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Taylor sentait ses forces partir et bientôt elle deviendrait l’instrument des flammes. Ades posa sa main sur son épaule pour la soutenir, mais elle se recula vivement : sur son bras la marque des doigts du démon s’était imprimée.

- Adramelechou…, l’appela Volac.

- Dégage ! grogna Adramelech qui avait repris sa forme humaine. Ades, reprit-il, c’est une vermine de théurgiste, laisse-moi m’occuper d’elle, j’en prendrais grand soin !

Ades, dans une rapidité que les yeux de Taylor ne purent suivre, empoigna la gorge de son second et le souleva jusqu’à ce que ses pieds nus ne touchent plus le sol.

- Prononce encore un mot et tu finis en cendre ! Personne ne touchera à cette théurgiste, c’est clair ?

- Oui

- Dégagez !

Il retira sa main, le démon tomba lourdement sur le sol et se mit à tousser plusieurs fois. Volac vint le soutenir et l’incita à partir.

- Pourquoi ? demanda Taylor en serrant des dents.

Ades se tourna et la regarda essayer de garder le contrôler sur un pouvoir dont elle ignorait tout.

- Pourquoi fais-tu ça ?

- Ce n’est pas le moment d’en discuter, trancha-t-il.

Elle était à fleur de peau, mais ne répliqua rien, car il avait raison.

- Nous devons nous dépêcher, tu vas finir par imploser, affirma le démon.

- Que dois-je faire ? l’interrogea Taylor d’une voix plaintive.

- Garde le contrôle le temps que je nous emmène ailleurs.

- Ailleurs ? répéta-t-elle l’esprit embrouillé.

- Je ne te fais pas confiance, alors je ne vais certainement pas te laisser l’occasion de réduire cet endroit en cendre. Adramelech a raison, tu restes une théurgiste.

Elle aurait aimé lui répondre, lui lancer une phrase acerbe au visage, mais à quoi bon ? Peu importe dans quel camp elle se trouvait, jamais elle ne trouverait sa place, elle serait toujours considérée comme un être abject.

Il la prit dans ses bras sans se soucier que son contact la brûlait et disparut à travers ses flammes orange. Il la déposa dans une pièce ronde aux murs rocailleux où des jets de lave coulaient.

- Où sommes-nous ?

Taylor regretta aussitôt d’avoir posé la question, car il n’existait sur Terre aucun lieu aussi chaud et sombre.

- Le royaume d’As, murmura-t-elle en sentant son ventre se nouer.

C’était dans ce royaume que son cauchemar prenait vie : elle ressentait la puissance et le feu ardent qui habitait ce monde. Elle crut entendre des voix, elle tendit l’oreille et patienta en quête du moindre signe.

- Ce sont les âmes, elles brûlent dans les profondeurs d’As. Tu t’habitueras à les entendre.

Elle acquiesça. Elle connaissait le destin réservé aux êtres humains : qu’ils soient bons ou mauvais, ils finissaient tous dans ce royaume à souffrir pour l’éternité. Un jour, elle les rejoindrait. Elle espérait simplement que ce jour n’arriverait pas trop vite, mais à voir ce que préparait Ades, elle fut prise de doute. Le démon récupéra sur le sol des chaînes forgées dans la roche où au bout se trouvaient des menottes.

- Avance, ordonna-t-il.

Taylor obtempéra sans sourciller. Si elle devait mourir aujourd’hui elle espérait que ce soit rapide. Elle tenta d’actionner une de ses nombreuses marques, mais aucune ne scintilla sur sa peau, car la magie théurgiste ne fonctionnait pas dans ce lieu.

Ades menotta ses chevilles, puis ses poignets et lorsqu’elle tenta de bouger, les chaînes se tendirent et la clouèrent sur place.

- Ne bouge pas, plus tu essaies et plus ça sera douloureux.

- À quoi joues-tu ? Je t’ai demandé ton aide, pas une séance de torture.

- Les théurgistes…

Il l’avait marmonné en allant ramasser une tige de fer avec à son extrémité un symbole. Il la plongea dans un jet de lave et attendit patiemment. Lorsqu’il ressortit le bâton, celui-ci était rouge vif et il l’approcha de Taylor, puis souleva son haut. Elle tenta vainement de bouger pour se libérer de ses chaînes, mais se fut le contraire qui se produisit. Elle se crispa de douleur, elle sentait le sang couler de ses chevilles et de ses poignets, cependant ce n’était rien en comparaison à ce qui allait arriver. Ades tint la tige de fer à l’horizontale et l’approcha de son abdomen alors qu’elle se préparait à ressentir la douleur de la brûlure qui n’arriva jamais. Elle regarda l’étrange symbole être fermement appuyé contre son ventre sans en ressentir la moindre douleur. C’était une sensation des plus étrange. Elle finit par se détendre et les chaînes se relâchèrent.

Ades retourna plusieurs fois faire chauffer la tige en dessous d’un jet de lave avant de l’appliquer sur son abdomen. Il était pleinement concentré sur sa tâche et ne prononçait pas un mot. Taylor ne comprenait pas comment un simple bâton de fer pouvait apaiser les flammes en elle, puis tranquillement un sommeil sans rêves s’empara d’elle.

Elle se réveilla dans un lit où la sensation du matelas moelleux sous elle détendit ses muscles endoloris. Elle ouvrit paisiblement les yeux sur un plafond rocheux et sombre peint d’un dessin. Elle le reconnut pour l’avoir vu sur le bras de Shadow, il représentait un lion plongé dans les flammes : la fourrure de l’animal et l’expression de son visage étaient sombres, mais ses yeux, de la même couleur que le feu, étaient intenses et la fixaient. Sur son front, quelque chose était gravé et l’interpella. Elle se leva et se mit debout sur le lit, sans remarquer sa nudité, trop absorbée par le dessin au-dessus d’elle. Elle aurait aimé s’en approcher, voir ce qui lui semblait être un début de symbole. Cependant, une partie était manquante. Elle aurait aimé pouvoir tendre sa main et toucher de ses doigts cette peinture pour ressentir les textures et les coups de pinceau. Elle se sentait happée par cette œuvre artistique et son regard ne pouvait quitter ce début de symbole qui semblait l’appeler. Elle se mit sur la pointe des pieds dans l’espoir de pouvoir mieux l’apercevoir, mais même avec ses sens accrus, elle n’arrivait pas à en distinguer les détails.

- Bordel ! On t’a déjà dit que pour une théurgiste, tu as un sacré corps. De toute beauté, piouf !

Taylor tourna la tête, puis regarda son corps et cacha tant bien que mal sa nudité à l’aide de ses mains.

- DÉGAGE ! Pervers !

- Qui ? Moi ? Tu me traites de pervers !

Il rit de bon cœur, puis posa son profond regard sur elle.

- Voyons, il n’y a rien de mal à contempler un corps nu, n’ait pas honte.

Pour aller avec ses propos, il retira ses propres vêtements.

- Admire-moi autant que tu veux, je suis tout à toi si tu le désires. On fera des folies ensemble !

Il se mit à tourner sur lui-même pour que Taylor le contemple, mais elle garda ses yeux fixés aux siens, nullement attirée.

- Ooh aller, il faut te décoincer un peu ! Je peux t’aider si tu v…

- Volac !

Le démon de la luxure rentra sa tête dans ses épaules et se tut. Sur le seuil de la porte se tenait Ades, et Volac se jeta presque aussitôt à ses pieds.

- Dégage et ne remets plus les pieds ici !

- Oui, mon roi.

Il déguerpit aussi vite qu’il le put en omettant de reprendre ses vêtements.

Ades leva les yeux sur Taylor, toujours debout sur le lit, et son regard de braise se posa sur son corps nu. Elle se sentit brûler, puis se racla la gorge et regarda ailleurs. Le démon sourit en se déplaçant à travers la chambre et elle se tourna au même rythme que lui, de sorte à toujours lui masquer la vue sur son dos. Il ouvrit un tiroir, sortit une chemise et lui donna. Leurs doigts se touchèrent et Taylor sentit de l’énergie la parcourir. Il sembla également le ressentir, car leurs regards s’accrochèrent avec intensité. Ades finit par se reculer et se retourner pour lui laisser un semblant d’intimité.

- Peux-tu m’expliquer ? demanda-t-elle une fois vêtue de la chemise qui lui tombait au milieu des cuisses, elle aurait aimé pouvoir mettre des sous-vêtements, mais au moins son dos était caché.

Ades lui fit face et la contempla avec intérêt.

- Tu t’es endormi, je t’ai emmené dans ma chambre pour que tu puisses te reposer.

- Et mes vêtements ?

- En t’emmenant ici, ils ont pris feu à mon contact, répondit-il en gardant la fixant.

Taylor attendit, mais il n’ajoutera rien, pas même un mot d’excuse. Après tout c’était un démon, à quoi pouvait-elle s’attendre ?

- Comment cela se fait-il ? Je croyais que le grand roi d’As maîtrisait ses pouvoirs, le taquina-t-elle avec arrogance.

Elle descendit du lit et à la seconde où ses pieds touchèrent le sol, Ades empoigna sa gorge.

- Parle-moi encore une fois sur son ton et je peux te jurer que tu mourras, c’est compris ?

- Ou…i…

Il retira sa main et Taylor put de nouveau faire rentrer de l’oxygène dans ses poumons.

- Tu dois rentrer.

- Tu n’as pas répondu à ma question ?

- Rien ne m’y oblige. Rentre chez toi.

- Pas sans quelques réponses.

Elle voulait savoir ce qui se passait : pourquoi son corps réagissait-il autant aux flammes d’Ades ? Pourquoi en sa présence tout semblait étrange ? Pourquoi était-elle ainsi ? Pourquoi…

Le démon grogna et sortit de la chambre sans se retourner, mais elle n’avait cependant pas dit son dernier mot. Elle était agacée d’être toujours mise dans l’ombre, elle voulait des réponses et était prête à tout pour les obtenir. Même si pour ça, elle devait traverser tout le royaume d’As. Elle avait conscience qu’un jour son arrogance la mènerait à sa perte.