L’instabilité était une émotion que Taylor n’avait jamais ressentie auparavant et alors qu’elle venait de tourner le dos au théurgiste qu’elle considérait comme son ami, elle se sentait perdue. Elle s’était téléportée dans le quartier résidentiel verdoyant de Vinohrady : les bâtiments art déco aux tons pastel la plongeaient habituellement dans l’effervescence, mais aujourd’hui les humains l’oppressaient, les bruits de la ville l’insupportaient et lorsqu’un homme eut le malheur de la bousculer, son poing fit apparaître des flammes bleues et elle dû puiser au fond d’elle pour ne pas commettre l’irréparable. Elle finit par activer sa marque d’invisibilité pour disparaître au milieu des passants.
Elle avait choisi la première destination qui lui était venue à l’esprit : le sanctuaire de son père. Elle se tenait devant la porte principale et hésitait : était-ce la seule solution ? Le seul endroit où elle pouvait aller ? Elle soupira et traversa l’usine désaffectée sans faire le moindre bruit : malgré le sacrifice de Shadow, elle avait gardé les déplacements et l’allure d’un démon, ainsi elle put aisément rejoindre le terrain encerclé par le grillage sans se faire remarquer. Elle avait espéré y trouver Ades même s’il n’était pas encore vingt-deux heures, mais il n’était pas là. Elle se crispa en haut de l’escalier, le corps pris d’un spasme dû au trop-plein d’émotions négatives : la colère, la frustration et la trahison alimentaient la perte de contrôle de son pouvoir et bientôt elle ne serait plus capable de maintenir ce fragile équilibre. Elle avait besoin d’Ades, il était le seul à pouvoir l’aider et à l’empêcher de sombrer.
Elle descendit la volée de marches et avança sur le sol poussiéreux en titubant. Si elle ne pouvait pas contrôler les flammes, alors la seule solution était de les laisser sortir. Elle estima le terrain suffisamment grand pour ne faire aucune victime, puis elle se plaça au milieu et attendit les yeux fermés.
- Adramelechou, on fait quoi ici ? J’ai des hommes et des femmes qui m’attendent dans ma chambre pour qu’on s’amuse toute la nuit !
Taylor percevait les auras des deux démons, entendait leur respiration et leurs pas sur le sol. Elle grimaça et essaya de faire le vide, de ne pas se préoccuper d’eux, mais le démon reprit la parole.
- Tu veux te joindre à nous, petit coquin ! Viens, je prendrais soin de toi !
Elle grogna et sa colère redoubla. La stabilité de ses flammes s’étiola et elle réussit à reprendre le contrôle de justesse.
- Je ne suis pas un obsédé, clama le concerné ce qui fit rire son interlocuteur.
Elle ouvrit les yeux : leurs lueurs bleues translucides n’avaient plus rien de merveilleux, ils étaient sombres, terrifiants et les flammes ne tardèrent pas à apparaître autour de ses pupilles.
- Adramelechou, tu es si drôle !
- J’aspire à d’autres c…
- FERME VOS GUEULES, DÉMONS ! hurla Taylor.
Ils se turent et se tournèrent la théurgiste qui les observa. Le premier avait les cheveux et les yeux blancs, une mâchoire en V, des joues creusées et un sourire en coin à faire vomir. Il ne pouvait s’agir que de Volac, le démon de la luxure. Taylor l’avait croisé à la boîte de nuit alors qu’elle cherchait Ades. Le second en revanche lui était inconnu, il avait des cheveux de jais, tenus par du gel, une barbe rasée de près, mais ce qui attirait le regard était sans nul doute la marque autour de ses yeux : une bande noire, d’au moins cinq centimètres, lui barrait le visage et quatre autres plus fines zébraient son œil droit. C’était le signe d’une haute position, mais elle n’arrivait pas à se concentrer pour se souvenir de ses cours sur les démons.
- Volac va prévenir le maître, une théurgiste a réussi à pénétrer !
- Du calme Adramelechou, je la connais !
- Laisse-moi deviner, encore une de tes milliards de conquêtes ?
- Tu abuses un peu, j’en ai eu que neuf millions quatre-vingt-dix-neuf mille neuf cent quatre-vingt-huit d’abord ! Enfin si on compte ce soir… ah non c’est des habitués, dommage.
Taylor perdit patience, elle n’avait cure de leur puérile querelle.
- La ferme, pathétiques démons !
L’erreur qu’elle venait de commettre risquait de lui coûter très cher, mais elle était trop instable pour réfléchir convenablement et pour prendre les bonnes décisions. Le démon à côté de Volac débuta sa transformation : sa chemise noire se déchira, son torse prit du volume et un épais duvet de poils le recouvrit tandis que ses muscles gonflèrent. Son jeans se déchira mettant à nue une partie de ses jambes qui se transformèrent pour devenir plus robustes et poilues. Ses pieds se modifièrent quelque peu et de longues griffes apparurent. Sa tête changea à son tour pour celle d’un mulet à grandes oreilles. Puis la touche finale : dans son dos se déploya une queue de paon. Ce fut à cet instant précis que Taylor regretta amèrement d’avoir provoqué le démon, car il s’agissait d'Adramélech, le bras droit d’Ades. Il brûlait et torturait les esclaves de son harem par simple plaisir, la majorité étant des humains. C’était un sanguinaire qui excellait dans l’exécution de châtiments.
- Pauvre théurgiste, tu fais moins la fière maintenant ! Sale vermine !
Les mains de Taylor s’enflammèrent et un sourire apparut sur son visage. Elle était au bord du précipice, elle n’avait que très peu de contrôle sur son pouvoir, mais que pouvait-elle faire ? Se laisser tuer par ce démon sans même se battre ? Non. Une théurgiste ne reculait jamais face au combat.
- Amène-toi ! le provoqua-t-elle.
Adramelech se jeta sur elle par l’impulsion d’un puissant saut et Taylor changea ses flammes bleues en deux chakrams qu’elle lança. Le démon réussit à esquiver le premier, mais le deuxième vint se loger dans son tibia, paralysant sa jambe. Il retomba avec force contre le sol et poussa un grognement bestial. Il redressa son torse et la regarda s’approcher lentement : ses flammes créèrent deux lames dentelées qu’elle fit tourner dans les airs en se voyant déjà victorieuse, mais le démon était loin d’avoir tout donné. Sa queue de paon frétilla, puis des milliers de fines aiguilles en sortirent et visèrent Taylor qui était trop proche pour avoir le temps d’esquiver l’attaque. Elle ne put que cacher son visage de ses bras en se préparant à sentir les aiguilles lui transpercer la peau, mais rien ne se produisit. Elle releva la tête et fit face à Ades qui venait de se servir de son corps comme bouclier.
- Mon roi…
- Oh c’est un truc de dingue ! Adesinou qui sauve la théurgiste en détresse !
- Volac !
La pression vocale qui traversa les lèvres d’Ades arrêta net le démon de la luxure qui rentra ses épaules pour se faire tout petit.
- Ça va ? demanda Ades.
- Laisse-moi m’occuper de cette vermine de théurgiste ! cracha Adramelech, ravivant la colère de Taylor.
Ses mains prirent feu au même titre que ses iris.
- La ferme Adramelech.
- Mais…
- Ça suffit ! dit-il en langue démoniaque.
Le démon grogna, mais se tut. Son allégeance à Ades l’obligeait à réagir dans son sens lorsqu’il usait de son statut de roi.
Taylor se replia de nouveau sur elle-même en grognant.
- Taylor ?
- Aide…moi…
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