L’air s’infiltra dans les poumons de Taylor et son sang pulsa dans ses veines jusqu’à atteindre son cœur qui redémarra avec force. Une ombre passa sur son visage et obstrua la lumière des lampadaires. Ses paupières s’ouvrirent et ses yeux se posèrent sur la barbe de cinq jours qui encadrait le visage de l’homme. Ils se regardèrent sans animosité ni haine. C'était simplement deux regards brûlant d’un feu unique et complémentaire.
Autour d’elle le ciel s’était éteint, le soleil s’était couché et la Lune avait pris sa place dans la nuit noire. La lumière filtrait du bouclier et éclairait le terrain où se tenaient Ades et Taylor. Le démon l’aida à se remettre debout et s’écarta d’elle, mais elle s’agrippa avec entrain à sa chemise, prise de vertige.
- Je te ramène, dit Ades en passant son bras autour de sa taille pour la soutenir.
- No…n, l’entraîne…
- Tu n’es pas en état, tu dois te reposer, la coupa-t-il d’une voix tranchante et sans appel.
Il voulut la porter et l’amener ailleurs, mais elle le repoussa avant que son bras ne touche son dos.
- Je peux…me débrouiller.
C’était faux, mais elle préférait s’épuiser à marcher plutôt que de laisser quiconque toucher ses cicatrices.
- Tay…
- Non.
- Très bien, démerde-toi ! cracha-t-il en prenant la direction du bâtiment en pestant contre les théurgistes.
Taylor aurait aimé lui répondre, mais elle trébucha et tomba sur le sol poussiéreux. Elle se releva difficilement : ses jambes tremblaient et n’arrivaient pas à la porter, elle ferma les yeux et se concentra pour surmonter les vertiges et la fatigue. La frustration se mêla à la colère et réveilla dans son esprit une force qui se diffusa dans chaque fibre de son corps, dans ses veines, ses muscles et ses nerfs. Elle ressentit cette déferlante de puissance et en cet instant, plus rien ne pouvait l’arrêter. Elle posa ses mains sur le sol et sourit en ouvrant les yeux : des flammes bleues jaillirent de ses paumes et une couche de glace se créa.
Ades était arrivé à la porte du sanctuaire lorsqu’il entendit un crépitement derrière lui, il se retourna et eut tout juste le temps de contrer les flammes bleues de Taylor qui riait. Le roi revint sur ses pas et se tint prêt pour l’affrontement.
Taylor fit rouler ses épaules sans jamais se défaire de son sourire en coin. Elle ne ressentait plus les vertiges et plus aucune douleur ne l’atteignait. Il n’y avait que cette puissance colossale qui pulsait dans tout son être. Ades profita de son extase pour attaquer, mais elle se défendit sans mal et contre-attaqua : des flammes jaillissaient des deux côtés sous forme de boule de feu ou de glace, de sabre ou de fouet, de chakrams ou de flèches. Tout ce qu’ils voulaient, ils pouvaient le matérialiser. Taylor était en pleine euphorie dans laquelle il lui était impossible de s’arrêter, elle ne le voulait d’ailleurs pas malgré l’épuisement qu’elle ressentait.
- Arrête ! ordonna le démon.
- Jamais !
Taylor créa une pluie de glace au-dessus d’Ades qui l’évita en se protégeant par son feu, mais un pique réussit à lui entailler le bras.
- Ça suffit ! ordonna-t-il en langue démoniaque.
- Arrête-moi si tu peux !
Elle se sentait invincible et se demanda ce qu’elle pourrait bien faire de toute cette puissance. Elle se perdit dans ses pensées et Ades saisit l’opportunité de sa faible concentration pour lier ses chevilles et ses poignets, puis bâillonna sa bouche. Elle grogna, tenta de se libérer, de faire sortir son propre feu, mais Ades avait pris soin de ne pas lui laisser la possibilité du moindre mouvement.
- Taylor, calme-toi !
Il n’eut qu’un puissant grognement en réponse.
- Tu dois te calmer. Un tel pouvoir doit être maîtrisé, là c’est lui qui te maîtrise.
Avait-il raison ? Était-ce le feu qui la contrôlait ? Elle ferma les yeux et chercha dans son esprit la source de ce nouveau pouvoir. Elle le trouva au fond de son esprit, sa couleur blanche et bleu l’éblouit, elle voulut s’approcher de sa surface lisse et glaciale, mais elle se fit rejeter.
- Prends le contrôle. Tu dois retrouver qui tu es. Souviens-toi, cherche au fond de toi. La réponse n’est pas le pouvoir, la puissance ne fera pas de toi une grande théurgiste respectée de ton peuple.
Elle écouta attentivement les paroles d’Ades et d’elles-mêmes les flammes se retirèrent. Elle reprit possession de son corps, de ses émotions, de ses souvenirs et de qui elle était vraiment, puis l’épicentre de son pouvoir dans son esprit diminua en intensité, lui laissant la possibilité de le toucher et d’en prendre le contrôle. Elle avait conscience qu’elle allait devoir maîtriser les flammes si elle voulait retourner au Centre, car pour l’instant, elle ne pourrait pas quitter l’enceinte du sanctuaire. Elle se détendit, Ades la libéra de ses flammes et la rattrapa, inconsciente.
Il la porta à l’intérieur du sanctuaire silencieux : la plupart des démons étant sortis profiter de leur soirée pour s’amuser en toute liberté. Il fut un temps où Ades appréciait sortir à la recherche de sensation forte, maintenant il avait tendance à préférer sa tranquillité. Toutefois, il ne disait pas non à une soirée de folie de temps à autre.
- Ades ? l’appela Baltazard et le démon pesta, il avait espéré ne pas le croiser.
Naturellement, l’ex-théurgiste s’approcha et remarqua sa fille dans ses bras.
- Que s’est-il passé ?
Le roi préféra le silence, ne tenant pas à expliquer les raisons d’une telle situation. Ce n’était pas pour protéger Taylor, mais il savait ce que Baltazard ferait s’il savait ce que sa fille était capable de faire. Il voulait préserver cette femme, malgré sa nature de théurgiste, quelque chose en lui l’incitait à lui venir en aide et à prendre soin d’elle. C’était déroutant, les démons ne ressentaient pas de compassion, la plupart étant nés pour semer le chaos.
- C’est toi qui l’as mise dans cet état ?
Ades grogna de sa voix démoniaque : sa capacité à changer des parties précises de son corps comme bon lui semblait lui était très utile. Il venait de transformer ses cordes vocales pour leur donner une puissance à en faire trembler le sol, mais Baltazard ne se démonta pas. Il voulait sembler fort, puissant et intouchable, pour Ades, ça tenait du suicide d’agir de la sorte : son peuple l’avait peut-être désigné comme maître, mais il ne devait pas oublier qui était le plus puissant des deux.
Dans les bras du démon, Taylor gémit et manqua de tomber en gesticulant. Il la serra plus fermement contre lui et l’emmena loin de son père.
- Ades !
Il libéra une de ses mains et la leva. Baltazard se tut et le laissa emmener sa fille dans une chambre de l’infirmerie pour qu’elle se repose.
Ades déposa délicatement Taylor sur le lit et la recouvrit d’une fine couverture, puis il s’assit sur la chaise et attendit. Il aurait très bien pu partir, mais il sentait qu’il devait rester : une nouvelle perte de contrôle n’était pas à exclure.
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