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tome 1, Chapitre 3 « Partie 1 - Chapitre 3 : La chute » tome 1, Chapitre 3

Ce fut la douleur lancinante qui le réveilla. Combien de temps avait-il perdu connaissance ? Assez pour que les vents soufflant en permanence deviennent bien plus frais. Le jour avait également commencé à décliner. S’il ne remontait pas avant la tombée de la nuit, il perdrait l’épreuve. Mais il n’avait récolté encore aucun anneau. Soudainement, il vérifia que l'œuf sur son plastron était toujours là. Ce fut avec soulagement qu’il vit que non seulement il l’était encore, mais de plus qu’il était intact. Un soulagement qui fut de courte durée. Comme il aurait aimé qu’il en soit ainsi, ce jour là ! Malheureusement il ne pouvait pas réécrire le passé. Tout ce qu’il pouvait faire dans l’instant présent, c’était de réussir cette épreuve.

Il commença par faire l’inventaire de ses blessures. Son épaule droite le faisait souffrir, mais bien moins que son aile gauche. Quelques éraflures étaient aussi présentes, sur ses bras et jambes. Il se remit debout et observa attentivement les environs. En hauteur, aucun autre Céleste n’était visible. Soit ils étaient bien trop haut pour qu’il puisse les apercevoir, soit ils avaient tous déjà terminé l’épreuve. Faisant de lui le dernier. Aucune clameur du public ne se faisait entendre non plus. Chassant cette pensée, il se mit à la recherche d’un anneau à récolter. Un seul suffirait pour valider l’épreuve. Rien en hauteur, mais sa vue était parfois obstruée par des à pics rocheux. Le panorama était bien plus dégagé en altitude, et s’amenuisait à mesure que l’on descendait. Ce qui lui faisait se demander une nouvelle fois jusqu’où était-il tombé.

Un regard vers le bas le fit presque chavirer, tant le mistral soufflait à être ainsi au bord du vide. Son regard perçant sonda les environs à la recherche de quelque chose de brillant. Il passa un long moment à sonder les lieux, jusqu’à ce qu’il aperçoive ce qu’il cherchait. L’un des anneaux s’était accroché à une racine dépassant du flanc de la montagne en face, à quelques mètres. Sans doute perdu en route par un camarade et tombé jusqu’ici, retenu de justesse par on ne savait quel miracle.

Aucun autre n’était en vue. Ce qui obligea Flèche à jeter son dévolu sur celui-ci. Cela ne l’arrangeait guère. Il devait franchir le gouffre le séparant de l’autre montagne, grimper jusqu’à l’objet, puis revenir sur celle-ci et monter jusqu’au sommet. Le tout le plus rapidement possible, avant que la nuit ne tombe.

N’ayant guère le choix, il recula de quelques pas pour prendre son élan et courut pour sauter en face. L’air frais du canyon le déséquilibra quelque peu. Loin de s’en préoccuper, Flèche se concentra sur son atterrissage. Toutes serres dehors, il se réceptionna tant bien que mal contre la falaise, puis parvint à se stabiliser après avoir glissé encore sur quelques centimètres. Il leva les yeux et commença à escalader la roche qui s’effritait parfois sous ses griffes. Il mit la douleur de côté pour se concentrer sur son objectif. L’anneau était sa seule préoccupation. Un pas après l’autre, il gravit la montagne jusqu’à atteindre ce qu’il convoitait. Prudent, Flèche assura sa prise sur la roche avant de tendre un bras vers l’objet brillant. Cherchant à l’atteindre sans le faire chuter. Trop court. Il tendit le bras davantage, écarta son corps de la paroi pour se donner du mou. Mais sa griffe était encore trop loin du cerceau.

Flèche dégaina alors son épée, puis chercha à embrocher l’anneau sans le faire chuter dans le vide. Son équilibre était précaire, accroché ainsi à la racine au-dessus du vide. Il réitéra l’expérience. Tendit son corps, l’écarta de la paroi, puis fit doucement glisser l’objet autour de sa lame. Retenant presque son souffle de peur de faire chavirer le bijou, Flèche ramena ensuite prudemment le tout auprès de lui. Réussi ! Soulagé, il s’autorisa à respirer correctement de nouveau, avant de ranger le précieux sésame ainsi que son arme.

Observant la montagne en face, il estima la distance qui le séparait d’elle. Ayant monté de quelques mètres, il s’était également éloigné du mont sur lequel il devait se rendre. Pouvait-il sauter d’ici ? Depuis son “accident”, il avait dû trouver d’autres moyens de déplacements que le vol. Ce qui lui avait valu son prénom. Il avisa une petite plateforme et monta jusqu’à elle. Là, debout face au vide et poussé par les vents, il se concentra et sauta de nouveau.

Son aile meurtrie s’ouvrit de nouveau sous la pression de l’air glacial, lui arrachant une grimace de souffrance. Ne se détournant pas de son objectif pour autant, Flèche se cala sur un ascendant, puis s’approcha du plus près possible de la roche. Jusqu’à pouvoir s’y agripper de ses serres. Le choc se ressentit dans tout son corps. Il attendit quelques secondes de se reprendre, et vérifia une énième fois son œuf. Toujours intact. Le Céleste faisait bien attention à ses réceptions, pour le protéger du mieux possible. Quitte à s’abîmer lui-même.

Il entreprit une nouvelle fois l’ascension, cette fois-ci jusqu’au sommet. Une fois en haut, il saurait s’il avait réussi ou non l’épreuve. Un pas après l’autre. Une serre après l’autre. Une prise après l’autre, il grimpa la montagne. Il ponctuait son escalade par des sauts dès qu’il le pouvait, gagnant ainsi quelques mètres. Il ne sut combien de temps dura son élévation, mais le devina plus ou moins. Le jour déclinait de plus en plus vite. Puis il aperçut la cîme. Quelques voix lointaines. Redoublant d’ardeur malgré la souffrance et la fatigue, il grimpa de plus belle. Ses serres écorchées peinaient à s’agripper à la roche, le faisant parfois riper et perdre quelques centimètres. Cela ne le freina pas. Il s’entêta de plus belle. La victoire était si proche ! Ou au moins, la libération. Les voix se firent plus claires tandis que le jour s’assombrissait. Le soleil était presque couché lorsqu’il entendit la voix de sa reine.

La fatigue l’avait-il fait rêver, ou bien était-ce vraiment elle ? D’autres voix murmuraient, sans qu’il ne puisse entendre ce qu’il se disait. Quelques mètres le séparaient de la cîme. De l’agora. Il signait sa montée de son sang, malgré lui. Sa main droite complètement écorchée s’était ouverte. Il en fit abstraction, et força son corps à lui obéir encore un peu.

- “Vous devez signaler la fin de l’épreuve.”

- “Encore quelques minutes, Javer.”

Il devait continuer jusqu’au sommet. Le moindre centimètre gravi le rapprochait de la victoire.

- “Nous avons suffisamment attendu. Il est temps.”

Une dernière prise, et enfin il toucha la cime du bout des griffes. Il put entendre la voix mélodieuse d’Airaline prononcer clairement :

- “Je déclare l’épreuve comme étant officiellement terminée. Tous les candidats… Flèche!”

La surprise se lut sur son visage, ainsi que la joie de le voir, puis la tristesse. Elle joignit les deux serres en adressant une prière silencieuse de remerciement à la grande Porte. Le Mammain afficha une expression indéchiffrable. Flèche quant à lui posa la dernière jambe sur le sol plat, puis se tourna vers le soleil. Il n’était plus là. Celui-ci s'était complètement couché, signant sa défaite.

Des Célestes accoururent l’accueillir, effarés de voir l’état dans lequel il se trouvait. Son épaule le lançait, l’aile le faisait souffrir et sa main pulsait dans tout son bras. Il prit cependant le temps de chercher l’anneau dans son vêtement, et le tendit à l'acclameur venu à sa rencontre. Celui-ci lui prit, ainsi que l'œuf qu’on venait de lui décrocher, puis déclara :

- “Flèche-qui-saute a réussi à son tour l’épreuve ! Il a ramené un anneau, ainsi que son œuf intact !” Après un temps d’arrêt, il poursuivit un peu moins fort. “Malheureusement, il est trop tard. ”

Profondément déçu de sa défaite, Flèche n’écouta pas la clameur et chuchotements du public restant. La plupart de la foule était déjà partie, ne restaient que quelques curieux. Il comprit qu’on le félicitait malgré le fait qu’il eut perdu. Mais de quoi, au juste ? Il avait échoué ! Le bruit alentour se fit plus diffus à mesure que le sang tambourinait plus fort dans sa tête. Délaissant tout cela, il prit la direction de la chambre qu’on lui avait attribuée pour l’occasion. Il dépassa la matriarche ainsi que le Mammain l’accompagnant. Honteux, la tête baissée, il parcourait les mètres le séparant de l’isolement dont il avait besoin. En passant devant les autres candidats qu’il avait soigneusement évités, l’un d’eux se détacha du groupe pour venir lui parler.

- “Flèche, attends !”

- “Oui…?”

Flèche sorti de sa torpeur pour lever les yeux vers le Céleste qui lui avait prit un anneau sous le nez. Il lui sourit. Il avait toujours été bon avec lui, et l’avait même traité en égal durant l’épreuve, malgré son handicap. Il avait été le seul - Belliqueux mis à part, à ne pas hésiter à s’en prendre à lui. Son regard s’attarda sur le collier qu’il arborait.

- “Plume Hardie ! Félicitations pour ta victoire, je suis ravi que ce soit toi qui ait remporté l’épreuve.”

- “Merci, mais regarde toi ! J’ai eu tellement peur quand Belliqueux t’a foncé dessus ! J’ai demandé à aller te chercher, mais on m’a répondu qu’il faudrait attendre la fin de la compétition. Je suis content de voir qu’il te restait assez d’énergie pour remonter jusqu’ici. Va te reposer, mon frère.”

- “Merci, mon frère. Profite de ta victoire.”

Ce serait donc lui le prochain à se rendre sur la montagne jumelle. Il le méritait. Cela rendait la défaite moins pénible. Même si elle était toujours aussi douloureuse.


Texte publié par Anaïs, 16 juillet 2023 à 20h49
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