Un épais brouillard recouvrait l’esprit de Taylor et elle gémit sous la pression qu’exerçait son cerveau. Elle ferma les yeux et se concentra sur sa marque de soin : la lumière d’activation jaillit sur son bras et ses maux disparurent, elle roula des épaules et soupira de soulagement en se redressant.
- Ça va ?
Elle ouvrit les yeux et regarda Ades assis sur la chaise. Il avait les bras croisés sur son torse et attendait patiemment. Était-il resté veillé sur elle ? Un comportement inhabituel pour un démon, toutefois elle devait bien reconnaître que ces derniers temps rien n’avait de sens.
- Je vais bien, dit-elle après un long soupire.
- Alors, rentre chez toi. Nous reprendrons l’entraînement ce soir.
La délicatesse du démon était sans pareil, mais elle ne s’en offusqua pas, après tout elle n’était pas là pour qu’on la ménage.
- Ce soir ?
- Cela te pose un problème ?
- Demain je dois aller en cours, avoua-t-elle et elle se sentit stupide.
- Il faut savoir si tu veux t’entraîner pour devenir plus forte ou continuer de jouer les petits toutous dès que le Conseil aboie un ordre !
Elle serra les dents, il était clair qu’elle allait devoir faire un choix. Elle n’était le chien de personne, mais elle appréciait aller en cours et se mêler aux humains. Elle pensa soudain à Lev : leur lien lui manquait, elle s’était habituée à ressentir la présence de son affect et à pouvoir compter sur lui dès qu’elle en avait besoin, mais ce lien s’était brisé et elle se sentait étonnamment seule. Elle aurait aimé donner une explication à son ami, mais comment lui expliquer quelque chose qu’elle-même avait du mal à comprendre ? Puis, un doute persistait : pouvait-elle réellement lui faire confiance ?
Décide-toi, si tu n’es pas là à vingt-deux heures ce n’est pas la peine de revenir.
Ades se leva et quitta la chambre en prenant soin de claquer la porte. Taylor se leva et marcha à travers la pièce en pesant le pour et le contre, puis des voix résonnèrent dans le couloir en s’approchant de la chambre. Taylor reconnut l’une d’elles comme étant celle de son père et activa sa marque de téléportation pour disparaître au moment où la porte s’ouvrit.
Elle arriva dans sa chambre au Centre et alla machinalement verrouiller sa porte, puis rejoignit sa salle de bain. Elle alluma le jet d’eau chaude et retira ses vêtements sales, puis se glissa dans la douche, mais ressortit immédiatement avec un cri de douleur. Sur son épaule, une marque rouge vif apparut : l’eau venait de la brûler. Elle baissa la température, mais chaque fois c’était encore beaucoup trop chaud pour qu’elle arrive y rester plus d’une seconde. Elle baissa à zéro degré et se glissa sous le jet, à son étonnement, elle trouva encore l’eau chaude, mais supportable. Elle se doucha et s’habilla dans des gestes mécaniques tandis que son esprit cherchait une explication logique à ce brusque changement, mais tout se mélangeait et la plongeait dans un gouffre sans fond.
Taylor finit par quitter sa chambre en quête de la cuisine, et sur le chemin, elle croisa Eliáš qui lui sourit vivement.
- Eliáš, il faut qu’on parle.
- Il fait vraiment chaud aujourd’hui, dommage que le Centre n’est pas fait une piscine. Tu imagines ? Le kiff intégral !
- Eliáš ! le rappela-t-elle à l’ordre.
Le théurgiste reprit son sérieux de façon troublante en se métamorphosant totalement : les expressions de son visage, la lueur dans ses yeux, sa posture, tout changea pour laisser la place à une nouvelle version de lui. Taylor l’observa attentivement et essaya de déceler des réponses à ses multiples questions : elle avait la certitude qu’il savait des choses dont elle-même ignorait, ce qui ne la rassura pas.
- Sortons, proposa-t-il. Les murs ont des oreilles.
Eliáš regarda autour de lui, imité par Taylor : parler à la vue de tous n’était pas prudent. Elle vit justement Lev quitter la cuisine et s’arrêter en les voyant. Il les rejoignit néanmoins, mais ne s’adressa qu’à Eliáš. Elle se retint de faire une remarque, mais Lev avait besoin de temps et elle le comprenait, même si ça lui coûtait.
- Que fais-tu ?
- On discute, répondit en souriant Eliáš. J’étais en train de dire que le Conseil pourrait creuser une piscine, ça serait super cool ! Tu ne trouves pas, grand frère ?
Il était doué, Taylor était subjuguée par son jeu d’acteur. Depuis des années, elle le prenait pour le marrant de la bande, toujours prêt pour faire une bêtise, mais ce n’était qu’une parfaite mascarade.
- Si tu le dis.
Lev sourit d’un air gêné à son petit frère et retourna à ses occupations.
- Allons-y, annonça Eliáš. Lev ne doit pas nous suivre.
Ils rejoignirent le hall et Taylor en profita pour faire une halte dans la cuisine pour récupérer sans bruit de quoi sustenter sa faim.
- Téléportons-nous où on s’est laissé la dernière fois.
Il disparut sans laisser à Taylor la possibilité de dire quelque chose. Elle soupira et se téléporta en s’assurant que personne ne l’épiait.
La forêt avait été nettoyée des cadavres, du sang et du venin des démons. Il n’y avait plus aucune trace d’un quelconque combat : un simple sortilège avait suffi à effacer la noirceur de ce monde aux yeux des humains. Taylor aurait aimé que tout soit si facile, malheureusement elle ne vivait pas dans un conte de fées et par précaution, elle fit un rapide tour du périmètre.
- Nous sommes seuls.
Ils se tenaient l’un en face de l’autre, puis Eliáš s’assit sur un rocher et Taylor décida de s’installer en hauteur sur une branche suffisamment solide. De là-haut, elle pouvait anticiper l’approche d’une quelconque menace.
- Il semblerait que nous devons discuter. Je t’en prie, commence. Que souhaites-tu savoir ? demanda Eliáš.
- Qui es-tu ?
- Vaste question...
Il réfléchit, pesa le pour et le contre : devait-il révéler l’intégralité de ce qu’il était réellement et de ce qu’il savait ? Il hésita. Quelle était la meilleure approche ?
- La confiance se place en l’esprit qui sera reconnaître le voile de la vérité, Eliáš.
Le théurgiste releva la tête et regarda Taylor, plus assuré. Il venait d’obtenir la réponse qu’il attendait : partout où il irait, la confrérie le suivrait et serait là dès qu’il en aurait besoin.
- Je suis Eliáš Novotný, théurgiste et petit frère de Lev Novotný…
Taylor soupira, il ne lui dirait rien.
- …Je suis Eliáš Novotný, membre-apprenti de la confrérie des théurgistes.
Elle ne fit aucune remarque, car au fond elle s’en était doutée : l’aura qu’il dégageait était similaire à celles des théurgistes originels.
- Je vis avec et pour la confrérie. L’apprentissage que j’y fais va dans le sens des prophéties, dans le sens de la paix.
Ce qu’elle avait imaginé était bien réel : Eliáš serait le quatrième membre de la confrérie, sauf que pour cela il allait devoir…
- Pour devenir membre de la confrérie, il faut être humain et devenir théurgiste, se rappela-t-elle d’après l’histoire apprise durant son enfance.
- Ma mère étant une humaine dotée du souffle, je remplis les conditions.
Taylor commençait à comprendre, mais ce qu’elle découvrait ne la rassurait guère.
- Donc depuis tout ce temps, nos discussions, nos sorties improvisées, ce n’était qu’une façon de me tenir à l’œil pour le compte de la confrérie ?
C’était une question rhétorique, il était évident que toute sa vie n’avait été que mensonge. Personne ne lui faisait confiance et rien ne changerait cela. La colère pulsa dans ses veines, Taylor ne tenta même pas de la maîtriser et sa température corporelle se mit à baisser jusqu’à atteindre un froid polaire.
- Taylor, calme-toi.
- Je te faisais confiance, Eliáš ! Au final, tu es comme les autres, toi aussi tu crois que je suis un monstre qu’il faut enchaîner et mettre en cage ? Tu es pitoyable ! Retourne donc avec ta chère et tendre confrérie, nous n’avons plus rien à nous dire.
Elle se laissa retomber de son perchoir, se réceptionna avec élégance et s’avança avec détermination vers Eliáš calmement assis sur son rocher le visage neutre. Elle serra son poing qui s’enflamma. Un combat intérieur débuta : devait-elle laisser libre cours à sa colère ou devait-elle simplement partir ?
Elle choisit la deuxième option, ne voulant pas faire de mal à Eliáš, il n’était pas son ennemi, du moins elle l’espérait. Elle laissa retomber sa main le long de son corps, soupira et s’éloigna. Elle était fatiguée, épuisée de cette charge mentale qui pesait sur elle, épuisée des mensonges et des secrets. Elle ne savait plus à qui elle pouvait se fier et ne savait plus qu’elle était sa place dans ce monde.
- La prophétie amènera la paix. Tu es la clé de la prophétie, Taylor.
Elle s’arrêta.
Si je suis la clé, alors récite-moi la prophétie.
- Je ne…
- …Peux pas faire ça. Le contraire m’aurait étonné.
- Tay…
- Tu sais quoi ? dit-elle en se retournant. Aller vous faire foutre, toi et la confrérie.
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