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tome 1, Chapitre 28 tome 1, Chapitre 28

As était un royaume immense délimité sur différent niveau. Les appartements d’Ades étaient un étage à eux seuls et se trouvaient en dessous de la salle du trône, le dernier et le plus haut niveau. Taylor leva la tête pour tenter d’apercevoir le siège sur lequel il s’asseyait, mais ne le vit pas.

Le démon continua son chemin sans se soucier de sa présence, alors elle accéléra le pas et le suivit à travers plusieurs niveaux toujours vêtus d’une simple chemise. Elle s’arrêta en reconnaissant un étage : le lieu des sacrifices. Elle se souvint avoir foulé ce sol, avoir entendu les hurlements des âmes dont se nourrissaient les démons, à la différence qu’elle n’avait aucune arme sur elle et quand bien même, elle ne les aurait pas dégainées, car il n’y avait pas de danger. Elle se remémora son rêve, ferma les yeux et reproduisit chacun de ses mouvements : elle se tint au milieu de la pièce, s’agenouilla et attendit, puis une main se posa sur sa joue et elle fit face à Ades. Il l’aida à se relever et approcha son visage du sien.

- Ce n’était pas un rêve, murmura-t-elle.

- Non.

Son cœur tressauta, dans cette pièce où les démons se nourrissaient de la souffrance des âmes, Taylor avait pensé mourir, puis il était apparu. Elle se souvint de la brume qui était sortie de ses lèvres pour l’atteindre et qui lui avait montré des souvenirs qui ne lui appartenaient pas.

Ades colla ses lèvres contre son oreille et son souffle glissa comme un frison sur sa peau blanche. Elle retint sa respiration, attentive aux mots qu’il allait prononcer, les mêmes que dans son rêve, les mêmes que son esprit lui avaient dissimulés. À présent, elle se savait prête.

- À mon contact, tes flammes se réveillent et lient nos âmes démoniaques pour l’éternité, prononça-t-il en langue démoniaque.

Taylor sentit ses flammes se mouvoir et glisser dans son esprit comme un serpent. Elles n’étaient ni hostiles ni alimentées par la destruction, elles réagissaient simplement au contact du souffle d’Ades sur son cou et à sa main sur sa joue. Les flammes orange vif du démon apparurent, s’enroulèrent sur son bras et se dirigèrent vers la théurgiste qui entendait leur appel. Ses propres flammes voulaient se lier au démon et ne faire qu’un avec lui, mais Taylor se recula brusquement. Ades s’approcha pour ne pas perdre l’attraction qui les attirait l’un vers l’autre, mais elle l’arrêta et s’éloigna encore, car plus il avançait plus elle se sentait de nouveau prise au piège dans cette spirale attractive. Elle était perdue et sentait qu’elle n’avait aucun contrôle. Elle avait besoin de temps pour réfléchir et comprendre ce qui se passait. Alors elle se concentra sur sa marque de téléportation qui, par miracle, s’illumina et elle disparut à la surprise d’Ades.

Elle se matérialisa dans sa chambre au Centre et en profita pour changer de vêtement en pensant au nouvel exploit qu’elle venait de réaliser : celui d’utiliser une marque dans un royaume où aucune magie ne fonctionnait. Comment en était arrivé là ? Pourquoi était-elle ainsi ? Pourquoi elle ? Elle avait besoin de trouver des réponses, de comprendre pour pouvoir prendre des décisions. La sonnerie de notification de son téléphone la sortit de ses pensées, elle voulut d’abord l’éteindre, mais vit le prénom de Samuel s’afficher. Le vampire souhaitait la voir et elle ne pouvait pas l’ignorer.

Elle se téléporta sans attendre au U Sadu et entra avec brutalité dans le pub, claquant la porte contre le poteau en bois. Tous les vampires se tournèrent agacés et Taylor déglutit. Elle avait peut-être des capacités extraordinaires et un sang unique, mais au fond elle restait une théurgiste.

- Encore un de ces théurgistes, qu’est-ce qu’ils ont tous à venir aujourd’hui ? grogna un homme imposant, mais Taylor n’y fit pas attention malgré ses propos.

- Dame Taylor Masaryk, quel plaisir de te revoir si vite ! Je t’offre quelque chose ?

- Non, à moins que tu tiennes à avoir encore la gorge tranchée.

Vladimir indiqua l’étage en balayant l’air, en réalité c’était elle qu’il balayait. Elle ne s’en offusqua pas et rejoignit la chambre de Samuel. Devant la porte, elle hésita : qu’allait-elle trouver derrière cette porte ? Allait-elle encore devoir le nourrir ? Allait-il encore lui faire du chantage ? Elle frappa, entra sans attendre de réponse et fut étonnée de constater que le vampire avait allumé la lumière, tiré les rideaux et même ouvert la fenêtre de sa chambre.

- Salut… hésita-t-elle.

- Salut, Taylor. Entre.

Elle referma la porte, s’appuya contre le mur et regarda Samuel assit sur son lit.

- As-tu besoin de te nourrir ?

Elle espérait que non, car elle ne savait pas les effets que son nouveau pouvoir pouvait avoir.

- Je…je peux encore tenir.

- Samuel, arrête de t’interdire de boire, c’est ridicule. Accepte ce que tu es bordel !

Ses mots eurent l’effet d’une gifle pour le vampire. Taylor serra les poings et prit une grande inspiration pour ne pas perdre le contrôle : elle ne pouvait pas lui faire du mal, il était son ami.

- Si ce n’est pas pour boire, pourquoi m’as-tu contacté ?

Samuel l’observa et comprit les propos d’Eliáš : elle n’avait plus rien à voir avec celle qu’elle était quelques semaines plus tôt. Elle était devenue sèche dans ses paroles, ses expressions et son regard étaient devenus froids, et ses gestes étaient parfaitement contrôlés, mais si peu naturels.

- Que t’est-il arrivé ?

Les mots avaient franchi ses lèvres avant de pouvoir les réfréner. Taylor haussa les épaules, comme si elle ne voyait pas de quoi il parlait.

- Tu es différente, je te reconnais à peine…

- Je suis toujours la même, Samuel.

- Non. La Taylor que j’ai connue ne me parlerait pas de cette façon et ne m’appellerait pas Samuel. Alors je te le demande : qui es-tu ?

Elle grinça des dents et serra davantage ses poings jusqu’à faire blanchir ses phalanges. Elle était tiraillée entre l’envie de tout lui dire et celui de le laisser dans l’ignorance.

- Tu peux me parler, tu peux me faire confiance, lui assura-t-il en se levant pour poser sa main sur la sienne.

Taylor s’écarta instantanément et regarda sa main brûlée par le contact de son ami. La température corporelle des vampires était pourtant relativement basse, mais comme la douche, tout était trop chaud pour son nouveau corps. Ses flammes l’avaient modifiée plus qu’elle ne l’avait imaginé.

Elle regarda Samuel et y lut beaucoup de bienveillance, alors elle accepta de lui parler. Elle ne lui raconta pas tout, simplement l’essentiel en commençant par les flammes chaudes et orange, en passant par le démon qui l’avait possédé pour se sacrifier, et enfin ses flammes qui étaient devenues glaciales et bleues. Elle évoqua très brièvement Ades, mais pas son père ni l’implication de la confrérie ou encore la prophétie. Taylor ne voulait pas l’inquiéter plus que de raison.

- Et moi qui me plains de ma piètre existence, dit-il avec dérision.

- Samuel…

- Écoute Taylor, je ne comprends pas ce qui se passe, je ne sais pas ce que tu vis, mais je pense que tu…, feint-il d’hésiter pour paraître le plus naturel possible afin qu’elle ne le soupçonne pas. Je pense que tu devrais te tourner vers Ades. Il semble être le seul à te comprendre et à pouvoir t’aider. C’est un démon, mais c’est peut-être ta seule solution pour apprendre à te contrôler.

- Je reste surtout auprès de lui pour obtenir un démon venin, rit Taylor.

- Pourquoi cherches-tu un démon venin ?

- Pour guérir mes cicatrices.

Elle trouvait étrange de pouvoir parler librement à quelqu’un, elle avait oublié ce que ça faisait. Samuel était un des rares à connaître l’existence de ses blessures au dos et surtout à en connaître l’origine. Le vampire ne répondit rien, il ne savait pas à quel point il pouvait insister : il avait une mission et ne comptait pas la faire s’échouer par son manque de vigilance.

- Et toi, ça va ?

Elle venait de diriger le sujet de la conversation sur lui, c’était judicieux, mais Samuel n’en resta pas là. Eliáš avait été précis en lui confiant cette mission.

- Ça va, mais les vampires sont un peu agités.

- Pourquoi ?

Taylor se demanda si les créatures sentaient que quelque chose se préparait. Elle avait aussi senti des changements dans l’air et elle ne doutait pas de l’implication de son père, bien qu’elle n’eût pas la moindre idée de ses plans.

- La confrérie va rester un moment à la surface avec les examens des théurgistes au Centre. Les vampires n’aiment pas trop les voir roder comme ça.

- Les examens ne sont pas encore près d’avoir lieu, il reste…

Combien de temps restait-il ? Combien de temps s’était écoulé depuis la venue de la confrérie au Centre ? Elle ne savait plus, elle avait perdu le fil des évènements.

- Deux semaines, de ce que j’ai entendu. Tu avais oublié ?

- Oui…non…je…

- Taylor, tout va bien ?

- Désolée, je dois y aller.

Elle le salua d’un bref signe de la main, puis quitta la chambre en laissant son ami penaud.


Texte publié par Aihle S. Baye, 25 juillet 2023 à 15h28
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