Moi, c’est Angus. Je vis pénard dans une petite ferme depuis bientôt 40 ans. Je n’ai pas de femme, pas d’enfants, pas d’amis. Mais des ennemis. Beaucoup. Et j’aime les railler en leur soufflant la fumée de mon cigare à la figure. Qui sont mes ennemis, me demandez-vous ? Les écologistes. Ou, comme j’aime à les appeler, les éconlogistes. Ils me menacent parce que je ne fais pas du bio, que j’utilise des produits chimiques, que mes productions sont grandes et intensives. Quelle bande de bouffons ! Ils ne comprennent pas que, sans moi, leur petit village pourri ne parviendrait pas à subsister. Sans moi, pas de légumes, pas de viande, pas de produits laitiers. Ils ont beau crier, ils sont à ma merci.

Lundi dernier, ils sont venus pour me menacer et ont dit qu’ils reviendraient avec des armes. Et ils ont tenu paroles. Ils sont revenus aujourd’hui et se sont attroupés devant le portail de la ferme, prêts à le défoncer. Je soupirai et m’approchai.

- Qu’est-ce que vous me voulez ?

- Vous le savez, cria une femme à la tête de la foule. Vous mettez la planète en danger avec vos pesticides, vos fertilisants, vos insecticides !

- Oh, pauvre planète ! Raillé-je. Sûr qu’elle sera plus là demain !

M’ignorant complètement, la blonde (dans les deux sens du terme) déclara :

- Si vous ne nous garantissez pas de changer vos méthodes, nous détruirons votre ferme !

Elle leva un poing en l’air, et la foule hurla un « ouais » où résonnait la stupidité.

- Allez au diable ! M’écriai-je en leur tournant le dos.

- Défoncez-moi cette porte ! Cria la femme.

La foule se jeta sur mon portail, qui ne tint même pas dix secondes. Tout le monde se dispersa et commença à tout casser, les murs, les machines, les débarras… N’importe qui d’autre que moi aurait alors sentit l’anxiété l’envahir, craignant de tout perdre. Mais moi, je savais que ça allait leur retomber dessus. La blonde, qui n’avait pas bougée, regardait les autres faire, telle une reine. Voyant que je restais de marbre, elle me demanda :

- Vous ne comprenez pas ce qui se passe ? Votre salle ferme va tomber en poussière. Mais je peux encore leur commander d’arrêter, si vous utilisez des moyens plus durables.

- Durable ?!

J’explosai d’un rire tonitruant et moqueur.

- Pourquoi riez-vous ? S’agaça la blonde.

- Durable, non mais vraiment…

Je pris quelques inspirations pour me calmer et déclarai :

- Vos méthodes sont tout sauf durables. Si tout le monde les appliquait, la famine aurait tôt fait de gagner le pays. Sans mes produits chimiques, mes productions seraient dévorées par les limaces et les champignons !

- Mettez donc de la cendre ! Ca fait fuir les limaces !

- De la cendre ? Sur mes 22 hectares de terrain ? Je voudrais bien voir ça !

- Et bien ayez des champs plus petit !

Je m’approchai de la femme et me penchai sur son visage, mélangeant moquerie et menace dans mon expression faciale.

- Avec des champs plus petits, je ne pourrais plus nourrir le village où vous et vos stupides adhérents habitez. Alors si vous ne voulez pas mourir de faim, je vous conseille de déguerpir en vitesse.

La femme recula d’un pas, me fixa quelques instants avec un air où se mêlaient défi et crainte. Puis elle se détourna et cria :

- On rentre !

Elle bidouilla son portable pour informer les écologistes les plus éloignés et sortit. Peu à peu, les éconlogistes la suivirent, me lançant au passage des regards haineux. Un jeune homme cria :

- Nous ne partirons pas !

Il se rua sur mois, une barre de fer à la main, avec l’intention de me frapper. J’agrippai l’arme de fortune et regardai le jeunot d’un air si menaçant qu’il s’enfuit en courant. J’examinai la barre. Elle était en ferre si rouillé qu’il était devenu bronze. Je reconnu un morceau de ma vieille serre à tomate.

« Bah ! Songeai-je. Je devais la changer de toute façon. »

Je jetai négligemment le bout de métal par-dessus mon épaule et retournai à l’intérieur pour poursuivre ma série de fiction post apocalyptique, que certaines personnes peu recommandables appellent « les infos ».