Benny s'appuyait lourdement sur Abiès, sa tête tombait sur son torse, obligeant Abiès à le secouer pour le maintenir éveiller. Abiès essoufflé par l'effort, essayait d'éviter les trous ou les pierres, car à chaque choc son ami hurlait de douleur. Il se tournait souvent pour surveiller le chemin, paniqué à l'idée que Sishu les rattrape dans un moment de tel faiblesse, car il ne pourrait pas les sauver cette fois, sa dernière technique l'avait vidé. Abiès sentait ses forces faiblir à mesure qu'ils se trainaient sur la piste, au bord de l'épuisement, il finit par installer du mieux qu'il put son ami contre une souche.
Benny avait le teint pale, les yeux brûlants de fièvres il marmotta :
- Elles nous suivent ?
Abiès jeta un coup d'oeil derrière lui, puis il s'assit par terre, les épaules douloureuses :
- Pas encore je pense, les liens sont solides. Mais étant donné la psychopathe, elle doit déjà être en train de ronger les ronces pour s'en démêler…
Un rire sans joie s'échappa des lèvres de Benny :
- Ou est ce que t'as grand-mère a dégotté cette folle ?
- Va savoir ! Si elle est capable de nous envoyer une chasseuse de prime sur un autre territoire que le notre, je crains le pire pour la suite. Comment va ton pied ?
- Je n'ai jamais eu aussi mal de toute ma vie. Regarde le, il part de travers. Oula, faut que j'arrête de le regarder, je me sens encore moins bien…Tu peux faire quelque chose contre la douleur ? Il leva la tête vers le ciel, les lèvres pincées par la souffrance.
- Je peux essayer, répondit Abiès.
Il plaqua sa main sur l'écorce rugueuse, murmura les notes dont il s'était servie pour guérir sa main devant le conseil. Il sentit l'air vibrer autour de lui, comme une texture solide mais malléable, ricochant sur les objets mais englobant toutes choses. Il pouvait palper la douleur de Benny, composée d'un épicentre qui palpitait au rythme de notes graves. Il s’évertua à se calmer, mais les images des Priirs desséchées agrippèrent son esprit, brouillant les notes ; la panique qu'il avait éprouvé dans la forêt s'épaississait comme un orage, menaçant de la submerger. Il força sur ses paupières pour les maintenir fermées et se concentra de nouveau sur sa respiration, l'effet fut désastreux : le stress l'envahit complètement, accélérant son souffle, son coeur martelant sa cage thoracique et les tympans sifflants. Il ouvrit les yeux et se massa les tempes couvertes de sueur.
- Je ne peux pas Benny, je suis désolé. Tout à l'heure il s'est passé quelque chose de terrible.
Abiès lui raconta la façon dont il avait dévitalisé les Priirs un moment plus tôt. Benny essaya de ne pas laisser transparaitre son effroi, il cherchait frénétiquement quelques mots pour le réconforter, mais les mots s'enfuyaient comme de l'eau dans un vase percé. Prenant sur lui et anticipant déjà la souffrance qu'il allait éprouver il encouragea Abiès à se remettre en route.
Ils avancèrent jusqu'à ce que la nuit les rattrape. Benny se trouvait dans une sorte de transe, les yeux mi-clos il marmonnait une berceuse. Abiès sentait contre lui le corps brûlant de son ami. Il leur dénicha un taillis d'arbuste dense et sombre, d'étroites sentes d'animaux le parcourait format un dédale de tunnels miniatures. Ils arrivèrent à peine à se faufiler, à bout de force Abiès se coinça le pied dans une racine et s'écroula, son corps entier tremblait d'épuisement, il s'obligea à ramper aux côté de Benny puis sombra.
******
Des cheveux roux parsemé ça et là de bruns-violets. Brouillard. Deux mains fines et adroites immergent un linge dans un baquet d'eau tinté de rouge. Fumée. Des yeux bleu pâles, à peine colorés, le questionne. Un lac.
******
Le soleil était déjà haut dans le ciel lorsqu'Abiès s'extirpa du sommeil, il sentait encore sur lui la douceur du regard bleuté. Comme à chaque fois, la sensation de douceur persistait après son réveil. Rassuré de voir son ami encore dormir, il décida de le laisser se reposer encore le temps de trouver une façon de le soulager. Au moins lorsqu'il dormait il ne souffrait pas.
Malgré la situation précaire, l'endroit était paisible, protégé par le tunnel de végétation ; il sentait sur sa peau les rayons de soleil filtrés par le feuillage, diffusant une lumière réconfortante. Il profita de cet instant et pendant quelques minutes il oublia la folie de la journée précédente. Quand il se redressa, il découvrit un jeune arbrisseau juste à côté de la jambe blessée de Benny.
- De la rougelle ! S'exclama Abiès. C'était cette plante dont avait besoin Abiès pour soigner Benny. Devant ce spectacle, des larmes de gratitude lui montèrent aux yeux et il ria de soulagement.
Benny se réveilla et s'assit en grimaçant, il observait son compagnon, cherchant à déterminer l'humeur qu'il voyait peinte sur son visage. L'inquiétude semblait s'être effacée, laissant la place à de l'émerveillement. Ils échangèrent un long regard, puis sans un mot, Abiès se faufila sous la voute végétale. Lorsqu'il ré-apparut, ses bras étaient chargés de plantes aquatiques et ses vêtements imbibés d'eau et d'argile.
Il s'agenouilla près de son genou et commença à s'affairer, retirant les feuilles de celles-ci, nouant celles-là, coupant, mâchonnant… Dans ces gestes, Benny retrouvait l'agilité de Sauline, son coeur se serra en pensant à elle. Il laissa échapper un soupir de soulagement lorsque le cataplasme entra en contact de sa peau brûlante.
Abiès venait de termina de lui tartiner la cheville, et s'échina à fixer une attelle de fortune. La tâche ne fut pas aisée, et Benny gémit à plusieurs reprises. Alors enfin Abiès prononça les premiers mots depuis la veille :
- Tu as une sacré résistance à la douleur, je dois admettre que je ne t'arrives pas à la cheville sur ce point.
Il y eut un temps mort, puis les deux amis pouffèrent comme deux enfants à cette blague incongrue. Sans prévenir Abiès se livra sur le blocage qu'il avait eut la veille en tentant de le soigner, il termina :
- J'ai tellement peur que cela arrive de nouveau… Jamais je n'avais imaginé que je puisse… que… que je… tue…Les mots se bloquèrent dans sa gorge. Hier quand j'ai essayé de soigner ta cheville, j'ai senti les Priirs s'agriper à moi, puis tout s'est embrouillé et j'ai paniqué. Et la ce matin, la rougelle était à tes pieds, est-ce-qu'elle était déjà la hier ? Est-ce-que c'est moi qui l'ai faite poussé pendant la nuit ?
Benny réfléchit un moment puis s'exprima :
- Si je comprends bien, tes émotions impactent directement tes créations : dans le positif, comme le négatif. Donc si tu veux agir pour le bien de quelqu'un ou quelque chose, ce sera forcement bon pour elle, je suppose ?
- Mais si je perds le contrôle comme hier ? Que la panique prend le dessus ? L'angoisse envahissait de nouveau Abiès.
- Je ne sais pas, souffla Benny.
- Et si je perdais mon don ? Que je le bloquais à cause de mes émotions ? Qu'est ce que deviendrais ?
Benny percevait la panique dans la voix de son ami, aussi s'efforça-t-il de rester d'un calme absolue et d'une voix qu'il voulait réconfortante lui dit :
- Je ne pense pas que tu puisses perdre ton don, même si tu le voulais de toutes tes forces. Il peut certainement se bloquer par moment comme hier, mais ce serait impossible qu'il disparaisse, cela fait parti intégrante de toi. En tout cas, cela nous a permis d'apprendre deux choses, le lien avec tes émotions, et deuxièment que ta perception du monde est en train de changer. Tu parles de texture, de son qui ricochent, que je suis incapable de percevoir. Est-ce-que cela s'applique à tout le reste ? Par exemple, peux-tu sentir les émotions des autres ? Est-ce que cela s'applique aussi aux animaux et aux plantes ?
- J'espère que cette femme du Lac d'Araal aura des réponses. Soupira Abiès.
- On n'atteindra jamais le lac avec Sishu à nos trousses et encore moins sans nos affaires… Benny se sentait démuni sans ses quelques affaires, il n'osa pas l'avouer à Abiès, mais ce constat lui pesait.
Abiès capta le changement d'humeur de son ami et posa une main sur son épaule :
- On a réussi de à se tirer vivant de son embuscade, les vivres on en a trouvera sur la route.
Benny hocha la tête, mais ce n'était pas la nourriture qui le préoccupait. Il changea de sujet :
- Elle doit vraiment avoir quelque chose de spécial…
- Qui ça ?
- Sishu !
- Ah ! Pourquoi serait-elle spéciale ? Demanda Abiès, les sourcils froncés.
- Les transanis se lient le plus souvent avec des herbivores ou des animaux domestiques. Les liaisons avec des prédateurs sauvages sont rares, un sur mille, peut-être encore moins que ça. Je me demande comment elles se sont trouvées…
- Elles ? Répéta Abiès.
- Les transani ne se lient qu'avec des animaux du même sexe, et qu'une seule fois au cours de leur vie.
- Comment tu sais tout ça ? S'étonna Abiès.
- C'est Sauline qui m'a raconté ça une fois. Il détourna la tête, géné par le regard suspicieux d'Abiès.
Ils se mirent d'accord pour la trajectoire et le nombre d'heure à marcher pour mettre le plus de distance possible entre eux et Sishu. L'inquiétude les submergea de nouveau lorsqu'ils sortirent de leur forteresse végétale, ils s'étaient sentis à l'abri.
Benny grogna de douleur :
- On a perdu trop temps ce matin, on aurait du partir plus vite…
- Tu n'aurais pas pu marcher sans atelle, c'était nécessaire Benny.
Ils firent de nombreuses pauses pour soulager le pied de Benny. Le visage livide, il ne parlait pas, totalement focalisé sur ses mouvements et la douleur. Un pas, souffrance, un autre, encore la souffrance. Abiès récoltait tout ce qui pouvait être mangé, mais Benny avait un nœud à la gorge, l'empéchant d'avaler quoique ce soit. Abiès était en vigilance constante à chaque bruits suspects, ils se cachaient, mais ce n'étaient à chaque fois que des voyageurs concentrés sur leur route.
Le paysage autour d'eux changea : des vallons creusaient avec douceur les plateaux, et des petits bosquets se nichaient dans les creux inaccessibles ou inutiles aux humains. Les meilleures expositions été valorisé pour les cultures en lien avec la construction : lin, caoutchouc, bambous… Loin à l'est se dessinait le massif forester de Draavil, immense étendue boisée de plusieurs millier d'hectares, réputé pour la qualité de son bois. Les bâtisseurs entretenaient ces forêts avec une dévotion proche de celles des Communis chez les guérisseuses.
Abiès et Benny rejoignirent une grande route, qui a leur grande surprise était très fréquentée. Mais malgré cela, personne ne s'arrêta pour leur proposer assitance, rendu perplexe par ce manque d'altruisme, ils n'osèrent interroger les passants sur la direction à suivre. Ils se tassèrent un peu plus, mal à l'aise, ce qui n'eut pour effet que de rendre les gens encore moins enclin à les aborder tant leur attitude paraissait suspecte.
Dans ce brouaha bottes, de roues, d'aboiement et de voix, Abiès finit par capter un son familier. Un léger trottinement à droite de la route. Une décharge de peur lui parcourra l'échine. Il ne savait s'il l'attendait réellement ou s'il la sentait, mais il en était sur, la renarde les suivait. Il pencha sa tête le plus près possible de l'oreille de Benny et lui chuchota :
- Elles nous suivent, la renarde est sur la droite.
Benny redressa brusquement la tête, manquant de peu de donner un coup de tête à Abiès, il tourna la tête de tout côté :
- Tu en es certain ? Ce pourrait être…
Abiès secoua la tête et lui coupa la parole :
- J'en suis sur, je la sens…
Benny, lui lança un regard de côté, surpris par le choix du mot employé. Il s'essuya le front, trempé de sueur et demanda le souffle court :
- Merde, on fait quoi ? Je ne peux pas aller plus vite, j'ai trop mal…
- Je sais. Abiès resserra son étreinte autour du torse de son ami pour le soutenir un peu plus. On continue d'avancer pour l'instant, elle n'oseront pas nous attaquer en plein milieu de la route et de cette agitation, du moins, j'espère…
- Au moins nous savons ou elles sont maintenant.
Benny bien qu'inquiet par le retour de la chasseuse de prime, était soulagé de s'occuper l'esprit à échaffauder des plans d'évasion, soulagé car il se concentrait sur autre chose que sa cheville incandescante. Il savait qu'il ne pourrait pas continuer à marcher longtemps, il était à bout de fatigue, et que la foule ne les protégerait pas indéfiniment, les gens s'arrêtereraient pour dormir à un moment ou un autre. Il devait trouver une solution pour résoudre ce problème nommé Sishu.
Un quart d'heure plus tard, le son des pattes de la renarde s'estompèrent et finirent par s'évanouir, Abiès tous les sens en alerte tendi l'oreille encore un long moment, puis lorsqu'il se mit enfin à espérer que l'animal les avait perdu dans cette cohue de son et d'odeur, un bruit de bottes sautillantes se calqua sur leur rythme quelques mètres derrière eux. Le coeur d'Abiès s'affola, Benny aussi l'avait entendu, car son souffle accéléra.
La lumière du jour déclinait, et la foule devint moins dense : les voyageurs préferaient s'installer pour la nuit dans les établissements d'herbergement installés dans les hameaux que longeait la route. A l'approche des maisons la route se faisait plus belle, comme si les architectes voulaient inviter les gens à s'attarder. Il n'y avait plus de trous dans la chaussée, la terre tassée laissa la place à d'élégantes pierres taillées et jointées. Le claquement des bottes se fit plus net, plus pressant. Elle les suivait depuis au moins une heure gardant ses distances, cependant à l'approche du hameau les pas se rapprochèrent, comme pour vérifier qu'ils ne la semerait pas derrière un angle.
Et pourtant c'est exactement ce qu'ils firent. Tournant précipitement devant une auberge, ils dépassèrent la terrasse, coutournèrent la batisse et gagnèrent le potager. Benny repera un poulailler encore ouvert et les orienta dans sa direction.
- Qu'est ce que tu…
- Dépeche toi Abiès ! Aller, aides-moi !
Ils enjambèrent tant bien que mal la barrière en bois, ouvrir le portillon grillagé et entrèrent dans la basse-cour, les volailles indignées les acceuillir en caquetant et à qui mieux mieux, battant les ailes d'un air contrarié. Les repoussant du pied, Abiès leur fraya un passage jusqu'au petit bâtiment en pierre et en bois. Il installa son ami contre l'un des perchoirs, en veillant à ce qu'il ne touche pas les fientes malodorantes, puis il interrogea son ami :
- Et donc la tu m'expliques, comment tu veux qu'on sorte de ce pétrain, maintenant que nous sommes enfermés dans ce clapier puant ? La voix d'Abiès vibrait de colère et de peur.
Benny le corrigea d'un air concentré, le regard vrillé un interstice entre deux planches :
- Poulailler. C'est un poulailler, le clapier c'est pour les lapins.
Abiès le fixa la bouche ouverte, cherchant à trouver un sens raisonnable à ce que venait de lui répondre Benny, à bout de nerf il éclata :
- Je me fous complétement du nom de ce bâtiment ! Explique moi pourquoi on est coincé ici, sans issue de secours alors que la folle va débarquer !
Sans lui adresser un regard, Benny lui intima d'un geste à se calmer et lui dit d'une voix posée :
-Attends.
- Tu nages en plein délire ; tu dois avoir de la fièvre. Viens maintenant, tirons-nous d'ici avant ce que ne soit trop tard.
Benny lui retint fermement par le bras :
- Ne bouge pas ! Fais moi confiance. Le seul moyen de s'en débarasser c'est de la piéger, on ne pourra pas continuer à ce rythme avec ma cheville en morceau. Attends, elle ne pas tarder…
Abiès était totalemnt crispé, il refléchissait à toute allure, est-ce-que son ami était vraiment lucide ou devait-il fuir tout de suite ? Alors qu'il se décidait à le trainer dehors, ils entendirent les cris affolés des poules, le bruissement paniqués de plumes signalant l'arrivée d'une menace : la renarde venait des les localiser. Le souffle coupé, il attendit.
Ils entendirent la porte grillagé s'ouvrir dans un léger couinement métallique, puis la terreur poules couvrit tout autres sons. La silouhette de Sishu se matérialisa brusquement dans l'encadrement de la porte, à contre jour il était impossible de lire l'expression sur son visage, mais une intense satisfaction se dégageait de sa posture désinvolte. Elle ricana d'un air mauvais :
- Bien bien bien. Vous avez choisi un endroit charmant pour vous cacher, et il n'y a aucune plantes pour me barrer la route. J'ignore comment tu as fais cela, mais si tu tentes quoi que soit Abiès, je te brise, mais je te préviens je ne serais pas aussi clémente qu'avec ton ami.
Une décharge de peur intense foudroya Abiès, cette femme était vraiment très dangereuse. Il comprit aussi que s'il la poussait trop à bout elle se contenterait de le tuer.
- Maintenant sortez de là.
Abiès se resigna, il ne voulait pas prendre de risque à contrarier cette folle. Il amorca un mouvement pour la suivre.
Elle s'appreta à ajouter quelques choses lorsque retentit le son d'une rafale de balle pulsée. Le mot sur les lèvres de Sishu se transforma en un hurlement déchirant, elle fit volte face en courant pour sortir dans le parc à poules. Ses cris transperçaient l'obscurité naissante, labourant la poitrine de Benny de longues piques glacées. Tremblant d'appréhension, Abiès sortir de la cabane.
A l'extérieur au milieu de plumes mouchetées de rouges, gisait la renarde, sa toison blanche imbibée de sang, trop vif, trop rouge, encore imprégné de vie et de chaleur. La chasseuse écroulée à côté d'elle poussait des gémissements douloureux, mélant une douleur physique et une hystérie croissante. En arrière-plan, proche de la rambarde, un vieil homme menaçait la jeune-femme de son arme, il vociferait des insultes, la traitant de voleue et lui jurant de la tuer aussi si elle ne partait pas tout de suite. Mais Sishu, ne semblait pas l'entendre.
Benny avait réussi à sortir clopin-clopant, attrapa le bras d'Abiès pour le tirer à l'extérieur du poulailler, le vieux les remarqua et hurla encore plus fort. Mais baissa son arme, partagé entre la fureur et l'incompréhension.
Ils contournèrent Sishu, totalement focalisée sur sa compagne, elle ne les vit pas. En la dépassant Abiès fut submergé par une pression de l'air et des notes lancinantes, comme une basse, sourde et de plus en plus espacées. Secoué par cette sensation, Abiès tituba et se rattapra au grillage de l'enclos. Il lacha Benny et se retourna vers la renarde.
Benny siffla :
- Abiès, qu'est ce que tu fais ? Mais ou tu vas ? Abiès ! Hurla-t-il.
Ignorant les questions de son compagnon, Abiès se rapprocha des notes plaintives et faiblissantes. Il n'entendait plus le monde extérieur, focalisé sur ce son, il distingua alors deux vibrations, les plus faibles appartenaient à la renarde et les virulentes étaient celles de Sishu, les deux se superposaient et se complétaient comme deux calques, légèrement différentes mais battants à l'unisson.
Il fit les derniers pas le séparant de la renarde et ancra ses yeux à ceux de Sishu, quelque chose passa dans iris, comme si elle avait compris ce qu'il voulait faire. Alors il se pencha et enfoui ses mains dans le pelage rougeoyant. Le contact humide le fit frissonner, une forte odeur de fer souillait l'air ; la vibration sous ses mains se faisait de plus en plus faible. Spontanément sa voix s'éleva dans l'air, riche comme les premiers gazouillement d'un oisillon et fluides comme ceux d'une hirondelle. S'accrocha à l'image de l'oiseau migrateur, il huma le printemps, chanta pour le grillon s'installant pour les chaudes soirées d'été, il l'enrichit avec son amour de la nature et sa compassion pour les êtres vivants. L'injustice de la situation, cette mort inutile, l'aida à terminer l'incantation en y insufflant le force de vivre et de se guérir. Le sang cessa de couler, et la respiration de la renarde se fit moins douloureuse : le sifflement des poumons perforés avait disparu, laissant circuler l'air sans accroche. Sishu cessa de pleurer et caressa tendrement la tête de la renarde, cherchant un contact visuel avec elle. L'oreille de l'animal se tourna lorsqu'Abiès changea de position pour se relever, il attendit Sishu reprendre son souffle et la vit poser sa tête sur le corps de sa compagne, sanglotant et riant, mêlant ses larmes au sang.
Abiès était certain que l'animal était sortie d'affaire, aussi se leva-t-il doucement et rejoignit silencieusement Benny qui tenter de calmer le paysan. Ce dernier était paniqué parce qu'il venait de voir, et ne voulu rien entendre de leur explications, il finit par braquer de nouveau l'arme sur eux pour les faire déguerpir. Ce qu'ils firent, laissant renarde, femme et vieillard régler leur compte.
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