Adramelech, le bras droit d’Ades, sortit de l’Académie Straka, dans le quartier de Malá Strana, qui accueillait le bureau du gouvernement de la République tchèque. Il quitta le bâtiment en compagnie d’un homme et ensemble ils traversèrent l'allée centrale qui arborait une imposante fontaine. Devant le portail, ils échangèrent une poignée de main et partirent chacun de leur côté.
Adramelech détonnait dans ce lieu : ses vêtements exclusivement noirs, son tatouage sur son visage, sa posture et sa démarche trahissaient sa puissance démoniaque. Depuis la dissolution de la Tchécoslovaquie en 1993, Adramelech avait pris position dans la politique de la République tchèque et agissait dans l’ombre. Peu de politiciens et parlementaires avaient vent de son implication et de son statut. Aujourd’hui, il était le président de l’ombre, agissait et prenait des décisions présidentielles. Aux yeux des humains, c’était Miloš Zeman le chef de l’État, car le peuple avait besoin d’un visage réconfortant et bienveillant, une personne capable de parler, de sourire, et de faire preuve de compassion et de charité. Des notions que le démon trouvait perfides, il n’avait pas de temps à perdre en verbiage, alors il tirait les ficelles à l’abri des regards.
- Ô, mon maître ! Quand nous revenez-vous ? Vous nous manquez ! résonna la voix d’une femme dans son esprit, suivit par de petits sanglots.
Adramelech était parti depuis deux jours en raison d’importantes affaires à régler à l’Académie et n’avait pas pu s’occuper de ses esclaves. Il rejoignit donc une sombre ruelle, fit apparaître sa queue de paon et disparut dans une bourrasque de plumes. Il se matérialisa dans ses quartiers au royaume d’As, en dessous de ceux du roi, et Josépha se jeta à ses pieds, imité par les autres. Des femmes et des hommes, humains, démons et autres créatures l’entourèrent et le prièrent de s’occuper d’eux. Adramelech n’eut qu’à claquer des doigts pour qu’ils se dispersent dans les différentes salles, puis il retira sa chemise et entra dans la première pièce, la moins douloureuse de toutes. Il attacha l’humain à la table et l’admira, puis récupéra un couteau à la lame très aiguisée et tout changea : son aura devint plus sombre, les traits de son visage se durcirent et fit surgir le monstre sanguinaire qui l’habitait.
Adramelech tortura l’humain avec soin et fit de même pour les dix-huit autres esclaves répartis dans les différentes pièces. Il était le maître de la torture et de la souffrance, c’était son plaisir, sa drogue. La seule chose dont il s’interdisait, c’était de tuer ses jouets, même si cela arrivait, car le risque zéro n’existait pas. La dernière salle était d’ailleurs la pire de toutes, les chances de survies étaient très faibles, et pourtant un esclave y entrait toujours. À force de les torturer, ils finissaient par y prendre goût et à vouloir toujours plus. Adramelech entra dans la pièce et y trouva Josépha. Il s’approcha de la démone, l’embrassa, caressa son corps nu et admira une dernière fois sa peau si lisse. Il rejoignit le centre de la salle, passa sa main à travers les flammes qui crépitaient et la fit glisser sur le corps de la démone. La douleur crispa son doux visage quelques minutes, puis le plaisir et l’excitation de la souffrance prirent le dessus. Adramelech savourait voir sa peau brûler et se désintégrer sous sa main, il aimait l’entendre le supplier de continuer de lui faire mal. Il brûla la moitié de son corps et une fois son œuvre fini il se recula pour l’admirer. Il se sentit féroce, dangereux, terrifiant et indestructible. Il était le fléau et adorait ça.
Il libéra Josépha qui se retint de pleurer, elle voulait qu’il la torture encore, car elle n’avait pas assez souffert, elle n’avait pas ressenti assez de plaisir. Elle se jeta au cou d’Adramelech alors que sa peau commençait à cicatriser. Elle caressa son torse, l’embrassa et glissa ses mains jusqu’à la boucle de ceinture.
- Josépha, arrête.
Elle couina de tristesse. Elle le voulait tout entier, elle voulait qu’il lui fasse mal d’une façon dont il ne lui avait jamais fait mal. Elle ouvrit la fermeture éclair de son pantalon, mais il grogna et la repoussa contre le mur qui se fissura.
- Si tu veux du sexe, va voir Volac.
- Adram… donne-moi du plaisir !
- Le sexe ne m’apporte aucun plaisir, alors dégage !
Elle obéit et quitta la pièce déçue. Adramelech rejoignit sa salle de bain pour retirer tout le sang qu’il avait sur le corps et se ravie qu’aucun esclave n’ait perdu la vie. Il allait toutefois devoir refaire du stock : dix-neuf esclaves ce n’étaient pas assez. Il sortit de la douche, nu, et alla récupérer des vêtements propres dans son armoire, mais la porte s’ouvrit et Josépha entra.
- Si tu reviens pour…
- Baltazard réunit ses troupes au sanctuaire, il va y exposer son plan.
- Le roi est prévenu ?
- Non. Il est occupé.
Adramelech s’habilla et disparut sans remercier la démone. La gentillesse n’était pas une qualité qui pouvait le définir. Il se téléporta au sanctuaire en prenant soin de ne pas se faire remarquer, puis suivit les autres démons jusqu’au sous-sol de l’ancienne usine et observa. À première vue, seuls les disciples de Baltazard avaient été conviés à la réunion. Adramelech n’aimait pas la tournure que prenait la situation, il était clair que l’ex-théurgiste n’avait pas besoin du soutien d’Ades vu le nombre de démons qu’il comptait dans ses rangs. La bataille allait être sanglante et il ne savait pas encore si c’était une bonne ou une mauvaise chose.
- Commençons !
Baltazard apparut en hauteur et le démon baissa la tête : son visage était trop reconnaissable et il ne devait prendre aucun risque, il ne doutait pas que les démons présents autour de lui le tueraient si Baltazard en donnait l’ordre.
- Dans trois jours, le Centre de Prague accueillera la confrérie des théurgistes pour leurs examens d’aptitudes. Nous attaquerons à ce moment.
Une acclamation générale résonna dans l’usine désaffectée. Ils étaient prêts à se battre et à faire couler le sang pour la cause de celui qu’on surnommait le maître des démons.
- Dans trois jours, les théurgistes seront morts ! Dans trois jours, les humains seront devenus des démons ! Dans trois jours, le monde sera à nous !
Les démons scandèrent le nom de Baltazard avec force et engouement. Adramelech releva la tête et observa l’ancien théurgiste : il était sûr de lui et déterminé, mais son ambition allait le conduire à sa perte. Il le fallait, car il doutait qu’il se contenterait du monde des humains, ses plans s’étendaient probablement jusqu’au royaume d’As. Ades était en danger : son statut n’avait jamais eu d’impact sur Baltazard.
- Nous attaquerons en premier…
Adramelech vit des têtes se tourner vers lui et des murmures s’échanger, il avait été repéré. Il baissa la tête, s’éloigna de la foule et se téléporta au moment où des démons informèrent leur maître de sa présence.
- Ades, où es-tu ? C’est urgent.
- Salle d’entraînement.
Il rejoignit les quartiers de son roi, prit un couloir sur sa gauche, ouvrit une porte sur sa droite et arriva dans la salle d’entraînement. Il y trouva Ades en compagnie de Taylor en train de se battre avec leurs flammes. Il les regarda avec un goût âcre dans la bouche : il n’appréciait pas la théurgiste et ne supportait pas l’impact qu’elle avait sur son roi. Depuis qu’Ades l’avait rencontré, il n’était plus le même.
- Ades.
Le démon s’arrêta, imité par Taylor et ils lui firent face dans un même mouvement. Adramelech se crispa et se contrôla pour garder pour lui ses pensées.
- Un problème ? l’interrogea son roi.
- Baltazard a réuni tous ses disciples pour exposer son plan. Je m’y suis introduit.
- Qu’as-tu appris ?
- La bataille aura lieu dans trois jours.
- Où ? demanda Taylor.
Adramelech bouillonnait, il aurait aimé la remettre à sa place, mais le regard qu’Ades lui lança le dissuada de toute remarque.
- Il a parlé du Centre de Prague. J’ai dû partir avant de pouvoir en apprendre plus. Il a une grande armée, beaucoup de démons ont rejoint ses rangs.
- Les plus forts et les plus impétueux, c’était à prévoir, répondit Ades.
- Il veut transformer les humains en démons, décimer les théurgistes et prendre le contrôle d’As.
Adramelech regarda Ades et Taylor échanger un regard, puis acquiescer.
- Nous allons nous en occuper. Tu peux disposer Adramelech, je t’appellerais au besoin.
Le démon serra les poings et fit grincer ses dents : il ne voyait pas la relation entre les deux d’un très bon œil. Taylor empêchait Ades de se concentrer sur les choses importantes pour son peuple et pour son royaume. Il avait confiance en son roi, mais s’il dérivait trop, il agirait à sa place. Il ne laisserait pas Baltazard ou Taylor détruire des siècles de règne.
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