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tome 1, Chapitre 3 « Oktarim : son architecture, sa fête et son voleur » tome 1, Chapitre 3

Après une nuit bien reposante, les trois amis repartirent pour une grosse journée de voyage. En effet, ils arrivèrent devant la grande ville d’Oktarim alors que le soleil se couchait à l’horizon. Les lueurs du crépuscule inondaient les hauts remparts de leur lumière, dévoilant cette construction datant de plusieurs centaines d’années. Les rénovations avaient su garder le style médiéval de la cité, tout en y ajoutant une pointe de modernité avec les lanternes d’essences de feu. Ainsi, Oktarim rénovait ses monuments avec soin, attirant ainsi le regard les visiteurs de tout le pays. De la cabine, les trois amis aperçurent le château dont les tours perçaient la voute céleste. Lorsqu’ils arrivèrent vers l’entrée de cette splendide métropole, un garde leur fit signe de s’arrêter.

Allen tira les reines et obéit. Les soldats, vêtus d’un long manteau croisé beige avec un pantalon noir, s’approchèrent d’eux. Noria remarqua leurs mains posées sur les épées sanglées autour de leur taille. Impossible de voir leur visage à cause de ce casque qui les protégeait. Ils les guidèrent non loin de la ville, où un grand terrain de terre offrait suffisamment de place pour entreposer tous les types de véhicules.

Une fois en place, les titanomages sortirent de leur caravane, alors qu’un écuyer venait s’occuper des Karabas pour les emmener dans un grand espace couvert, où l’on allait les nourrir et leur donner à boire. De quoi les faire patienter le temps de leur excursion. Les trois amis les caressèrent avant de leur demander de les attendre bien gentiment. Ils répondirent par un petit cri amical, puis se couchèrent sur de la paille.

Le groupe longea la muraille pour rejoindre les portes principales. D’ici, ils pouvaient entendre le brouhaha de la ville. Hirelda ressemblait à une petite fille qui jubilait à l’idée de découvrir l’immensité d’Oktarim, de voir ses richesses. Noria la comprenait. Il était rare de sortir de leur petite forêt pour se rendre dans des endroits aussi gigantesques.

Les grandes portes formaient une splendide arche avec le nom de la ville gravé au plus haut. Des drapeaux, dont le motif était un livre d’or sur deux crayons croisés, virevoltaient sous le vent. Réputée pour les grands écrivains et les savants qui vivaient entre ces murs depuis l’aube de sa création, Oktarim offrait les plus grandes académies pour former des prodiges dans l’ingénierie.

Noria et ses amis remontèrent une rue pavée bordée d’habitations aux murs de pierres. Leur toit de tuiles remplaçait le chaume anciennement utilisé et des tuyaux de cuivres passaient partout entre les bâtiments pour alimenter les habitations en eau ou en vapeur. Voitures, calèches et piétons se partageaient les allées avec attention. Noria et ses amis serpentaient entre les passants discutant de la grande fête qui commençait le soir même et qui s’étendrait sur les jours à venir. Chacun y allait de son petit commentaire, et tout le monde n’hésitait pas à mettre en avant son idée de costume pour l’occasion.

Évidemment, Hirelda ne pouvait pas s’empêcher de faire du lèche-vitrine. Elle passait de l’une à l’autre, ébahie de voir autant de choses à acheter. Malheureusement, leur bourse n’était pas assez grande pour assouvir tous les désirs de son amie, mais Noria aurait aimé lui acheter un souvenir.

Allen restait sur ses gardes. Il n’avait pas l’habitude de croiser une foule aussi compacte. Les Titanomanciens vivaient dans de petits villages, seule leur capitale Elekya possédait une population aussi dense. Il scrutait donc chaque passant, conscients du danger de se promener dans une ville aussi grande.

– Détends-toi Allen, lui dit Noria.

Elle lui prit la main, ce qui lui arracha un hoquet de surprise. Tout rouge, il se raidit comme un piquet et planta ses beaux iris émeraude dans les siens.

– Il ne va rien nous arriver. Regarde, il y a des soldats qui patrouillent.

Elle pointait du doigt des femmes et des hommes en uniforme croisé. Ils surveillaient les rues de la ville, n’hésitant pas à intervenir si quelqu’un enfreignait la loi. Il calmait des disputes, obligeaient les piétons à s’éloigner du milieu de la route pour laisser passer les véhicules et éviter les accidents. Tout le monde les appréciait. À plusieurs reprises, ils entendirent la population les saluer.

– Effectivement… murmura Allen.

Hirelda arriva comme une furie à leur niveau.

– Bon sang, y’a tellement de choses à voir ! Il va falloir revenir ici une fois qu’on aura terminé notre mission ! Qu’est-ce que vous en dites ?

Noria sourit. Elle n’était pas contre cette idée, si tout du moins elle était encore vivante lorsqu’ils reviendraient à Oktarim. Si elle pouvait s’en sortir, une chose qu’elle aimerait faire avec ses amis, c’était le tour du monde. Profiter de ce qu’il avait à offrir. Découvrir ses secrets et ses richesses.

– Avec plaisir ! s’exclama-t-elle. Ça vous dirait de faire un grand voyage tous ensemble ?

Hirelda fut surprise de voir la positivité ressortir de son amie. Elle resta pantoise quelques instants, avant de lui sauter dans les bras en riant.

– Mais tellement ! Tu viendras Allen ?

– B-Bien sûr.

Comment en serait-il autrement ? Si Noria partait, il la suivrait jusqu’au bout du monde.

– Alors on va se faire cette promesse, déclara Hirelda. Une fois qu’on aura débarrassé Noria de sa malédiction, nous partons faire le tour du globe avec notre belle caravane !

Hirelda tendit le poing devant ses deux amis. Noria acquiesça et posa sa paume sur sa main. Puis Allen l’imita, un léger sourire aux coins des lèvres. Ils abaissèrent leurs bras en même temps, puis continuèrent leur route vers le château.

Sur le chemin, ils aperçurent la grande académie d’Oktarim. Impossible de la rater avec son bâtiment gigantesque, où les drapeaux de la ville embellissaient les murs de pierres blanches. Elle accueillait des milliers d’élèves grâce à ses quatre étages, remplis de salles de classe. Ils étaient nombreux dans la cour à discuter de leur dernier apprentissage.

– Tu veux retourner faire des études ? demanda Hirelda à Noria.

– Ah non, ce n’est pas vraiment mon style. J’en ai assez eu dans ma jeunesse. Je préfère la magie !

– Ah oui ? demanda Allen. Tu as fait quoi dans ta jeunesse ?

Noria soupira. Ce n’était pas son plus beau souvenir. Fille unique d’une famille prestigieuse, elle avait le devoir de maintenir un niveau scolaire élevé pour faire la fierté de son père et de sa mère. Même si elle préférait la titanomagie à la technologie, son paternel l’avait forcé à suivre des cours toute la journée, et même après l’école. Elle n’avait pas le temps de se faire des amis, encore moins avec son père qui lui répétait que cela n’était qu’une gêne pour évoluer dans le monde. Une jeunesse dont elle n’avait pas profité. Dure et cruelle, elle ne pouvait pas faire autre chose que de réviser tous les soirs. Elle s’autorisait de lire des histoires sur la Titanomancie en cachette, son seul moment de détente souvent gâché par sa mère venant lui ordonner de se coucher.

– Beaucoup de politique, en fait. Comme je viens d’une famille noble d’une forte influence, je devais succéder à mon père.

– Oh je vois… murmura Allen. Et qu…

– On s’en fiche des études, coupa Hirelda. On arrive à la guilde des explorateurs, regardez !

Noria suivit le doigt d’Hirelda pointer vers un autre grand bâtiment. Elle savait qu’Allen s’avançait sur un terrain dangereux avec ses questions. Elles risquaient de faire remonter de mauvais souvenirs à Noria, et jusque-là, elle avait réussi à cacher des pans de son passé. Hirelda ne souhaitait pas la voir morose suite aux indiscrétions de leur ami.

Impossible de rater la guilde. Après être passé dans plusieurs ruelles bondées de restaurants aux odeurs alléchantes, le bâtiment circulaire au toit rouge surplombait le reste de la ville. Comme il était récent, son architecture jurait avec l’aspect médiéval de la cité. Mais cela n’en demeurait pas moins une attraction pour les petits curieux. Des mercenaires, facilement reconnaissable à leurs accoutrements et leurs armes, y faisaient des allers-retours.

Hirelda s’élança à l’intérieur, suivit de près par ses amis. Lorsque des Titanomanciens franchirent les portes ouvertes de la guilde, des yeux se braquèrent sur eux et turent les discussions en cours.

L’intérieur n’était qu’un immense hall pourvu de piliers soutenant une mezzanine. Des tableaux d’affichage trainaient un peu partout, offrant du travail à toutes personnes faisant parties de la guilde des explorateurs. Noria jeta un œil aux demandes de la population et comprit pourquoi ils en avaient moins pour eux. Chasse, problème de brigands, cueillette… Les demandes émanaient de n’importe qui. Les récompenses allaient de quelques pièces, à des armes ou objets en cadeau. Elle aurait bien aimé qu’un tel système existe parmi les Titanomanciens, cela permettrait de trouver du travail plus rapidement. Mais la guilde les avait précédés et elle se voyait mal copier leur idée.

Noria suivit Hirelda qui slalomait entre les gens venant accrocher leur demande. Des aventuriers la bousculaient d’un coup d’épaule en marmonant des insultes inaudibles. Allen prit les devants. Sa taille un peu plus imposante lui permit de se faufiler avec force, repoussant ainsi les pauvres attaques délibérées de ces mercenaires.

Une fois devant le grand comptoir de la guilde, situé contre le mur du fond, lune jeune femme souriante accueillit les Titanomages.

– Bonjour, que puis-je pour vous ?

Elle écarquilla les yeux quand elle vit la couleur de leur cheveu.

– Oh… Que viennent faire des Titanomanciens ici ? questionna-t-elle.

– On a besoin d’aide, avoua Hirelda.

Leur interlocutrice resta pantoise. Ce n’était pas dans leur habitude de voir des titanomages quérir de l’aide. Elle bégaya avant de demander de plus amples explications. Noria développa leur volonté de traverser les montagnes d’Agnard, et à ce nom, elle fronça les sourcils.

– Je vois… Je ne sais pas si je vais pouvoir trouver quelqu’un pour vous y emmener… Tous nos explorateurs sont déjà occupés.

Hirelda se retourna et observa le hall. De nombreux guerriers restaient à des tables, sirotant une bière entre amis et collègues de façon très bruyante. Ils alpaguaient les personnes venant accrocher une demande pour voir s’ils n’avaient pas un autre travail pour eux.

– Ils n’ont pas l’air très occupés, brailla Hirelda en les pointant du doigt.

– Non, mais en fait si…

La tenancière ne savait pas où se mettre. Elle recula d’un pas, alors que quatre hommes dignes des plus grandes armoires à glace les encerclèrent. L’un d’eux s’accouda sur le comptoir, une hache à la main. Il caressa la lame du bout du doigt, toisant Hirelda d’une colère insatiable.

– Je crois qu’on ne peut pas vous aider, déclara-t-il d’une grosse voix.

Hirelda ne se laissa pas faire. Elle posa une main sur la hanche, et pencha la tête sur le côté.

– Ah ouais ? Pourquoi ? Vous êtes trop occupé à picoler ?

L’homme se redressa et bomba le torse. Il jeta un regard à ses amis, avant de se pencher d’un air furieux vers Hirelda.

– Dis donc la Titanomage, dégage de ma ville !

Au moins, ça avait le mérite d’être clair. Noria soupira. Finalement, les Titanomanciens n’étaient pas si bien vus que ça aujourd’hui. Elle allait devoir demander de l’aide ailleurs, ou même traverser les montagnes seule s’il le fallait. Il agrippa la longue veste d’Hirelda pour la sommer de partir, mais elle continua de défier le mercenaire.

– Oh, c’est ta ville ? Je ne savais pas, je n’ai pas vu ton nom à l’entrée. Comment c’est, déjà ? La cité des crânes d’œuf ? Le Fort des abrutis finis ? demanda-t-elle en se débarrassant de sa poigne.

Ses comparses ricanèrent. Gêné par ces propos, il jeta un regard noir à ses compagnons. Il s’approcha d’Hirelda d’un air menaçant.

– Tu cherches la bagarre, c’est ça ? demanda-t-il en posant son bras musclé sur la table.

Le cœur de Noria rata un battement lorsqu’elle remarqua d’autres mercenaires venir les encercler. Il n’y avait plus aucun bruit autour d’eux. La tension devint palpable et Noria sentait que tout allait partir en rixe général. Avec leur magie, ils étaient sûrs d’en venir à bout, mais cela ne serait pas sans conséquence. Ils risquaient de se faire arrêter, et elle n’avait pas envie de croupir dans une prison alors que le temps lui manquait.

Noria finit par s’interposer entre Hirelda et l’homme au crâne chauve. Elle attrapa la veste de son amie et la tira.

– Allez viens, laisse tomber. Nous n’avons pas le temps pour ça.

– Oui, c’est vrai. Si je reste trop longtemps avec des imbéciles, cela risque de me contaminer.

Lorsque les Titanomanciens quittèrent la guilde à la hâte, des murmures s’élevèrent. Noria se ferma face aux insultes chuchotées à leur encontre. Allen avait déjà la main sur le pommeau de son arme, prêt à se défendre en cas de problème. Heureusement, ils purent sortir sans encombre, sous les regards effarouchés des gens venus postés des demandes.

Une fois dehors, Noria reprit son souffle. Elle avait peur d’avoir à se battre dans un endroit clos contre autant de personnes. Ils s’éloignèrent et s’installèrent à l’un des restaurants pour prendre un verre.

– Comment fait-on maintenant ? demanda Noria.

Hirelda posa la tête sur son poing. Elle but une lampée de son cocktail avant de tapoter du doigt sur la table. Allen observait les alentours, gardant un œil vers l’entrée de la guilde qui était toujours à vue.

– Hirelda ? demanda Noria.

Elle leva les yeux en l’air.

– T’es encore énervée pour tout à l’heure ? Laisse tomber, soupira Noria. Ils n’en valaient pas la peine.

Elle s’avachit dans sa chaise, puis croisa les bras.

– Ça m’énerve ! Après tout ce qu’on a fait pour aider, voilà comment on est traités !

Noria ne pouvait pas la blâmer. Elle ressentait la même chose, mais ce n’était pas une raison pour rester bloquer sur cet évènement. Les Titanomanciens continuaient de protéger la population de la corruption, mais désormais, ils ne pouvaient compter que sur de plus petits contrats pour remplir leur bourse.

– Il va falloir se rendre dans une taverne, proposa Allen. Nous pourrions récolter des informations.

– Bonne idée ! s’exclama Noria. Où est-ce qu’on va trouver ça ?

Allen rougit et détourna le regard.

– J-Je ne sais pas.

– Génial ! On a plus qu’à errer en ville pour dénicher un glandu qui voudra bien nous aider ! s’emporta Hirelda.

Noria secoua la tête.

– Arrête un peu de râler, lui répondit-elle. Aller, on y va !

Les Titanomages ne trouvaient toujours aucun guide après des heures de marches, et la chaleur pesait sur le moral du groupe. Noria, harassée par la tâche, souhaitait s’arrêter dans un endroit pour se reposer et prendre un bain bien mérité. Allen, toujours à l’affut, menait le groupe en dévalant les rues de la ville à la recherche d’une taverne, tandis qu’Hirelda continuait de se plaindre des mercenaires, ce qui avait le don d’agacer Noria.

L’espoir revint lorsqu’elle vit une immense taverne sur une grande place, où des musiciens jouaient sur une estrade en bois. Ils faisaient danser le public au rythme de leur guitare. Un homme chantait des paroles relatant les exploits d’un mercenaire combattant la corruption. Noria avait dû mal à y croire, seul son peuple pouvait y faire face avec leur pouvoir.

La place étant bondés de monde, les Titanomanciens se frayaient un chemin entre les clients dont le brouhaha s’ajoutait à la musique, causant ainsi une cacophonie désagréable. Avec le temps, son petit village calme manquait à Noria. Elle préférait de loin la tranquillité de la forêt, plutôt que de voir Allen jouer des coudes à travers une foule si compacte.

Un homme bouscula Noria d’un coup d’épaule. Elle râla et se retourna pour le voir disparaître au milieu de la population. Elle secoua la tête, dégoutée par ce genre d’attitude enfantine. Elle continua de suivre ses amis sans se préoccuper de cet énergumène.

Avant d’entrée dans ce bâtiment à deux étages, une pancarte dévoilait les prix pour une chambre, avoir accès aux thermes, les repas et le lot avec le tout.

– Ce n’est pas un peu cher ? demanda Hirelda.

– Si… répondit Noria en cherchant sa bourse à sa ceinture.

Mais elle n’y était plus. Elle était pourtant sûre de l’avoir attaché avant de partir, alors pourquoi ne la trouvait-elle pas ? Son cœur s’accéléra à l’idée d’avoir perdu toutes leurs économies.

– C’est vous qui avez la bourse ? demanda-t-elle d’une voix chevrotante.

Allen et Hirelda se tournèrent vers leur amie, les yeux écarquillés.

– Quoi ? s’étonna Hirelda. Non ! C’est toi qui l’as depuis le début.

Noria ouvrit la bouche pour répondre, mais aucun son ne vint. Elle se remémora alors l’homme qui l’avait bousculé. Elle n’avait rien senti, mais s’il avait réussi à décrocher sa bourse en détournant son regard ? Elle fit volte-face, à la recherche de cet inconnu qui mettait leur mission en péril.

– Tu l’as pommé ? gronda Hirelda.

– Un enfoiré me l’a volé ! s’énerva Noria. Si je le retrouve, je lui fais sa fête !

Hirelda fut étonnée de voir Noria autant en colère. La Titanomage ne s’énervait pas souvent, mais lorsque cela arrivait, il valait mieux ne pas être face à elle. Elle observa son amie à la recherche du voleur, le visage déformé d’une colère noire. Si elle le retrouvait, il allait passer un mauvais quart d’heure.

Elle rebroussa chemin d’un pas vif, suivie de près par Hirelda et Allen. Ils lui criaient de ne pas aller trop vite pour éviter de les semer. Mais à cet instant précis, Noria n’entendait rien. Elle revoyait seulement ce pickpocket arracher ses espoirs de traverser les montagnes d’Agnard. Et ce n’était pas un vilain larcin qui allait l’empêcher d’accomplir sa mission.

La foule était bien trop présente sur la place. Elle avait beau se mettre sur la pointe des pieds, il lui était impossible de retrouver quelqu’un. Elle soupira de lassitude. Peut-être qu’elle pourrait se diriger dans les allées les plus sombres de la ville pour le débusquer, mais cela prendrait bien trop de temps.

– Allons voir des gardes, proposa Allen en se plaçant à ses côtés. Ils pourront peut-être nous aider à le retrouver.

Noria approuva d’un hochement de tête et ils partirent en quête d’une caserne. Des passants les guidèrent petit à petit jusqu’à la plus proche. Impossible de la rater au vu du nombre de gardes qui patrouillaient autour. Les titanomages passèrent les portes, encadrées par deux grands drapeaux qui virevoltaient avec le vent. Ils se présentèrent aux soldats en faction derrière un comptoir pour prendre leur plainte, alors que d’autres habitants venaient râler pour tout un tas de raison, des fois bien ridicules aux yeux de Noria.

– Cela va être compliqué de retrouver ce voleur, madame, continua le soldat après avoir retranscrit la plainte d’Hirelda. Nous avons pas mal de vol de bourse en ce moment à cause de la fête.

– Vous n’arrivez pas à les capturer ? s’étonna Allen. Pourtant, vous êtes vraiment nombreux.

Le soldat soupira.

– Malheureusement, il y a tellement de problèmes. Et, entre nous, j’aurais bien aimé que les titanomanciens continuent de nous aider…

Hirelda esquissa un sourire.

– Si vous comptez sur les poivrots de la guilde, vous êtes mal barrée !

Les joues du soldat rougirent. Il n’osait pas approuver ses dires, mais Noria sentait qu’il désirait leur assistance pour attraper ce fourbe.

– Vous voulez que l’on vous aide ? demanda-t-elle.

Après tout, c’était dans leur nature d’assister des gardes. Alors pourquoi ne pas continuer ? De plus, Noria n’avait aucunement l’intention de lui demander une quelconque récompense. Retrouver sa bourse lui suffisant amplement. Le soldat se redressa, une lueur d’espoir dans les yeux.

– Vous voulez bien nous assister ? demanda-t-il.

– Bien sûr, rétorqua Noria. J’ai vraiment besoin de récupérer ma bourse… Sinon, mon voyage est fichu !

– Par contre, je ne suis pas sûr que mon responsable va apprécier de vous donner une récompense. Les Titanomanciens ne sont plus si bien vu dans les parages, je pense que vous en avez fait les frais.

Noria secoua la tête.

– Je ne compte rien vous demander en échange. Récupérer mon argent me suffira amplement.

Le soldat, pourvu d’un large sourire, récupéra une feuille de papier et un crayon dans un coin. Il se mit à écrire une lettre avant de la signer et de la transmettre à la Titanomage.

– Merci beaucoup ! dit-il. Donnez donc cette lettre à l’auberge du parchemin doré, ils vous offriront une chambre le temps de votre séjour. Il s’agit d’un ami. Je le paierai !

Noria accepta la générosité du soldat avec grand plaisir. Elle le remercia, alors que ses yeux bleus la fixaient avec insistance. Il remit une mèche de sa longue chevelure noire derrière l’oreille et sortit un dossier d’un tiroir. Il invita les Titanomages à le suivre.

Ensemble, ils s’engouffrèrent à l’arrière du bâtiment, dans un dédale de couloirs offrant plusieurs pièces. Des soldats escortaient un homme enchainé, dont les cliquetis résonnaient entre les murs de pierres blanches. Le soldat ouvrit une porte en bois et les invita à s’installer.

Noria ne se sentait pas à l’aise dans cette pièce froide et sans vie. Seules une table et quelques chaises attendaient au centre, avec les quelques cristaux de lumières. Une fois assis, le soldat déballa le dossier qu’il portait sous le bras et étala des croquis de différentes personnes, ainsi que des plaintes et des notes.

– Pour commencer, je m’appelle Fayen Oltim. Je suis cette enquête de près depuis un moment maintenant, mais avec tout le travail que j’ai, j’ai dû mal à rester uniquement dessus. J’ai demandé à enquêter exclusivement sur ces voleurs, mais nous manquons de bras et la ville ne cesse de s’agrandir.

Noria acquiesça d’un hochement de tête. Au vu du nombre de personnes qui festoyaient à ce moment de l’année, les délits augmentaient eux aussi. Si en plus les mercenaires ne les aidaient pas, les soldats se retrouvaient rapidement submerger de travail et cela laissait des voleurs en liberté bien trop longtemps.

– C’est dommage, avoua Allen en lisant les notes. Vous avez fait un boulot incroyable.

Hirelda se pencha au-dessus de son épaule, alors qu’elle contemplait les croquis. L’un d’eux attira le regard de Noria. Elle le lui arracha des mains et scruta l’homme avec attention.

– Vous le connaissez ? demanda Fayen, surpris par son intérêt pour ce voleur.

– Je ne suis pas sûre à cent pour cent, mais je pense qu’il s’agit de l’homme qui m’a bousculé dans la foule !

Fayen récupéra le dessin. Il soupira.

– Kain Dolko. Malheureusement, je n’arrive pas à le trouver. J’ai eu son signalement plusieurs fois, mais il a l’air de changer de coin régulièrement.

– Il aurait frappé aux quatre coins de la ville, selon vos écrits, lit Allen sur un des papiers. Vous l’avez poursuivi jusqu’à l’entrée du marché noir. C’est où ?

Fayen secoua la tête.

– Ne vous y aventurez pas. En fait, il y a un réseau de tunnels sous la ville. En plus des égouts, vous y trouverez tout un labyrinthe de geôles et de salles d’expérience autrefois utilisé. Les voleurs utilisent ce réseau pour se cacher à nos yeux.

Il sortit un nouveau dessin. Il s’agissait d’un homme grassouillet, richement vêtu, qui jouait avec son bouc de la pointe des doigts. Même avec un coup de crayon, Noria pouvait sentir l’animosité et le danger qu’il représentait.

– Nowo Ilgart, le chef de ce marché noir. Nous ne savons pas comment il a réussi à s’implanter ici, mais il y a un énorme trafic sous la ville. De plus, il a réussi à s’emparer des quartiers les plus pauvres que nous avions un peu délaissés, faute de personnel. Ici.

Il pointa du doigt une extension de la ville par le côté nord.

– Les gens n’ayant pas les moyens, ou par manque de place, d’habiter dans la cité intramuros, vivent juste à l’extérieur. Et nous savons qu’il s’est emparé d’une partie pour y installer des jeux d’argent ainsi qu’une banque. Il endette la population pour augmenter ses profits. On y retrouve régulièrement des meurtres, des agressions… Mais nous n’avons jamais de suspect ou d’indice menant à la cachette de cet homme. De plus… Les mercenaires doivent être soudoyés pour ne pas intervenir, comme certains soldats. J’ai peur que cette gangrène ne continue à s’étaler sur ma belle ville. En tout cas, je vous déconseille d’y aller.

– On n’a pas vraiment le choix, déclara Allen. Pour retrouver notre argent et ce Kain, on va devoir y faire un tour.

– Je ne pourrais pas vous protéger…

– N’ayez crainte, assura Hirelda en se pointant du pouce. On sait se défendre tout seul !

Noria pensait de la même manière que son amie. Leur magie pouvait venir à bout de quelques brigands.

– Si vous le dites… En tout cas, je vous laisse le dossier. N’hésitez pas à me faire part de vos découvertes, je serai ravi de vous assister dans la mesure du possible.

Noria acquiesça d’un hochement de tête.

– Merci Fayen. Je vous promets que nous allons tout faire pour régler ce problème.

Les trois amis quittèrent la caserne avec une ribambelle d’information. Leur voyage commençait à peine qu’ils devaient se frotter à un groupe dangereux qui sévissait en ville. Noria ne s’attendait pas à perdre du temps ici, mais le destin ne voulait pas qu’elle poursuive sa route.

Au lieu de ça, elle passa la nuit dans une belle auberge, où l’ami de Fayen leur offrit, non seulement un repas léger, mais aussi une grande chambre. Hirelda se laissa tomber sur le lit, alors qu’Allen s’approchait d’une fenêtre pour y observer l’extérieur. Une cheminée délivrait une chaleur que Noria appréciait alors que le froid et la nuit s’installaient sur Oktarim.

Elle posa le dossier sur la petite table en bois et s’installa dans le canapé pour continuer d’éplucher les indices de Fayen. Elle prit le dessin de Kain et le mémorisa. Elle voulait le retrouver ! Comment pouvait-il ruiner ses espoirs en subtilisant sa bourse ? Il allait payer pour ce qu’il avait osé lui faire !

Hirelda referma le dossier violemment, faisant sursauter Noria.

– Ce n’est plus l’heure de réfléchir. Y’a des bains dans l’auberge, on va aller se détendre un peu ! Tu viens Allen ?

Le jeune homme se tourna vers elle brusquement, les joues roses de honte.

– Quoi ? Moi ? J-Je…

Hirelda le laissa miroiter quelques instants avant d’éclater de rire. Noria sourit en secouant la tête. Elle n’aimait pas le voir aussi désemparé face aux taquineries de son amie.

– Je plaisante ! Tu voulais vraiment venir dans notre bain ? s’étonna Hirelda.

– N-Non ! Noria, je…

L’intéressée se leva et posa une main sur son épaule pour le calmer.

– T’en fais pas, elle t’embête. On revient vite, promis !

Hirelda récupéra des serviettes mises à disposition, alors que Noria passait déjà la porte

– Et tu ne prends pas le lit avec Noria, hein ? lui lança Hirelda. Toi, t’as le canapé !

Elle lui tira la langue avant de lui faire un clin d’œil. Noria lui demanda d’arrêter de l’asticoter de cette manière, il était de plus en plus mal à l’aise. Hirelda lui expliqua que c’était pour son bien, pour le décoincer un peu, mais Noria n’en était pas vraiment convaincue. Elle pensait toujours qu’elle jouait avec sa timidité pour s’amuser.

Noria oublia rapidement tout ça lorsqu’elle profita des bains chauds de l’établissement. Un moment décontractant qui lui permit de se détendre totalement. Après ça, elle passa une nuit paisible, malgré les ronflements agaçants de son amie.


Texte publié par Seiki, 11 juillet 2023 à 10h12
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