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tome 1, Chapitre 8 « Tournerond » tome 1, Chapitre 8

L’odeur de patates fumées tira Abiès du sommeil, provoquant par la même occasion les gargouillements de son ventre. Il n’avait pas correctement mangé depuis la veille au soir de leur départ précipité, il y a de cela deux jours. Benny s’activait auprès du feu, déplaçant des pierres chaudes à l’extérieur du feu pour y faire cuire quelques galettes pressés d’épeautre, d’oignons et de champignons. Abiès lui preta main forte en allant chercher de l’eau à la rivière pour préparer une boisson chaude revigorante;la nuit au bord du courant avait été encore une fois fraîche.

Benny ne s’emcombra pas de formalité, et attaqua avec les doigts les plats brûlants, la graisse dégoulinant sur ses avant-bras. Une fois le repas englouti, les deux jeunes gens s’autorisèrent une petite sieste au soleil. Abiès se réveilla le premier, secoua doucement Benny et commença à rassembler leur affaire.

La journée fût douce et ensoleillée, la navigation facile. Ils s’arrêtèrent manger en milieu de journée et arrivèrent en vue de Tournerond en début de soirée. Il était trop tard pour demander une chambre quelque part, aussi ils décidèrent de s’arrêter en amont pour passer la soirée et aborder le village au lever du jour. Abiès espérait dénicher un emplacement sûr pour le voilier de son père.

Au matin, ils guidèrent l’embarcation jusqu’aux quais. Benny se dévoua pour surveiller le bateau le temps qu’Abiès trouve le responsable des quais ; il arpenta les bords de la Sumena pendant une bonne vingtaine de minute avant de rencontrer celui qu’il se faisait appeler le Quaisard. Il trouva l’intéressé attablé avec l’un de ses bons clients. L’homme était sec comme une brindille et devait avoir la cinquantaine tout au plus, sa tignasse blonde, aussi sèche que le reste de son corps, retombait devant ces yeux attentifs. Les lèvres pincées d’agacement, il détailla rigoureusement Abiès : chaque centimètres carré de son corps passant au crible son regard incisif. Abiès prit conscience de l’image qu’il renvoyait ; les cheveux collés, du sable et des traces de charbons sur les vêtements, et une odeur de fumée, un portrait peu reluisant. Il croisa le regard blasé de Quaisard et l’interpella :

- J’ai de quoi payer un mois d’emplacement. Je n’ai besoin que de dix jours, mais pour la meilleur place je suis prêt à vous laisser l’équivalent. Qu’en dîtes-vous ?

Le Quaisard arqua un sourcil septique.

- Moui, marmona-il en trainant sur le « i ». Et si tu m’montrais un peu av’c quoi tu payes ?

- D’abord une visite des quais, répliqua Abiès d’un ton qu’il voulait assuré.

- Bon, marmona encore une fois le Quaisard en haussant les épaules. Il appela ensuite un certain Jude, pour garder la boutique, puis guida Abiès au bord de la rivière. Ils déambulèrent un moment avant qu’Abiès ne se décide. Le Quaisard se contenta d’un marmonnement ennuyé lorsqu’il vit que l’embarcation n’était rien de plus qu’un petit voilier, Abiès lui expliqua que son père viendrait le recupérer, le Quaisard nota son nom. Ils se mirent d’accord sur le prix, une somme rondelette fut échangée contre une poignée de main et l’affaire fût conclue.

Abiès rejoignit ensuite Benny pour recupérer leur affaires, et quittèrent les quais pour s’engouffrer dans la ville elle-même.

L’architecture était l’exact opposée de celle d’Andolie, ici toutes les bâtisses grimpaient sur plusieurs niveaux, au moins cinq, et étaient construites en bois sculpté, verre, et toit vivant. Ces derniers étaient tous plats, reliés par de frêles passerelles métalliques recouvertes de végétations. Vue du dessous, toutes les parsserelles semblaient s’entremeler dans un foui indisociable, offrant une circulation aérienne. Suite à plusieurs accrochages avec des wagonnets, et les regards indignés des transporteurs, Abiès comprit que le circulation piétonne se faisait un étage au-dessus de leur têtes. Il attira Benny dans une volée de marche en colimaçon et lui intima de les gravir. De là ils purent observer à leur guise.

- Quand même, un panneaux d’orientation ce ne serait pas du luxe, ronchonna Abiès.

Benny était totalement absorbé par le va et vient des gens, qui somme toute était tout à fait similaire à eux. Il pointa du doigt un mécanisme entre deux bâtiments séparés par une route :

- Regarde ça ! C’est comme notre Tire-vite, mais en vertical, ils doivent pouvoir remonter les charges lourdes par ses contrepoids, jusqu’en haut. Viens, allons-voir les toits !

Ils grimpèrent les niveaux et atteignirent les toits : légérement en pente, leur surface étaient recouvertes de potager, de plantes filtrantes, de bassins et de terrasses.

- Ingénieux, nota Benny.

- Je ne vois pas l’intérêt de cultiver en hauteur, alors qu’il y a de la bonne terre tout le long de la Summena.

- Oh, ne joue pas les rabat-joie, c’est vraiment intelligent. Ils compensent la surface au sol qu’ils utilisent pour leur habitation en plantant sur les toits. On dirait même que toute l’eau de pluie est stockée, je vois des gouttières partout !

- Peut-être mais ils s’entassent les uns sur les autres, c’est sur qu’ils doivent suffoquer l’été dans leur clapiers, répondit Abiès à bout d’arguments.

- C’est à ça que doivent servir les plantes sur les passerelles, garder l’ombre et la fraicheur. Parapluie en hiver. Vraiment Ingénieux, répéta Benny.

Abiès sentait que son ami avait raison, car son esprit pratique le trompait rarement. Boudeur, il insista pour poursuivre leur route.

Benny denicha un vendeur de boisson ambulant, aupres duquel il acheta des boissons locale à base de racine rouge mentholée. Ils s'installèrent sur un toit les pieds au frais dans un bassin.

De la, ils pouvaient distinguer une lueur violacée revelant l'emplacement du cinquième clan. Depuis quelques années les orages se concentraient dans cette zone, ce lieu désormais denué de vie, était aussi nommé : le crépuscule. Battu par les tornades, les incendies, la foudres, et des pluies dévastatrices, ce phénomène n'était pas encore étudié. Les deux garçons avaient entendu des rumeurs à ce sujet, mais c'était la première fois qu'ils pouvaient l'observer.

- Je n'imaginais pas comme ça, pas aussi sombre, cela me mets mal à l'aise toute cette obscurité. Benny avait prononcé ces mots accompagné d'un froncement de sourcil inquiet, le regard braqué sur le crépuscule.

- Et dire que des gens vivaient la bas ! Une histoire perdu… Qu'est ce qu'il peut bien être en train de se passer la bas ?

Détachant ses yeux de la lueur malsaine, Benny ajouta :

- Je suis d'avis de rester au moin deux jours ici, pour refaire le plein de nourriture et trouver des renseignements plus précis pour rejoindre la Tour.

- Tu remets sur le sujet sur la table toutes les demi-heures, je maintiens que ce n'est pas raisonnable. Tu l'as dis toi même hier, qu'il fallait mettre le plus de distance possible entre nous et Andolie, et là tu me rabache les oreilles avec l'idée inverse. Tu veux simplement profiter de la ville, avoue !

- Mais non… enfin peut-être une infime partie de moi le souhaiterai oui… Mais hier, était différent, hier nous étions encore dans notre pays, nous avons passé la frontière, personne ne viendra nous chercher désormais ! Et puis franchement, ce n'est pas aussi confortable que nos campements au Noyau, cela ne fait que quatre jours et je suis déjà en miette ! J'ai envie de profiter de quelques nuits dans un lit moelleux avant de repartir.

- Tu marques un point, comme souvent lui conceda Abiès.

- Aller viens, trouvons-nous un nid douillet et ensuite, toi et moi, nous allons honorer cette ville comme il se doit en savourant tous les plaisirs disponibles !

Abiès craignait le pire, mais capitula et se laissa entrainer par son ami dans les dédales de Tournerond.

Ils traversèrent la petite ville, naviguant de passerelle en terrasse, de terrasse en escalier. Abiès dû demander son chemin à plusieurs reprises pour suivre la bonne direction, ce qui augmenta son irritation, il lui tardait de quitter cette ville. Ils atteignirent un parc en bordure de Tournerond.

Ils arretèrent leurs choix sur un petit hotel familial tenue par une femme rondelette et peu arrangeante. Rendue suspicieuse par l'aspect négligé des deux voyageurs, elle enchaina les questions de plus en plus en indiscrètes à leur sujet. Abiès, déjà de mauvaise humeur, s'agaca de ces manières et mit un point final à l'interrogatoire en déposant sur le comptoir la somme voulue accompagné d'un copieux pourboire. La propriétaire afficha alors un air faussement engageant et offrit de leur faire porter leur bagages à l'étage, elle les conduisit ensuite jusqu'à la porte de leur chambre.

Toute en longueur la pièce était étroite, le mur face à eux était percé de nombreuses fenêtre, rendant la pièce agréable. Un seul grand lit contre le mur meublait la pièce, le sol quand à lui était recouvert d'un damier moelleux surprenant, étouffant le son des pas.

Avant de les quitter l'hôtesse leur demanda d'un regard appuyé :

- Ici, on enlève les chaussures devant la porte, et on les laisses dans le couloir. Sinon c'est supplément pour le ménage. On se comprend ? Et elle leur fourra dans les mains deux paires de chaussons étranges.

- Bien sur ! Répondit Benny.

Ils entrèrent et verrouillèrent la porte derrière eux. Abiès commenta :

- Encore une coutume de Bâtisseur, qu'on ne connaissait pas. Il y a une autre paire devant la porte coulissante la bas, qu'est ce qu'on est sensé en faire de toutes ses pantoufles ?

- J'imagine que chaque paire doit être utilisé dans des pièces différentes… Benny se glissa derrière la porte, laissant à Abiès l'opportunité d'observer ce sol intriguant. Il s'agenouilla et gratta du bout de ses doigts le revêtements, à bien y regarder cela ressemblait à du lichen séché compressé.

La tête de Benny passa l'encadrement :

- Il faut absolument que tu viennes voir, mets les ! Il lui lança la deuxième paire de chaussons.

La porte s'ouvrait sur une grande salle luxuriante de végétation, d'autres portes étaient réparties tout autour d'un grand bassin central. Trois personnes discutaient dans un coin du bassin.

- Ce sont des bains partagés ? Questionna Abiès embarrassé au plus haut point.

- Il semblerait bien… répondit son ami, dont le regard s' était accroché sur le petit groupe immergé, Abiès lui donna un léger coup de coude.

A leur droite se trouvait un petit bassin rond, caché par de gigantesques plantes, aupres duquel était disposé des pierres plates fumantes. De magnifiques arbres prennaient racines dans ses eaux, des liannes couvertes de minuscules fleurs roses drapaient les rambardes et le plafond en verre. Une odeur de forêt humide embaumait la pièce, encore plus puissante que dans les serres tropicale d'Andolie. Malgrès lui, Abiès commença à se détendre, l'odeur ayant sur lui un effet apaisant.

Après une longue hésitation sur les usages en vigueur, les deux amis se dévêtirent dans leur chambre, puis se glissèrent dans le petit bassin brulant. Le contact de l'eau chaude sur leur égratignures tirèrent aux jeunes gens des grincements de dents. Benny soupira d'aise:

- Cette ville est vraiment pleines de surprises, j'aime particulièrement celle-ci…

La chaleur fit son effet, relâchant les muscles complétement. Même Abiès finit par lâcher prise et se détendit complétement, la tête sur le rebord il ferma les yeux.

******

Deux mains remettent en place une compresse humide sur le front d'un vieillard tremblant de fièvre. Les gestes sont doux et précis, l'homme murmure quelque chose du bout de ses lèvres tendues par la maladie, mais les sons sont étouffés. Une jeune-femme se penche vers le visage du malade, ses deux longues tresses effleurent la peau de l'homme étendu. Puis elle redresse la tête et braque son regard sur celui d'Abiès. Ses lèvres s’entrouvrent pour poser une question…

******

Un bruit d'éclaboussure le réveille en sursaut, une femme venait de les rejoindre dans l'eau. Elle se prélassa un moment, puis sembla prendre conscience de la présence de Benny et Abiès. Elle engagea une conversation animée avec Benny, ce dernier complètement captivé, se rapprochait imperceptiblement d'elle. Abiès en proie à la gêne de savoir une femme si proche de lui, n'osait pas la regarder de peur de poser les yeux au mauvais endroit. Le désir de la regarder devenait de plus en plus pressant, il s'extirpa précipitement du bassin pour rejoindre la fraicheur de leur chambre.

Déambulant à proximité de l'établissement, Abiès finit par suivre les effluves qui s'échappaient des restaurants. La fin de journée approchait apportant avec elle la faim. Il n'arrivait pas à se décider sur les plats à choisir, aussi il chargea ses bras d'un assortiment conséquent. Il regagna l'hotel et constata avec soulagement que Benny était seul. Il étalèrent devant eux les victuailles ; beignets épicés, légumes glacés, pâtisserie collante de miel… Ce n'est que lorsque les dernières gouttes de sauces furent essuyées que Benny raconta en détail sa discussion avec la jeune-femme :

- Elle s'appelle Sishu, et elle nous propose de nous guider jusqu'à la sortie de la ville, car apparemment l'embranchement que l'on cherche est pratiquement introuvable pour ceux qui ne sont pas du coin.

Abiès ricana :

- Bien sur, bien sur, elle veut nous aider…

- Ah fiche moi la paix avec cela, c'est une belle femme mais je pense avant tout à notre mission. Elle nous guidera demain après-midi. C'est ce pourquoi nous sommes restés ici, trouver des renseignements.

- Des indications oui, mais tu n'es pas obligé de te laisser embobiner par la première venue. J'aurais pu me noyer juste devant ton nez sans que tu ne détournes ton regard d'elle.

- Tu exagères ! Et puis quand bien même, qu'est ce que tu veux qu'il m'arrive au juste ? Qu'elle me kidnappe ? Sois sérieux ! Benny éclata de rire en imaginant la scène.

- Nous ne connaissons pas ce gens, ni leur culture… Le sarcasme de Benny, l'avait piqué plus qu'il nous voulait bien le montrer, il changea de sujet.

Le lendemain, Benny, reposé et joyeux, insista comme il savait si bien le faire pour visiter la ville, il ne l'avoua pas à Abiès mais il espérait revoir Sishu. A l'extrême opposé, Abiès était de plus en plus oppressé par la ville et souhaitait écourter leur séjour au plus vite. La mâtiné défila trop vite pour Benny, il admirait l'ingéniosité des bâtisseurs commentant leur systèmes, évaluant les points forts et les inconvénients. Il questionnait aussi les habitants qui pour la plupart n'était pas au courant des détails de conception. Abiès suivait d'une oreille distraite les observations de son ami.

Abiès les entraina en milieu d'après-midi sous un grand hall ouvragé de volute de fer forgé, sous laquelle s'entassait des montagnes de babiole, outils, et reliques de l'ancien temps. Ils déambulèrent entre les amas d'objets, contournant des anciens rails, évitant des cages et pièce suspendues au dessus de leurs têtes.

C'est Benny qui dénicha le premier quelques chose de vraiment intriguant. Un petit rectangle de la taille d'une main, plate et mate, au dos y était inscrit en lettre cuivre « GEOTAB ». Cette dernière bien qu'abimé semblait encore être opérationnelle. Ni Benny, ni Abiès ne percèrent à jour le fonctionnement de cette relique. Benny s’apprêtait à la reposer, la mine frustré, quand une main douce et incroyablement ferme lui retint le bras.

- Tu ne vas tout de même pas passer à côté de ce petit bijoux de technologie ! Murmura Sishu tout prêt de l'oreille de Benny, ce dernier frissonna.

Abiès fut surpris et honteux de ne pas avoir entendu ni senti la présence de la fille. Il se promit à lui même de développer une ouïe plus fine et d'être plus vigilant, se laisser surprendre ainsi n'était pas envisageable.

- Tu sais à quoi ça sert ? Questionna Benny.

La jeune femme hocha la tête tout en examinant méticuleusement l'objet :

- C'est une ancienne tablette géographique, d'ou son nom. A l'époque c'était, avant la chute je veux dire, l'une des dernières évolutions connues pour se localiser. Avec ça, c'était impossible de se perdre. Encore faut-il qu'elle soit à jour, certaines ont pu être bidouillées depuis, mais la plupart ne sont pas à jour depuis la Grande Chute. Donc à part quelques montagnes il n'y a plus rien qui correspond.

- Pourquoi les garder alors ? Interrogea Abiès.

- Ce sont surtout les collectionneurs qui se les arrache, ils projettent ensuite en séance privée les cartes des anciens temps, il y a toujours des amateurs de vieillerie et de trésors ! Ce modèle a eu un vrai succès pendant longtemps, puis les gens ce sont lassés et ce sont passionné pour les pièces aérospatiale. C'est une question de mode, rien de plus…

Sishu reposa la Geotab, mais Abiès l'en empêcha :

- On va la prendre.

Elle lui lança un regard surprit et ajouta :

- Tu ne sais même pas si elle fonctionne.

- On ne sait jamais. Et puis tu dois bien connaître ici quelqu'un capable de nous arranger ça ?

La fille prit quelques secondes pour réfléchir, les observants tour à tour comme pour les évaluer. Son regard s’arrêta à peine un court instant sur un point derrière eux, puis elle leur adressa un sourire charmeur et leur dit :

- Allons voir Maddie.


Texte publié par Margauttinaa, 21 juillet 2023 à 19h55
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