Ce texte a été écrit pour une quête de la Carte au Trésor du Camp d'écriture "La Baie de Tortuga" : écrire sur le thème "l'épée rouillée et la Rose-Tempête". Cela deviendra un chapitre de mon roman La boule à neige.
— Isidore, cria Améthyste une nouvelle fois.
Autour d’elle, les arbres aux troncs serrés frissonnèrent. Le vent soufflait doucement et faisait chanter leur feuillage. Elle entendait les craquements de l’écorce, des grattements de petites pattes pressées et le chant mélodieux des oiseaux. Mais pas d’Isidore. A ses pieds, le ravin rempli de buissons ne voulait pas dévoiler ses secrets. Xylia, perchée sur son épaule, dardait des yeux inquiets autour d’elle. Le familier de son ami, Qeepip, voletait au-dessus de la crevasse en poussant des petits cris angoissés. Le hibou abricot avait réussi à la ramener jusqu’ici, mais il n’arrivait pas à le retrouver, malgré leur lien.
L’inquiétude lui serrait le cœur et commençait à l’empêcher de respirer. Où était-il ? Elle savait que la combe s’étendait sur plusieurs kilomètres en direction du sud et qu’elle était très difficilement praticable. Une ruisseau peu profond coulait au fond. Elle espérait qu’il ne s’était pas approché d’une plante trop dangereuse.
Elle serra son poing sur le pommeau de l’épée rouillée qu’elle venait de ramasser sur le sol. Pourquoi l’avait-il laissée ici ? Il l’avait trouvée lors de leur visite du chantier archéologique dans les ravines au sud de Sombremur, une semaine auparavant. Il avait été tellement heureux lorsqu’il avait repéré cette petite épée ensevelie dans le sol calcaire. Sieur Rigorsis l’avait observée sans réel intérêt et l’avait autorisé à la conserver pour la nettoyer.
Et ce matin, il avait surgi chez elle, l’épée rouillée tenue fièrement en main, et lui avait montré le message qu’il avait décrypté.
« Au creux de la ravine au sud-est de la forêt de Wermington, j’ai caché la Rose-Tempête. Celui qui la sortira de son sommeil, maitrisera le pouvoir du vent et des éclairs. »
— J’ai fait des recherches dans la bibliothèque : c’était l’ancien nom de la forêt Vermeille. Allons chercher ce trésor, avait-il dit.
Il était très enthousiaste ; elle n’avait vu ses yeux noirs briller avec autant de joie que lorsqu’il s’occupait de son zeppelin. Après avoir lu rapidement le texte, Améthyste avait fait la moue et soupiré.
— J’ai beaucoup de travail aujourd’hui, Isidore.
— Mais … tu m’as dit qu’on passerait la journée ensemble.
— Je sais, mais Esmée et Syl arrivent dans une semaine et, si je veux passer du temps avec eux, je dois terminer mes tâches urgentes.
Isidore avait eu l’air si déçu, mais elle ne pensait qu’à la préparation des onguents que Dame Pluche lui avait demandé.
— J’essaierai de me libérer demain.
Pourquoi était-il venu seul ? Pourquoi ne l’avait-elle pas accompagné ? Son travail n’était pas si urgent. Et elle savait que son ami avait des difficultés à s’adapter à sa nouvelle vie.
— Isidore ! répéta-t-elle, d’un ton urgent.
Soudain, une voix faible monta des profondeurs.
— Améthyste ?
Qeepip couina et plongea entre les branches remplies d’épines des buissons, quelques mètres plus au nord de là où elle avait trouvé l’arme. Elle remonta le chemin et s’agenouilla au bord.
— Tu vas bien ?
— Oui. Enfin… je crois que je me suis blessé, mais ça peut aller.
Un immense soulagement envahit Améthyste qui sourit. Un couinement approbateur monta vers elle et elle sut que le hibou abricot avait rejoint son compagnon.
— Je ne peux pas remonter tout seul, reprit-il. Je vais avoir besoin d’aide.
— Tu ne peux pas marcher ?
— Non. Je suis … coincé.
— Coincé ?
Améthyste sentit l’inquiétude envahir à nouveau son esprit. Sa voix lui paraissait de plus en plus faible. Les cris paniqués de Qeepip ne l’aidait pas à se calmer.
— J’ai trouvé … quelque chose, mais je …
Il se tut si soudainement qu’Améthyste paniqua.
— Isidore ! hurla-t-elle. Isidore !
Plus de réponse. Elle prit une profonde inspiration et se calma. Paniquer n’aiderait pas Isidore. Elle sortit un parchemin et un crayon de sa sacoche, puis griffonna un message.
— Qeepip ! fit-elle.
Au bout de quelques secondes, le vaillant hibou jaillit de la ravine et se posa à côté d’elle. Son plumage l’avait protégé des épines.
— Apporte ce message au camp des Sylvaniens et ramène-les ici.
Il la regarda de ses grands yeux noirs puis il agrippa le parchemin roulé dans son bec et s’envola.
— Xylia, rejoins Isidore le plus vite possible, je serai juste derrière toi. Et fais attention.
— Évidemment, murmura-t-elle dans son esprit, avant de bondir de son épaule et de filer entre les buissons.
Améthyste la regarda fièrement, jusqu’à ce qu’elle disparaisse à sa vue. Sa petite chat-fée avait peut-être des ailes atrophiées, mais elle était la plus agile sur le sol. La jeune Mélusinienne enfila ses gants de cuir, s’assura que son chapeau la protégerai et drapa son foulard autour du bas de son visage. Puis elle se laissa glisser le long de la paroi de la ravine, en s’agrippant aux rochers et en évitant de son mieux les plus larges épines des buissons.
Elle eut l’impression que cela lui prit une éternité, mais elle finit par atteindre le fond sableux de la crevasse. Un ruisseau coulait en son centre : c’était plutôt un ru qui déversait son fin filet d’eau tout le long du ravin. Ses muscles hurlaient de douleur et elle était essoufflée : elle prit le temps de reprendre son souffle. Puis elle se concentra et sentit la présence de son familier, une cinquantaines de mètres plus haut.
Heureusement, les buissons étaient moins touffus au fond ; le sol grimpait en pente douce et des affleurement rocheux limitaient son champ de vision. Elle avança plus aisément et enleva ses protections, pour mieux respirer. Lorsqu’elle aperçut son chat-fée, et Isidore, son cœur s’accéléra. Elle se mit à courir et se laissa tomber juste à côté de son ami, en lâchant l’épée.
— Isidore, souffla-t-elle.
Il ouvrit légèrement les yeux et lui sourit.
— Salut, Améthyste, chuchota-t-il.
Il était pâle et une fine pellicule de sueur couvrait son front. Ses cheveux noirs étaient emmêlés. Il avait des difficultés à tenir ses yeux ouverts. A travers sa chemise déchirée, au niveau de son bras droit, du sang coulait doucement d’une plaie assez large. Il était affalé le long de la paroi, près d’un petit trou creusé dans la terre meuble.
En l’examinant plus attentivement, elle écarquilla les yeux : une tige verte et palpitante entourait son poignet droit. Elle était ornée de feuilles d’un bleu brillant. Améthyste la suivit du regard et écarquilla les yeux: elle appartenait à un Stellaire sanguinaire, dont les corolles de pétales violacés étaient penchées vers eux, comme autant d’yeux affamés. Elle avait dû le prendre par surprise et il n’avait pas réussi à s’en débarrasser.
— Bon sang ! jura-t-elle.
Elle fouilla dans sa sacoche.
— Tiens bon Isidore, je vais m’en occuper.
Puis elle sortit plusieurs ustensiles qu’elle déposa sur le sol : un rouleau de fil, un couteau et sa trousse de soin. Elle commença par enrouler autur de la tige plusieurs niveaux de fil en serrant de toutes ses forces, puis elle la trancha net et l’éloigna immédiatement de sa victime. La fleur mortelle ne frémit même pas.
— Je suis désolée, isidore. Mais ça va être douloureux.
Le jeune homme, qui avait observé la scène en silence, hocha la tête. Serrant les lèvres, Améthyste attrapa la tige toujours accrochée à son poignet : elle était en train de s’imbiber de son sang, elle devait se dépêcher. Elle tira de toutes ses forces pour arracher les petites bouches au dents crochues qui s’était accrochées à sa chair. Isidore gémit, puis hurla, alors qu’elle les enlevait une à une. Lorsqu’il fut libéré, il tremblait de tous ses membres. Elle banda son poignet sanglant avec efficacité.
Des larmes brillaient sur les joues d’Isidore, mais il semblait plus alerte et se redressa en grimaçant.
— Merci, souffla-t-il.
Aussitôt Xylia s’installa sur ses genoux et frotta sa tête contre lui en ronronnant. Il sourit et la caressa doucement. Améthyste lui tendit sa gourde et l’aida à boire.
— De rien. J’aurais dû t’accompagner.
— Je n’aurais pas dû venir seul.
— C’est vrai ! rétorqua-t-elle, en feignant un air sévère.
— Je voulais te faire une surprise, poursuivit-il, en rougissant légèrement.
La jeune fille haussa un sourcil.
— As-tu trouvé ton trésor ?
Isidore sourit et tendit sa main gauche, dans laquelle était cachée un minuscule coffre de bois, tâché de terre. Améthyste le prit et souleva le couvercle avec douceur : en son centre dormaient plusieurs petites graines de toutes les nuances de violet.
— J’espère que ce son des Roses-Tempêtes, que je n’ai pas failli mourir pour rien.
Améthyste fronça les sourcils et lui donna une petite tape sur l’épaule.
— Ce n’est pas drôle.
Isidore reprit une mine sérieuse et observa la fleur démoniaque du coin de l’œil.
— C’est vrai, fit-il d’une voix tremblante. Elle ne va pas nous attaquer à nouveau.
— Pas de front, non. Mais nous devrions nous éloigner. Tu peux marcher ?
— Oui.
La jeune fille rangea ses affaire, ainsi que l’épée et le trésor dans sa sacoche puis se releva. Xylia avait déjà pris les devants et attendait quelques mètres plus loin. La Mélusinienne tendit sa main aux longs doigts fins à son ami ; il l’attrapa et se remit debout en grimaçant. Elle préféra glisser son bras par-dessus son épaule quand il commença à vaciller. Il crispa les paupières le temps que le monde cesse de tourner.
— Ce n’était vraiment pas une bonne idée, maugréa-t-il.
Améthyste sourit. Puis elle fit un premier pas. Isidore suivit sans trop de problème et ils commencèrent à suivre le ruisseau vers le sud et l’orée de la forêt.
— Qeepip a été très rapide.
— Heureusement que je l’ai, fit-il. Où a-t-il filé d’ailleurs ? Quand je l’ai vu partir, j’ai cru que …
— Je l’ai envoyé prévenir les Sylvaniens. Le lien entre un mage et un familier est indéfectible, tu sais.
— Je ne suis pas un mage, murmura-t-il.
— C’est vrai. Mais Qeepip t’a choisi. Et ça c’est indéniable. Préviens-le que tu vas bien.
— Oh ! Oui, fit Isidore.
Il n’avait pas encore bien l’habitude d’avoir un familier. Malgré sa migraine et la brume dans laquelle son esprit était plongé, il se rappela les leçons de son amie. Il sentit très vite la présence du hibou, à quelques centaines de mètres de leur position, et lui envoya une simple caresse mentale. Le soulagement de son ami fut tellement intense qu’il le laissa tremblant. Il sourit et ramena son attention au moment présent.
La silhouette parme et noire de Xylia trottinait avec assurance. Il sentait la chaleur et la confiance d’Améthyste contre lui. La terreur et la solitude qu’il avait ressenties depuis qu’il avait été attaqué par cette plante disparaissait enfin. Il se jura qu’il ne retournerait pas seul dans la forêt avant d’avoir acquis les connaissances et les compétences pour pouvoir l’explorer en toute sécurité.
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