Comme souvent lorsqu’une après-midi s’avérait aussi belle, un groupe d’enfant s’amusait à une partie de cache-cache dans les bois. Ils savaient pourtant que leurs parents leur interdisaient de s’y rendre sans être accompagnés. Ils risquaient de se perdre, malgré le balisage de certains arbres par leur parent pour éviter ce genre de problème.
Mais pour Jun, impossible d’obéir. Jav, Ordo et Hivni lui avaient proposé de jouer tous ensemble. Comment refuser ? Il voulait sa revanche après sa défaite lors de leur dernière partie. Il n’avait pas pour habitude d’être mauvais perdant, mais il était certain que Jav avait triché. Alors cette fois, il trouverait une cachette digne de ce nom. Personne ne pourrait le retrouver !
Il slalomait entre les arbres à toute vitesse, évitant avec précision leurs épaisses racines. Un simple coup d’œil sur ses flancs lui permettait de voir ses amis, cherchant le buisson le plus épais pour s’y dissimuler. Il était fort agréable de courir dans les bois. Les cimes des arbres filtraient les rayons du soleil, offrant une vaste zone d’ombre, tandis qu’un vent frais s’amusait avec les feuillages et les branches que Jun évitait.
Il connaissait l’endroit parfait. Après plusieurs mètres, alors que ses amis n’étaient plus visibles, il tomba sur la grotte qu’il avait aperçu quelques jours auparavant. Il ricana en se faufilant derrière les premières roches de l’entrée, sachant qu’il serait le dernier à être trouvé. Enfin, il allait prendre sa revanche !
Le temps passait. Il attendait, assis contre la paroi froide de la caverne. Il entendit un de ses amis crier de rage, fustré d’avoir été découvert. Il sourit. D’ici, il pouvait voir n’importe qui arriver. Il pourrait se faufiler d’arbre en arbre si besoin. Jamais il n’entendrait « trouver ! » cette fois-ci !
Puis un grognement retentit. Tétanisé, il resta les yeux fixés au loin, priant pour n’avoir rien entendu. Mais le grondement guttural reprit à nouveau, suivit de près par des bruits de pas lourds. Les bras tremblants, Jun se retourna lentement et se retrouva nez à nez avec un ours. Une énorme bestiole à long poile et à la gueule dégoulinante de bave. Mais il n’avait rien de normal. D’énormes croutes rouges luisaient sur sa peau. Une légère brume vermillon émanait de la bête, alors qu’il se rapprochait dangereusement de l’enfant.
Un ours corrompu.
Jun ne comprenait pas. Il n’avait rien vu de pareil quand il avait exploré la caverne. Il savait que la corruption s’approchait dangereusement de leur village, mais les titanomanciens, ces magiciens aux pouvoirs incroyables, faisaient tout ce qu’ils pouvaient pour la repousser. À croire que cela restait insuffisant.
Jun recula de quelques pas. Il ne savait pas comment réagir face à ce monstre. S’il courait, il savait qu’il le rattraperait en un instant pour le dévorer. Mais que faire ? Continuer de bouger, en espérant qu’un adulte viendrait le sauver ? Mais ses parents ne savaient même pas qu’il se trouvait ici. Hurler ? Mais n’allait-il pas pousser l’ours à l’attaquer aussi ? Que pouvait-il faire pour s’en sortir ? Aucune de ces options ne lui paraissait convenable.
Il ferma les yeux, laissant les larmes couler le long de ses joues. Comme il n’avait guère le choix, il fit volte-face et courut le plus rapidement possible. Comme un dératé, il hurlait de toutes ses forces pour appeler à l’aide, tandis que l’ours entama la poursuite de sa proie.
Le colosse se rapprochait inexorablement, prêt à le démembrer d’un violent coup de griffe. Ses jambes s’alourdirent. Le souffle court, il n’arrivait plus à garder le même rythme. Un point de côté l’obligea à ralentir pour retrouver une respiration correcte. Son attention perturbée, son pied se cogna dans une grosse racine.
Il s’écroula sur le sol et glissa sur la terre. Les genoux douloureux, il tenta de se redresser, mais l’ours était déjà là. Toutes griffes dehors, il menaçait de le déchiqueter. Les larmes aux yeux, Jun vit sa vie se dérouler devant ses yeux lorsqu’il ferma les paupières.
Il se voyait jouer avec ses amis. Les fois où ils faisaient des parties de cache-cache, les farces aux adultes, les repas ensembles… Tant de moments incroyables qu’il désirait revivre. L’amour de ses parents. Tous les bons moments qu’il avait passés avec son entourage. Il ne voulait pas mourir. Il espérait l’intervention de quelqu’un, n’importe qui capable de se défaire de ce monstre. Il hurla de colère. Ce sentiment de culpabilité de ne pas être suffisamment fort pour survivre dans ce monde impitoyable.
Mais la mort ne venait pas. Les cris enragés de l’ours résonnaient dans ces bois sombres. Jun ouvrit un œil par curiosité. Des lianes l’empêchaient de le tuer. D’autres s’enroulaient autour de son corps, paralysant totalement le monstre. Il avait beau se débattre, il ne parvenait pas à se libérer de ses liens alors que son repas se trouvait juste en face de lui. Il observait Jun avec envie, beuglant de colère, envoyant des flots de baves aux pieds de l’enfant.
– Ne t’en fais pas, tu es en sécurité maintenant.
Jun se retourna. Il vit alors une jeune femme d’une vingtaine d’années s’avancer vers lui. Autour d’elle émanait une légère brume verte, la même couleur que sa longue chevelure légèrement ondulée. À la base de son cou, il remarqua un tatouage en forme de feuille. Vêtue d’une jupe et d’une veste mi-longue noires aux ornements d’argent, Jun comprit qu’elle était une Titanomancienne de terre. Ces magiciens dont la puissance des éléments leur permettait de se battre pour les autres.
Il était sauvé !
Elle se mouva devant lui pour le protéger d’un potentiel assaut. Ses hautes bottes noires frappaient la terre, tandis que l’animal tentait de se défendre face à la Titanomage. Elle fit un geste de la main et dessina le symbole d’une feuille dans les airs du bout des doigts. Un cercle de lumière vert se dessina sous ses pieds. Lorsqu’elle referma les poings, des épines sortirent brutalement des lianes, perforant la chaire de l’ours de toutes parts.
La créature s’effondra dans un râle, alors que son sang se répandait sur l’herbe autrefois verte. La titanomancienne tomba genoux à terre, essoufflée. Elle se tenait le cœur, comme si une puissante douleur l’envahissait, mais elle ne paraissait pas blessée. Lorsqu’elle s’estompa, elle se releva et se retourna vers Jun pour lui tendre la main. Il la scruta avec des étoiles dans les yeux, ébahis par ses pouvoirs. Il ne pouvait pas se détacher de ses prunelles brillantes d’un éclat saphir.
***
– Tu vas bien ?
L’enfant essuya ses larmes et lui prit la main.
– Oui, merci ! Vous êtes une Titanomancienne ?
L’inconnue approuva d’un large sourire. Elle eacquiesça d’un hochement de tête.
– Je m’appelle Noria Orwyn, enchantée.
Jun remercia le ciel d’avoir écouté ses prières
Une grande forêt s’étendait au sud de la ville portuaire d’Orthado. De patrouille ce jour, Noria avait entendu les cris d’un enfant en proie d’un ours corrompus. La magie l’avait enragé, forçant la bête à dévorer quiconque aurait le malheur de croiser sa route. Heureusement, elle avait réussi à le contenir et à l’abattre, permettant de sauver ce gamin perdu. Elle le rassura et le raccompagna chez lui en toute sécurité. Néanmoins, des inquiétudes subsistaient dans son esprit. Elle n’avait pas pour habitude de découvrir un corrompus aussi près de la ville.
Le petit garçon qu’escortait Noria, Jun, lui posait sans cesse des questions sur ses pouvoirs. Elle lui répondait avec le sourire, expliquant qu’elle se battait à l’aide de ronces magiques pour venir à bout de ses ennemis. Sa curiosité le poussa à s’intéresser à sa vie personnelle, mais Noria ne voulait pas en dire davantage. Elle resta évasive dans ses réponses, jusqu’à ce que Jun préfère se taire que de déranger sa sauveuse.
Ils suivirent le petit chemin de terre serpentant entre les imposants arbres feuillus, alors que le soleil perçait avec parcimonie leur cime épaisse. Noria gardait son attention sur les alentours, espérant qu’elle ne soit pas attaquée aux côtés d’un enfant. Elle n’aimait pas se battre tout en protégeant quelqu’un.
Après avoir franchi la lisière de la forêt, ils traversèrent les grands champs de blé appartenant à la ville d’Orthado. Au loin, avec un groupe d’adulte inquiet et prêt à s’enfoncer dans les ténèbres, des enfants criaient le nom de leur ami qui revenait enfin parmi eux. Jun n’attenda pas plus longtemps. Il lâcha la main de Noria pour s’élancer les rejoindre. Noria s’agenouilla devant le groupe d’enfant qui l’observait les larmes aux yeux.
– Faites attention dans ces bois. Les corrompus ne sont pas loin.
Ils acquiescèrent d’un hochement de tête.
– Merci encore madame, répondit Jun.
Noria passa la main dans ses cheveux d’une belle couleur verte.
– De rien. Tu ne devrais pas rendre fous d’inquiétude tes parents.
Il roula des yeux sous les ricanements de la jeune femme. Noria se redressa et les dépassa pour se rendre en ville. Elle aimait flâner dans les rues pavées d’Orthado, cela lui changeait du calme plat de son village. Elle s’enfonça à travers la population bruyante, évitant les calèches et les premières voitures à vapeur en circulation.
Après avoir passé les habitations de briques, Noria traina dans le quartier marchand, gorgée de boutiques en tout genre. Un brouhaha s’élevait de la place, où une belle fontaine jetait des trombes d’eau dans une sculpture de pierre représentant un poisson. Les vendeurs interpellaient les clients pour les attirer dans les commerces, tandis que les restaurants profitaient des terrasses pour amener une délicieuse odeur de fruits de mer dans les narines des passants.
De là où elle se trouvait, Noria pouvait voir la mer. Cette grande étendu d’eau à perte de vue qui n’attendait qu’à être explorer. Le long des pontons, des bateaux de pêches attendaient de repartir en mer. Plusieurs galions garnis de soldats défendaient la ville, même si la guerre ne faisait plus partie des habitudes des Humains aujourd’hui. Ses yeux se posèrent sur un immense bateau à vapeur de plusieurs étages qui déchargeait un grand nombre de passager. C’était la première fois qu’elle voyait un bâtiment de cette taille.
Noria s’y désintéressa et s’engouffra dans sa boutique habituelle. La seule qui permettait d’acheter du Jarillo. Un poisson succulent, mais difficile à trouver. Sa rareté égalait son prix, mais les Titanomages pouvaient se permettre ces petites folies grâce aux missions de mercenariats offert par la plupart des habitants.
Le vendeur la reconnut immédiatement. Cet homme rond à la barbe broussailleuse retira son chapeau pour s’incliner devant elle.
– Bonjour ma p’tite ! Comme d’habitude, je suppose ?
– Bonjour Paul. Oui avec plaisir.
Il rit de bon cœur en lui servant trois poissons bien frais.
– Et de trois Jarillo pour le prix de deux !
Les clients écarquillèrent les yeux, murmurant entre eux. Ils jalousaient ce petit cadeau offert à la Titanomancienne. Mais pour le vendeur, Noria le méritait grandement. Non seulement elle l’avait aidé à se débarrasser d’un monstre marin corrompu qui avait fait son apparition quelques semaines auparavant, mais en plus elle avait sauvé son fils de cette horreur. Comme il n’avait que peu de moyens pour la remercier, il lui offrait un poisson à chaque achat.
– Merci beaucoup Paul. Mais tu sais, tu n’es pas obligé de me faire ce cadeau…
Il balaya sa remarque d’un geste de la main.
– Tu plaisantes ? Mon fils est en vie grâce à toi. Tu mérites bien plus qu’un pauvre Jarillo…
Noria n’ajouta rien. Elle savait qu’elle n’arriverait pas à le convaincre d’arrêter. Elle se contenta de le remercier et de lui souhaiter une bonne journée. Elle quitta les lieux en promettant de revenir très rapidement, puis continua sa visite jusqu’à une librairie où elle trouvait toujours des livres fabuleux ! Noria scruta le nom des auteurs un par un, cherchant celui qu’elle aimait le plus. Elle espérait le voir écrire un nouveau tome de sa franchise favorite. En fait, tout le monde adorait.
Les Chroniques de Valkardia.
Un roman racontant le périple d’un groupe de héros affrontant une créature maléfique. Adulte comme enfant aimaient suivre leurs aventures. Pour l’instant, quatre livres venaient conter leur histoire épique, mais le dernier se termina sur la mort de l’un d’entre eux. Une fin tragique qui poussait à vouloir la suite.
– Haha ! s’exclama-t-elle en repérant le dernier tome.
Elle se faufila à travers la foule amassée autour de la grande table en forme de U. Ce n’était certes pas l’auteur du livre, mais la maison d’édition couvrait l’occasion avec des goodies en tout genre. Posé sur un socle, sa couverture magnifique dévoilait un nouvel ennemi, sûrement un lieutenant de cette créature. Noria le prit avec soin, des étoiles dans les yeux, et dévora le résumé. Il était question d’une bataille dans un désert et d’une nuit perpétuelle. Elle se pinça les lèvres. Elle voulait tellement le lire maintenant. Elle paya le vendeur de quelques pièces avant de s’éloigner, aussi heureuse qu’un enfant recevant un cadeau.
Il était temps de trouver quelque chose pour ses amis. Pour le premier, quoi de mieux que de s’arrêter dans un magasin publiant les dernières trouvailles technologiques. Et plus spécifiquement, un objet mis en valeur sur une table à l’aide d’une pancarte « nouveauté ».
– Bonjour madame, salua Noria. Pouvez-vous me dire à quoi ça sert ?
– Bonjour ! Alors ça, c’est le dernier bijou de l’usine Jarl et Fils. Il s’agit d’un briquet. Dans le petit réservoir du dessous se trouve un cristal d’essence de feu. Lorsque vous appuyez sur le bouton en haut, une flamme sort du trou. C’est très pratique !
Noria devait le reconnaitre, oui. Les essences élémentaires étaient dangereuses. Ces particules se trouvaient sur les Chimères qui trainaient dans le monde. Chacun ayant leur propre élément, ils en laissaient derrière eux lorsqu’ils se déplaçaient. Mais il ne fallait surtout pas en inhaler sous peine de se transformer en ces monstres horribles, et d’errer à la recherche d’une proie. Les chercheurs avaient néanmoins trouvé le moyen de les cristalliser pour les rendre inoffensifs. Face à cette ingéniosité, Noria acheta l’objet pour en faire cadeau à son amie fan de découverte en tout genre.
Un peu plus loin, Noria pénétra dans une papeterie, où l’odeur du papier et du cuir embaumait la pièce. Son ami Allen adorait écrire. Il aspirait à devenir écrivain, et Noria n’arrêtait pas de l’encourager à poursuivre sur cette voie. Elle serait la première à lire ses aventures ! Comme il prenait beaucoup de notes, elle lui acheta un joli carnet sur lequel était gravé un gigantesque arbre aux longues racines, ainsi qu’un beau stylo plume orné d’un dragon émeraude.
Elle quitta la ville alors que le soleil orangé se couchait à l’horizon. De retour dans la forêt, les bruits caractéristiques d’Orthado s’évanouirent, si bien qu’ici on pouvait entendre les animaux chanter. Les hululements d’un côté, le bruissement des buissons de l’autre, le vent qui s’amusait avec la cime des arbres, Noria se sentait sereine en plein milieu de la nature. Après quelques dizaines de minutes de marche, elle arriva enfin à destination : Ylvea.
Caché dans les profondeurs de la forêt, le village des Titanomanciens, son village, offrait un habitat en harmonie avec la nature. Des maisons de pierres étaient éparpillées dans cette zone boisée, alors que des escaliers de bois s’enroulaient autour des troncs gigantesques pour rejoindre une série de ponts suspendus. Ils permettaient de rejoindre des habitations en bois construites sur les hauteurs, permettant ainsi de surveiller les mouvements des créatures corrompus.
Comme tout village, Ylvea possédait des épiceries, ainsi que des boutiques d’objets divers qui provenaient de leur capitale, mais rien d’aussi intéressant que ce qu’elle dénichait dans le port. Noria croisa nombre de ses semblables et les salua chaleureusement. Comme il s’agissait d’un village de Titanomanciens de terre, ils arboraient tous des cheveux de couleur verts. Elle trouvait toujours cela incroyable que l’élément du Titan qu’ils se tatouaient dans le cou, une feuille pour l’élément de la terre, avait une influence sur leur pilosité capillaire.
Elle trouva Allen Lork, son meilleur ami, en plein entrainement dans l’arène : une grande place bordée de bancs, prévue pour les jeux et les combats. C’était le seul à posséder une chevelure courte de couleur platine, soulignant son appartenance aux Titanomages de vent. D’ailleurs, sur la base de son cou l’on pouvait voir le tatouage de trois vagues l’une sur l’autre.
Noria s’approcha doucement alors qu’il apprenait le maniement de grosses épées à deux mains. Il n’était pas forcément musclé comme une armoire à glace, mais grâce à son pouvoir du vent, il pouvait alléger son poids. Il parvenait à la manier telle une épée courte, la faisant tournoyer autour de lui. Il impressionnait toutes les personnes qui l’observaient avec envie.
Noria s’installa sur un banc pour faire de même. Elle sourit en le voyant dans son élément. Allen était un grand jeune homme de vingt ans au visage angélique. Les traits fins, il était facile de se noyer dans ses yeux verts magnifiques. Son long manteau virevoltait avec les acrobaties qu’il faisait, donnant l’impression de danser à l’aide du vent, comme si sa lame ne pesait pas plus lourd qu’une plume.
Après son enchainement, il se retrouva face à Noria. Il écarquilla les yeux et resta paralysé. Non pas qu’il avait peur d’elle, mais elle lui faisait toujours cet effet. Noria l’applaudit avec le reste de son public. Il s’inclina pour les remercier puis tout le monde quitta l’arène dans un brouhaha.
Noria s’approcha de lui alors qu’il rangeait son épée dans le harnais attaché dans son dos.
– Belle démonstration Allen ! s’exclama-t-elle.
– Je… Oui, merci… bégaya-t-il.
Comme toujours, il avait dû mal à articuler en sa présence. Ses joues rosirent et il n’osait pas la regarder droit dans les yeux. Une situation amusante que Noria ne comprenait pas. Elle lui tendit le carnet et le stylo. Surpris, il prit délicatement les objets.
– C’est pour moi ? demanda-t-il.
– Je suis passé au marché et j’ai trouvé ça. J’étais sûre que cela te plairait.
Allen rougit davantage. Il se pinça les lèvres, les yeux humides. Noria posa une main sur son épaule, inquiète.
– Désolée ! Il ne fallait pas ?
– Si ! dit-il en s’éloignant d’un pas. C’est gentil !
Il se retourna et partit en courant sous le regard incrédule de Noria. Elle ne comprenait pas sa réaction, mais il semblait tellement ému par son cadeau. Elle se frotta la tête, l’esprit focalisé sur le jeune homme.
– Il est amoureux de toi.
Noria se retourna en entendant sa meilleure amie lui parler : Hirelda Aspal.
– Qu’est-ce que tu racontes ? s’étonna Noria.
Hirelda fit une grimace. Elle secoua la tête en se prenant le front de la main avant de hausser les épaules. Elle observa sa meilleure amie de ses prunelles bleu clair. Elle était l’une des seules à avoir coiffé sa longue chevelure verte en deux belles couettes. Vêtue d’une longue veste sans manche et d’un short court, elle aimait mettre en valeur sa poitrine généreuse avec une simple brassière.
– Je crois que tu es la seule du village. Non, de la région. Oh non, du monde, voire de l’univers tout en entier, à ne pas voir qu’il est raide dingue de toi !
Noria le savait très bien. Mais elle ne désirait pas s’embêter avec une relation quelconque. Non pas qu’elle n’en avait pas envie, mais il ne lui restait pas suffisamment de temps à vivre pour ça. Elle balaya la remarque d’un revers de main et tendit le briquet à son amie. Elle pencha la tête en fronçant les sourcils.
– C’est quoi ça ? désigna-t-elle du doigt.
Noria expliqua l’utilité de l’objet. Hirelda l’attrapa rapidement pour le tester. En appuyant sur le bouton, elle vit la flamme sortir du petit trou. Elle se balançait au gré du vent, sans jamais s’éteindre. Lorsqu’elle lâcha l’interrupteur et que le feu s’éteignit, Hirelda sautilla sur place.
– C’est trop génial ! Quelle invention de fous !
Noria ricana.
– J’étais sûre que ça allait te plaire aussi. Il y avait beaucoup d’autre chose au marché.
– Oh ! Tu es allé à Orthado sans moi ?
Noria acquiesça, même si elle savait qu’elle se prendrait un regard noir. Et cela ne rata pas.
– J’ai sauvé un enfant qui se faisait attaquer par un ours corrompu. Je l’ai raccompagné chez lui, je n’ai pas eu le temps de t’appeler.
– Pour la peine, tu me paieras un repas là-bas la prochaine fois.
Noria accepta avec plaisir. Elle connaissait Hirelda depuis ses premiers jours ici. Leur amitié n’avait pas mis longtemps à fleurir, et depuis, elle pouvait toujours compter sur elle pour tout et n’importe quoi.
Hirelda mit sa main autour de ses épaules et l’attira sur le sentier.
– Allez viens, on va prendre un bon bain !
Et quand elle parlait de ça, elle voulait se baigner dans le lac qui se trouvait au fin fond du village. Une grande cascade tombait dans ce vaste étendu d’eau. Une fois en sous-vêtements, elles se jetèrent à l’eau avec les quelques personnes présentes. Comme d’habitude, Hirelda attirait les regards des hommes sur sa silhouette, mais pas de chance pour eux, elle ne risquait pas de répondre à leurs avances vu qu’elle préférait les femmes.
Elles nagèrent quelques instants ensembles, tandis qu’Hirelda racontait son combat contre des corrompus dans la journée. Ils avaient réussi à les repousser vers l’épicentre de la contamination, mais ils n’avaient pas pu s’en approcher davantage. Ils risquaient de se faire contaminer en respirant l’essence de corruption.
Elle lui expliqua la façon dont elle s’était battue, elle qui aimait tellement ça. Bagarreuse depuis l’enfance, Hirelda n’avait jamais arrêté de défier toujours plus fort qu’elle. Aujourd’hui, elle était une Titanomage à ne surtout pas sous-estimer sous peine de se retrouver au tapis en l’espace de quelques secondes.
– T’as utilisé ta magie aujourd’hui… murmura Hirelda.
Noria avait le torse sorti de l’eau. Impossible de ne pas remarquer le tatouage en forme de ronce enroulé autour de son cœur. À chaque fois qu’elle utilisait trop de puissance, une épine de plus apparaissait.
– J’étais obligée. Sinon ce pauvre gamin allait mourir.
Hirelda fit la moue.
– C’est toi qui risques de mourir si tu continues…
– Je vais bientôt mourir de toute façon, fit remarquer Noria. Il ne reste que quelques épines avant que mon cœur ne s’arrête. Je dirais, un an… Peut-être moins.
Hirelda la fusilla du regard. Elle nagea jusqu’à elle et lui envoya une gerbe d’eau. Noria se protégea et la scruta, perplexe.
– Ça ne va pas de parler comme ça ?
– Mais…
– Y’a pas de « mais » ! Bordel Noria, je n’ai pas envie que t’y restes ! Et tu penses à Allen ?
Tous les jours en vérité. Elle ne faisait que ça. Elle n’avait pas envie de mourir si jeune, mais elle s’était résolue à cette éventualité. Toute sa vie de Titanomancienne passée à chercher une solution pour défaire sa malédiction, sans jamais trouver le moindre indice. Elle avait baissé les bras et préférait profiter des derniers instants de sa vie.
– Désolée, mais tu vois bien qu’il n’y a aucune chance de me défaire de ça, répondit-elle en montrant les épines noires.
Cette horrible malédiction se nouait autour de son cœur. Épine après épine, l’espérance de vie de Noria diminuait avec le temps jusqu’à ce que son cœur s’arrête pour de bon. Hirelda aurait pu croire à un tatouage de rebelle, mais les ronces sur sa peau formaient le motif le plus horrible qu’il lui était donné de voir.
Une larme longea les joues d’Hirelda. Elle refusait d’accepter cette situation, mais pourtant, elle n’avait pas le choix. Sa meilleure amie mourrait à petit feu et il lui faudrait affronter sa perte dans quelques années. Noria détourna le regard. Elle cacha sa poitrine sous l’eau, espérant que sa malédiction passerait inaperçue.
Tout le monde la prenait en pitié. Les Titanomages étaient aux petits soins pour elle constamment. Ce n’était certes pas pour lui déplaire, mais elle préférait les voir se plier en quatre pour tenter la malédiction qui pesait sur elle. Noria ne pouvait néanmoins se résoudre à quémander de l’aide à ses congénères. Elle préféra mener son enquête de son côté, même si Hirelda et Allen la rejoignait régulièrement pour l’aider.
Contre toute attente, Noria sentit le corps d’Hirelda se serrer contre le sien. Elle enroula ses bras autour de son cou, et blottit sa tête sur son épaule.
– Je refuse que tu partes aussi vite…
Noria sentit les larmes monter, mais elle fit tout son possible pour n’en laisser aucune s’échapper. Elle rendit l’étreinte de son amie et elles restèrent l’une contre l’autre. Un moment de tendresse que Noria aimait beaucoup. Hirelda était toujours là pour la réconforter, l’encourager, la pousser à ne jamais abandonner. Cette forte amitié allait lui manquer…
– Euh… Noria…
Les bégaiements d’Allen firent redresser les deux jeunes femmes. Elles se tournèrent vers le jeune homme, debout devant le lac. Il se cachait les yeux avec les mains, alors que ses joues visibles devenaient aussi rouges que des tomates bien mûres. Hirelda croisa les bras, hilare de la situation et de la timidité maladive de leur compagnon. Pour le venger, Noria poussa son amie dans les profondeurs du lac avant de demander à Allen de poursuivre.
– Le Sage Gavion veut… te voir.
Noria fronça les sourcils quand Hirelda émergea à nouveau en reprenant sa respiration. Lorsqu’elle remarqua le visage plus sombre de Noria, elle regarda Allen et Noria tour à tour.
– Qu’est-ce qui se passe ?
Sans un mot, Noria sortit de l’eau et attrapa sa serviette. Elle se sécha rapidement, s’habilla, puis traversa la ville en compagnie d’Allen. Il n’osait pas engager la conversation, alors que Noria se demandait ce que lui voulait le Sage Gavion Tyderis. Aurait-il une mission à lui confier ? Ou allait-il la sermonner d’avoir utilisé ses pouvoirs malgré sa malédiction ?
Les Sages faisaient partie des plus puissants Titanomanciens au monde. Ils officiaient partout sur le globe pour aider toutes personnes dans le besoin. Pour ça, ils voyageaient régulièrement de région en région, faisant halte dans les villages de Titanomanciens afin de s’y reposer. Gavion y était depuis plusieurs mois déjà, et il avait pris le sujet de la malédiction de Noria très au sérieux. Très proche des Titanomages, il essayait de régler les problèmes de la communauté, notamment celui de la corruption qui s’étendait avec le temps.
Pour rejoindre sa demeure, Noria et Allen montèrent un escalier serpentant autour d’un tronc, et après quelques passerelles et des salutations de diverses connaissances, ils arrivèrent au sommet de l’arbre. Construite dans ses branches et ses feuillages, la maison du sage était haute d’au moins deux étages, ce qui en faisait la plus grande du village.
Les deux jeunes gens se rendirent sur la terrasse où une femme se balançait dans un siège à bascule avec un bambin. Elle lui chantait une comptine racontant les péripéties d’un Titanomancien face à un dragon. Noria enviait ce petit, lui qui allait connaître une vie calme auprès de ses parents, contrairement à sa vie chaotique. Noria soupira, sachant qu’elle ne reverrait jamais sa mère et encore moins son père. Elle avait fui depuis si longtemps et elle ne comptait pas remettre les pieds dans son ancien domaine.
– Tout va bien ? s’inquiéta Allen.
Noria, surprise de l’entendre parler, lui sourit et acquiesça d’un hochement de tête.
– Ça va aller. Merci de m’avoir accompagné Allen.
Elle frappa à la porte, alors qu’Allen s’éloignait lentement. Après quelques instants, le battant s’ouvrit dans un grincement. Un vieil homme observa son invité de la tête aux pieds et l’invita à entrer lorsqu’il reconnut Noria. Elle le salua d’un hochement de tête avant d’entrer, puis le majordome ferma la porte derrière elle. La Titanomancienne se retrouva dans un vaste espace de bois éclairés par de nombreux becs de gaz agrémentés de cristaux de feu.
– Le Sage Tyderis vous attend, mademoiselle. Veuillez me suivre.
Noria ne se fit pas priée et le suivit dans la maison. Le bois craqua sous le poids de ses bottes, alors qu’ils franchirent la double porte au fond du hall pour se retrouver dans une grande bibliothèque sur deux étages. Le majordome s’élança à travers les nombreuses étagères de bois grossièrement posés, tout en évitant les ouvrages jonchant le sol.
Dans un coin, un bureau en L offrait au Sage un espace de travail normalement sain. Mais celui-ci se voyait encombré d’innombrables papiers, de stylos, carnets et livres. L’odeur du cuivre et des parchemins anciens s’emparait de la pièce, tandis que des lampes à essences déversaient une belle lumière jaune.
Installé en tailleur à même le sol, Gavion lisait un vieux grimoire aux pages délabrées. Il passait son doigt de ligne en ligne en murmurant, emmitouflé dans sa longue veste dont les manches cachaient ses mains. Noria n’avait jamais compris pourquoi il faisait exprès de mettre des vêtements aussi longs.
Le majordome se racla la gorge. Interpellé, Gavion releva la tête et planta ses yeux bleus dans ceux de Noria. Elle lui sourit et le salua avec respect.
– Salut Noria ! Tu vas bien ? demanda-t-il d’un grand sourire.
– Bonjour. Oui merci et vous ? Vous m’avez fait demander ?
Gavion fit signe au majordome de le laisser et celui-ci quitta la pièce.
– Qu’est-ce que je peux faire pour vous ?
Le Sage ricana. Il fit signe à Noria de s’installer à côté de lui. Même si cela lui paraissait étrange de s’assoir par terre aux côtés d’un Sage, elle accepta et observa le grimoire qu’il lisait. Il semblait si ancien. Les pages jaunies et dévorées par le temps révélaient des rites ancestraux. Certaines images montraient des monstres titanesques sûrement infectés par la corruption.
– Tu peux me tutoyer, tu sais ?
Noria ne pouvait pas s’y résoudre au vu de son rang. Elle pensait lui devoir le respect qui lui était dû. Elle répondit oui pour lui faire plaisir, mais il savait très bien qu’elle continuerait de le vouvoyer. Il tourna quelques pages en arrière avec précaution. Elles semblaient prêtes à se déchirer au moindre mouvement brusque. Même un coup de vent pouvait en faire des confettis en un rien de temps.
Gavion s’arrêta sur un dessin. Le sang de Noria se glaça brutalement. Sur une page entière se tenaient les ronces noires, scarifiant un cœur dégoulinant de sang. L’image lui donna un haut-le-cœur. Elle détourna le regard, mais revint rapidement dessus.
– J’ai peut-être trouvé une solution pour te défaire de cette malédiction, avoua-t-il.
Cette révélation la fit bondir. Elle se mit à lire la page d’à côté, dans l’espoir d’y découvrir la vérité. Mais il était question de la vie d’un homme : Arvald Norum. Il n’y avait aucun rituel qui permettait de se défaire de ce fardeau qu’elle portait depuis bien trop longtemps.
– Comment ? demanda-t-elle. Je veux dire, cela ne parle que de…
– Arvald Norum, finit-il.
Il récupéra un autre livre ouvert parmi les innombrables qui les entourait, puis le lui donna.
– Il s’agissait d’un Titanomancien de Ténèbres. Un des plus grand d’ailleurs. Il a inventé beaucoup de sorts et défendait sa cité de la corruption avec brio.
– Qu’est-ce qu’il s’est passé ? demanda la jeune femme, intriguée.
– D’après le livre de cet historien, il aurait été corrompu lors d’une bataille. Après ça, sa cité, Iznarum, tomba petit à petit, gangrénée par cette horreur. On raconte qu’il restait dans son laboratoire à imaginer des malédictions toutes plus puissantes les unes que les autres.
La lueur d’une lanterne dansait comme une flamme, alors que Noria écoutait Gavion avec attention. L’espoir venait de naître après des années de recherche. Elle essayait de lire plus vite que le Sage, hâte de savoir ce qu’il était advenu de cet odieux personnage.
– Le roi de l’époque reprit la cité dans un combat acharné aux côtés des Titanomanciens. Aujourd’hui, elle n’est qu’un champ de ruines.
Il tourna la page, sur laquelle était dessinée une carte de la région. Gavion pointa son doigt sur un point situé au milieu d’une chaine de montagne.
– La cité tombée, comme on l’appelle, se trouve ici. Et il est possible que le grimoire de ce titanomancien se trouve encore là-bas.
– Pourquoi ? demanda Noria. Je veux dire, tout ce qu’il a écrit n’a pas été récupéré ?
Gavion secoua la tête.
– En fait, dans les différents journaux des soldats, je n’ai trouvé aucune mention du laboratoire d’Arvald. Il est possible qu’il n’ait jamais été découvert…
Noria écarquilla les yeux. C’était ça ! Elle devait s’y rendre ! Son cœur rata un battement. Elle était prête à se lever et à partir immédiatement. Mais sentant son empressement, Gavion posa une main amicale sur son épaule.
– Du calme. Le voyage pour aller là-bas est assez long. Tu dois traverser la grande ville d’Oktarim, puis ensuite les hautes montagnes d’Agnard.
Noria retrouva sa sérénité. Ces monts étaient réputés pour les nombreuses galeries abandonnées creusées par des mineurs. Il était très facile de s’y perdre sans avoir recours à un guide. Elle soupira, déçue.
– Il va te falloir un guide. Je pense que tu peux en trouver à Oktarim.
Elle observa le Sage, perplexe.
– Vous me laissez y aller ?
Il haussa les épaules.
– Pourrais-je t’en empêcher ? J’aurais aimé t’accompagner, mais j’ai encore des affaires à régler ici.
Rien n’y personne ne pourra l’arrêter. Noria allait se rendre là-bas rapidement et trouver ce laboratoire. Elle récupéra délicatement le grimoire pour étudier la carte. Elle tenta de garder en mémoire chaque route, chaque ville à traverser. Puis Gavion lui tendit un carnet.
– Inutile de tout apprendre par cœur. Je t’ai recopié toutes les informations importantes.
Elle le récupéra, les yeux humides.
– Il ne fallait pas faire tout ça pour moi…
Il ricana.
– Je t’aime bien, que veux-tu ! Bon, je pense que tu as des préparatifs à faire !
Noria acquiesça. Elle devait préparer un sac de voyage, de la nourriture, ainsi qu’un moyen de locomotion.
– Je peux emprunter une caravane ? demanda-t-elle.
– Évidemment, accepta Gavion en roulant des yeux. Tu y arriveras plus vite. Par contre, tu devrais emmener quelqu’un avec toi. Je ne sais pas moi… Hirelda et Allen ?
Noria hésita. Elle ne savait pas si elle devait suivre son conseil. Le voyage semblait si dangereux qu’elle ne voulait pas risquer la vie de ses amis. Elle se trouvait égoïste de leur demander de l’accompagner pour sauver sa propre vie. Elle préférait rester solitaire, afin de n’éprouver aucun remords en cas de danger.
– Par contre, si tu ne dis rien, Hirelda va te passer un savon. Et je n’aimerais pas être à ta place, railla Gavion.
Noria soupira. Le Sage avait une fâcheuse habitude d’arriver à lire dans l’esprit des gens. Noria réfléchit quelques instants, pesant le pour et le contre. Les caravanes étaient assez grandes pour y loger plusieurs personnes. De plus, la force d’Hirelda et d’Allen allait lui être utile si elle rencontrait des corrompus sur le chemin.
Noria opina finalement du chef.
– D’accord, je vais leur demander de m’accompagner.
Elle ne semblait pas totalement convaincue. Elle avait l’impression d’être poussée à le faire. Cette peur de les mettre en danger à cause d’elle restait tapie dans l’obscurité, dans un coin de sa tête. Pourtant, les savoir à ses côtés lui donnait davantage d’espoir de réussir cette mission.
Elle se leva, motivée de se mettre en route.
Noria s’éloigna d’un pas déterminé.
– Ils t’attendent tous les deux à la caravane, qui est déjà chargé de matériels pour votre expédition.
Noria s’arrêta et se tourna vers le Sage. Il souriait pour la narguer. Il lui fit un signe de la main pour lui faire « coucou », alors qu’il s’amusait avec elle. Noria secoua la tête en gloussant. Elle s’était fait avoir, mais elle lui rendrait la monnaie de sa pièce plus tard. Pour l’instant, elle n’avait qu’une idée en tête : retrouver ce laboratoire !
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