. Malheureusement ce genre d'information est protégée, on ne trouvera des renseigements que dans la Tour. Enfin, si on nous laisse y entrer… Sishu laissa sa phrase en suspend.

- Pourquoi, on ne pourrait pas y entrer ? L'accès est restreint ? Questionna Abiès.

Sishu grimaça, et se frotta le front :

- Pas à proprement parlé, tout dépend de celui qui tient l'accueil quand nous arriverons. Une fois je me suis vu refuser l'accès parce que je suis une femme, et le lendemain cela ne posait plus de problème et j'ai plus entrer. Une autre fois parce que je suis une transani, mais l'heure suivante quand j'ai présenté ma broche de chasseuse, ils m'ont laissé entrer. Le temps s'est figé la bas sur des concepts archaïques et ridicules. Nous saurons quand nous y serons.

- Je ne suis pas d'humeur à affronter des caprices d'un portier mal luné, je propose de s'occuper de cela demain. Ce soir je veux manger chaud, me doucher à l'eau brulante et dormir avec un toit sur la tête ! Qu'en penses-tu Benny ?

- Je valide ! S'exclama Benny, un large sourire au lèvre, dévoilant presque toutes ses dents.

Sishu les interrogea d'un air septique :

- Vous êtes sur de vous ? La dernière fois que vous avez fait halte de cette façon, vous… Elle s'arrêta en rougissant intensément.

- Tu nous es tombé dessus, absolument, mais puisque tu es notre fidèle compagne de route désormais, tu pourras veiller sur nous cette fois au lieu de nous tendre un piège. Dans ces conditions que pourrait-il bien nous arriver ? Benny fixait la jeune-femme d'un regard inquisiteur et provocant, il la testait ouvertement.

Rougissant de plus bel, exploit tout à fait incroyable aux yeux des deux amis, Sishu releva le menton d'un air décidé et braquant un regard incendiaire, qui aurait dut calciner Benny sur place, elle rétorqua :

- Bien, faîtes comme vous l'avez décidé. Mais ne comptez pas sur moi pour vous chaperonner, si vous jouez aux imbéciles téméraires, je ne vous sortirez pas d'affaire. Même si elle avait employé le pluriel, il était clair qu'elle s'adressait uniquement à Benny, qui souriait d'un air calculateur.


Texte publié par Margauttinaa, 21 juillet 2023 à 20h05
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