Taylor se trouvait dans un champ de hautes herbes sous un soleil brillant. Des oiseaux volaient en chantant gaiement, tandis que l’arôme des fleurs envahissait l’air et enchantait cet instant. Elle errait, vêtue d’une robe légère aux épaules découvertes, et rejoignit une forêt où les rayons du soleil se frayèrent un chemin à travers le feuillage des arbres. Des lapins traversèrent devant elle sans se soucier de sa présence, tandis que plus loin un loup gambadait tranquillement avec ses louveteaux, et que sur les arbres des écureuils grimpaient jusqu’à leur abri, les joues remplies de noisettes. Des papillons volèrent, Taylor écarta les bras pour laisser les lépidoptères se poser sur elle et sa joie vint illuminer son visage d’un léger sourire.

Des branches craquèrent dans son dos, elle se retourna en tenant dans le creux de sa main un papillon vert et jaune. Elle fit face à la forêt, sans y voir de signe de danger, pourtant son corps réagissait malgré elle : la peur s’infiltra dans son esprit et effaça toutes émotions joyeuses. Le papillon dans sa main s’agita et battit férocement dans ailes, elle voulut le protéger, mais en voulant le toucher celui-ci prit feu. Taylor le lâcha et le vent balaya les cendres, alors qu’elle regarda ses mains recouvertes de flammes. Un nouveau bruit surgit dans son dos, elle se retourna sans peur, car elle savait : il était là, devant elle, dans une forme abstraite et d’une profonde noirceur. Il était là parce qu’elle y était, il était là parce qu’il était elle. Elle était là parce que…

- …rien de tout ça n’est réel.

- À la bonne heure ! J’ai cru que tu ne t’en rendrais jamais compte ! Pour une théurgiste, je t’aurais cru plus futée… Après qu’entends-tu par « réel » ? C’est subjectif.

Taylor regarda autour d’elle : le paysage féérique avait disparu, remplacé par les flammes et la noirceur. Des miroirs apparurent et formèrent un cercle autour d’elle. Sa robe fleurie avait été remplacée par des habits sombres et près du corps, comme ceux qu’elle avait l’habitude de porter. Son visage était pâle et transpirant, ses longs cheveux noirs bleutés lui collaient aux visages et ses yeux étaient vitreux.

Des flammes remontèrent lentement le long de ses bras sans en ressentir la douleur. Les flammes l’envahirent, la couvrirent comme une seconde peau, comme une couche protectrice. Les miroirs renvoyaient à Taylor l’image de ce qu’elle était vraiment : un monstre. Elle n’avait jamais voulu écouter les théurgistes, persuadée d’avoir sa place auprès d’eux, mais à présent qu’elle faisait face à ce qu’elle était en train de devenir, à ce qu’elle avait toujours été, sa vision d’elle-même changea. Au niveau de son cœur, une lueur l’éblouit et fit exploser les miroirs. Elle voulut se protéger avec ses bras, mais les flammes le firent pour elle, réduisant en cendre les morceaux de verres.

Le halo sur sa poitrine s’engouffra à l’intérieur de son corps, les flammes prirent possession de son organisme, puis la chaleur se diffusa dans ses veines, l’électricité parcourra ses nerfs et le feu renforça ses muscles et durcit ses organes. Elles enveloppèrent son cœur dans l’optique de le consumer et Taylor ne résista pas. Elle n’en avait pas envie et sentait que si elle tentait, elle mourait. Elle ne cria pas alors que son cœur durcissait lentement et douloureusement, celle-ci était lointaine et petit à petit elle disparut et Taylor ne ressentit plus rien, tandis que son corps absorba l’intégrité des flammes sans laisser la moindre trace.

Devant elle se tenait toujours le démon qui l’attendait en silence, elle lui tourna le dos et s’éloigna pour retourner à la lisière de la forêt où, entre deux arbres, un passage s’était créé. Elle regarda par-dessus son épaule : le démon à l’origine immatériel se changea devant ses yeux en un être matériel. Deux orbites noires plongèrent dans ses yeux et un sombre sourire se dessina sur son visage brumeux. Taylor lui tendit la main et ensemble ils traversèrent le portail.