Planté devant la grande porte, Abiès s’efforçait de respirer profondément. Il était au bord de l’épuisement. Il s’était réveillé en pleine nuit et n’avait plus fermé l’oeil, retournant sans fin les mêmes idées.
Il entendit des pas approcher puis la porte s’ouvrit. Dans l’encadrement se tenait Fresia, une jeune femme voluptueuse et nouvellement membre du conseil. D’une voix étonnement grave elle l’invita à entrer. Abiès s’avanca dans la pièce avec la sensation de laisser son cerveau sur le pas de la porte, ses jambes le propulsaient en avant sans qu’il en soit réellement conscient : comme anesthésié. Etait-ce encore l’un de ses cauchemars ? Il appréhendait si intensément cet instant qu’il en avait rêvé pendant des semaines, et chaque nouveau songe se soldait par le regard perçant de sa grand-mère dans lequel il plongeait jusqu’à être englouti par le noir de ses pupilles.
Tout en progressant à travers la pièce il se racla la gorge pour évaluer sa lucidité : cette fois nul doute il était éveillé.
La salle du conseil était immense, elle servait aussi pour les grandes fêtes et les célébrations. Pour l’occasion les tables étaient poussée le long des murs et une majestueuse table en baobab installée. Le plateau gardait la forme le l’arbre dont il était issue, Abiès estima son diamètre à six mètres. Autour était assises dix femmes entre vingt et quatre-vingt ans (la doyenne du clan) et d’un homme d’une trentaine d’année.
Abiès avanca jusqu’à un cercle au centre de la pièce. Légèrement en relief, le cercle était entouré d’un anneau argenté gravé de feuilles, de baies et de racines. Lorsqu’il y parvint, il s’inclina et salua du mouvement approprié l’assemblée : il ramena sa main avec le pouce rentré vers l’intérieur à sa bouche puis à son cœur. Les intéressés lui rendirent son salut par un léger inclinement de la tête en sa direction. La crispation de certaines nuque n’étaient point du à l’âge et annonçait une séance toute aussi tendu. Abiès promena son regard sur les onze membres et prit son temps pour les détailler.
Tout au bout, la belle Fresia et son sourire amusé, à sa droite une trentenaire du deuxième dôme au yeux verts sapin, puis Matcha trentenaire aussi. Les trois autres Abiès ne les connaissait pas et n’avait rien de remarquable, mais au centre son regard s’attarda sur Murine. Sa grand-mère arborait un visage impassible dans une position ouverte à la discussion, seule la crispation de ses mains trahissait sa colère. Il détacha son regard d’elle et balaya les autres d’un simple coup d’oeil. Puis il releva légèrement la tête et fixa un point au fond de la salle, juste au dessus des têtes des conseillères. Abiès prit une profonde inspiration et le silence s’installa.
L’usage voulait que le conseil ouvre la séance en s’adressant à lui. En aucun cas il ne devait s’exprimer le premier. Cela ne ferait qu’empirer la situation. Son père l’avait prévenu que les conseillères essaieraient de le déstabiliser et de le pousser à faire le mauvais pas. Il attendrait, et pour rester concentré il commença à compter. Lorsqu’il dépassa cent-quatre-vingt il réajusta sa veste : il ne se laisserait pas démonter par elles. Ses respirations longues et profondes servaient à apaiser les battements de son cœur et à égrener les secondes.
Il s’embrouilla autour de six-cent et du reprendre du début. Il remit en place une mèche de cheveux derrière son oreille et reprit sa longue litanie. De nouveau à centre-quatre vingt, il releva la tête et fixa chaque membre dans les yeux jusqu’à ce que chacune détourne le regard. Son regard se verouilla à celui de Mûrine, le dédain qui y lut au début fit place à la colère. Et un bref instant il crut y lire de la tristesse. Enfin la résignation prit le dessus : elle soutint son regard quelques secondes supplémentaire puis les prunelles gris-bleue de sa grand-mère flanchèrent enfin. Abiès ne put retenir un léger sourire.
Mûrine tourna la tête vers ses conseillères comme pour une ultime confirmation, puis elle se redressa et s’adressa à lui :
- Bienvenue, Abiès fils d’Aubépine, fille de Mûrine, bénie soit cette journée ou le soleil fructifie et la terre murmure.
- Que la graine émerge et l’eau nourrisse, répondit Abiès la voix rauque après ce long moment sans parler. Il se racla la gorge aussi discrètement que possible, mais le son résonna distinctement.
- Tu te présentes à nous aujourd’hui pour choisir ta place parmi notre communauté. Saches que tu as la possibilité de déposer une nouvelle demande si la première est refusée. Si ta deuxième requête est à nouveau refusée, tu auras alors deux possibilités : tu t’acquitteras de la place que choisira le conseil pour toi ou bien tu dédieras ta vie aux arbres lucides en tant que communis. Maintenant, c’est à toi, présente nous ton idée. Mûrine avait débité ces phrases de façon laconique, les usés par la répétition.
- Mesdames et monsieur, je viens solliciter une grande faveur. Mais avant j’aimerais, si vous y consentez, vous faire une démonstration. Avez-vous la plante que je vous ai demandé ? Il balaya la pièce du regard à sa recherche.
Mûrine sourit d’un air entendu :
- Tu n’as besoin de rien d’autres hormis de ta langue pour exprimer ton choix.
- Mais, vous ne m’en avez pas averti lorsque je les ai demandé. Abiès était sous le choc.
- Personne n’a jamais eu la nécessité de faire une démonstration, et tu t’y plieras, comme bien d’autres avant toi. Sa voix c’était durcie et son regard glacé.
- Donnez-moi quelques instants.
Mûrine le toisa longuement avant de hocher la tête.
Abiès sentit le rouge lui monter aux joues. Comment faire ? Il espérait les convaincre par la maîtrise plus que par les mots. Sentant la panique monter en lui, il tatona ses poches à la recherche d’un secours quelconque. Ses doigts se refermèrent sur une petite boule lisse. Une graine ! Ce serait plus long mais il pouvait y arriver. Partir de la graine, faire pousser l’arbre puis façonner l’écorce.
Il rassemblait ses pensées lorsque la voix de Matcha claqua :
- Assez attendu, tu as deux minutes ou tu quittes l’audience.
Il s’efforça de ralentir son pouls, s’agenouilla et déposa la graine devant lui bien en évidence. Son angoisse baissa en intensité. Encore quelques secondes et il serait pleinement maitre de lui-même.
Un raclement de chaise le déconcentra. Il se ressaisit et commença à murmurer. Rien ne se produisit, il n’avait pas besoin d’ouvrir les yeux pour le savoir. Le fourmillement habituel dans ses mains ne venait pas. Il se traita de sombre idiot, s’évertua au calme et recommença. Il ne sentait rien. Cette fois les bavardages des conseillères le firent sortirent de ses gonds. Se relevant brusquement, l’esprit de nouveau lucide il suivit son instinct. Il saisit son couteau et s’entailla la paume de la main. La morsure du fer le fit tressaillir, il ne s’était pas rater cette fois. Sans lever les yeux, il chanta. Sa voix montait, claire et haute comme jamais. Elle emplit la pièce, résonnant et rebondissant sur les murs, atteignant une note unique innommable. Après plusieurs seconde, la note retomba.
Un silence épais s’installa, la différence d’atmosphère était saisissante. Abiès tendit sa main vers le conseil et lança ses quelques mots :
- Je vous en prie, formez-moi pour devenir Guérisseur.
Les femmes étaient encore figées, dans des postures variées d’incrédulité. Puis à comme un ouragan les cris d’indignations et les insultes fusèrent. Abiès ne s’attendait pas une réaction aussi vive, quelques ricanement tout au plus. Les regards haineux qu’il reçut le blessèrent. Il battit en retraite et quitta la salle en courant. Même au bout du couloir il pouvait encore entendre le tumulte qu’il avait provoqué.
La porte de sa chambre s’ouvrit si brutalement qu’elle rebondit contre le mur et que le linteau en trembla. Sauline entra en trombe en hurlant de rage :
- Mais qu’est-ce-qu’il t’es passé par la tête ? Débarquer devant le conseil, avec la prétention de devenir guérisseur ! Abiès, bon sang !
- Qu’est ce que tu t’imaginais au juste ? C’est une part de moi Sauline. Je ne peux pas le renier ! Abiès se tenait face à elle, sur la défensive.
Hors d’elle, elle lui lança à la tête le premier objet qu’elle trouva.
- As-tu au moins envisagé les conséquences ? Sa voix était stridente.
- Et les répercussions sur ma vie, tu y a pensé toi ? Ou es-tu à ce point égoïste pour ne pas te rendre compte que ça me ronge à petit feu ! Ses mains se mirent à trembler, le sentiment d’injustice refit surface, déborda. Il était à présent aussi en colère qu’elle. Devant son air surpris, il tenta de maîtriser sa voix.
Mets-toi à ma place. Imagine, toi qui a ce don, ce que tu ferais s’il t’était interdit d’en faire usage à cause d’une absurde tradition. Que tout le monde te méprise, ta propre famille, ta propre mère, pour une chose dont tu n’es pas responsable. C’est en train de me détruire, je suis à bout Sauline… Sa voix dérailla sur les derniers mots.
Sa sœur encore tremblante, s’assit à taton sur le rebord du lit le fixant droit dans les yeux.
- Ce n’est pas qu’une tradition, souffla-elle la gorge serrée.
Elle était sur le point d’ajouter quelque chose lorsque la tête de Dioran passa par l’encadrement. Par un regard explicite, il invita Sauline à les laisser seuls. Elle hésita, puis devant l’insistance de son père, elle sortit en lançant un regard plein de regrets à son frère. Lorsque ses pas se furent éloignés, son père s’assit en face de lui et lui dit simplement :
- Raconte-moi.
Alors Abiès lui détailla toute la scène, le comportement des conseillères vis à vis de lui, l’échec de la démonstration et enfin son départ précipité. A la fin de son récit Dioran prit la parole :
- Leur réaction ne me surprend pas vraiment, mais j’attendais mieux de la part de Mûrine. Ma parole, elle a la tête aussi dur que ses arbres qu’elle chéries : elle ne changera donc jamais d’avis. Dioran avait dit cela d’un air un dépité. Peu importe, laissons cette vieille superstitieuse dans son coin et préparons ta seconde requête. Tu m’as parlé de la proposition d’Humulia, mais avant que tu te décides voici mes idées. Il te reste deux solutions : accepter ta rédition en acceptant ce que le conseil te proposera, avec de la chance elles accepteront que tu travailles à la brasserie et elles t’auront à l’oeil. Ou bien, tu prends en main ton destin et tu deviens guérisseur.
Abiès, s’affala sur le sol et se passa les mains sur le visage dans l’espoir de s’éclaircir les idées.
- Mais comment ? C’est impossible désormais, elles ont refusé ! Tu entends ce que je dis, re-fu-sé ! Sans même chercher à comprendre...
- Qui a dit qu’il n’y avait que le conseil pour t’enseigner ? Dioran esquissa un sourire, les yeux malicieux. Après une petite pause il reprit : et si je te disais que quelqu’un est prêt à te former, mais qu’il te faudrait mentir et quitter notre clan. Serais-tu prêts à courir le risque ?
- Comment ça quelqu’un pour me former ? Abiès avait relevé la tête les sourcils plissés d’incompréhension.
- Réponds-moi, qu’est-ce-que tu ferais ? Questionna Dioran
Après quelques secondes de réflexion Abiès dit d’un ton décidé :
- Oui j’irais, dès demain s’il le faut.
- Alors tout est arrangé. Dioran saisit la main de son fils et le tira pour le remettre sur ces jambes.
- Mais pourquoi ne m’en avoir rien dit ? Qui est cette personne ? Tu es en contact avec elle ?
- Et bien j’espérais sincèrement que Mûrine deviendrait raisonnable avec le temps, or il semblerait que ce soit l’effet inverse. Et puis, parce que cela concerne directement ta mère... Les yeux de Dioran se tintèrent de tristesse.
Abiès se crispa et attendit la gorge nouée que son père continue.
- J’ai reçu, presque un an après son départ, le livre que je t’ai offert et un mot. Elle y explique qu’elle a rencontré une femme au Lac d’Araal, qui se fait appeler La Hilda, et que cette dernière s’est engagé à te former si tu décidais de suivre cette voie.
- Rien d’autres ?
Dioran hocha la tête négativement et baissa les yeux sur ses mains. Abiès, déçu prit une grande inspiration, il penserait à tout cela plus tard. Les dernières traces de tristresse quittèrent le visage de Dioran, laissant la place à sa sérénité habituelle, il reprit :
- Allez Abiès reprends-toi, penses à la suite. Il nous faut être rapide et discrets dans nos préparatifs. Nous n’avons que quelques semaines, tout au plus. Je vais chercher une carte, nous reparlerons de tout ça ce soir après la fête.
Sur le point de sortir, Dioran se retourna et ajouta :
- Pas de gestes inconsidérés ce soir. Tu fais profil bas, personne ne doit avoir le moindre soupçon jusqu’à ton départ.
Après le départ de son père, Abiès s’écroula sur le lit ; il était épuisé, physiquement et moralement. La réunion catastrophique avec le conseil, la dispute avec sa sœur, puis la folle proposition de son père l’avait mit à fleur de peau. Il oscillait entre l’envie de hurler de joie et de pleurer de frustration.
Il repensait aux paroles de son père. Il s’empara du livre qu’il lui avait offert : Karnak l’infame. S’attendant à lire un roman il fût surprit par le style et la profusion de date. A bien y regarder il comprit que c’était en réalité un récit historique, relatant la vie d’un homme de son clan ayant vécu avant la chute du Cinquième clan. Un mal de tête commençait à s’installer derrière ses yeux. Il renonça à lire et se pelletona dans son lit pour appaiser le bourdonnement de son crâne.
Abiès se réveilla en sursaut, avec la désagréable sensation d’avoir à la fois trop dormi pour une sieste, mais pas assez pour être réparateur. L’appel de son père au bas de l’escalier l’avait éveillé. Il avait revu dans son rêve le visage de sa mère, comme à chaque fois qu’il pensait à elle ; ses souvenirs venaient peupler ses songes. Cela faisait des années qu’il s’efforçait de l’oublier, depuis qu’il avait décidé de travailler son don. D’oublier ce manque, l’absence de sa lueur réconfortante. L’habituel impression d’oppression se logea dans sa cage thoracique, accélérant son souffle. Il se demanda quand cette peine s’effacerait enfin. Le regard sur l’horizon il prit conscience que le soleil se couchait ; la pénombre gagnait les angles de la pièce.
Il devait se préparer pour la mascarade de ce soir, une réunion officielle avec les conseillères et les familles au cours de laquelle les décisions du conseil étaient annoncées. Publiquement. Supporter cette soirée alors qu’il connaissait déjà le verdict était intolérable. Il soupçonnait qu’elles prendraient plaisir à l’humilier. Cette idée chassa ses sombres souvenirs.
Abiès enfila sa tenue pour les grandes occasions : un pantalon bleu nuit ainsi qu’une tunique à manches courtes arrivant à mi-cuisse. Il superposa une naria, sorte de châle recouvrant l’épaule droite jusqu’au coude. Le tissu bleu lui aussi, était orné de motifs dorés. L’ensemble était maintenu par une broche sous la gorge sertie d’une pierre précieuse.
Abiès noua ses cheveux dans le dos à l’aide d’un simple cordon tressé. Il jeta un coup d’oeil à son reflet : il se sentait toujours mal à l’aise ainsi vêtu. Une fois les deux bracelets en argents glissés à son avant-bras, il descendit rejoindre son père.
Dioran, habillé pour l’occasion lui aussi, l’attendait pour partir. Il lança simplement :
- Finissons-en.
Sauline était déjà partie sur place pour aider à l’organisation. Ils partirent donc tous deux en direction de la grande salle. Benny les rejoignit en route, âgé de quelques mois de plus qu’Abiès, il avait déjà connu la cérémonie l’année précédente. Ce dernier sembla comprendre, devant la mine préoccupée d’Abiès, que ni les questions ni les blagues douteuses n’étaient les bienvenues pour l’instant. Dioran et lui animèrent la discussion durant l’ascension, pendant qu’Abiès essayait de ne penser à rien qui n’augmente son stress. Exercice tout à fait impossible.
La montée dura presque une demi-heure, car la grande salle était logée juste à la lisière du sommet du Dôme. Une vingtaine de personnes étaient déjà présentes. Son père se méla aux gens, enchaînant les salutations et les sourires comme un jongleur.
Le plus surprenant n’était pas le monde accumulé, mais les changements opérés dans la pièce depuis le matin. Hormis la table en baobab du conseil, rien n’était semblable. Tables et chaises étaient disposées en cercle autour de la table du conseil ; des bouquets séchés étaient suspendus au poutre ; un long buffet installé contre le mur croulait sous les plats divers. Toutes les familles avaient apportés leur spécialité. Au moins il pourrait rattraper le repas du matin, songea Abiès. Lui-même avait apporté des beignets de champignons épicés que son père avait cuisiné.
Les cloches sonnèrent le début de la réunion : toutes les familles prirent place dans un grand vacarme de raclements de chaises, commentaires et rires. Une seconde valsée de cloche fit taire l’assemblée. Abiès installé entre Benny et son père, retint son souffle tout en frottant ses mains moites sur son pantalon pour les sécher. Rien n’y fit. Pour cacher son malaise grandissant il cala finalement ses mains sous ses bras.
Mûrine, comme pour l’agacer un peu plus, prit son temps avant d’ouvrir la séance. Une fois qu’elle eut capté toute l’attention de son public elle commença d’une voix chaleureuse.
- Bonsoir à vous ! Merci d’être venu si nombreux pour ce passage si crucial dans la vie de vos enfants. Mais avant… Mûrine leva la main vers son auditoire, comme pour intimer de patienter...avant d’annoncer les décisions du conseil concernant nos futurs membres, je voulais vous partager une nouvelle importante pour l’avenir du clan. Une situation exceptionnelle nécessite des mesures adéquates, et je vais avoir besoin de vous. J’ai besoin de votre accord à toutes et tous présents ce soir pour déroger à une tradition, aussi vieille que le clan lui-même.
Abiès sentit son sang se glacer dans ses veines. Qu’est-ce-que Mûrine mijotait ? Le silence ce fit complet, Abiès n’entendait que les pulsations de son coeur battre dans ses tempes. Mûrine, imperturbable continua :
- Comme vous le savez, les conseillères ont pour devoir de choisir la personne qui leur succédera un jour au rôle de conseillère. De former, d’accompagner puis de léguer leur place.
Abiès cessa de respirer, les mains crispées sur sa tunique. Le regard braqué sur sa grand-mère.
- Il est d’usage que la communauté se prononce sur le choix des futurs conseillers parmi les apprentis. Et que celui-ci réponde à plusieurs conditions. La personne auquel je pense est tenace dans les épreuves, passionnée, sait faire preuve d’un don de soi démesuré, et possède des capacités exceptionnelles. Pour tout vous avouer je n’avais jamais vu cela chez quelqu’un d’aussi jeune. Oui, car son cycle de formation est loin d’être terminé et se révèle être de mon propre sang. Aussi je vous demande pour la première fois depuis que les humains se sont relevés de la Chute, de m’autoriser à outrepasser l’interdiction de former un membre de sa famille et un novice. Je suis certaine que cette entorse à la règle sera bénéfique pour tous. Mûrine avait dit cela de façon passionnée, convaincue par ses propos, elle posa ensuite deux doigt sur son front et jura : je m’en porte garant. Ce serment solennel fit trembler l’air et provoqua la chair de poule dans la nuque d’Abiès. Elle demanda enfin : puis-je compter sur votre soutien ?
Abiès sentit le bras de son père entourer ses épaules ; il n’était pas seul à espérer. Après quelques messes basses dans l’assemblée, les poings commencèrent à se lever dans un signe d’approbation. Abiès se précipita pour lever le siens avec vigueur. Il n’en croyait pas ses yeux, toutes les mains étaient dressées. Fresia comptabilisa les votes à voix haute : l’unanimité.
Impensable. Abiès n’arrivait pas à formuler une pensée cohérente. Mûrine venait d’abolir une tradition d’un simple revers de main. Son élocution entraînant tous les préjugés sur son passage. Elle s’était porté garant de lui. Un sentiment de reconnaissance l’envahit, tout s’arrangeait, il avait convaincu sa grand-mère, mieux tous les membres du conseils. Abiès était incrédule. Le regard de Mûrine se fixa sur celui d’Abiès, dans lequel il y lut de la satisfaction brute. Puis tout en le maintenant sous le feu de son regard elle reprit :
- Je vous remercie. Sans plus attendre je vous présente ma nouvelle apprentie : Sauline, ma petite-fille talentueuse. Encore merci de votre confiance. Mûrine libéra Abiès de son emprise et fixa son attention sur sa sœur.
Et le monde s’effondra. Non seulement elle lui avait fait miroiter que sa requête puisse être acceptée, et de surcroît elle accordait à sa sœur un privilège que son âge et sa parenté lui interdisait. Car en principe ce sont d’autres membres du conseil qui prennent les apprenties de la famille d’une consœur. Ainsi des générations de la famille Delpine (la famille d’Abiès) se succédaient au poste de conseillère, tout en laissant officiellement le choix à la communauté de sélectionner leur futures dirigeantes.
Le reste de la cérémonie se passa dans un brouillard total dans l’esprit d’Abiès. Il était hébété. Même lorsque son nom fut cité, et le refus du conseil notifié. Il n’entendait rien. Comme si sa tête était plongée sous l’eau ; les sons feutrés et les couleurs brouillées.
Abiès ne conserva qu’un vague souvenir des heures suivantes. Alternant les phases passives et les moments de déception. Perché dans le grand frêne, il tentait de mettre des mots sur ce qu’il éprouvait. La déception d’abord ; il finit pas comprendre que malgré la proposition de son père il avait secrètement espéré que le conseil changerait d’avis. Jusqu’à ce que Mûrine mette définitivement un terme à cet espoir. La trahison ensuite. Sa grand-mère venait de perdre son estime à jamais.
Les heures passèrent. La vérité s’insinua en lui : le clan ne le laisserait jamais vivre comme il l’entendait, aucune conciliation n’était possible. Les exceptions étaient possibles, comme pour sa sœur, mais pas pour lui : il n’y aurait jamais rien pour lui ici. La déception s’effaça lentement et fit place à une détermination féroce. L’impatience le gagna : il quitterai son clan, et le plus vite serait le mieux.
LeConteur.fr | Qui sommes-nous ? | Nous contacter | Statistiques |
Découvrir Romans & nouvelles Fanfictions & oneshot Poèmes |
Foire aux questions Présentation & Mentions légales Conditions Générales d'Utilisation Partenaires |
Nous contacter Espace professionnels Un bug à signaler ? |
2892 histoires publiées 1296 membres inscrits Notre membre le plus récent est Stéphanie DB |