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tome 1, Chapitre 41 tome 1, Chapitre 41

Les théurgistes échangeaient dans une ambiance calme et détendue en attendant que la confrérie désigne un nouveau candidat, ignorant de ce qui arrivait. Taylor, Lev et Eliáš avaient déjà dégainé leurs armes alors qu’une masse sombre recouvrit le soleil. Avant que les théurgistes n’aient le temps de remarquer cette soudaine disparition de lumière naturelle, des démons pénétrèrent dans le Centre par les fenêtres qui se brisèrent en millier d’éclats. La panique fut de courte durée : le peuple était préparé aux attaques soudaines, bien que généralement celles-ci n’avaient jamais lieu dans leur demeure.

Hektor, en tant que président du Conseil, prit les choses en mains avec rapidité et ordonna à un groupe de cinq théurgistes d’aller chercher des armes.

- Ils vont se faire décimer, dit Lev à raison.

Les démons n’étaient pas entrés uniquement par la salle de réception, ils avaient envahi la totalité du Centre ne laissant aucune autre issue que le combat. Hektor attendit moins de cinq minutes avant d’en conclure que le groupe était déjà mort.

Taylor regarda son affect et ils se téléportèrent auprès d’Hektor, du Conseil et de la confrérie qui ne réagissait pas.

- Hektor…

- Ce n’est pas le moment ! s’empourpra Lenka.

- La ferme ! répliqua Taylor. La situation est grave et contrairement à vous, nous sommes prêts et nous savons comment agir !

Elle ne supportait plus le regard et le comportement que sa mère avait à son égard, elle s’était trop longtemps marché dessus et maintenant la colère prenait le dessus, ébranlant sa stabilité interne et la barrière qui maintenait ses flammes en place.

- C’est n’importe qu…

- Pour une fois, tais-toi ! Ce n’est pas le moment de jouer les mères indignées.

Lenka fut choquée de la répartie d’Hektor qui habituellement se permettait qu'un simple rappel à l’ordre.

- Je vous écoute, dit-il en faisant face à Taylor et Lev.

- Cette attaque est l’œuvre de Baltazard, il…

- Dis plutôt que c’est toi qui as manigancé tout ça ! Tu ne vaux pas mieux que tous ces dém…

La main de Taylor partit et claqua violemment contre la joue de sa mère. Lenka toucha son visage rougi et brûlant, tandis que ses yeux envoyaient des éclairs et montraient toute la haine qu’elle ressentait à l’encontre de sa fille. Taylor s’en moqua éperdument et se concentra sur le plus urgent.

- Baltazard est à l’origine de tout ça, il veut la mort de tous les théurgistes.

- Pourquoi ? les interrogea Hektor.

- Ce n’est pas le plus important, répondit Lev. Il faut mettre les enfants, les blessés et les personnages âgés en sécurité.

- Où ça ?

- Nous avons un endroit, Lev va les y conduire, mais il faut faire vite. C’est mal connaître mon père si vous pensez que les démons présents dans la salle ne vont pas attaquer.

- Très bien.

Hektor semblait avoir perdu toute notion de chef, mais se ressaisit et rassembla un petit groupe de théurgistes pour aider Lev à téléporter les plus faibles et les plus jeunes chez Vladimir. Eliáš arriva aux côtés de Taylor et jeta un regard anxieux vers la confrérie : les conséquences de ses choix lui tordaient le ventre à lui donner la nausée, toutefois il y avait plus urgent qu’imaginer quel châtiment l’attendait.

- Que faisons-nous maintenant ? demanda Hektor qui ne savait plus comment agir.

- Il faut se préparer à se battre, affirma Taylor.

- Sans armes ?

Eliáš déposa un sac de sport aux pieds du président. Zdenka, un membre du Conseil, s’avança et jugea son contenu.

- Votre anticipation est remarquable, mais également douteuse. Pourquoi ne pas nous avoir informés qu’une attaque se profilait ?

- À cause des espions, fit remarquer Taylor.

- Des espions ? répéta Hektor.

- Des théurgistes se sont ralliés à la cause de Baltazard. Tomislav en est la preuve formelle, il a quitté la salle peu de temps avant que le soleil disparaisse. À votre avis, qui a désactivé les balises de détection ?

Le Conseil était effaré : les pions s’étaient alignés sous leur vigilance et à présent le destin des théurgistes était incertain à cause de leur manque de clairvoyant.

- Les démons n’attaqueront qu’une fois Baltazard présent, précisa Taylor. Le temps presse, il faut s’armer et se préparer à combattre.

- Comment savez-vous ?

- C’est trop long à expliquer, avoua-t-elle en se penchant pour ouvrir le sac et distribuer les quelques armes qu’ils avaient récupérées. Nous devons sortir, nous sommes trop nombreux ici.

Hektor se figea un instant avant de prendre la tête du cortège et quitter la salle de réception. Dans le couloir, des démons les attendaient, calmes, silencieux et statiques.

- Que faisons-nous ? demanda Eliáš en tenant nerveusement son katana.

- Nous attendons, à l’instant où Baltazard arrivera ce sera un bain de sang.

- Quand ?

Jarek et Roch passèrent devant Taylor comme des robots, puis Tomislav arriva d’un autre couloir.

- Maintenant.

Un portail s’ouvrit au milieu du couloir et Baltazard en sortit aussi majestueux que terrifiant. Il sourit en regardant les théurgistes qui l’attendaient, puis ses yeux se mirent à briller d’excitation lorsqu’il entailla sa main à l’aide d’une dague et qu’il essuya son sang sur son visage. Il rangea son arme dans son dos, écarta les bras, prit le temps de regarder sa fille dans les yeux et claqua des mains. Ce simple geste se répercuta dans tout le Centre et les ténèbres se déchaînèrent.

Taylor s’était attendue à un discours de son père ou au moins à quelques mots, mais ce qu’il voulait c’était l’extermination de son peuple, alors pourquoi parlementer ? En réalité, elle aurait aimé une explication, elle voulait connaître ses motivations et comment il était arrivé à une telle extrémité. Elle n’eut toutefois pas le temps de lui demander, car les démons s’étaient tous réveillés. Elle sortit ses chakrams et les fit voler à travers le couloir, leurs lames aiguisées blessèrent grièvement les démons, mais l’étroitesse du corridor ne lui permettait pas une pleine utilisation. Elle ne pouvait pas non plus se servir de ses flammes dont elle n’avait pas encore parfaitement le contrôle.

Des cris retentirent depuis la salle de réception et Taylor hésita à y retourner : elle voulait son père, mais celui-ci restait volontairement hors d’atteinte à admirer le spectacle que son ancien peuple offrait pour leur dernier combat. Elle rebroussa finalement chemin pour aller aider ses semblables, mais Jarek se téléporta devant elle. Son visage s’illumina d’un sourire machiavélique, il ouvrit la bouche pour parler et Taylor lui trancha la gorge avec son chakram avant qu’il ne prononce un seul mot. Son sang se répandit sur le parquet, puis ses battements de cœur ralentirent et ses yeux s’éteignirent.

- Va brûler à As, traître ! cracha-t-elle.

Elle repoussa le corps inerte derrière elle et entra dans la salle de réception. Sous ses yeux s’étalaient des cadavres par dizaine, l’odeur du sang avait envahi la pièce et lui donnait la nausée. Elle lança ses chakrams et blessa les démons sans parvenir à les tuer. Elle savait qu’elle ne s’en sortirait pas vivante si elle insistait, alors elle rangea ses armes et aida les théurgistes à quitter la salle. Elle remarqua soudainement l’absence de la confrérie : ils s’étaient volatilisés et les avaient laissés à leur triste sort, pourtant elle savait qu’ils regardaient, voulant assurer le bon déroulement du combat et de la prophétie.

Elle retourna dans le couloir où le chaos régnait : son peuple se faisait décimer, les démons étaient trop nombreux et le Centre n’était pas conçu pour les combats. Lev apparût à côté d’elle, saï en main. Il s’agissait d’armes traditionnelles asiatiques utilisées principalement aux corps à corps, alors Lev se jeta au contact des démons, mais fut rapidement pris de cours.

- Nous ne pouvons pas nous battre ici, nous n’avons aucune chance ! cria-t-il.

- Appel à tous les théurgistes, repliez-vous au cimetière Olšany.

Taylor, Lev et Eliáš se regardèrent sachant pertinemment que c’était exactement ce qu’avait prévu Baltazard. La confrérie se prétendait être neutre, mais c'était qu’une mascarade. Oui, ils appartenaient aux prophéties et œuvraient pour qu’elles se réalisent, toutefois ils n’avaient pas hésité à offrir cette bataille à l’ex-théurgiste devenu le maître des démons.

Les théurgistes encore en vie se téléportèrent au cimetière qui semblait avoir été réorganisé : de nombreuses tombes d’humains avaient été retirées et placées ailleurs laissant ainsi un grand espace pour se battre. Lorsqu’ils arrivèrent, ils firent face à une armée de démons dont leurs nombres étaient si grands qu’ils n’arrivaient pas à tous les voir. Le silence demeura, les démons restèrent statiques et calmes, attendant l’arrivée de leur maître et de son signal. Baltazard avait réussi à obtenir une parfaite allégeance de la part de ces sujets, pourtant Ades avait précisé qu’il s’agissait des démons les plus instables et violents. Alors comment avait-il réussi à se faire obéir d’eux sachant que même le roi d’As n’avait pas réussi ?

Taylor agita ses mains sentant ses flammes frémirent du à la forte concentration de magie qui résidait dans ce lieu sacré. Elle voulait agir, mais devait encore patienter.

- Pourquoi n’attaquons-nous pas ?

- Tu vois le voile autour d’eux, Eliáš ?

Il se concentra, plissa les yeux et fixa un démon. Il ne vient rien dans un premier temps, puis quelque chose se forma et le voile apparut.

- Qu’est-ce que c’est ?

- Je pense que c’est ce qui les maintient inerte.

- Une sorte de magie ? supposa Lev. Elle semble très différente à la nôtre ou à celle des sorciers.

Baltazard avait créé quelque chose de totalement nouveau et terrifiant, comme tout ce qu’il créait. Taylor en était la preuve vivante.

Tant qu’il ne donne pas le signal, nous ne pouvons pas les attaquer, le voile agira comme bouclier, affirma-t-elle.

Un portail s’ouvrit en face d’eux, Baltazard en sortit et frappa aussitôt dans ses mains. Le voile se dissipa, les démons retrouvèrent leur mobilité et leur envie de tuer. Les marques sur le corps des théurgistes s’activèrent dans un faisceau lumineux et les affects se tinrent côte à côte pour combattre ensemble, comme deux faces d’une même pièce. Pour Lev et Taylor, c’était différent : leur synchronisation était équivoque, leur lien était loin d’être aussi fort et stable qu’auparavant. Ils prirent conscience que le tournant qu’avait pris leur relation était en train de fragiliser leur chance de survie.

Le combat débuta et rapidement le corps des démons recouvrit le sol aussi rapidement que les théurgistes faiblissaient, mais le nombre d’assaillants ne cessait d’augmenter. Ils n’avaient aucune chance de gagner en continuant ainsi. Taylor attendait, sa patience mise à rude épreuve, en ayant de plus en plus de mal à contenir ses flammes. Puis sur le sol, des cercles de feu apparurent et avec eux des démons par millier. L’espoir naquit et Taylor sourit en voyant Ades s’approcher pour la prendre dans ses bras alors que le combat faisait toujours rage autour d’eux.

- Tu en as mis du temps !

Le roi regarda autour de lui : son armée de démon était déjà en train de décimer celle de Baltazard. Il remarqua ce dernier en retrait, loin de tout combat, puis il vit également la confrérie se tenir à distance pour profiter du spectacle qui se jouait devant elle.

- Allons tous les tuer !

Le cœur de Taylor se gonfla et ses flammes répondirent à l’appel du démon. Elles jaillirent de son corps et frappèrent Ades : le bleu et l’orange se mêlèrent dans une parfaite harmonie offrant un spectacle resplendissant au cœur d’une guerre sanglante. À mesure que leur connexion grandissait, leurs flammes se développaient, se transformaient et les enveloppèrent dans une sphère. Les théurgistes autour d’eux furent pris d’intérêt pour cette lumière vive et puissante synonyme d’un espoir naissant qui éclairait la nuit tombée trop tôt sur cette journée ensoleillée.

Les corps de l’être des ténèbres et de la fille des éléments disparurent, aspirés par leurs flammes, pour devenir quelque chose de plus grand et plus fort. La sphère se dissipa, la lumière diminua et plongea de nouveau le champ de bataille dans la noirceur. Le hurlement d’une bête retentit dans le cimetière suivi d’un rugissement. Puis là où Taylor s’était tenu, se trouvait à présent un loup d’une grandeur hors-norme au pelage fait de flammes bleues où seul le froid se dégageait de lui. En face, là où s’était tenu Ades, se trouvait un lion aussi grand que le loup au pelage recouvert de flammes orange et dont la chaleur était celle ressentie au cœur de la lave. Les deux bêtes s’observèrent, frottèrent leurs têtes l’une contre l’autre, puis se tinrent côte à côte. Leurs flancs se touchèrent, leurs flammes se mêlèrent et une nouvelle transformation débuta : la bête de feu et la bête de glace ne firent plus qu’un. Ils étaient ennemis. Ils étaient alliés. Ils étaient amants. Ils étaient l’espoir. Ils étaient le louceau.


Texte publié par Aihle S. Baye, 31 juillet 2023 à 11h06
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