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tome 1, Chapitre 1 « Le grand frêne » tome 1, Chapitre 1

Trois mois plus tôt.

Allongé par terre Abiès lisait Chroniques des temps modernes, lorsque sa sœur entra. Il leva les yeux vers elle, ferma le livre et le fit glisser aussi discrètement que possible sous le meuble le plus proche. Sa sœur, Sauline, remarqua son geste et pinça les lèvres.

- J’espère que ce n’est pas le livre de Guérison que je cherche depuis des semaines, dit-elle en fonçant les sourcils.

Il leva les yeux au ciel, et tira à lui son carnet de note et répondit :

- Et cela fait des semaines que tu débarques ici avec tes mimiques de prêtresse revêche pour me poser la même question. Je te le redis : je n’ai pas ton livre. Maintenant sors d’ici, merci.

C’était une demi vérité, car si le livre qu'il lisait n’était pas celui qu’elle cherchait, c’était aussi l’un des siens.

Elle sentit le mensonge mais passa outre et reprit :

- Je voulais aussi te rappeler que nous sommes à dix jours du grand conseil. Il serait temps que tu fasses ta demande. Sauf si tu tiens à finir comme communis et à détruire le peu de dignité qu’il nous reste.

- Oh, loin de moi cette idée, madame la Guérisseuse. Je ne voudrai surtout pas entacher ta réputation, répondit-il d’une voie acide.

Grimaçante, Sauline quitta la pièce. Se relachant, il m’allongea sur le dos, les bras en croix et repris ses réflexions de la veille.

Plus que deux jours avant son vingtième anniversaire et dix avant la cérémonie. Il lui restait dix jours pour trouver les mots justes et annoncer au conseil le poste qu'il voulait obtenir au sein du clan des guérisseuses. Je suis né avec un don, mais pas dans le bon corps pour l’utiliser, songea-il.

Depuis sa naissance il possédait le don de guérison, qui depuis les premières mutations était un don exclusivement féminin. Il était le premier depuis la chute. En tout cas c’est ce que racontait ces fameuses chroniques. Il avait toujours du mal à concevoir que tout ce que contenait ce livre puisse être vrai.

Imaginer la fin du monde moderne, comme il était alors nommé, pourquoi pas. C’était plus facile à envisager puisque les répercussions étaient encore visibles dans le paysage, les anciennes cités détruites, les vastes déserts de déchets, tout cela existaient bel et bien. Non, ce qu’y était tout bonnement impossible à comprendre c’était les raisons de cette effondrement. Comment l’être humain avait-il pu épuiser ses ressources jusqu’au non-retour ? La cupidité ?

Toute cette folie ne pourrait plus arriver aujourd’hui, pensa-t-il.

L’épuisement des ressources et le dérèglement climatique poussèrent les humains à se regrouper dans les zones encore fertiles. La surpopulation sur un territoire réduit enclencha une guerre généralisée pour la répartition des dernières ressources : on l’appela plus tard la Guerre de l’Eau. Les tempêtes de sable, les incendies de plusieurs semaines, les pluies acides. Les catastrophes naturelles rythmaient le quotidien des terriens. Il tenta de se représenter la terre recouverte de terres arides comme lors de sa première excursion dans l’ancien monde.

Un jour, pour une raison oublié depuis longtemps, une centrale nucléaire explosa, puis une autre et une autre… La Terre fût irradiée : l’effet dévastateur. Une poignée d’humain survécu. Ils se regroupèrent dans ce monde hostile qu’ils avaient façonnés, et posèrent de nouvelles valeurs : sobriété, ingéniosité, respect.

Cependant si la nature offrit une seconde chance à la race humaine, les conditions elles se durcirent. Mère nature avait rebattu les cartes, il n’y aurait pas de joker cette fois. Le taux de mortalité à la naissance atteignit les soixante-dix pour cent et la fertilité réduite à quelques années. Les générations suivantes développèrent de fascinantes capacités : l’espèce avait évolué.

Tout cela aussi appartenait aussi au passé. Aujourd’hui, la terre était à nouveau foisonnante de vie et la population humaine, moins nombreuse, s’était stabilisée.

Les mutations développées suite aux radiations, reposaient sur une hyper-sensibilité des êtres vivants aux vibrations : que les anciens nommèrent la Tromac. Les humains entre autre, ressentaient donc la Tromac de l’eau, du soleil, de la terre et des consciences (humaines ou non).

Certaines personnes développèrent des sensibilités spécifiques à l’origine des clans. Cinq étaient identifiés, même si l’un d’entre eux eut disparu il y a de cela dix vie d’homme.

Chaque être humain possédait une ou plusieurs sensibilité. Mais certains ont de grande capacité : un don. Comme moi, songea Abiès.

Cependant, pour la communauté un homme guérisseur était inconcevable : une anomalie. Le départ inexpliqué de sa mère à l’age de ses cinq ans, avait envenimée la situation. Le rejet de sa mère, la personne qu'il aimait le plus au monde, était encore douloureux malgré les années.

Depuis quelques années avec le soutien de son père, il avait appris à accepter sa particularité. A la cultiver. Et il aimait cela. Si bien qu'il s'apprêtait à bousculer les codes.

Il allait demander au cercle de femme les plus puissantes du clan de lui accorder ce que nul homme n’avait jamais sollicité : être formé pour devenir guérisseur. Abiès réfléchissait encore à la manière présenter la requête au conseil, il retournait les mêmes les arguments depuis des semaines, mais tous cela paraissait bien faible au regard des traditions.

Le clan des guérisseuses été régit par un conseil composé presque uniquement de femme, un seul homme sur les onze membres. A force de revendication les hommes avaient obtenu un siège purement symbolique. Les décisions étaient prises entre femmes, ainsi qu’il en a toujours été. C’était elles qui fallait convaincre.

S’arrachant à ses ruminations, il sorti dans le jardin par la baie vitrée.

Il descendit la volée de marche et les trois jardins terrasse, jusqu’au grand frêne. L’arbre était tellement vieux que ses ancêtres avaient intégré le frêne dans la palissade. Cette dernière servait de garde-fou, car derrière se trouvait la falaise. Il agrippa une branche et se hissa. Il grimpa ainsi jusqu’à mi-hauteur, là ou deux branches énormes se séparaient dont une qui passait au dessus de la palissade. Plus loin l’intersection de deux branches, fusionnées avec le temps, offrait un siège idéal. Abiès appréciait cet endroit, suspendu ainsi au dessus du vide et techniquement à l’extérieur du clan. Ce perchoir offrait une vue dégagée sur la vallée.

Le clan avait construit le village perché sur des affleurements rocheux. Ces affleurements ressemblaient à trois dômes, hauts et étroits. Des failles naturelles avaient facilité la construction de maison troglodytes, puis par la suite en contre-bas sur des zones moins pentues. Les pentes douces du dômes été cultivées tandis que les plus abruptes été laissées aux plantes sauvages et aux animaux.

Entre les deux plus grands dômes, au creux d’un vallon, se trouvait un bois d’arbre lucides. C’était la bas que les guérisseuses transmettaient leur savoirs. Sauline s’y rendait pendant quinze jours à chaque nouvelle lune. Elle revenait au village, s’entraînait, participait aux tâches communes jusqu’au déclin de la lune, puis repartait au Bois Lucide. Abiès profitait de ces moments pour glaner de nouveaux rites et emprunter discrètement livres et tablettes de sa sœur.

Il suivi des yeux la courbes des collines et les câbles de transports qui les liaient les unes aux autres. Il avait fallu dix ans aux groupes d’excursions pour trouver les kilomètres de câbles nécessaires à la réalisation des tire-vites. Ils servaient principalement à déplacer des denrées ou du matériel et exceptionnellement à transporter rapidement des personnes gravement malades. Sinon il fallait marcher. Autant dire que les visites d’un dôme à l’autre était rares. Les gens se retrouvaient plutôt au creux des trois dômes, une zone de vie importante pour troquer et échanger les nouvelles. Une curieuse formation rocheuse en forme de cercle avaient ensuite été aménagé pour servir de zone de concert et festivités.

Sa famille habitait sur le dôme le plus anciennement aménagé. Parmi les plus vieilles maisons. Abiès était issu d’une vieille famille de guérisseuses, pure souche, à l’exception de son père. Venu du clan des intuitifs vingt-cinq ans plus tôt pour le commerce, il avait rencontré sa mère Aubépine et n’était jamais reparti. Sa grand-mère faisait parti du conseil. Leur relation était houleuse : elle adorait Sauline alors qu’à l’opposé elle ne l’avait jamais considéré comme son petit-fils.

Il soupira à cette pensée.

Il sorti de sa veste son carnet de note et relut ses nouvelles découvertes. Il s’agissait d’un rite pour réparer des ligaments déchirés. Il devrait se passer de mise en pratique pour celui-ci, car se déchirer volontairement les ligaments ne l’enchantait pas du tout. Il avait expérimenté les coupures et même les fractures, qui d’ailleurs ne s’était pas bien terminées.

Afin de convaincre le conseil, il prévoyait une démonstration. Il avait découvert par pur hasard un moyen de faire pousser des plantes à une vitesse vertigineuse puis comment les entrelacer, les faire fusionner pour former des haies totalement opaques. Il arrivait même que certaines deviennent solides comme un mur de pierre. Il supposait que c’était le travail de l’écorce mais n’avait jamais pu reproduire le phénomène. Il s'amusait ainsi à construire des cabanes ou encore des escaliers entre des arbres. Il avait découvert il y a longtemps un petit vallon froid et humides rarement emprunté. C’était la bas, Au Noyau comme il aimait l’appeler qu'il s’entraînait. Si les constructions étaient rapides et faciles à faire, leur durée de vie était très limitée ; d’à peine quelques heures. Ensuite les plantes se résorbaient jusqu’à la taille d’un arbrisseau. Il réservait sa plus belle trouvaille pour le conseil. Il la maîtrisait sur les bouts des doigts. Il était prêt.

Il entendit les pas feutrés de son père, Dioran, sur le chemin, celui-ci arriva bientôt au pied de l’arbre. Moins agile que son fils, il se hissa tout de même dans l’arbre et s’installa à proximité de lui. Après quelques minutes de silence paisible son père lança :

- Ta sœur est furieuse, elle est venue me trouver après votre discussion. dit-il en mimant des guillemets avec ses doigts et un sourire amusé.

Devant son silence , il reprit :

- Abiès, tu sais que je te soutiens dans ta demande au conseil et je pense que ta grand-mère le fera aussi, malgré son apparente indifférence. Ne prends pas trop à cœur les réticences de Sauline, tu la connais. Ce serait inimaginable pour elle que tu sois formé au même titre qu’elle, mais elle s’y accoutumera et les autres aussi. Les temps changent, si tu as ce don c’est pour une bonne raison.

Abiès était ému par son soutien, et n’osais rien dire. Mon père enchaina :

- As-tu décidé ce que tu vas leur présenter ?

- Quelque chose de transcendant, tu verras ! Répondit-il, exalté. Puis son sourire se fana et il repris moins sur de lui : que passera-t-il si ma requête est refusée ?

- Tu peux faire une nouvelle requête. Si celle-ci est de nouveau refusée, tu choisiras entre les communis ou un poste vacant. C’est souvent un poste au tire-vite. Ils manquent toujours de main d’œuvre là-haut.

- Les communis, impossible tu le sais bien. Il songea aux Communis, ces gens se dévouaient totalement au service des plantes lucides. Ils ne quittaient que très rarement le Bois Lucide, et s’occupaient des rites leur proférant guérison et longue vie. Il se souvint d’un communis qui était resté assis au pied de l’un d’entre eux pendant des mois sans bouger. Abiès n’imaginait pas sa vie ainsi. Non ! Ce qu'il souhaitait vraiment c’était devenir guérisseur et partir tous les ans en mission dans les autres clans pour prodiguer des soins.

- Je le sais. Et j’ai quelques idées concernant une seconde option, marmonna Dioran.

- Lesquelles ?

- Attendons la décision du conseil, nous verrons ensuite. Dioran lui ébouriffa les cheveux et redescendit de l’arbre. Puis il s’éloigna vers la maison en sifflotant.

Son père était toujours ainsi : joyeux, paisible et plein de ressources.


Texte publié par Margauttinaa, 21 juillet 2023 à 16h49
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